A corréler avec
Pour
une approche systémique de la formation et
Dix principes pour une formation
réussie
Le
Sudoku de la formation,
ou
recette pour organiser une formation réussie
Passion du Sudoku, et origine de la
technique
La passion récente pour ce type de jeu remonte à
des origines partagées.
On dit que ce jeu est apparu à la fin des années
1970 sous le nom de « Number place », dans un magazine spécialisé de
New York. Il a été repris, dans les années 1980, par un éditeur japonais, et
rebaptisé « Suuji wa dokushin ni kagiru », traduit littéralement par
« le chiffre est limité à un seul ». Ce nom a été réduit à SU DOKU,
c'est-à-dire, « chiffre unique ».
En fait, le Sudoku n’a rien à voir avec le calcul.
C’est un jeu de pure logique. Dans une grille traditionnelle, il y a neuf
cases dans chaque région ou carré, et on utilise les chiffres parce qu’il y
en a neuf.
Le Sudoku est universel : c’est ce qui lui
donne son caractère exceptionnel. Les mots croisés impliquent la
connaissance d’une langue écrite ; et ils sont impraticables avec (entre
autres) les caractères chinois. Tandis que tout le monde peut pratiquer le
Sudoku, sans connaissance particulière d’aucune sorte.
Intérêt de l’approche numérique combinatoire
pour la construction de la formation
Jouer avec des chiffres,
sans pour autant faire du calcul, jouer en logique combinatoire en
respectant la règle de la variété requise, en lignes et en colonnes. Voilà
un principe que nous pouvons ensemble étudier pour concevoir la formation
d’enseignants, par exemple.
La notion de clinamen
donne quelques indications sur la tendance à respecter : on ne plaide pas
ici pour des changements radicaux ou révolutionnaires. La référence au
clinamen montre qu’il est parfois utile de chercher ce qui est germinatif,
susceptible de pousser au changement sans provoquer des réactions de rejet.
Ne pas mettre en marche les réflexes immunitaires et défensifs de toutes
individualités, de toute institution humaine : c’est la précaution « rusée »
à observer.
Il importe d’observer
comme y invitait W. Thackerey (mort en 1863, auteur de Vanity Fair et
de Barry Lyndon), « qu’il n’est pas nécessaire de vouloir faire de
grands changements, mais qu’il importe plutôt de veiller à changer seulement
ce qui peut aisément l’être. »
Comme tout enseignant protège son mode
d’enseignement comme un trésor à la vue de tout autre regard extérieur, même
de son inspecteur pédagogique pour lequel il réserve une leçon modèle 89,
révisé 2005, le formateur est bien ignorant de ce que son autre collègue
formateur met en œuvre pour organiser une formation. Cela reste encore du
domaine du secret de fabrication, pour ne pas dissimuler au pire une
inaptitude à élaborer. In fine, il s’agit bien d’une compétence du formateur
à penser la formation.
Ayant eu à organiser nombre de sessions de
formations de formateurs débutants, j’ai constaté avec la constance de
l’habitude, qu’ils se trouvaient confrontés à l’angoisse de la « page
blanche ». Face à la nouveauté irrésolue (celle d’organiser une formation
pour la première fois), ils s’interdisaient toute pensée conceptuelle sur la
formation elle-même et fonçaient tête baissée sur la surabondance de
contenus. Oublieux qu’ils étaient experts, avec des élèves, de
l’organisation de situations d’apprentissage, qu’ils appliquaient la plupart
du temps une « matrice », relativement cohérente : ouverture et fermeture,
représentations et évaluations, temps d’investigations et de productions,
temps collectifs et temps individuels, variété requise des modalités et des
instruments.
Plus que tout autre moment d’apprentissage, la
formation, par sa relative rareté, par son unicité, par son caractère somme
toute exceptionnelle, obéit aux lois du genre. C’est une véritable histoire
qui se construit avec un groupe : il lui faut du temps, des méthodes, des
instruments adéquats, et un peu de recul pour sélectionner ce qui apparaît
comme important.
Ainsi, pour parvenir à une programmation, toujours
prévisionnelle, car l’histoire s’écrit en direct, en ajustement aux besoins
et aux groupes, et pour éviter de se laisser enfermer dans des limites qui
vous piègent, il me semble important et signifiant de déterminer quelques
éléments matriciels, que je pourrais proposer en une formalisation simple
dans un tableau à double entrée.
Des modalités variées d’acquisition de
ressources et d’élaboration de la compétence
En colonne, les modules types que toute formation
comporte en gestion du groupe, des relations, des modes de travail, par
exemple :
Type
de module
|
Apports |
Enquêtes
Recherches |
Laboratoire d’étude
Analyse de pratique |
Ateliers de créativité |
consultation |
Chacun de ces modules se différencie des autres
par la nature de l’activité et de l’engagement des formés ; ainsi, les temps
d’apports théoriques sont à la fois nécessaire mais ne sauraient se réduire
à la seule formation (c’est encore trop souvent le cas, notamment dans la
formation des cadres). Ce sont des temps courts, fondateurs d’un langage
expert et d’une culture commune, qui permettent d’avancer de manière
significative. L’exposé peut être ex cathedra, sans retenu. En citant les
sources et les points d’appui pour aller plus loin. Ces temps, tout
nécessaires qu’ils sont, doivent s’accompagner de phases d’études,
d’élaboration, d’appropriation, si la formation ne le permet pas, quand cela
alors sera-t-il possible ? Sûrement pas, en situation professionnelle.
Ces moments complémentaires sont à discrétion :
des temps d’enquêtes et de recherches, des temps d’études, des ateliers de
créativité, des temps de consultation. Prenez ici le temps d’explorer
chacune de ces possibilités dans le cadre de la formation professionnelle.
Les temps d’enquête et de recherche
En commençant par cette modalité, je sais que je
peux ouvrir quelques chemins encore inconnus pour nombre de collègues. La
formation est bien un temps à part, une véritable parenthèse ouverte, qui
autorise à toute sorte d’initiative. Et croire que la formation, tout comme
un cours devant élèves, se résume au seul face à face entre des formés et
une formateur reste un leurre grossier. L’autorité du formateur, c’est
autoriser, c'est-à-dire accroitre les capacités d’initiative et d’action des
formés. S’agissant de formation d’adultes enseignants, nous avons le devoir
de proposer des solutions permettant aux collègues d’aller requérir des
ressources, des études, un questionnement ailleurs. Pourquoi ne pas inscrire
dans le cadre de la formation la procédure de consultation et d’entretiens
auprès d’autres types de professionnels qui ont des choses à nous dire, à
nous transmettre sur le métier, quel que soit son aspect spécifique.
S’agissant de formateurs, j’ai toujours impulsé la
possibilité pour quelques uns, libres à eux d’en saisir l’opportunité,
d’aller à la rencontre d’autres types de formateurs, soit dans l’Education
nationale, soit volontairement ailleurs, dans le milieu de l’entreprise,
dans le milieu de l’Armée, pourquoi pas, partout où il est question de
formation. Il s’agit bien de former à une fonction, partagée dans toute
organisation structurée ; la professionnalité est à ce prix ; mais aussi,
aller interroger des fonctions autres que la formation, sur le rôle et la
fonction que la formation prend dans un système : un chef d’établissement,
un IEN (inspecteur de l’Education nationale, dans le premier degré). Quand
j’ai pu accompagné le cops des conseillers pédagogiques d’une académie, la
requête est allé auprès d’enseignants du CNAM, en matière d’analyse du
travail, comme auprès de chercheurs en psycho-sociologie. Les résultats ont
été probants.
Tout comme la restitution qui peut alors en être faite au groupe des formés.
L’action témoigne de la fonction d’interface que le formateur joue avec les
formés. Il est un lien entre le dedans et le dehors. Il peut éclairer
utilement le jeu subtile que l’Ecole joue dans la société, et non hors la
société. La formation reste une fonction stratégique dans l’organisation,
malgré tout. Il est bon de le rappeler quand au sein même de l’Institution,
elle semble parfois dévaluée de cette fonction.
C’est aussi la raison pour laquelle le référentiel
de compétences du formateur se puise non dans une grille interne issue de
l’inspection, mais dans une liste établie à partir de l’étude approfondie
d’une vingtaine de milieux différents. Les récurrences sont fortes, quitte à
jouer après sur les adaptations et ajustements nécessaires au niveau local,
académie par académie.
Aller voir ailleurs, c’est un bon « clinamen »
pour des formateurs de l’EN !
Les laboratoires d’étude
Provocateur, je dirai qu’on a rien inventé en
éducation depuis Socrate ; seulement pour légitimer ce « devoir de mémoire »
en formation, le fait de signifier que dans le cadre de la formation, il est
intéressant, utile, nécessaire… et obligatoire d’envisager l’historique des
pratiques, les expériences passées ou présentes, de se confronter à l’étude
analytique, critique, et à la transposition.
En éducation, nous avons la mémoire courte, et
nous comportons la plupart du temps en artisans du savoir, à bricoler sans
répit à partir de rien les instruments, ressources, outils et techniques qui
nous semblent les meilleurs. Il ne s’agit pas ici de renier cet aspect
fondateur du métier, mais de faire reconnaître l’ingénierie pédagogique qui
permet à tout formateur d’être plus réactif, plus ajusté à toute situation
de formation. Nous nous devons de disposer d’une batterie d’instruments et
de techniques propres à satisfaire nos objectifs ; et à la proposer aux
collègues, dans une étude attentive.
C’est pourquoi dans le cadre de la formation,
convoquer à l’étude critique une étude de cas d’un dispositif existant,
reprendre des productions anciennes, proposer en accord avec le sujet traité
un support déjà existant permet à la fois de légitimer l’approche, mais
aussi de s’appuyer sur un savoir professionnel réel du métier, en
s’inscrivant bien dans une « professionnalisation » du métier. Les médecins
en font tout autant en soumettant à leur expertise tel ou tel protocole
proposé, en l’amendant ou en le corrigeant pour l’adapter à des patients ou
à des contextes différents.
Ainsi, les laboratoires d’études, en plusieurs
groupes, permettent d’envisager sur un même thème plusieurs traitements,
plusieurs techniques, puis d’en communiquer leur intérêt, leur limite, leur
complémentarité.
Nous pourrions demander à ces laboratoires non
seulement d’étudier supports et techniques, mais aussi de proposer les
ajustements nécessaires par un « jeu méthodologique de transposition » (JMT),
autre technique qui assiste un groupe dans sa capacité à sélectionner par
niveau d’analyse, ce qui parait important.
Les ateliers de créativité
Les ateliers de créativité sont une modalité
complémentaire des laboratoires d’étude ; ils en différent en ce qu’ils sont
organisés en vue d’une production nouvelle. Le concept de créativité est
curieusement absent de notre univers très enseignant et formateur de l’EN ;
on soupçonnerait même quelques travers ou quelques vices.
En tant que coordonnateur de la mission
« innovation », j’ai été approché voici quelques années par la récente
« association française de créativité »,
intéressée qu’elle était par l’acceptation du terme dans le monde de
l’éducation ; à la rencontre des participants, j’ai été surpris d’être le
seul représentant de l’éducation, tous étaient d’autres milieux :
consultants, organisations, entreprises, formateurs, éditeurs etc, Le réseau
est international. Ma plus grande surprise a été de découvrir que sous le
couvert de créativité dans ces milieux, j’y retrouvé ce que nous engagions
en formation d’enseignants, en techniques d’animation, d’expression, de
production, tout ce qui peut se retrouver aisément dans les ouvrages d’André
de Peretti
notamment, et eux de leur côté l’ignoraient de la même façon. Etonnant,
non ? Tout cela plaide pour une porosité plus grande de ces milieux ; et
dans tous les cas, nous avons une plus-value certaine.
Les phases de créativité engagent des petits
groupes à investir un sujet, à en décortiquer les mécanismes mentaux et
sociaux, dans une bonne humeur évidente. Nous pourrions ici évoquer
plusieurs techniques connues par ailleurs : le « brainstorming » ou le
remue-méninges », la technique du risque, la technique de la carte
conceptuelle ou « mind-map », le jeu de l’écriture co-élaborative, les
différentes techniques usitées dans les ateliers d’écriture, les évocations
métaphoriques, notamment par le photolangage, la méthode développée (et
brevetée !) par Méta-plan.
Ces productions en formation constituent une
réelle plus-value de la formation, non tant par leur qualité intrinsèque,
parfois inaboutie, que par le processus qu’elle engage chez les formés.
La consultation ou workshop
En fil rouge de la formation, je proposerai aussi
de la manière la plus commune, une « boutique de formation » ou
« workshop », ce que l’on retrouve aisément au Québec par exemple, même pour
les élèves. C'est-à-dire, des ressources, de toute nature, à libre
disposition, en rapport direct avec la formation : une table où s’étalent
livres de référence, encyclopédies, revues et périodiques, d’accès plus ou
moins facile, mais aussi un ou des postes informatiques avec quelques
adresses internet en pages portail.
Ainsi chaque formé a la possibilité, cela
s’organise dès le début, de saisir un article, un livre, etc pour en faire
le compte-écrit, puis oral en fin de formation. Ce sera d’ailleurs une des
traces de la formation.
Par cette modalité, nous organisons donc la
possibilité d’itinéraires personnels en formation, couplés aux apports en
commun et aux travaux de groupe. Ce sera un critère significatif pour moi de
l’évaluation de la formation à l’issue du travail.
La formation alors n’a de sens qu’en participant à
un processus plus global de développement de la ressource professionnelle,
elle se veut ouverte, découvrant ses sources, en créant d’autres à
l’avenant. En ce sens, elle n’est jamais « finie ».
La formation est une histoire courte et intense
de la vie professionnelle
Revenons donc au tableau évoqué : donc, en ligne,
les modalités variées possibles en formation.
Puis, en colonnes, les thèmes et contenus adaptés
aux objectifs de la formation : plutôt, cinq que deux ou trois, pour
permettre qu’une dynamique s’installe.
Pour des formateurs débutants, je proposai de
travailler plus spécifiquement les temps suivants :
-
commencer une formation
-
se présenter
-
faire émerger les
représentations
-
travailler en équipe,
conduire un projet
-
développer un thème
-
faire écrire
-
évaluer une formation
Chacun de ces domaines peut donc se décliner une
ou plusieurs fois dans chaque modalité, au titre des apports, des
recherches, des laboratoires d’étude, des ateliers de créativité, des
consultations. Par exemple ;
Type
de module
Domaine de la formation |
Apports |
Enquêtes
Recherches |
Laboratoire d’étude
Analyse de pratique |
Ateliers de créativité |
consultation |
Commencer une formation |
Une
formation « efficace » |
|
Photo, image
blason |
30
façons de commencer une formation |
|
Se
présenter |
Identité professionnelle |
|
Photolangage
Autopositionnement
Le
petit vélo |
Photolangage
Image
totem
Musique dans la tête |
|
Faire
émerger les représentations |
11
techniques |
|
Q-sort |
Autour d’un mot
Carte
géographique du métier ou tableau de bord |
|
Travailler en équipe, conduire un projet |
Les
mondes de l’enseignant
Conduite du changement
Processus innovant |
Interviews: place de la formation, et role du formateur |
Trente façons d’enterrer une idée
Tests
d’écoute, et de travail par équipe
Conduite de réunion
Les 5
M (Ishikawa)
Naufragés en mer
La
Nasa
Inventaire de 125 indicateurs |
Stratégies obliques
Jeu
de rôles
Méta-plan brainstorming
Prise
de rôles et de responsabilités
Carte
mentale
Cristal fractal |
Test:
argumenter |
Développer un thème (disciplinaire….) |
Former des enseignants ? |
|
Q-sort
Étude
de cas et JMT |
Carte
mentale
Mandala
Q-sort
brainsotrming |
|
Faire
écrire |
|
Occasions d’écrire
Modalités d’écrit
Raisons d’écrire |
Le
réticule
L’entretien d’explication |
À la
manière de
À
partir d’une photo
Matrice professionnelle |
|
évaluer |
Ingénierie de formation
Efficacité de la formation |
|
Questionnaire
Cible
Echelle de Cosgrove |
Évaluer une formation, à chaud à froid…. |
|
Ainsi, le tableau se présente comme une matrice de
la formation en cinq domaines d’études traités suivant cinq modalités
possibles, soit un potentiel de 25 (au moins) temps.
Matrice prévisionnelle de la formation, nous
pouvons la présenter tout de go aux formés, mais de manière plus dynamique,
en présentant la structure, quelques éléments, envisager les attentes, les y
reporter, et construire ainsi dès les premières heures de la formation le
programme réel ; la formation devient processus où tous prennent une part
active et collaborative.
Pour plus de facilité, nous passons alors à la
programmation en modules, généralement, quatre modules dans une journée
complète ; le temps d’étude, de mise au travail, de compte-rendu n’est
jamais à sous-estimer ; nous péchons, par expérience, par trop plein plus
que par trop vide !
Ainsi, pour une formation conçue en 2 X 2 (deux
jours groupés en deux fois) ; nous obtenons 16 modules. Pour peu que l’inter-session
soit conséquente (plusieurs semaines), ce temps doit être alors mis à profit
comme partie intégrante, et intégrée !, de la formation ; à nous alors de
proposer quatre types de travaux complémentaires. Soit, en tout 20 modules
possibles à aménager.
23
janvier |
24
janvier |
Inter-session |
30
mars |
31
mars |
1
photolangage |
5
Images-totem et identité professionnelle |
9
consultation |
13
totem 2 |
17 |
2
blason |
6
Q-sort: animation et formation |
10
recherches (interview) |
14
CR
d’interview
Jeu
de rôles |
18 |
3
analyse croisée et synthèse en 5 groupes |
7
Créativité
q-sort autour du projet d’école
Les
30 facons d’enterrer une idée
méta plan sur le projet d’école
Cristal fractal sur le projet d’école |
11
échange de pratiques ou de ressources |
15 |
19 |
4
organisation modulaire de la formation |
8
Courte évaluation |
12
Le
velo |
16 |
20 |
Les « fondamentaux » du temps de formation
Si le tableau permet d’envisager les possibles,
passer à l’organisation réelle de la formation oblige à quelques réalités
fonctionnelles ou « institutionnelles » essentielles qui en conditionnent le
déroulement. J’identifierai alors trois « fondamentaux », pour reprendre un
terme rugbystique : l’entrée en formation, l’évaluation finale et les temps
intermédiaires dits « temps méta »..
« Entrer en formation »
Ce n’est pas une formalité. C’est une phase
fondatrice de la formation, de laquelle en découle réussite ou problèmes
récurrents, c’est selon. Nous devons y présenter tout à la fois le
dispositif de formation qui fait qu’un groupe est réuni ici, les procédures
(protocolaires) qui justifient cette formation et donc le « contrat de
formation »
en terme d’objectifs ; les contenus peuvent y être fermés ou ouverts, nous
l’avons signalé ; dans cette phase, vous jouez aussi sur votre propre
professionnalité, ou autrement dit, votre légitimité. Ce moment relève de
l’ingénierie de formation ; domaine souvent négligé par les collègues, et
pour la plupart du temps inconnus des formés.
Vous ouvrez une parenthèse professionnelle qui se
refermera avec vous, un espace-temps où tout peut être jouer et rejouer,
sans souci d’évaluation à la personne, la formation appartient au domaine de
la confidentialité ; en jouant facilement avec les mots, c’est un temps de
« trans-formation ».
Ce temps doit s’inscrire d’évidence au début,
occupe les premiers modules, au moins la matinée. Il s’articule avec le
temps de construction de la formation, à savoir le temps de dévolution des
objectifs aux formés, la négociation des modalités variées, comme nous
l’avons vu ci-dessus, la répartition des rôles, leur distribution,
l’esquisse d’une programmation et l’évocation d’un produit final.
Formellement, on peut proposer ces différents
temps successivement ; avec l’expérience et l’appui de notre Cicéron
classique (la « captatio benevolontiae »), il peut se trouver des
techniques et des instruments propres au « clinamen », qui invitent
formateur et formés. J’ai eu souvent personnellement recours au
photolangage, non plus celui à présent dépassé
parce que daté dans ses « vues », mais un corpus de vues et d’images de ma
composition, adapté au thème, facilement composé grâce au moteur puissant de
l’internet.
L’accroche décalée permet de contourner toute autre expression plus formelle
et pas mal de résistances, et surtout le « tour de table » traditionnel qui
n’apporte rien que des connaissances que l’on a par ailleurs (sur la liste
des inscrits par exemple).
J’ai pu proposé à un groupe de néo-formateurs de
travailler plus spécifiquement cette dimension d’entrée dans la formation,
en leur faisant concevoir une fiche sur « trente façons de commencer une
formation » , à l’instar d’une fiche plus ancienne conçue par André de
Peretti et un groupe d’enseignants sur « trente façons de commencer un
cours »
Evaluer en formation, évaluer la formation
Utilité et efficacité de la formation ?
L’évaluation de la formation est un acte
institutionnel et obligatoire. Mais la prescription ne suffit à elle seule
pour déclencher et les pratiques et en extraire une véritable valeur.
Au temps de la mutation de la formation des
enseignants, au moment du passage de la première époque, celle des Mafpen, à
la deuxième époque, celle de la séparation entre maitrise d’ouvrage
(rectorats) et maîtrise d’œuvre (IUFM), selon les souhaits du ministre
d’alors, en 1998, une étude s’est particulièrement attachée à l’utilité, et
pour tout dire à l’efficacité, de la formation d’enseignants.
Nous sommes en passe d’une troisième époque à
présent, celle d’une reconquête relative par les rectorats d’une part, celle
d’une universitarisation réaffirmée par l’intégration des IUFM (ce qui pose
encore plus de problèmes aux universités qu’autre chose). C’est pourquoi les
conclusions de la présente étude sont proposées ici à votre méditation, en
matière d’évaluation.
L’équipe de chercheurs observe trois facteurs
corrélés pour rendre une formation « efficace », c'est-à-dire, ayant les
effets attendus (voir plus loin sur le concept d’impact) :
1-
L’effet –établissement,
particulier sous deux aspects : la direction pédagogique et incitatrice
du chef d’établissement, et la présence d’un travail collectif. Plutôt
que de questionner la pertinence en terme d’organisation (tradition de l’EN)
des différentes modalités de formation (stage individuel au PAF versus plan
de formation d’établissement), l’étude pointe le style de direction : " encourager
les compétences, non pallier les manques ". légitimer et communiquer
autour de la formation continue, sous toutes ses formes.
2-
La démarche formative de
type interactif-réflexif de formateurs-médiateurs (universitaires ?…)
qui travaille à la fois sur la reconnaissance mutuelle, une approche par
tâtonnement autour d’activités en lien avec des situations professionnelles
contextualisées mais s’inscrivant dans un long terme. Plutôt que de tenter
le grand écart impossible, il convient de progresser par petits pas,
petits projets, en s’appuyant largement sur l’expérience et les
compétences déjà maîtrisées des formés. En ce sens, la formation est un
début d’un système d’engrenages qui vont jouer solidairement, mais pas trop
vite.
3-
L’épistémologie du
stagiaire, mêlant parcours professionnel, image de soi et son rapport au
savoir professionnel. Un signal de la réussite est le basculement d’une
vision prescriptive du métier à l’appréhension –compréhension et acceptation
de la complexité, de la souplesse et de la variété nécessaire des
orientations et des pistes de travail possibles, à l’acceptation de
situations d’impasse, au traitement des échecs.
Trois alertes viennent compléter l’étude pour
toute tentative d’évaluation en formation :
u
Que l’institution énonce
clairement les effets attendus, et sur ce point, rien n’est simple
u
De se doter d’outils et de
méthodes de repérages des effets réels et de leurs causes
qui dépassent forcément la formation (les pratiques actuelles d’évaluation à
chaud, d’évaluation différée un peu plus tard ne peuvent que fournir des
déclarations d’intention), en prenant en compte le facteur temps, analysé
dans l’effet-établissement
u
D’adopter en la matière une
grande prudence méthodologique (ni légitimer, ni discréditer), ne pas céder
à la pression forte d’évaluation tous azimuts qui ne présentent aucune
supériorité par rapport à l’absence d’évaluation
Niveaux d’évaluation de la formation
L’évaluation de la formation est un acte
institutionnel et obligatoire ; elle fait partie du processus enclenché bien
en amont ; il appartient au formateur de faire une évaluation classiquement
appelée « à chaud ».
Pour bien situer cette phase, il nous faut revenir
sur l’approche systémique de l’évaluation en un schéma simple.

Le processus de formation est composé de deux
boucles ; la première (en rouge) met en regard besoins identifiés et
résultats constatés ; elle s’élabore en dehors de la formation, mais elle
l’encadre. Plus, elle est LE cadre de la formation. Sans cette boucle, toute
formation fonctionne à vide. Son évaluation est dite « externe », en
s’attachant aux niveaux 3 et 4 : 3 pour les compétences professionnelles
développées et constatées in situ, 4 pour les effets, on dit aussi
« impact » sur l’organisation, sur le système (ici, l’établissement).
La deuxième boucle intéresse directement la
formation, et donc le formateur. Elle met en regard les objectifs de la
formation et les compétences à la sortie ; en identifiant deux niveaux, 1 et
2 : 1 pour la satisfaction des formés, 2, pour les capacités développées
dans le cadre de la formation. Ces deux niveaux sont le domaine propre du
formateur. A lui d’en extraire la valeur, au sens premier du mot
« évaluation », de la manière la plus probante.

La plupart du temps, dans les différents
dispositifs académiques, IUFM ou rectoral, sont proposés des supports
d’évaluation à chaud pour les formateurs, imprimés à case ou à texte libre.
L’expérience montre qu’ils ne satisfont personne ; les formateurs y
accordent peu d’attention, ce qui ne renforce d’ailleurs pas leur
« légitimité » ni leur intégration dans le dispositif, cela même peut les
fragiliser d’une certaine façon ; ils peuvent même le distribuer en toute
fin de formation, aux formés de le renvoyer. Le taux de retour est alors
extrêmement faible ; et cela n’émeut personne…. Quand les imprimés sont
ramassés, on observe peu d’utilisation, une simple transmission pour quel
traitement ? Assurément, l’évaluation de la formation reste encore un
domaine à explorer ; d’aucuns ont pu depuis quelques années en parler comme
d’un « serpent de mer ».
Les spécialistes doivent intervenir pour
rappeler la primauté de l'évaluation intuitive interactive qui se déroule au
cours de l'apprentissage. (L. Allal )
Evaluations à chaud et valeurs collectives
Pour rester en cohérence avec le processus
formatif, je proposerai d’autres types de développement de sorte à faire de
la phase d’évaluation un moment en soi de formation, pour chacun et pour le
groupe. C’est bien un moment important de dégager ensemble les savoirs
professionnels et collectifs. Finalement, c’est exactement ce que nous
devons faire avec une classe à l’issue d’un travail : faire un bilan des
savoirs.
Une technique d’évaluation rapide en fin de
formation peut être par exemple l’évaluation par symboles : elle permet en
un temps rapide et « efficace » une expression individuelle et une
visualisation collective. Nous proposons cinq feuilles de type « paper board »
au mur ; chaque feuille porte en haut un symbole spécifique :
|
J’ai aimé |
Niveau 1 : enquête de satisfaction |
|
Je n’ai pas aimé |
i |
Cela m’a donné des idées |
Niveau 2 : enquête sur les capacités
développées |
U |
J’ai trouvé cela utile |
? |
J’aimerai en savoir plus sur |
Enquête sur les besoins complémentaires en
formation |
Une fois les fiches exposées, le formateur
présente en une liste affichée (en vidéoprojection, c’est plus rapide) les
éléments qui lui semblent devoir être évalués dans la formation, en quinze
ou vingt items, numérotés. Voici par exemple les items retenus lors d’une
formation :
Liste des
thèmes, techniques et outils travaillés lors de la formation
1-
Mini-cas et analyse de la pratique
2-
Attribution de rôles de communication, de service, de production…
3-
Organisation négociée du travail collaboratif
4-
Outillage de la pratique (q-sort, blason…)
5-
Gestion modulaire et variée des travaux de groupe
6-
Échanges sur la pratique
7-
Méthodes d’évaluation rapide
8-
Interviews
9-
Apports théoriques
10-
Conduite de formation assistée par ordinateur
11-
Conseil individualisé
12-
Production collaborative de fiche-synthèse
13-
Possibilité de recherche et de travailler sur poste
14-
Exemples de traitement (thèmes, carnets de bord…)
15-
Parcours individualisé de formation
16-
Ressources apportées et conseillées
17-
Moments conviviaux et visites
18-
Constitution d’une trace écrite commune rapide
19-
Organisation d’un suivi de la formation
Un
temps court est réservé à la réflexion, puis chacun est invité à porter son
appréciation sur les fiches murales en y indiquant les numéros d’items selon
les symboles. L’opération est relativement rapide et permet au groupe
comment la formation a été reçue. Un rapide commentaire accompagne la
lecture, en s’attardant sur le futur proche (I et U) mais aussi sur les
besoins complémentaires ; ainsi, en fermant la parenthèse de cette
formation, nous en ouvrons une autre et des possibilités de plans
individualisés de formation, en s’appuyant sur les dispositifs connus ou
inconnus par certains.
Plus classiquement, ce procédé par symboles peut
être assorti d’une autre technique, celle de la cible collective. Des axes
sont thématisés : ils reprennent les objectifs, les modalités, les niveaux 1
et 2. Après avoir présenté la méthode (un point par secteur, trois niveaux
d’évaluation, de TB au centre à I à la périphérie), sur la cible rapidement
tracée sur une feuille au mur, chaque formé vient y reporté les points selon
son appréciation.
Des nuages en points apparaissent en 2 minutes. Le
procédé est à la fois collectif et très visuel. Il permet à chacun des
formés de se positionner dans son groupe et de relativiser les problèmes ou
résistances rencontrés.
Les temps « méta »
Non, l’évaluation ne sera pas la fin de ce
chapitre. Pour conclure sur les « fondamentaux » de la formation, il nous
manque encore quelques jalons que j’ai nommé « temps méta ». Ce sont en
quelque sorte les balises du repérage du processus formatif à inscrire dans
le déroulement d’une formation « efficace ».
Méta, en grec, signifie, « sur » ou dessus,
ou encore à côté ; en volley-ball, c’est le « temps mort » que l’entraîneur
impose à son équipe pour ressaisir l’initiative et aller aux points. En
éducation et en formation, nous dirons alors « métacognitiion ». Identifier
les facteurs, les éléments constitutifs de l’action en formation.
Il est intéressant et puissant en formation
d’installer des moments réflexifs tout au long de temps de travail
collectif. Ici, la pédagogie « institutionnelle »
nous aide quand elle propose une formalisation, voire parfois une
ritualisation, des modes de communication à autrui et au groupe, grâce à des
objets transitionnels ou des rôles assignés. J’évoquerai ici deux modalités.
Réacteurs subjectifs et compte-rendus objectifs.
C’est une pratique que j’ai apprise d’André de Peretti, investi avec lui et
développer par la suite : en s’appuyant sur la pédagogie des rôles, nous
avons pris l’habitude d’instaurer en protocole de la formation, dans les
toutes premières heures, la distribution de rôles variés et tournants,
ad libitum.
Cependant, deux rôles tournants sont récurrents,
dans ce sens qu’ils « jouent » à chaque reprise de demi-journée : celui de
« compte-rendu objectif » a pour mission de faire au groupe un tableau
succinct et factuel de la demi-journée précédente. Avec cette procédure qui
peut paraître très formelle dans un premier temps, c’est bien l’histoire de
la formation qui s’écrit, en dépassant les premières impressions autour des
temps d’exposition, d’échanges, d’analyses, ou de « parlotes » : la liste
des actes et faits du déroulement attentif en formation facilite
l’identification des savoirs travaillés, des ressources sollicitées, des
techniques employées.
Conjoint au premier rôle, celui de « réacteur
subjectif » revêt dans les mêmes conditions une importante particulière.
L’attribution de ce rôle s’effectue avec la consigne unique de permettre la
pleine et entière subjectivité, en libérant la capacité créative et
inventive de tout acteur. Le rôle autorise toute forme d’expression
personnelle autour du ressenti du processus de formation, de l’implication
de la personne, de son investissement dans cette aventure. Par expérience,
les contributions sont variées, riches, sensibles, et même parfois
étonnantes ; j’ai eu droit tour à tour à des textes poétiques, des airs
d’opéra, des vidéogrammes sonorisés et un tour de danse qui avait pour
mission d’exprimer le mouvement créé en formation. Ce sont des instants
rares, de bonne humeur et d’une sensibilité, qui fortifient un groupe.
Ces deux rôles donnent lieu à une production
écrite, qui ira avec les travaux modulaires envisagés plus haut, constituer
les pièces de la mémoire de la formation.
Temps méta et transposition aux situations
d’enseignement. Une autre technique de réflexivité organisée en
formation consiste à inscrire des temps « morts » après chaque module, en
suspendant le déroulement par une simple question : « qu’avons-nous
appris ? ». Ce questionnement permet très explicitement d’envisager les
conditions de transposition aux différentes situations professionnelles ;
cela vaut pour les supports, les techniques, mais aussi pour le
positionnement professionnel, qui touche l’identité de l’enseignant.
Sudoku en formation ?
Au terme de cette analyse fonctionnelle du temps
de formation, nous avons ensemble élaboré à la fois une matrice
organisationnelle et un grille prévisionnelle d’un stage, avec ses temps
forts et obligés.
Après, tout est question de pratique et
d’expériences. Mais rappelez-vous, le succès universel du Sudoku se fonde
non sur l’arithmétique et les savoirs mathématiques, mais bien sur la
logique combinatoire…. Comme la formation
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