Des alternatives à l’évaluation scolaire
traditionnelle
Si vous n’êtes pas, d’avance ou après un
plus ou moins long pèlerinage professionnel, lassé de ponctuer sans cesse,
par des « notes » qui n’ont rien de musical ou de mélodique, des activités
et des parcours ou des acquisitions imposés à des esprits (et cependant
incorporés) qui vous sont institutionnellement confiés, alors ne vous
risquez pas à lire ce chapitre. Passez dignement votre chemin de « bien-notants ».
Mais si le désir vif vous prend de sortir
de tout ce qui devient machinal, et trivial sinon perverti, dans les
gestes de repérage, d’orientation, d’acquiescement ou de refus,
d’encouragement ou de regret (sinon de gronderie), voire (au pire,
imprudemment) de stigmatisation, dévoluée selon des chiffres aux
productions ou prestations requises de vos élèves zélés ou à leurs êtres
mêmes (respirez ici !), alors, prenez le risque de vous aventurer, avec un
air futé, dans les lacis autour des massifs d’essences multiples, qui
conduisent au délicat chevet de la « Belle (évaluation) au Bois Dormant »
Coter et compter
Au moins, si vous croyez que les Contes
nous mènent aux bons comptes : Et qu’ils peuvent élargir la générosité de
nos accompagnements des jeunes pousses dans leurs apprentissages en
agrandissant les bons côtés (et bas côtés) du « Noter » par ceux du grand
« Coter » (et pas seulement en « Bourse »).
Car évaluer serait-ce seulement possible
par des façons et modes de notes, en donnant des chiffres étalonnant des
actes et des prestations ? Nous le croyons souvent (sinon
systématiquement ?) : par habitude ; par remise à quelque sens commun
pressant et obsédant, tétanisant ; par l’inertie des routines
tranquillisantes ; par absence de perspectives, autres, qui ne sont pas
traditionnellement ouvertes. Mais jamais par simplisme !
Mais contrairement à ces pesanteurs bien
françaises, eh bien, osons d’abord situer clairement l’opération de noter
parmi ses cousines de cotes : il serait avisé de tirer quelques jour des
applications consenties dans le vécu scolaire et cognitif, mais que chacun
ou certains utilisent déjà parfois (ne serait-ce que dans la finesse
motivante d’appréciations annotées extérieurement au petit monde du
chiffre !).
Sans nous perdre dans une revue
approfondie, exhaustive, de la pluralité des modalités de cotation,
mise à l’écart ou à part de l’usage de notes qui en fait partie,
esquissons quelques ramifications benoîtes qui tiennent la cote.
Variété des formes de cotes
Allons, en premier lieu, du côté des
localisations brèves, ou marquages nets, de potentiels décelés ou de
résultats constatés. On peut coter : entre des lettres (A, B, C, D, E,
formes appréciées outre-France) ; parmi des « très bien », « bien »,
« moyen », « passable », « faible » sur des listes de reconnaissance (ou
« d’admission ») ; par des comptage de vote à main levée : dans des
tableaux (à double entrée ou non) ; sur des « cibles » indicatives (ou des
« marguerites » de spécification !) ; sur des graduations lisibles (en des
« thermomètres » d’intérêt marqué ou de difficultés rencontrées) ; sur des
« bilans » condensés en « points forts » et de « points faibles » : entre
autres. N’avez-vous jamais eu la fantaisie de recourir à l’une ou l’autre
de ces formes ?
Si on se place du côté des mensurations
plus détaillées, la cotation peut assurément s’effectuer en
« encerclant », en « cochant » (cochon qui s’en dédie !), en « cliquant »
ou en biffant (sans rebiffer), des cases ou des lignes sur des
référentiels ou des profils cadrés, modélisant géographiquement, de la
sorte : des caractères ; des contours professionnels ou culturels : des
cartes de compétences ou de savoirs ; des choix et/ou des objectifs ; des
savoir-faire ; des types de qualités et d’expériences. etc… N’y avez-vous
pensé ?
Dans le cas de cotation en acte, en vue
de vérifier, illico, mais non pas presto, des possibilités latentes en des
individus, on peut tabler sur un pourcentage défini de « bonnes réponses »
à une série d’interrogations ou interpellations réparties dans des
questionnaires ou des tests doctement validés : par exemple, le bien connu
« questionnaire à choix multiple » (QCM) ; le non ignoré « QI » et son
conjoint « QE » (intelligence et émotivité en « quotients ») ; sans
oublier des répartitions statistiques de mesures selon des
« « écarts-types » ; des « quartiles » et autres affinements
probabilistes. En avez-vous l’usage, à petite ou académique ou nationale
échelle ? Est-ce profitable alors ? Mais oui !
Il reste que la cotation peut encore être
marquée par l’utilisation symbolique de formes ou objets, en signification
de distinction, de mérite (« émérite »), de satisfaction, de réussite,
aussi bien en normalité qu’en exception éventuelle : « bons points »,
« belles images » ; « étoiles » ; badges ; félicitations officialisées ;
ouvrages offerts ; décorations ou titres décernés… En aurez-vous été
bénéficiaires ou initiateurs voire décideurs ?
Mais laissons ce rappel, ou cet
égarement ?!, perpétré sur la pluralité des cotations disponibles pour les
bons goûts ou les bonnes volontés novatrices. Et revenons à notre
incoercible solution « notatoire » (Y aurait-il eu, en notre hexagone, la
greffe d’une « vessie notatoire » ?!!). Nous aurions tort de croire,
indépendamment des facilités et des apparences d’objectivité qu’elle
procure, qu’elle ne se permet pas elle-même de se ramifier en juste
complexité : en sorte de nous permettre, si l’on veut bien !, conjurer les
risques de monotonie et de banalisation et surtout d’imperfection et
d’injustice qu’un usage restrictif des formes de notation peut comporter.
Sachons oser une variété, enrayant les routines éculées, et les trompeuses
précisions non suffisamment relativisées. Courage !
Sortir de la note sur 20
Car enfin, sera-t-il, un jour,
possible de sortir de l’impasse d’une note de 9,23/20, ,fixé tout de go
impérialement à visée d’impasse pour l’élève mais aussi pour
l’enseignant ? Car, quel sens peut-on donner à cette hyper-précision, si
ce n’est qu’elle ne se dévalue d’elle-même ; sa détermination
quasi-scientifique n’est que formelle et rien ne peut, en doutez-vous ? la
différencier dans les faits d’un 8, 85 ou d’un 10.01, tant que nous y
sommes. Son seul effet est d’inviter à la comparaison publique, qui peut
être ambiguë ou dissuasive pour certains inutilement. Il en est de même d
classement au mérite sur des bases beaucoup trop fragiles et difficilement
justifiables, et fondé sur la compétition individuelle, souvent délétère
dans une classe.
La note « parle » : elle donne
ainsi des renseignement précieux…. sur l’enseignant lui-même : car il
croit pouvoir y exprimer, en toute bonne foi, la rigueur de sa méthode, la
justesse chirurgicale de son expertise, le pouvoir discrétionnaire et
imprescriptible, mais responsable : tout en cachant ou oblitérant sa
subjectivité et ses choix inconscients d’humeur, à défaut de barème
(national ?) de référence.
Nous doutons cependant que ce type de métrologie puisse aide efficacement
l’élève dans son travail.
Et néanmoins, la pratique de
la notation sur 20 semble à présent arriver, avec la technologie des
tableurs et des progiciels d’aide à la décision des conseils de classe, à
des excès qu’il importe de dénoncer. Car la même production du même élève
recevra une valeur assez différente par tout autre professeur. Nous avons
un habillage de type scientifique pour une démarche qui relève bien plus
d’une pratique sociale toute relative, la docimologie, discipline
d’origine française, prévenant sur des risques de fausses précisions et de
dissuasion injuste, sera—t-elle connue, reconnue, enseignée, consultée en
France ? Oseriez-vous l’espérer ?
La notation sur 20 rend compte
finalement de l’impossibilité pour l’enseignant qui la pratique
universellement, en tout lieu et en toute circonstances, de penser
autrement, sinon en cachant routines et mouvements d’humeur, le
compte-rendu de son évaluation. C’est donc par défaut que la notation
s’exprime et renforce son habillage techniciste, afin d’éviter toute
contestation potentielle. Comme un fait qui voudrait s’imposer,
irréductible, réalité intangible puisque chiffrée, entraînée dans une
inertie à une monotonie redoutable.
Mais puisqu’on y tient en
France, alors nous vous proposons, dans la continuité de l’étude sur la
variété requise des points d’appui et des ressources pour
l’enseignant, quelques autres pratiques possibles de restitution de la
valeur d’un travail écrit ou oral, qui nous semble plus performantes que
la pratique scolaire traditionnelle.
Il s'agit d’élaborer en une
vue panoramique les multiples possibilités de construction d'une note sur
20 ou sur 100, en vue de qualifier ou estimer un travail, un projet, une
copie, une réponse, une prestation orale ou écrite, un dossier etc... (en
compétition ou hors compétition). Regardez avec quelque dessein ou au
moins avec une curiosité affable.
Vue panoramique des
notations
Nous allons avoir à nous
déplacer en une première façon de faire et une 22ème ou 23ème
manière distincte ou autre. Nous le ferons souvent en la forme
interrogative si habituelle à notre culture du questionnement incessant,
sinon immodéré, alors que toute question devrait être mûrement élaborée.
Commençons par une première question :
Rajouter des numéros au chapitre. |
Je sais le faire |
J’essaierai un jour |
J’essaie aujourd’hui |
Que pensez-vous d’une estimation globale au jugé, à vue de nez,
« au pif », pour l’ensemble d’une prestation : en deux coups (ça va,
ça va pas ?) ou en trois (bien, moyen, nul) ? |
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o |
o |
Pourriez-vous vous contenter d’appréciations concentrées sur un
élément partiel volontairement pris en considération, en pédagogie
avisée, ou pour une évaluation différenciée ajustée à chaque élève ?
Vous donnerez la permission d’en faire usage ? |
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o |
o |
Serait-il opportun de vous astreinte à une soustraction à 20 ou à 100
du nombre d’erreurs relevées, avec ou sans référence à un barème
personnel ? Ou alors en ayant annoncé « la couleur », d’avance à la
classe. Affaire à suivre ? |
o |
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o |
Ou bien choisiriez-vous une addition à 0 ou à 50 de points
positifs relevés ou non par référence à un barème communiqué ? Mais
serait-ce trop dur pour vus d’oublier les erreurs, les « fautes » ? |
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o |
o |
A
moins que ce ne soit pas un mode d’addition et de soustraction :
appliqués à 10 ou à 50, 100, sans référence à quoi vous vous
appliqueriez, évitant toute perplexité,voire… |
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o |
Autrement fait, proposeriez-vous à vos élèves une sommation de
notes partielles établies pour les différentes parties d'une même
copie ou prestation ou dossier, selon des critères explicités ;
par exemple, la: compréhension du sujet, la logique, la pertinence du
plan, la clarté du style, l’argumentation, la qualité des références,
mais aussi l’originalité, le travail, l’exactitude des opérations ou
calculs, le raisonnement, la valeur des graphiques ou schémas ;
ou
encore intérêt des exemples présentés, l’écriture, l’orthographe, la
présentation, la concision, la précision, la complétude, l’ habilité,
la communicabilité, la correction formelle etc...)
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Auriez-vous recours à des moyennes de notation diverses appliquées à
différents éléments, parties, exposés, exercices ou épreuves aux
coefficients spécifiques ? OU bien, optez-vous pour une fixation à
partir d'une idée intuitive de la moyenne accessible pour une
production ou prestation donnée |
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Pratiqueriez-vous peut-être déjà une notation bienveillante,
accompagnant chaque élève, établie pour une masse d’épreuves et de
productions faisant application d’une courbe en J (peu d’échecs et
dominante de succès ?) |
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Ou plutôt, et plus classiquement, préférez-vous une notation effectuée
en répartissant des copies ou des prestations en trois lots, (une
fraction de bons, une large moyenne, et un lot nécessaire
opportunément mauvais), en application discutable de la courbe de
Gauss, valable uniquement sur des très grands nombres d’éléments
indifférenciés. |
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Vous adviendrez-t-il d’adopter une application sélective de la courbe
en L, c'est-à-dire de ne reconnaître que peu de réussites et de
consacrer pour le plus grand nombre la médiocrité et l’échec ?:
certains ne croiraient-ils pas tirer de cette pratique une fierté de
professeur de haut niveau, fidèle officiant de leur discipline ? Sans
remords… |
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Suivant des convenances outre-atlantique, auriez-vous tenté une
notation traduisant en chiffres le pourcentage de réponses exactes à
un questionnaire à choix multiples (QCM), ? largement en usage dans
les études de médecine Une telle forme sur ordinateur
n’économiserait-elle pas les astreintes de correction d’évaluation que
les enseignants s’imposent et restrictives pour les élèves ? |
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Vous référez-vous seulement ou de préférence à un contrôle continu,
pratiquant une péréquation de notes, c'est-à-dire une moyenne de
moyennes de moyennes, et trop rarement des accumulations de points ? |
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Vous est-il arrivé de demander aux élèves de s’auto-évaluer sur une
tâche ou sur une prestation, en responsabilité, voire sur la
progression d’un trimestre, mais aussi rectifiant après discussion
avec l’élève chaque note proposée en vue d’aboutir à votre
évaluation professionnelle ? Cette procédure permet de rendre l’élève
davantage responsable. |
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Avez-vous demandé à vos élèves de travailler par équipes pour fixer
des notes en co-évaluation de leurs prestations personnelles dont les
résultats pourraient être ensuite commentés dans la classe ? Cela
permettrait de préparer les élèves à comprendre les exigences de
l’évaluation et de la notation ? |
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Penseriez-vous aussi à donner une notation portant sur la qualité
d’une auto-correction d’un élève ? Pourquoi pas sous la forme de « bonus »
dans le résultat final ? |
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Avez-vous pratiqué des croisements de copies en complémentarité avec
des collègues de votre discipline en vue d’exercer un équilibre et une
régulation de vos notations propres ? Cette pratique ravit les
élèves, par seul effet de variété ; elle « ouvre » l’intimité. |
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Peut-être vous serait-il arrivé de participer à une péréquation et à
une notation qui auraient été données par des experts consultés mais
sans relation entre eux ? |
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Utiliseriez-vous la référence à une moyenne définie autour de laquelle
vos notations oscilleraient suivant les satisfactions obtenues, étape
par étape, en référence à des exigences spécifiées d’emblée ? |
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Privilégiez-vous une notation valorisant le degré d’exactitude de l’auto-appréciation
par l’élève de ses réponses dont un élève témoignerait ? Vous
introduisez ainsi au sentiment de la relativité et à l’expression
éprouvée d’une certaine complexité. |
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Pencheriez-vous à attribuer des notes à partir d’un échelon
d’exactitude atteint exercice par exercice le long d’une échelle de
progression ? Ne peut-on s’intéresser à des modalités mises en valeur
dans le cadre de la natation ou de ski, que l’on retrouve adaptées
d’une certaine façon dans le domaine linguistique comme le CECR ? |
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Enfin, avez-vous déjà utilisé une la détermination de notes en
fonction d'un barème de notation, élaboré en négociation avec les
élèves ou apprenants à partir d'un tableau de critères, établissant
même des profils différenciés. |
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En final, vous est-il
possible, et cela vous tenterait-il, d’utiliser plutôt que la notation,
des formes variées de cotation, souvent plus réalistes et davantage
motivantes pour les élèves ?
Et, en final de final, la
motivation des élèves au travail est-elle un objectif pertinent pour la
mise en œuvre de l’évaluation, princesse encore endormie, oui ou non ?
D’après de André de Peretti, Encyclopédie de l'évaluation et de la
formation, Paris, ESF, p.33 sq., 1998, disponible sur le site
DIVERISIFIER
Méthode dite DELPHI,
La méthode Delphi a pour but de mettre en évidence des
convergences d’opinion et de dégager certains consensus sur des sujets
précis, grâce à l’interrogation d’experts, à l’aide de questionnaires
successifs. L’objectif
le plus fréquent des études Delphi est d’apporter l’éclairage des
experts sur des zones d’incertitude en vue d’une aide à la décision.
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