L’effet
« Picasso » en formation ou dix leçons tirées de l’expérience de dix années
de pratiques en éducation et en formation d’adultes
François
MULLER, déc. 2009 - à compléter avec le Sudoku
de la formation
Loin
d’être un pastiche ou une copie,
l’oeuvre de Picasso est novatrice, créatrice; elle touche encore
aujourd’hui le regard de nos contemporains.
Cette
courte évocation de la création à la Picasso
nous invite à penser dans notre domaine propre de la chose éducative et
formative que toute innovation créatrice de notre temps ne peut que gagner
de bien connaitre son “genre” et son “style”, qu’il y a un intérêt élevé,
voire à présent stratégique, à étudier avec patience, les pratiques,
dispositifs et organisations, anciennes ou récentes.
C’est une
voie professionnelle qui pourrait nous aider à élaborer par exemple ce que
pourrait être le nouveau genre de la formation des enseignants.
Connaître son
« genre » par les maîtres
On ne
peut innover sans faire l’inventaire expert et collectif de l’existant,
Picasso s’est frotté quotidiennement à l’étude de ses maîtres, qu’il s’est
donné : copies, détails, visites, pastiches ; ce travail ressassé l’a
profondément formé et fait apparaître son propre style.
Alors, en
matière de formation d’enseignants, quels seraient nos références
partagées ? Ce domaine plus professionnel et moins public ne fait pas
l’unanimité ; la recherche est plus hasardeuse, mais quelques pépites
peuvent être dénichées ; personnellement, j’ai puisé auprès de trois sources
convergentes.
Elles ont
pour points communs de prendre leur légitimité, non tant dans le statut
prestigieux de tel enseigne, mais des expériences de pilotage de
dispositifs de formation ;
Un autre
point commun, c’est qu’elles ne sont pas « françaises » ; il m’a toujours
semblé intéressant de rechercher de l’expertise là où elle pouvait se
trouver ; or, le débat sur la formation des enseignants en France est
grevé depuis plus de quinze ans par des questions statutaires et
idéologiques, qui masquent en grande partie les processus efficaces en
formation. Nous avons perdus dix ans, non qu’il ne s’est rien passé, mais
que les énergies se sont épuisées en querelles stériles. Plus que jamais,
nous avons besoin d’innovation en formation.
Enfin,
dernier point commun : ces expériences s’inscrivent dans l’histoire
récente de pays, de systèmes éducatifs qui sont, comme nous, en
recherche de performances. Nous pouvons apprendre de leur expérience ; à
nous d’opérer les transpositions nécessaires, en une analyse plus
objectivée.
Quelques
éléments sur la formation des enseignants....
Nos amis
anglo-saxons, états-uniens certes, mais aussi écossais, néo-zélandais, ont
profondément revu leur système d’éducation et l’accompagnement du changement
des établissements ; ils ont pu conceptualiser, par l’analyse de la pratique
et la régulation des évaluations, dans une approche très pragmatique qui
peut les caractériser (à la grande différence de notre France éternelle),
une série de recommandations en forme de liste, dont je pourrais retenir
celle-ci.
La formation des enseignants
sera plus efficace si elle peut :
-
}
Proposer des
objectifs et des consignes clairs
-
}
Tenir compte de
l’intérêt des élèves
-
}
Proposer une
activité à l’image des activités accomplies dans leur métier
-
}
Représenter un
défi à relever
-
}
Utiliser des
stratégies de résolution de problèmes
-
}
Utiliser des
connaissances acquises dans différents domaines
-
}
Donner l’occasion
de faire des choix
-
}
Travailler sur une
période de temps suffisante
-
}
Conduire à un
produit fini
Former
les « acteurs », entre paradoxe et contraintes
La
deuxième évocation nous vient de l’équipe suisse de Genève qui sur plus de
dix ans s’est efforcée d’accompagner la « réforme » de l’école, incluant
l’approche par compétences pour les élèves et la formation des enseignants.
Les principes de l’accompagnement en formation des équipes sont directement
issus des expériences riches des terrains. Ici, Olvier Maulini
nous transmet les leçons qu’il tire pour former au mieux des acteurs du
changement, ce dont précisément nous avons besoin à présent en France :
Renoncer à la
pensée simplifiante
Expliciter les
intentions, les projets et les exigences de l’institution
Exiger
l’exigible
Attendre
(d’abord) le meilleur
Susciter le
questionnement
Travailler dans
un espace proximal
Multiplier et
différencier les approches
Privilégier des
formations interactives et l’analyse des pratiques
Construire la
compétence collective
Déléguer une
part de son pouvoir
Evaluer et
valider les acquis
Dix
défis pour les formateurs d’enseignant,
Enfin, à
la suite de Maulini, Philippe Perrenoud, dans un article puissant,
à revisiter pour chacun de nous, nous livre quelques prescriptions pour tout
responsable de formation, tout formateur, à prendre comme autant de défis.
-
Travailler sur le sens et les finalités de l’école sans faire œuvre de
mission.
-
Travailler sur l’identité sans incarner un modèle d’excellence.
-
Travailler sur les dimensions non réfléchies de l’action et sur les
routines, sans les disqualifier.
-
Travailler sur la personne et sa relation à autrui sans devenir
thérapeute.
-
Travailler sur les non dits et les contradictions du métier et de l’école
sans désenchanter le monde.
-
Partir
des pratiques et de l’expérience, sans s’y enfermer, comparer, expliquer,
théoriser.
-
Aider à
construire des compétences, exercer la mobilisation des savoirs.
-
Combattre les résistances au changement et à la formation sans les
mépriser.
-
Travailler sur les dynamiques collectives et les institutions, sans
oublier les personnes.
-
Articuler approches transversales et didactiques, garder un regard
systémique.
Construire
son « style » de formateur
Ce sont
de sérieux appuis, trois au moins pour bouger, pour penser et expérimenter
dans sa propre pratique de formateur, de responsable de formateur, de
formateur de formateurs.
Dix
principes actifs
En
relisant dix années consacrées à l’accompagnement des équipes, en formation
stricto sensu, mais aussi dans le cadre de l’innovation pédagogique et de
l’expérimentation de dispositifs en établissement, je tente un exercice
similaire en déterminant dix principes actifs dans les actions engagées :
Maja Denuda,
Francisco de Goya et Nu couché jouant avec un chat, Pablo Picasso (détails)
Succession Picasso, 2008 et museo Nacional del Prado,
Madrid
1.
Penser
global, agir local : le « développement professionnel » ou le développement
durable en formation
2.
Favoriser
la transposition ou le « non finito » en formation
3.
Filer la
métaphore ou la pensée analogique
4.
intégrer
la dimension subjective
5.
Organiser
le nécessaire enrôlement des acteurs
6.
S’attacher plus au processus plus qu’au programme
7.
Adopter
résolument l’approche « compétence »
8.
Construire des boucles d’apprentissage et non rêver à la linéarité idéelle
9.
Combiner
réflexivité et expérimentation
10.
Se
soucier de la traçabilité de la formation
1.
Penser global, agir local : le « développement professionnel » ou le
développement durable en formation
Nous
arrivons sans doute à la fin d’une certaine histoire de la formation
d’enseignant : le concept et les représentations héritées touchent les
limites de nos propres organisations institutionnelles et structurelles. A
l’instar de l’approche globale et systémique du développement durable,
certes nouvelle pour quelques-uns d’entre nous (en France), il est désormais
stratégique de promouvoir le concept de « développement professionnel »,
largement usité dans nombre de systèmes éducatifs amis et étrangers.
La
réflexion est infiniment plus large, qui prend appui sur les analyses
cliniques du travail (cf. Cnam par exemple en France), en identifiant les
processus d’apprentissage professionnel dans le cadre des « organisations
apprenantes ».
A cette
aune, la formation n’est qu’une partie d’un ensemble plus varié, plus
complexe, qui permet à une organisation et à ses personnels de remplir plus
efficacement ses missions. Le « développement professionnel » apparaît comme
un faisceau combinant formation collective et individuelle, mais aussi, co-formation,
auto-formation, participation à des réseaux, expérimentations et analyse
régulatrice, accompagnement par un ou des « amis critiques »,
déprivatisation des pratiques, régulation des situations par groupes etc…
Une école
qui apprend, ce sont des élèves qui réussissent. Focaliser dans une école,
dans un établissement sur la question de la formation des personnels, mais
aussi travailler sur les sentiments de bien-être et d’appartenance des
enseignants, c’est contribuer à la réussite des élèves. Dans quelle mesure
nos organisations et dispositifs de formation en France se soucie d’une
telle dimension, en couplant ces différentes modalités ? Les réponses ne
pourront pas s’organiser rue de Grenelle, mais bien à l’échelle de
l’établissement et de son pilotage, forcément participatif. L’efficacité
sera au prix de cette complexité accueillie, favorisée et assumée.
2.
Favoriser la transposition ou le « non finito » en formation
Les
travaux parfaits des banques d’items en évaluation, les documents
d’accompagnement des programmes, les publications des éditeurs scolaires
proposent des pratiques si ce n’est « parfaites », modélisantes, malgré
leurs auteurs ; ce peut être souvent le cas dans nos pratiques de formateur
où on observe une tendance à sur-préparer, rendant difficilement applicables
la chose dans la « vraie vie ». Ceci peut produire des effets fâcheux chez
nos collègues enseignants : en accroissant l’écart entre des « bonnes
pratiques » idéelles et la granularité de l’action pédagogique, ils peuvent
concourir à un certain malaise, avec la meilleure volonté du monde.
Pouvons-nous alors procéder à la manière du « non finito » :
expression italienne qui désigne l'état d'inachèvement d'une œuvre d'art. Ce
côté négatif de l'œuvre ne mérite l'attention que dans la mesure où il est
fortuit ou volontaire, regretté ou apprécié par l'artiste ou par son public.
Les sculptures de Michel-Ange et de Rodin illustrent parfaitement cette
notion : Michel-Ange parce qu'un grand nombre de ses sculptures sont
précisément inachevées, Rodin parce que le non finito est chez lui un
moyen conscient d'expression. Cet inachèvement a été la source d’inspiration
ultérieure et de création que Picasso a revendiqué, encore lui.
Dans quelle mesure la formation pourait-elle procéder de la sorte, en une
série d’études, en laboratoires de pratiques, où des documents ou
dispositifs d’école, d’établissement feraient l’objet d’études attentives,
comparées, critiques, afin de n’en retenir qu’une partie, et d’engager les
participants à une opération de transposition
et de contextualisation ? C’est bien solliciter leur créativité, leur
ingéniosité, leur connaissance du genre professionnel afin qu’ils peaufinent
leur propre « style ». Les médecins ne procèdent pas autrement… en
formation.
3.
Filer la métaphore ou utiliser la pensée analogique
Le
changement que connaît l’Ecole contemporaine, son « européanisation »,
l’élargissement du cadre de référence, l’approche et l’évaluation par
compétences, le renforcement de l’échelon local (« autonomie » et
contractualisation de l’EPLE), l’assignation aux performances scolaires,
l’introduction dans le référentiel métier de dimensions telles que
l’accompagnement personnalisé et l’innovation (ouf !), autant de
prescriptions qui n’ont rien d’une évidence ; il ne suffira pas d’une
prescription, même intelligente, pour une application « à la rentrée ».
Dans ce domaine, l’Institution nie ses propres besoins : il s’agit non plus
d’administrer de la pédagogie, comme nous l’avons fait depuis trente ans,
mais désormais rendre possible une « intelligence de la prescription ».
Cette
complexité « travaille » presque sismologiquement les organisations et les
métiers, les pratiques comme les valeurs des personnels ; la formation, au
sens générique du terme, peu importe son inscription statutaire ou
institutionnelle, reçoit pour mission fonctionnelle d’accompagner ce
changement d’envergure, en faisant d’abord travailler les représentations
professionnelles.
Il nous
semble que l’approche métaphorique,
ou la pensée analogique, sont des moyens puissants pour permettre une
appropriation conceptuelle par les personnels, assurément non formés, dans
leur formation initiale, à ces dimensions de l’organisation. Quand nos
astrophysiciens expliquent l’infinitude de l’univers et l’incertitude des
phénomènes célestes, ils ne procèdent pas autrement. « e muove ».
4.
Intégrer la dimension subjective
Même si
l’on peut évoquer par ailleurs la « technologie » éducative ou encore
l’ingénierie pédagogique, en formation, cela peut avoir du sens, nous
participons à une organisation profondément humaine, dont le matériau
premier, si l’on peut dire (les élèves) et les acteurs partagent le besoin
de « se » construire du sens ; toute volonté d’intervenir reste un
problème ; la dimension de l’acteur est indépassable, et cette élaboration
se construit en groupe, en situation et en formation.
Les
formations « descendantes », sous ce vocable, de type animation,
sensibilisation, mise en œuvre des programmes etc… passent pour être « de la
formation » alors qu’elles ne sont que le premier degré d’une appropriation
qui a peine à se construire par la suite. Ce travail du sens semble
difficile aux organismes de formation, initiale comme continue, dans nos
académies, car il sollicite trois conditions dépendantes les unes des
autres : du temps et de la continuité, de l’interaction et de la
confrontation, de la sécurité et de la confidentialité pour s’autoriser à
changer. Regardez vos catalogues et dispositifs de formation avec cette
grille d’analyse ; nous pourrons en reparler.
Intégrer
la subjectivité, c’est miser sur l’explicitation des pratiques, travailler
les implicites du métier, faire émerger des savoirs non-dits des équipes,
dans leurs expressions formelles ou informelles, forcément subjectives, pour
les accompagner à se construire du sens et se saisir de l’opportunité du
changement. Cela devient non seulement alors obligatoire, mais nécessaire et
souvent même… intéressant, pour peu qu’on y prenne du temps. L’expérience
clinique de l’accompagnement montre que des changements durables de
pratiques collectives s’étalent sur deux à trois ans.
5.
Organiser le nécessaire enrôlement des acteurs
Ecouter
toute sorte d’acteurs de notre système, c’est recevoir une impression forte
pour nous et questionnante pour notre système, un profond sentiment
d’isolement, de manque de reconnaissance et d’usure professionnelle ; cela
peut passer sous le terme générique de « malaise », qui masque cependant
plusieurs processus en jeu.
Cette
anomie dissout les liens individuels, comme l’organisation scolaire
elle-même peut émietter le travail (observez un emploi du temps) et
parcelliser les tâches, au moment où les textes invoquent en dieu tutélaire
le travail d’équipe et le conseil pédagogique. Temps, espaces
mais aussi énergies des personnels sont parfois saturés. J’ai connu
plusieurs établissements ou écoles, où il était matériellement,
physiquement, impossible que des personnels se croisent. Quand et comment
pourraient-ils se vivre, se voir et s’incarner en une équipe plus solidaire
et protectrice ?
C’est
pourquoi dans les temps et espaces de formation le concept comme les
pratiques de solidarité professionnelle et de travail coopératif s’imposent
en autant d’objectifs de formation générique, co-existant avec ceux plus
spécifiques de tel ou tel domaine, de tel ou tel discipline ; il s’agit bien
d’un besoin professionnel auquel nous répondons souvent par une pratique de
« cours ». Le décalage est immense.
Eprouver
dans un groupe vivant, « intelligent », l’implication de soi dans un rôle
assumé, analyser comment cette attribution « externe » et responsabilisante
parvient à solliciter ses propres ressources internes, estimer la valeur de
son travail au salut des autres ; ce sont de réels moments d’apprentissage
qui participe à la trans-formation (le jeu de mots est tentant). Tout le
monde aura appris, par les autres, pour les autres et avec les autres. Quel
message à l’adresse de nos élèves !
6.
S’attacher plus au processus plus qu’au programme
Depuis
plusieurs années, des équipes du primaire, ou leur directrice ou encore leur
conseiller pédagogique, nous sollicitent, qui pour combler un trou du
programme d’un « stage-école », qui pour l’assister dans l’élaboration du
programme de formation, où déjà quelques cases sont comblées par un ou
plusieurs intervenants IUFM, en fonction de leur propre « trou » (comme ils
disent, comprendre, liberté dans leur emploi du temps quasiment dédié à la
formation initiale).
Avant
tout programme, forcément prévisionnel et non prescriptif, la formation
s’ancre d’une part dans un objectif de changement (de quoi ? la question
n’est jamais bien posée), d’autre part dans un processus : en ce sens, elle
est une « aventure » qui peut se tenter, pour peu qu’il y ait un cap, une
carte et une boussole. Elle s’appuie sur des forces puissantes telles que
des apports externes, des ressources internes, des analyses de cas, des
élaborations collectives ; évolutive, si elle est dispose de durée
suffisante, et d’une réassurance des personnels pour « oser ».
Ainsi, si
la formation convoque des experts, que les personnels soient prêts à les
accueillir en ayant au préalable suffisamment fourbi leurs questionnements
sur les éléments à changer, dans un accompagnement souple et directif à la
fois. Processus, rythme, alternances de temps variés ; nous sommes loin de
la « grille de stage ».
7.
Adopter résolument l’approche « compétence »
Il y a
sans doute un défaut d’origine dans la pensée de la formation, tant des
élèves que des enseignants, les deux niveaux sont inextricablement liés,
celui de ne pas avoir construire le concept de compétence, suffisamment tôt
ou plus largement partagé. Les programmes disciplinaires ont peine encore à
s’harmoniser ; ce type d’approche fait débat, dans tous les niveaux de
décision ; les positions se sont durcies, des paroles étonnantes et
définitives sont prononcées ; la déstabilisation est certaine ; son impact
sur l’organisation tout autant.
Il aura
donc fallu attendre que le cadre lui-même change, même dans notre Education
nationale, comme bien d’autres domaines, c’est bien l’ouverture européenne,
les comparaisons internationales, toutes imparfaites soient-elles, qui
agissent comme un puissant levier sur une structure rigidifiée et
obsolescente (dirait-on dans le monde technologique).
La
formation peut ici jouer le rôle assignée dans toute autre organisation,
celui d’un accompagnement au changement, de préparation prévisionnelle des
personnels à l’approche compétence ; et d’abord en reprenant cette
élaboration du concept, en se l’appropriant pour soi comme pour ses élèves.
Ainsi, la
formation peut développer des ressources de nature variée (savoirs,
savoir-faire, opérationnels, savoirs sur l’environnement, savoirs sociaux,
ressources personnelles) pour pouvoir les combiner en situation et en actes
professionnels.
Il est important de démonter ce processus complexe et puissant avec les
enseignants afin qu’ils se saisissent de toutes les implications dans les
manières de conduire les apprentissages de leurs élèves, ce n’est pas autre
chose que…. La pédagogie. Nous sommes encore loin d’une formation orientée
« contenus » ou programme. Mais seule, la formation ne pourra former à la
compétence (voir les points ci-dessus).
8.
Construire des boucles d’apprentissage et non rêver à la linéarité idéelle
S’investir dans la formation renvoie à quelques éléments théoriques sur les
processus d’apprentissage ; suffit-il de connaître textes et règlements,
programmes et ressources pour les appliquer ? Longtemps, notre Ecole a
fonctionné sur ce modèle idéel, en faisant semblant d’ignorer la marge
d’interprétation et de choix qu’ont chacun des acteurs dans ce système ;
elle est réelle, quand on observe le fonctionnement de deux classes de même
niveau, de deux écoles de même quartier ; d’autres facteurs ou dimensions
plus cachées sont aussi agissants que la prescription.
La
formation peut permettre aux personnels de comprendre cet entrelac afin d’en
saisir tous les possibles. La difficulté professionnelle s’origine souvent
dans une unique manière de faire ; la richesse nait de la variété des choix.
Pour ce faire, l’analyse de l’existant est tout aussi primordiale que la
connaissance experte des cadres ; c’est ce « bouclage » qui permet
d’apprendre et de reconstruire, sans faire table rase. Cependant, ce
changement à pas progressifs sollicite une inscription dans le temps.
9.
Combiner réflexivité et expérimentation
L’accompagnement de nombreuses équipes, tous niveaux confondus, tous sujets
confondus, sur la durée nous renseigne sur la dynamique du changement des
pratiques et des organisations scolaires. Ce dispositif s’est construit
progressivement par le renforcement des équipes à penser et à conduire leur
propre dispositif d’auto-régulation, avec l’aide bienveillante et régulière,
mais légère, d’un « ami critique ».
Le processus fonctionne dans une articulation fine entre essais et erreurs,
analyse partagée et régulation méthodologique, formalisation écrite et
communication externe. Est-ce que les dispositifs de formation en l’état
s’inscrivent dans ce registre ?
Le
passage à l’acte, dans l’expérimentation collective, soutenue, analysée,
valorisée, s’avère moins coûteux en énergie mentale, et égal en temps de
« formation », mais contractualisé sur deux ou trois ans, quand tous nos
autres fonctionnements sont bâtis sur neuf mois.
10.
Se soucier de la traçabilité de la formation
A relire
patiemment les catalogues de formation, les thèmes des stages-écoles,
l’histoire de l’Ecole semble se réécrire par cycles, comme si rien n’avait
existé, et qu’il fallait tout reprendre. Les amnésiques n’ont pas de futur.
Tout acte
de formation, parce qu’elle forme au-delà des individus une profession,
s’inscrit dans un maillage existant, et participe d’une histoire vivante ;
en s’attachant à l’accompagnement d’un groupe, la formalisation écrite
s’avère encore plus nécessaire, pour les participants d’abord, dans un souci
de rendre compte ensuite, à ses collègues, à son chef d’établissement
ensuite, au réseau professionnel.
Sans
cette communication organisée, cela autorisera tout responsable à dire que
finalement il ne s’est rien passé, ou de faire tout comme. De la même façon
qu’il faut « boucler », il est tout aussi important de « coupler » les
systèmes, sous peine de défaut d’embrayage. C’est bien ce qui se passe à
présent.
Et dix
invitations créatives en formation
Au terme
de ce parcours, nous pourrions nous inspirer de Picasso, oser le copier,
oui, par transposition analogique, en proposant dix invitations en
innovation:
1. Il
n’y a pas de création sans passion et sans travail
2. Être en permanence à la recherche de la différence
3. Développer sa capacité à se remettre rapidement en question
4. Construire la connivence créative
5. Entretenir des réseaux créateurs d’innovateurs
6. Cultiver de multiples sources d’inspiration
7. S’ouvrir à l’intelligence du changement
8. S’inspirer des grands maîtres
9. Être un véritable sismographe de son « environnement »
10.Vivre avec humour et passion dans le monde d’aujourd’hui
D’après
Barbara Mac Combs, Mid.Continent Education laboratory Colorado, 1993
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