Pour être compétitif, il faut
coopérer avec d'autres, c'est une dialectique. Les Japonais l'ont bien
compris en introduisant la coopération à l'intérieur des entreprises. C'est
l'idée des cercles de qualité. En France, nous ne sommes pas
compétitifs parce que nous axons tout sur la compétition et non sur la
coopération.
Pour être compétitif, il faut être coopératif, il faut une
émulation créatrice, un étayage réciproque et non une méfiance
généralisée. La compétition d'ailleurs au sens
étymologique (cum petere), c'est demander, gagner ensemble. Ce
n'est pas une idée nouvelle puisqu'au XIXème siècle Lazare Carnot avait
créé l'enseignement mutuel qui a été supprimé par Octave Gréard en 1881 en
instituant le monopole de l'enseignement par les instituteurs.
|
Il est temps d'instituer dans la classe
toute une variété de rôles. Pour cela, il faut recenser tous les
rôles possibles. André de Peretti a trouvé 5 types possibles de rôles
scolaires:
à
croiser avec valeurs,
pratiques et théorie de l'éducation à la citoyenneté
|
Chaque rôle peut être occasionnel, semi-permanent ou
permanent. L'élève peut être volontaire, choisi (par l'enseignant, par ses
camarades) ou reconnu pour ses aptitudes. Pour que cela tourne, on aura donc
besoin d'un élève chargé de l'organisation (inscription pour le prochain
exposé, veiller à ce que tout le monde passe), une sorte de secrétaire ou de
"régisseur". Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que d'une part
le rôle est toujours de responsabilité et que chaque élève ne doit pas
jamais travailler sur un seul registre. Plus vous aurez une variété de rôles
entrecroisés, plus vous aurez un tissu riche.
Loin d'être un éclatement de la structure, l'introduction de
rôles propose une organisation coopérative. Le cours, la classe tels qu'ils
existent sont, en réalité, amorphes (au sens physique). Les élèves sont des
éléments mis côte à côte sans aucune réciprocité de service.
Poirier (in l'étude en équipes, Paris-Bruxelles, éd.
Nathan, 1975) organise une classe de 30 élèves en groupes de 5 ou 6. Dans
chaque groupe, on trouve un chef de groupe, un second, deux moyens et un ou deux
élèves plus en difficulté. Le chef d'équipe explique, le second médiatise,
le petit groupe est organisé. Plutôt que cette structure hiérarchisée
intéressante, je préférerais la référence à des rôles plus symboliques.
Le sport est un bon modèle de référence métaphorique pour
des "rôles reliés": un capitaine, un arbitre, un gardien, un
soigneur, des supporteurs, un arrière, un buteur.
Reste le problème du rôle de l'enseignant. Plus
homme-orchestre, mais chef d'orchestre, il doit
organiser l'ensemble de sa classe pour que l'apprentissage s'effectue au mieux.
Il a aussi une fonction d'évaluation qu'il peut partager avec les élèves
(auto-évaluation, co-évaluation).
C'est cela, le monde moderne, celui des managers. C'est la
direction participative par objectifs. Si ca ne marche pas, on en discute
et on rectifie positivement, cybernétiquement par correction de la trajectoire,
non par "correction" des agents ( les élèves)
Comme toute mise en oeuvre pédagogique, le bon sens et
l'humour, la "fringance" éducative doivent rester les référents
essentiels de l'attribution et de la détection des rôles au sein des classes
et des établissements: compensés par des exigences de recherche méthodique
qui sont au coeur de l'organisation différenciée de l'enseignement ainsi que
de la pédagogie différenciée.
André de Peretti, article dans "Animation Education,
n°89, mars-avril 1989" (extraits)
|
Dans le cas de groupe en formation (enseignants, formateurs, adultes) |
Faire le pari de
l’intelligence d’un groupe en formation par l’organisation coopérative du
travail
François Muller, voir
la page des rôles possibles sur
http://francois.muller.free.fr/diversifier
Sont-ce seulement et modestement des individus que
nous formons, en isolats agrégés, parfois s’entrechoquant de manière
aléatoire ? La formation, plus que jamais à présent, où les enjeux
relèvent de l’organisation collective, coopérative, apprenante, reçoit
pour finalité de développer des compétences de coopération et
d’organisation de groupe, essentielles pour le travail en classe, mais
aussi pour le travail en établissement. Ce que le socle commun de
connaissances et de compétences inscrit comme référentiel pour les élèves,
nous nous devons de l’inscrire, comme cela est inscrit dans le référentiel
du métier d’enseignant.
Le pari de l’intelligence d’un groupe s’exprime dans
l’organisation co-élaborative du travail engagé avec les participants.
Certes, cela semblera un peu formel et de peu d’effet s’il s’agit d’une
simple animation de 3 heures, ce qui atteste des limites réelles de ce
type de formation, mais ce principe deviendra essentiel pour un groupe
partageant plusieurs sessions, sur une durée conséquente (un stage d’école
de 4 jours, une formation sur l’année, voire trois années).
A la manière de notre fonctionnement cérébral, nos
neurones ne seront rien sans le maillage toujours vivant de nos synapses
infinies. Cette capacité puissante de faire les liens, de penser en
analogie, en convergence et en complexité s’incarne bien dans le réseau
social de tout groupe humain, a fortiori de groupe en formation.
Le groupe de formation devient ainsi un groupe
vivant, en formation, apprenant par lui-même, pour lui-même et avec les
autres. Inter-ligere, c’est bien faire le lien, le penser comme
l’organiser, l’entretenir aussi.
Ce dispositif de travail est du point de vu du
formateur très confortable ; en affirmant tout de go qu’il n’est pas
« expert », pouvant ou sachant tout faire, tout seul, mais bien celui qui
sait, MAIS pas tout seul, l’enrôlement lui permet de se délester d’une
série de tâches et d’observations (qui seraient d’ailleurs passées à la
trappe) ; il peut réellement focaliser son attention sur l’activité
intellectuelle, réflexive et productive des formés : c’est bien un
objectif de formation, non ?
Le formateur dispose d’une variété requise de rôles
pris, confiés et consentis par chacun au service d’un travail
collaboratif. Les rôles relèvent de plusieurs domaines : de communication,
de service, de technique, de méthode.
Il revient au formateur dès les premières minutes de
l’entrée de proposer (ce pourrait être même une indication des modalités
figurant dans la proposition de tel ou tel catalogue) une mise en rôle, au
gré des évocations et en fonction des objectifs que l’on se donne.
Ainsi, à la manière d’un générique non de fin, mais
bien de début de formation, nous pouvons proposer quelques rôles, non
exclusifs entre eux, avec une consistance positive pour chacun, de sorte à
promouvoir un principe fondateur évoqué par Aristote : « le tout est plus
que la somme des parties ». C’est en permettant la compétence collective
que nous pouvons améliorer les performances individuelles. Quelle leçon
pour nos pratiques de classe (française ?)
Rôles tournants (à chaque demi-journée ou journée)
Analyseur objectif
|
Chargé de fait un compte-rendu écrit et oral,
strictement objectif, le plus factuel possible, de la session
précédente (d’un jour à l’autre, d’une session à l’autre). Court,
synthétique, mais pas forcément narratif. « Ce qui a été fait », cela
pour éviter quelques propos de comptoir de type « on n’a fait que
parler »…. Un rôle décisif pour la mémoire du groupe mais aussi du
formateur, qui peut mesurer le décalage, toujours, entre une
organisation prévisionnelle et le passage au réel. |
Réacteur subjectif
|
Rôle absolument complémentaire du premier ;
autoriser, au nom de la variété des rôles, à ce qu’une personne puisse
dire JE, assumer une pleine et entière subjectivité, réagissant ou
résonnant aux modalités, aux contenus de la formation. Carte blanche
sur le mode de restitution. C’est un espace de créativité qui
contribue, à chaque fois, à consolider la dimension de sécurité des
participants et l’espace de confidentialité de la formation. La
résonance du témoignage auprès des autres participants est étonnante.
Le groupe est vraiment prêt à « changer ». |
Rôles de production pour la durée de la session,
avec un compte-rendu écrit à établir en phase d’évaluation de la
formation.
Il est à noter que le rôle peut être pris en
charge par binôme.
Classificateurs des « gros mots »
|
Ou chargé du glossaire. Tout au long de la
formation, pourront être évoqués, définis ou élaboré des « gros
mots », inusités dans le registre habituel, nouveaux ou relevant d’un
registre plus scientifique. Ce rôle peut les relever et en proposer
des éléments de définition par la suite, avec les liens internet pour
aller plus loin. |
Analyseurs de la posture des formateurs
|
Ce rôle s’impose dans le cas de formation de
formateurs ; il s’agit de relever les postures, actes, gestes, et
implicites du formateur ; non qu’il constitue un modèle, surtout pas,
mais peut être le sujet d’une étude de cas, pour un debriefing ;
et analyser ensemble ce qui a été efficace, accompagnant, ou alors ce
qui a pu faire obstacle. |
Observateurs des modalités de la formation
|
L’observation fine et durable des dispositifs,
techniques, organisations, groupements, supports, et interactions au
moment de la formation permettra de recueillir des éléments à
reprendre à un moment ou à un autre de la formation, de sorte à
réguler ensemble le processus et s’ajuster au mieux aux besoins du
groupe. |
Producteurs de fiche-outils
|
A l’occasion de la mise en place d’un dispositif,
d’un test d’une technique de formation, une personne pourra prendre en
charge son observation et sa formalisation de sorte à en proposer une
fiche-outil. |
Rédacteurs de fiches d’analyse
|
En début ou en cours de formation, des livres,
articles, revues ou extraits de sites, sont évoqués, présentés pour
leur intérêt ou ressources. Une personne est chargée d’en proposer une
fiche de lecture, en vue d’une communication en fin de formation.
Ainsi, une bibliographie peut être vite décryptée et rendue (enfin)
utilisable. |
Cartographes de la profession ou du thème
|
Rôle créatif et inédit : comment mettre en
espace, en une carte les principaux éléments, incontournables, risques
et chances, choix, options, et variables du thème. En s’inspirant par
exemple sur la « Carte du Tendre » détournée en une
carte de l’enseignant moderne |
Consulteurs des personnalités
|
Rôle à proposer à tout le groupe ; pour que la
formation s’inscrive dans la durée et ne réduise pas au seul « présentiel »,
l’invitation d’aller « voir ailleurs » , consulter personnalités,
experts, responsables, d’autres milieux que la seule Educ’nat, sur la
problématique étudiée. Le compte-rendu et l’analyse sera fait à la
prochaine séance. |
Dessinateurs des graphiques collectifs
et/ou de profils individuels
|
Dans tout groupe, il se trouve des collègues qui
dessinent, pour passer le temps, pour illustrer ; croquis, graphiques,
caricatures, sur le thème, sur une situation en formation, sur un
problème rencontré. Les productions peuvent passer de main en main.
Humour, inattendu et richesse toujours. Nos collègues ont du talent ! |
Rapporteurs des besoins en formation
|
Il s’agira pour un ou deux personnels de porter
un regard analytique sur les travaux et les échanges tout au long de
la formation, de sorte à détecter d’éventuels besoins
complémentaires ; toute formation s’inscrit dans un processus « tout
au long de la vie ». |
Enregistreur des références
|
Références évoquées, liens consultés, noms lancés
lors des échanges, ce rôle permettra de les relever, puis de les
développer en une courte recherche. Si une connexion est disponible,
cela peut se faire immédiatement. Une compilation sera proposée. |
Rôles de service
Rappel au réel
|
Une formation peut mener loin : théorisation,
extrapolation, débats etc…. Ce rôle assumé nous ramène au réel du
contexte travaillé, de la classe, des moyens utilisés. Pour permettre
la transposition, discuter des conditions nécessaires et de la variété
possible. |
Gardien de l'adaptation locale
|
Le formateur peut être « expert », mais sans
doute pas des environnements scolaires forcément diversifiés, des
niveaux enseignés, des publics spécifiques. Il devient absolument
nécessaire de questionner les contenus et supports en vue
d’adaptation. C’est une des conditions d’une « bonne » formation. |
Préposés à la convivialité
|
La logistique de la formation reste un facteur
d’efficacité non négligeable de sa réussite ; elle se prépare en
amont, mais elle s’aménage pendant le travail ; cette dimension cachée
de la vie du groupe peut être assumée, avec plaisir. C’est plus une
coordination qu’une responsabilité à tout faire ! |
Gardien du temps
|
Rôle classique, qui permet, sous formes diverses,
de délester le formateur de la « course à la montre ». |
Synthétiseur du travail à faire
|
Les échanges, les phases de reprise permettent de
débusquer un ou plusieurs aspects, de révéler des opportunités, de
soulever des questionnements qu’on ne peut que différer. Ce rôle
permet de fixer quelques points pour la prochaine session. |
Génériste du groupe |
Ce rôle enregistre toutes les tâches, fonctions
et rôles du groupe, de sorte à nous rappeler collectivement qui fait
quoi. Essentiel. |
Metteurs en page et groupe éditorial
|
Les rôles sont solidaires en phase finale, pour
compiler les travaux, en permettre la capitalisation en un livret de
formation ; d’abord matériaux bruts, ils pourront faire l’objet d’un
travail de réécriture en vue d’une communication ultérieure, au niveau
hiérarchique, sur le réseau internet, etc…. |
Ingénieur de la mise en ligne
|
Ces travaux pourront s’intégrer dans un site, un
blog, un espace partagé, qu’un membre mettra à disposition du groupe. |
Cette liste n’est pas exhaustive, et des rôles
peuvent être pris et même proposés par les participants eux-mêmes, comme
par exemple celui de médiateur que j’ai découvert récemment ; celui
qui était juste à mes côtés, et qui a pris le rôle de celui qui
réagissait, avec humour et distance, aux incompréhensions du groupe. Ce
fut très dynamique et enrichissant pour tout le monde.
Ad libitum
|
Quelques ressources bibliographiques qui fondent la prise de rôles
La démocratie au lycée, Robert
Ballion, ESF éditeur, 1998, compte
rendu des Cahiers pédagogiques
La violence en milieu
scolaire, tome II : le désordre des choses,
Éric Debarbieux , ESF éditeur, 190 pages, 144 F, 1999., compte
rendu des Cahiers pédagogiques
|
|