Et le livre dans tout çà ? | |
«Pourquoi
voulez-vous que l’Ecole passe à l’ère du numérique quand elle
n’a pas encore passé l’ère Gutemberg ? »,
lançait lors d’une conférence aux parents, Philippe Meirieu
alors directeur de l’INRP. Il interpellait de fait
parents et enseignants sur les usages de la lecture à l’école
et au collège, comme la politique ministérielle actuelle
interpelle sur le phénomène de l’illettrisme. Nous ne pouvions donc pas terminer ce chapitre sur les outils de l’enseignant moderne sans envisager la place du livre en général et des pratiques de lecture plus spécifiquement. La réflexion porte sur l’activité effective de l’élève dans son parcours scolaire et son temps d’exposition (c’est souvent ainsi qu’on en parle) aux apprentissages fondamentaux. A la manière d’un papier photographique, a-t-il été suffisamment exposé à la lecture et à ses différents usages pour « imprimer » de manière conséquente, comme le disent les élèves du 93 ?
Cette question concerne absolument tous les enseignants, et comme tous les problèmes partagés, il est facile de reporter la charge sur le voisin, l’autre discipline ou l’année précédente, tant que la réflexion n’est pas explicitement abordée et prise en charge par un collectif organisé en ce sens. En témoignent la faiblesse numérique au moins en terme d’affichage des objectifs des projets d’établissement portant sur la maîtrise des langages et la pratique de la lecture. Alain Bentollila évoque le « long tunnel » de l’illettré, car tout se passe comme si le problème n’existait pas ; à l’échelle d’un établissement, il ne s’agit peut –être que de quelques « unités », à l’échelle de la nation, ce sont plusieurs dizaines de milliers de personnes. Elles sont donc bien passées quelque part.
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A l’occasion de l’accompagnement d’une mesure du collège 2000, la mise en place d’atelier-lecture en 6ème, mais le propos dépasse ce cadre contextuel, le collège des inspecteurs de l’académie de Nantes avait produit un texte remarquable de clarté et de pertinence dont nous pouvons reprendre ici quelques points :
Pendant les temps d'atelier lecture, les élèves lisentLes
pratiques de lecture que les élèves auront dans les temps
d'atelier doivent contribuer à développer leurs compétences de
lecture. Il
ne s'agit pas évidemment d'écouter des cours de lecture où le
professeur expliquerait pourquoi et comment il faut lire avant de
proposer quelques exercices ou une fiche méthode. Il
ne s'agit pas non plus de "s'exercer à lire" ni de
"faire des exercices de lecture" (sur papier ou sur
ordinateur), ni d'acquérir "des outils de lecture" présentés
comme des objets d'apprentissage, pour assurer des pré -requis à
la lecture qui se pratiquerait ailleurs. Ces
activités restent toujours nécessaires, au moins pour certains élèves,
certaines relèvent d'autres dispositifs que les ateliers lecture
(consolidation, remise à niveau...), d'autres relèvent des
contenus des programmes disciplinaires (outils de la langue,
vocabulaire spécialisé) travaillés sur le reste de l'horaire.
Le
professeur multiplie et varie les documents proposés à la lecture
des élèves, en faisant largement appel aux ressources du CDI,
et il organise des activités qui conduisent les élèves à y
recourir comme à celles d'autres bibliothèques; il peut également
faire appel aux lectures spontanées des élèves. Les activités de
l'atelier lecture s'inscrivent le plus naturellement possible dans
l'enseignement de la discipline pour aider les élèves à en
atteindre les objectifs.
Les
activités de lecture en atelier sont finalisés par un projet, des
questions qui peuvent leur donner sens et stimuler l'intérêt des
élèves pour les documents proposés. Quand on est lecteur, on ne lit généralement pas pour lire, dans l'absolu, mais parce qu'on a des raisons de lire ce qu'on lit, les lectures s'inscrivent dans un projet (réaliser quelque chose, trouver des réponses à des questions qu'on se pose sur un sujet, dans un domaine...) L'obligation de lire en atelier, dans un champ la plupart du temps délimité par le professeur, n'est pas une raison suffisante, particulièrement pour les enfants qui ont des rapports difficiles avec l'écrit, qui n'aiment pas lire, qui lisent encore mal...
Le projet pédagogique qui organise l'atelier prévoit des moments d'échange oraux à propos des lectures faites et l'écriture de textes à l'intention d'autres lecteurs identifiés.
L'atelier
doit être conçu de manière à permettre de (re)construire ou de
consolider cette expérience et d'exercer cette liberté. Cela
suppose que tous les élèves, même ceux dont les compétences de
lecture sont encore très incertaines, soient reconnus positivement
comme des lecteurs, accompagnés et encouragés: quelles que soient
leurs compétences, dans le cadre de l'atelier ils ne sont jamais
stigmatisés comme mauvais lecteurs et les lectures spontanées dont
ils font état ne doivent pas être stigmatisées comme
"mauvaises lectures": mieux vaux leur faire expliquer
pourquoi elles les intéressent et leur plaisent et susciter un débat
dans la classe à leur propos. Les
propos étaient complétés par onze questions dont les réponses
sont développées dans le document en ligne : et le programme ?
Est-ce du loisir ? Que faire lire ? Lire la même chose ?
Quelles modalités ? Lire tout haut ? Le vocabulaire ?
Et les élèves en difficulté ? Du travail
à la maison ? Noter ? Quand le CDI est pauvre ? Bonne
lecture. |