scénario de départ Agir sur son rapport au savoir

Confrontés à toute une série de difficultés, petites ou grandes, pour développer le travail en équipe, nous avions demandé à Philippe Perrenoud de nous accompagner sur ce type de communication professionnelle[1] :

Le rapport au savoir change d’autant moins que chacun peut s’abriter derrière un rapport aux autres qui évite la controverse, voire le débat ou la simple comparaison des pratiques. Croire qu’il n’y a rien à apprendre du collègue le plus proche autorise, en toute bonne conscience, à ne parler avec lui que de sports ou de vacances, et à estimer que travailler en équipe serait du temps gaspillé. Le rapport au savoir masque la peur de la confrontation des pratiques et de la force des arguments pratiques des uns et des autres. Si c’est " à chacun sa vérité pédagogique ", à quoi bon se parler ? Il y a des familles où certains sujets sont tabous. Gloton (1979) évoque de même ces établissements dans lesquels quiconque parle de pédagogie doit s’acquitter d’une amende, destinée à financer une agape de fin d’année…. Ou alors reprendre l’image de Lortie à présent classique de la boite à œufs comme métaphore d’une salle de profs. : chacun reste protégé dans une alvéole, hors tout contact potentiellement dangereux.

Zone de Texte: (Se) trouver des bonnes raisons

On peut faire la danse de la pluie autour du totem Ekype pour déclencher des adhésions spontanées. Plus sérieusement, le déclencheur peut venir d’un changement dans les règles de fonctionnement de l’école ou l’établissement, qui rendent la coopération professionnelle nécessaire.  Nécessaire ne signifie pas " obligatoire ", mais " intéressante ", au sens du profit que l’on peut espérer en tirer. Pour la majorité, travailler en équipe ou s’investir dans une démarche collective de projet d’établissement, c’est difficile. Dans un premier temps, sauf à ceux qui sont en équipe comme des poissons dans l’eau, cela coûte du temps, de l’énergie, menace l’autonomie, brouille les certitudes, fragilise les territoires, crée des conflits, oblige à régler des problèmes difficiles de justice, de division des tâches, de mode de décision.


Pour franchir le pas, il faut donc de bonnes raisons. Aux uns, l’idéalisme suffit, ou le goût des contacts ou de l’aventure collective. D’autres ont besoin de mobiles plus concrets. Seule l’organisation quotidienne du travail dans les écoles peut constituer une incitation forte à coopérer. Aujourd’hui, certaines informations sont en passe de n’être plus accessibles que sur cédérom ou Internet. Si on en a besoin, il faut " s’y mettre ", goût de l’informatique ou pas.
Certains viendront à la coopération professionnelle de cette façon, comme un détour nécessaire pour atteindre leurs fins. Dans certains secteurs, aucun poste de travail ne permet de travailler sans coopérer. Ou alors, il faut accepter une marginalisation croissante.(…)

On voit bien que la voie autoritaire ne mène à rien C’est pourquoi il appartient aux chefs d’établissement et aux corps d’inspection d’infléchir progressivement les pratiques, en prenant position au plan des principes, mais surtout en créant des occasions, des incitations et en agissant sur les coûts et les bénéfices respectivement associés à l’individualisme et à la coopération. Le jour où les gens qui veulent travailler en équipe auront la priorité dans la construction des horaires, le choix des formations continues, l’autorisation de s’écarter des normes pour expérimenter, chacun des acteurs reconsidérera ses stratégies.[2]

 Dans la mesure où le travail d’équipe comprend cette dimension forcément collective, on entre nécessairement en contact beaucoup plus étroit avec  le rôle de direction pédagogique que prend de plus en plus le directeur d’école, comme le chef d’établissement. Et cela n’a rien d’administratif. Bien au contraire.


[1] Philippe Perrenoud, « Peut-on apprendre du travail d’autrui ? »  journée Transférer l’innovation, Paris, 1999, disponible sur http://innovalo.scola.ac-paris.fr

[2] ibidem

Remonter ] l'exception française ] Régler la question du pouvoir ? ] Formes du travail en équipe ] Se donner des référents communs ] Et l'interdisciplinarité ? ] Des techniques pour communiquer ] Résistances en équipe ] Test: faites votre réunion ] Critères pour travailler en équipe, le cas RAVEL ] Participer à un processus ] Construire son identité collective ] Des effets constatés sur les élèves ] [ Agir sur son rapport au savoir ]

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