L'écoute
Septembre 2003
http://www.ac-nancy-metz.fr/casnav/edcit/edcit_ecoute.htm
Qu'est-ce qu'écouter ?
L'écoute de soi
Les niveaux d'écoute
Les obstacles à l'écoute
L'écoute dans une situation individualisée
Les processus d'écoute
Qu'est-ce qu'écouter ?
J.
Salomé : « Ecouter, c'est accueillir ce qui s'exprime sans porter de
jugement, en tentant de comprendre le monde intérieur de l'autre dans son
système de références à lui. Ecouter activement, c'est permettre à l'autre
d'en dire plus et de s'entendre lui-même (lorsque je reformule ce que j'ai
entendu ou ce que j'ai compris de ce qu'il a dit)...Pour écouter, il me faut
d'abord me taire, faire taire ma réactivité qui est le principal obstacle à
l'écoute. Si ce que dit l'autre me touche, en moi vont se bousculer des
besoins de m'exprimer, d'expliquer, de convaincre, de porter un jugement, de
dire mes sentiments ou mes idées. »
En
conséquence, pour écouter l'autre, il faut être à l'écoute de soi.
L'écoute de soi
1) Comment la définir ?
Être à
l'écoute de soi :
- c'est
être attentif à reconnaître ses sentiments, ses émotions face à l'autre
(personnel de direction, collègues, élèves, parents) ;
- c'est
apprendre à maîtriser sa réactivité ;
- c'est
parvenir à se libérer de ses peurs.
2) Comment y travailler ?
Se dire
par exemple que :
a) si
le comportement ou les paroles d'une personne suscite en moi des émotions,
des sentiments parfois violents et donc des réactions elles aussi violentes
(colère, peur, haine...), c'est qu'elles ont touché quelque chose de
vulnérable (mes peurs, mes croyances...).
b) si
je refoule mes sentiments et ne les regarde pas en face, cela provoquera des
inhibitions qui feront écran à l'écoute de l'autre (si je suis encombré par
mon ressenti, comment puis-je être disponible aux problèmes de l'autre ?).
c)
reconnaître mes sentiments permet de me les approprier (ex : si je suis déçu
par un élève, c'est peut-être parce que j'ai trop investi sur lui , le
décalage entre mes attentes et le comportement de l'élève risque d'être vécu
comme une agression personnelle qui peut engendrer des réactions de rejet,
de colère envers celui qui est à l'origine de ma frustration).
d)
repérer mon propre fonctionnement va m'aider :
- à
être plus lucide dans mes comportements ,
- à
prendre de la distance envers eux ,
- à
m'accepter tel que je suis et avec mes limites ,
- à me
libérer de mes peurs ,
- à
devenir plus tolérant et plus juste.
e) je
ne suis responsable que des sentiments que j'éprouve et des attitudes que je
mets en place face à l'élève.
« Pour être éducateur, l'enseignant doit être présent avec son intellect,
mais aussi ses sensations, sa sensibilité et ses émotions. Il doit pouvoir
vivre et communiquer ses peurs. Cela ne va pas de soi... Dans l'ignorance du
« jeu intérieur » des élèves, l'éducateur doit se pencher sur le sien
propre, le seul auquel il ait accès. Il a à reconnaître ses désirs, ses
besoins de séduction ou de pouvoir, ses sentiments de culpabilité, ses
peurs. » (P.Ducros)
Les niveaux d'écoute
Selon Jacques Salomé
1- Le
niveau des faits : ce qui s'est passé : les événements, les paroles dites.
« je me suis levé et je l'ai insultée. »
2- Le
niveau du ressenti et du vécu : comment l'élève a vécu cela, ce qu'il a
éprouvé dans la situation.
« Quand elle m'a dit que j'avais triché, j'ai eu la rage car c'était
injuste... »
3- Le
retentissement ou la résonance : ce à quoi cela l'a renvoyé dans son
histoire, car tout vécu résonne sur un autre plan plus ancien et renvoie
l'élève à des expériences gravées dans son passé.
« Ca continue, je serai toujours nul ! »
Les obstacles à l'écoute
a) la
directivité : l'enseignant prend la direction de
l'entretien, mène la conversation et ne laisse pas de place à l'élève. Il ne
lui permet pas de s'exprimer. L'enseignant est centré sur lui-même avec un
désir de contrôler ce qui va se dire.
b) la
préoccupation d'obtenir des résultats immédiats :
l'enseignant a un désir, un projet sur l'élève : « je veux que tu
changes de comportement dès le prochain cours ». L'échange va être axé
sur les solutions au lieu de tenter d'abord de comprendre ce qui est en jeu
dans le comportement de l'élève.
c) la
réactivité : dans ce cas, le comportement agressif,
contestataire de l'élève touche l'enseignant et il réagit au lieu d'agir. Il
devient dépendant du comportement de l'élève, il se place là où l'élève veut
l'entraîner. Il ne cherche pas à comprendre pourquoi il se sent provoqué ni
quel message se cache derrière le comportement de l'élève.
d) la
non-authenticité : l'enseignant se protège en restant
inaccessible ; il reste dans son rôle d'enseignant, en masquant la dimension
humaine de sa personne. Il s'arrête à ce qui est dit, il ne retient que les
faits sans tenir compte du ressenti de l'élève.
L'écoute dans une situation
individualisée
Pour
communiquer il est nécessaire :
- d'identifier à qui appartient le problème,
- de mettre en œuvre des attitudes appropriées.
A) Deux types de problèmes (selon
T. Gordon)
1 - Les
problèmes qui appartiennent à l'enseignant :ce sont ceux qui l'empêchent
concrètement de satisfaire son besoin d'enseigner. « Aurélie et Sandra
passent leur temps à rire au fond de la classe ».
Des
indices traduisent que c'est l'enseignant qui a le problème : il ressent
déception, irritation, colère ; ce qui peut entraîner une certaine tension
nerveuse si le problème n'est pas pris en compte.
2- Les problèmes que vivent les élèves, qui leur
appartiennent, et qui ne dérangent pas directement l'enseignant (exemple :
Frédéric est souvent seul dans la cour ; il n'a pas de copain).
Des
indices traduisent que c'est l'élève qui a le problème : il se montre par
exemple préoccupé, triste, incapable d'apprendre, absent... Dans ce cas,
l'enseignant peut inviter l'élève à en parler avec lui, en proposant un
entretien que l'élève peut accepter ou refuser.
B) Les attitudes appropriées
1- Dans le cas de l'entretien avec
un élève qui pose problème à l'enseignant.
a)
Caractéristiques
- c'est l'enseignant qui est demandeur,
- les premières paroles sont primordiales : si
l'enseignant aborde l'élève en critiquant son comportement (exemple :
« tu perturbes toute la classe » ), celui-ci se retranchera dans sa
position défensive et n'écoutera plus l'enseignant.
Il paraît préférable d'aborder l'élève en ces
termes : « Qu'est-ce qui se passe en ce moment ? » Cette façon
favorise l'expression de l'élève avant tout positionnement de l'adulte. Elle
permet à l'enseignant de prendre de la distance par rapport à son problème.
b )
Phases du dialogue
- l'enseignant pose une question ouverte,
- il écoute ensuite l'expression de l'élève pour
comprendre les raisons pour lesquelles il agit ainsi,
- l'enseignant reformule ce que l'élève vient de
dire pour s'assurer d'avoir compris correctement ,
- l'enseignant se positionne : il communique à
l'élève ce qu'il ressent, en utilisant le « message JE » et en
précisant en quoi son comportement est un problème pour lui. « Je suis
gêné par ton attitude car je dois m'interrompre sans arrêt dans mon cours. »
c)
Savoir-être de l'enseignant
- il se situe face à l'élève en tant que personne
car le dialogue suppose aussi une capacité à se définir,
- si l'élève perçoit ce que l'enseignant vit, ce
qu'il ressent, et si l'expression de ce dernier ne comporte aucun jugement
de valeur le concernant, cela peut l'aider à abandonner des attitudes
d'opposition et à assumer la responsabilité de ses comportements.
- le dialogue n'a de sens que dans la recherche
d'une compréhension mutuelle où chacun peut se faire entendre et comprendre.
2- Dans le cas de l'entretien avec
un élève dans une relation d'aide.
a)
définition de l'aide
- action d'intervenir en faveur d'une personne
en joignant ses efforts aux siens.
b)
caractéristiques de l'aide
- l'aidant reste en retrait : il laisse la place
principale à l'élève ;
- l'aide nécessite la mise en œuvre d'un cadre :
éviter l'entretien dans l'urgence ;
- le lieu : calme, clos, discret, aménagé pour
favoriser l'échange ;
- le moment ; l'élève et l'enseignant doivent
avoir du temps devant eux ;
- la durée : la préciser à l'avance : l'objectif
de l'entretien (clair, annoncé au départ) ;
- l'accueil : mettre l'élève en confiance :
sourire, gestes d'invitation, manifester respect, compréhension ;
- le silence : il est une forme de communication :
éviter d'interrompre trop tôt un silence ;
- être attentif aux silences de l'élève (gêne ou
réflexion ;
- la discrétion : l'aidant doit garder les secrets
confiés par l'élève (confiance) ;
c) les
attitudes interpersonnelles de base dans une relation d'aide (attitudes de
Porter)
Plusieurs attitudes sont possibles : certaines favorisent le dialogue, d'
autres bloquent l'échange.
-
L'attitude d'évaluation : jugement des faits et gestes de l'élève selon des
normes et des valeurs « Tu ne travailles pas, tu es un paresseux ! »
L'élève peut :
- se sentir coupable
- se trouver infériorisé
- se soumettre au jugement de l'enseignant
- se rebiffer, se révolter
-
L'attitude d'interprétation : déformation et traduction tendancieuse des
actes de l'élève « Tu dis que tu ne comprends rien mais tu ne fais
aucun effort pour travailler ! »
L'élève peut se sentir incompris.
-
L'attitude de suggestion : conseils en décalage par rapport au problème de
l'élève « Tu n'as qu'à aller en soutien ! »
L'élève peut donner un accord de
principe (pas d'adhésion réelle qui lui permettrait de trouver une solution
plus adaptée).
-
L'attitude d'investigation : interrogatoire qui ne donne pas à l'élève
l'envie de répondre (questions fermées) « Où fais-tu tes devoirs ? Les
fais-tu dans le silence ? Combien de temps travailles-tu ? »
Ces détails ne sont pas forcément
importants pour l'élève ; ce questionnement ne le responsabilise pas et ne
l'aide pas à s'auto-analyser (dire plutôt : « Qu'as-tu à dire sur ce qui
vient de se passer ? »)
-
L'attitude de support, de soutien : apporte consolation et encouragement
mais minimise les sentiments de l'élève. « Ne t'en fais pas, ça ira
mieux dans un mois... »
L'élève ne se sent pas reconnu car il
peut avoir le sentiment que son problème n'est pas pris en considération et
qu'il est banalisé.
-
L'attitude de compréhension : écoute (empathie rogérienne). Elle se
caractérise ainsi :
- accueillir ce que l'élève exprime sans porter de
jugement ;
- appréhender le problème posé tel qu'il est vécu par l'élève ;
- percevoir le cadre interne de l'autre ;
- être attentif à la personne de l'élève dans sa globalité : mots, faits,
attitudes, sentiments.
L'outil
essentiel est la reformulation : redire en d'autres termes, de manière plus
concise et plus explicite ce qui vient d'être exprimé à un triple niveau :
- le contenu manifeste : les mots, les paroles
dites ;
- le contenu latent : ce qui est dit implicitement
; ce qui est sous-entendu ;
- le comportement non verbal : ce qui est dit par
le ton, les mimiques, les attitudes.
Dire
par exemple : « A ton avis », « Ton sentiment est que... », « Tu penses
que... », « Ce que j'ai entendu dans ce que tu viens d'exprimer »
L'élève
- sait si son message a été compris
- approfondit ce qu'il pense
- prend conscience de ce qu'il ressent
- donne un nouvel éclairage à son vécu
- prend de la distance par rapport à son
problème
L'enseignant
- vérifie si sa perception du message est conforme à ce que l'élève a voulu
exprimer
- évite d'interpréter le message de l'élève
- ne porte pas un jugement sur ce que l'élève a exprimé - donne à l'élève le
sentiment qu'il est entendu et accepté.
La relation d'aide tient plus à une manière d'être qu'à un
savoir-faire.
Les processus d'écoute
1) L'écoute est un climat
L'écoute n'est pas d'abord une pratique d'entretiens individuels mais
l'intégration, par l'enseignant, d'attitudes qui créent une ambiance, un
climat relationnel et d'apprentissage dans le groupe classe.
Ce
climat se manifeste :
- dans la relation entre le professeur et ses
élèves ;
- dans l'interaction entre les élèves ;
- dans la relation entre les élèves et les objets
de la connaissance.
Note : Aspy et Roebuck, deux chercheurs
américains, ont établi un parallèle entre les qualités de respect,
d'authenticité et de compréhension chez l'enseignant et les résultats des
élèves : quand ces qualités augmentent, les élèves se portent mieux, du
point de vue de l'apprentissage (résultats scolaires meilleurs, activités de
réflexion plus fréquentes, assiduité aux cours plus régulière) et du point
du vue personnel (moins de problèmes de discipline, meilleure image de soi,
meilleure sociabilité).
2) L'écoute est le reflet
d'une attitude
Autant
qu'aux paroles, les élèves sont sensibles aux attitudes et à la cohérence
entre les paroles et les attitudes.
Les
attitudes qui blessent et qui bloquent :
- l'injustice,
- le jugement sous forme de punition, de
comparaison, de paroles qui rabaissent, d'hypothèse négative sur les
capacités, le jugement lu dans les yeux. « Toi, tu es nul. »
- le manque de considération, de respect ou
d'intérêt. « Tu travailles vraiment moins sérieusement que ta sœur. »
- le non respect du rythme ou de la situation de
l'élève. « Mais dépêche-toi, qu'est-ce-que tu es lent ! »
Les
attitudes qui encouragent :
- les encouragements en paroles ( paroles de
réassurance, de soutien, compliment)
- l'invitation à continuer.
- la mise en confiance.
Les
élèves sont en demande d'un mode relationnel basé sur le respect et la
reconnaissance. L'écoute instaure un climat qui permet de construire
ensemble et non de se battre les uns contre les autres.
3) L’écoute est un regard positif
- il
laisse de l'espace à l'existence de l'autre.
- il
prévient l'exclusion (provoquée par la peur du jugement et le sentiment
d'échec.)
- il
engendre la dynamique d'une classe qui se construit en communauté
d'apprentissage.
- il
accueille l'élève tel qu'il est (c'est une attitude qui permet d'exister
sans conditions de valeurs), intègre la confiance dans le potentiel de
développement et ouvre un espace à la véritable autonomie.
4) L'écoute est une
recherche de compréhension
La
compréhension « empathique », est une compréhension de l'intérieur du point
de vue de la personne : de ses idées, de ses valeurs, de son expérience. Il
s'agit de saisir le « cadre de référence » de l'autre et de comprendre ce
qu'il dit et vit, en le rapportant à ce cadre qui donne la signification des
paroles et des émotions.
5) L'écoute est une
présence authentique
L'authenticité ou « congruence » est un concept qui peut être compris comme
un accord avec soi-même, comme un accès laissé à la réalité du ressenti
intérieur pour soi même et pour l'autre. Il s'agit d'une transparence,
relative certes, qui permet à l' élève la sécurité d'être en relation avec
la réalité de l'humain chez son enseignant, et à son tour de s'ouvrir à la
réalité de l'humain en lui.
L'enseignant est une personne humaine, avec ses doutes, ses questionnements,
ses certitudes.
Etre
authentique c'est être réel. Si l'expression ne correspond pas au sentiment
intérieur, le contact a quelque chose d'insécurisant : l'enfant ne possède
plus de repères valables sur lesquels se fonder. « Que pense vraiment
mon enseignant ? »
6) L'écoute permet de
maintenir l'exigence, le cadre, la loi
- La
compréhension n'est ni le laisser-aller, ni le laxisme.
-
Quelle est la limite de l'acceptable ? Qu'est-ce qui est acceptable et pour
qui ?
- Il
faut poser les différents cadres et dans la classe, réfléchir au champ de ce
qui peut être élaboré ensemble.
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