Comment organiser le travail en équipe |
Je n’ai pas été formé pour « travailler en équipe », encore moins pour coordonner une équipe. | Travailler en équipe n’est pas un contenu à enseigner, mais une compétence nécessaire pour enseigner ; ce sont des actes de la pratique professionnelle qui ne trouvent sens et intérêt que fortement contextualisés. On pourrait cependant très bien l’envisager en formation initiale comme modalité de travail d’un ou plusieurs modules, histoire d’éprouver ses propres résistances, sa capacité à négocier et d’apprendre à organiser un groupe d’adultes, qui plus est, collègues.. Mais, c’est un peu comme le vélo, il faut s’y mettre. |
L’expérience de l’équipe du collège Marx Dormoy
Au collège Marx Dormoy, (18ème arrondissement de Paris), une petite équipe (technologie, sciences physiques et SVT) s’est mise à travailler ensemble dans le cadre des itinéraires de découverte, sur un module « démarche expérimentale » proposé aux élèves. Expérimentale, c’est bien le mot, car pour tous, c’était la première fois que chacun s’y confrontait.
La collaboration entre les différents membres de l’équipe se fait selon trois modalités :
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L’expérience de l’équipe du collège Marx-Dormoy
Au collège Marx-Dormoy (Paris XVIIIe), une petite équipe (technologie, sciences physiques et SVT) a élaboré un module « démarche expérimentale ». Expérimentale, c’est bien le mot, car pour tous, c’était une première… La collaboration s’effectue selon trois modalités.
1. La communication au sein de l’équipe
Utilisation d’Internet. « Le courrier électronique est un outil qui a permis de pallier notre manque de concertation en échangeant des informations et des documents sans nous rencontrer »;
Échange de documents. «Nous avons aussi échangé de manière plus traditionnelle les programmes des matières concernées (sciences physiques, SVT, mathématiques, technologie), en incluant des commentaires et en soulignant des particularités, ainsi des documents concernant notre réflexion sur le projet. Nous avons dû construire un langage commun et une culture commune.»
Concertation. « Peu, trop peu : l’équipe doit totaliser une douzaine d’heures de concertation et des heures de formation pour structurer ce que nous avions fait. L’ordre du jour des séances a donc toujours été précis,clair et souvent respecté.»
2. Une coanimation programmée et organisée
«Nos élèves montraient un manque de méthodes et une incapacité à transférer des démarches de pensée pourtant identiques dans les disciplines scientifiques enseignées. La séance de coanimation a donc été une occasion idéale pour impliquer les élèves dans ces démarches. Enfin, nous avons tenu à montrer que l’union fait la force ! »
3. Trouver des sujets suffisamment intéressants
Deux années d’expérience leur ont permis d’établir un « cahier des charges » pour définir ce thème :
– trouver un sujet pouvant être traité dans les trois matières
– ne pas se limiter aux programmes si cela nuit à l’efficacité du dispositif mis en place (l’expérimentation article 34 de la Loi de 2005 le permet !)
– choisir un sujet ayant un intérêt assez motivant pour les élèves
Les enseignements de l’expérience Max Dormoy
Ce riche témoignage d’une pratique d’équipe met en exergue quelques points utiles :
sur le concept de compétence collective, vous trouverez une définition de Le Boterf sur le site DIVERSIFIER |
L’organisation de l’équipe fait le succès des élèves : une enquête américaine
L'association américaine "Just for the
Kids" a enquêté auprès de plusieurs dizaines de sites dans une vingtaine
d'états. Tous ont pour point commun d'avoir des résultats nettement supérieurs
aux chiffres attendus. Comment font-ils ?
Educabilité pour tous, quelque soit l'origine sociale, ethnique ou
culturelle : à Central Union High School (Californie), " jusqu'à ce chaque
étudiant ait réussi son examen final, on ne se repose pas". Concrètement,
les établissements s’équipent de tests d'évaluation. Au Tennessee, on
définit "un nombre limité d'objectifs basé sur les résultats des élèves,
les programmes de l'école". Certains districts fournissent des tests
locaux.
Ensuite, les équipes différencient les approches. Dans un district
new-yorkais, tous les enseignants ont suivi une formation à la pédagogie
différenciée et pratiquent des groupes de compétences. "Les enseignants
gardent trace des résultats des élèves tous les jours ". A Lockport City,
,c'est "la différenciation, pas la remédiation". Ainsi, ils ont pu
s'adapter à une population scolaire assez mobile.
Certaines écoles n'hésitent pas à bouleverser l'organisation. Dans une
école de New York, l'emploi du temps suit une organisation par sujet d'étude.
Ailleurs, on a bloqué la matinée pour la lecture et l'écriture.: "Tous les
niveaux d'élèves doivent avoir accès aux enseignants les plus expérimentés".
Souvent, les districts proposent des tuteurs pour accompagner les enseignants
débutants. A Memphis, ils se rencontrent chaque semaine.
La communication entre enseignants est donc essentielle :. "On va
dans la classe d'un collègue tous les jours" au Tennessee. En Californie,
les directions impulsent des groupes de communications où on partage les
expériences parce qu’ "atteindre ses objectifs est vu comme une activité
collective et coopérative".
L’importance de la direction pédagogique
« Le travail d’équipe, c’est le boulot du directeur d’école / du chef d’établissement. » | A trop compartimenter les responsabilités, à penser eux/nous, pédagogie/ administration, on arrive à oublier que le travail d’équipe est d’abord un travail sur les interfaces et les zones partagées de collaboration. Comme si une équipe de football faisait d’abord entrer sur le terrain les joueurs, puis dans la deuxième mi-temps, le goal, les joueurs revenant sur le banc de touche. La partie se joue ensemble, le goal dans l’absolu étant un joueur comme les autres |
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La collaboration direction-enseignants au collège.
L’organisation du travail en équipe dépasse à un certain niveau le simple domaine de compétences des seuls enseignants. L’équipe a besoin alors d’un cadre affermi par des choix relevant d’un dialogue avec l’équipe de direction. Voici par exemple les éléments soulignés par Claire Neira, alors, proviseure adjointe du lycée français de Mexico, quand il s’est agi de faciliter le travail en équipe au collège :
- Organiser une journée banalisée de préparation en avril pour analyser et préparer le dispositif (vœux des collègues) - aligner des horaires des classes l’après midi (implique des choix de service de la part des enseignants) - Inscrire la concertation dans l’emploi du temps des enseignants - Inscrire le CDI dans le dispositif des enseignants et travailler sur la mobilité possible des élèves - S’appuyer sur un bilan de fin de session pour aménager le dispositif (thèmes, choix, traitement….) - Acter les grandes décisions au sein du Conseil d’établissement (thèmes, répartition, choix, voyages) - Faciliter et valoriser les travaux des élèves et des équipes - Coordonner et sélectionner les niveaux d’information (élèves, parents, institution…) et de communication - Envisager les marges de manœuvre et la souplesse dans l’intervention des enseignants (emploi du temps, heures effectives…) - S’appuyer sur un ou deux coordonnateurs pédagogiques du dispositif IDD
Tout cela relève du « conseil pédagogique » : créé par l'article 38 de la loi Fillon, le conseil pédagogique est théoriquement en place depuis 2006 dans les établissements. « Il doit impliquer plus étroitement les enseignants dans la gestion de leur établissement : leur donner la parole, écouter leurs propositions, dépasser les clivages anciens entre l’administration et la pédagogie pour progresser., Instance consultative et non décisionnelle, il permettra d’expliciter le fonctionnement de l’établissement, de montrer ses forces et ses faiblesses, son rôle sera essentiel en terme d’évaluation de la politique suivie, d’analyse des indicateurs de fonctionnement et surtout il sera force de proposition ».
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Où en est votre établissement ?
« Est-ce que mettre des professeurs suffit à faire une équipe ? » | Le travail d’équipe, le travail en équipe crée de l’animation, voire de la perturbation dans l’établissement ; il est un ferment du changement des pratiques au service des élèves. La direction pédagogique implique dans un même projet enseignants et direction ; elle se manifeste par des signes concrets que Françoise Cros, chercheuse à l’INRP au centre européen pour l’innovation en éducation et en formation, à l’issue d’une étude comparée sur un certain nombre d’établissements, a relevés.[1] Ce sont des repères utiles pour analyser votre propre situation dans votre école ou établissement, pour distinguer quel domaine à présent plutôt investir pour « marquer l’essai ». |
Participer à un processus dynamique
Le travail d’équipe, le travail en équipe
crée de l’animation, voire de la perturbation dans l’établissement ;
il est un ferment du changement des pratiques au service de élèves. Françoise
Cros, chercheuse à l’INRP et au centre européen pour l’innovation en éducation
et en formation, à l’issue d’une étude comparée sur un certain nombre
d’établissements, a dressé un tableau en sept points pour comprendre
« ce qui bouge » quand « çà bouge ».[1]
L'innovation existe et se diffuse
si... |
les
bonnes questions |
il
existe un laboratoire d'idées
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Comment
travaille l'équipe ? Existence d'objets de travail. Distinction et répartition
des rôles ? Existence de choix collectifs prioritaires ? Comment
s'est-elle constituée ? L'équipe fonctionne-t-elle sur des bases autres
que les affinités électives ou le bénévolat ? |
Il
y a des
investissements de forme
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Quels
sont les moyens matériels alloués ? (crédits, heures rétribuées,
salles, temps...) Moyens mobilisés pour créer des réseaux (qui le
compose et comment ?) Réunions de travail ? Temps de concertation ? |
les
individus entrent en relation professionnelle par l'intermédiaire
d'objets techniques et/ou symboliques
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Existence
de fiches de travail, d'outils, de documents, de textes officiels
circulant entre les personnes ? Qui les établit, les fait circuler ?
Comment chacun s'en empare-t-il ? Quel est le degré de contrainte de ces
objets ? Y-a-t-il des "objets
valeurs" autour desquels se cristallisent les rapports de force entre
les personnes ? |
les
acteurs sont mobiles
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Quel est
le parcours géographique, statutaire, professionnel, expérientiel des
personnes ? Quels sont les réseaux d'appartenance internes et externes ? |
le
chef d'établissement favorise la constitution d'un réseau sociotechnique
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Est-il à
l'origine des investissements de forme ? Délègue-t-il ? Collabore-t-il
au travail (degré de participation effective au laboratoire) ?
Organise-t-il des réunions, favorise-t-il matériellement le travail d'équipe
(emploi du temps par exemple) ? Fait-il connaître et reconnaître le
travail à l'interne comme à l'externe ? Marque-t-il de l'intérêt pour
l'action et les personnes (il ne tire pas par exemple la couverture à
lui) ? |
il
existe dans l'établissement des controverses qui amènent à aligner les
intérêts particuliers dans un projet d'ensemble minimum
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Débat-on
de l'objet de l'innovation ? Y-a-t-il eu un temps de problématisation
avant d'agir ? Y-a-t-il des aller-retour entre théorie et pratique ? Le débat
porte-t-il sur des valeurs ou sur l'action ? Y-a-t-il des négociations,
des régulations ? |
des
porte-paroles mobilisent des réseaux
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Qui
travaille dans l'équipe ? Avec qui travaille l'équipe (parents,
communes, collectivités territoriales, rectorat) ? Qui dans l'équipe
interne contacte qui à l'extérieur ? Pourquoi lui ? Quels sont les
arguments avancés ? Quelles sont les stratégies et les tactiques employées
? Qui dans l'équipe appartient aussi à ces réseaux externes ?
Existe-t-il dans l'établissement un système organisé de communication ? |
Ce sont des repères utiles pour analyser votre propre situation dans votre école ou établissement, pour distinguer quel domaine à présent plutôt investir pour « marquer l’essai ».
[1] extrait de Françoise CROS, Le transfert des innovations scolaires, une question de traduction, INRP, juin 2000, p.14
La question du pouvoir est toujours présente.
Dans la vie d’une équipe, la question du pouvoir est une difficulté qui, si elle n’a pas été abordée explicitement, ressort comme le fantôme du placard. Une certaine culture identitaire mal comprise (au sens de dérive égalitaire) dans la profession, ainsi qu’une défiance endémique à tout pouvoir établi, paradoxe pour des professionnels qui « instituent », renforce ce phénomène.
La question se corse dans le cas de « rôles émergeants » comme coordonnateur de dispositif par exemple dans la mesure où sa reconnaissance institutionnelle n’est pas acquise d’entrée : elle doit passer par la validation du chef d’établissement, en accord avec l’ensemble des personnels concernés. Un « investissement de forme » comme le signale Françoise Cros, à savoir la délégation de quelques HSE (heures supplémentaires effectives) peut alors signifier à l’équipe la reconnaissance du travail de coordination, à la manière de ce qui existe déjà dans les disciplines.
Différents rôles de coordination d’équipe
Inscription des rôles dans l’institution |
Pour une classe |
Sur plusieurs classes, sur l’établissement |
Des rôles inscrits institutionnellement |
Professeur principal |
Coordonnateur de discipline Responsable de laboratoire ou d’un cabinet spécialisé Coordonnateur de niveau Elu au conseil d’administration |
Des rôles émergeants |
Chef de projet
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Chef de projet Coordonnateur de dispositif Coordonnateur d’un groupe de réflexion, d’étude Coordonnateur d’une commission |
Une analyse de la DPD d'avril 2002 sur les formes et les effets du travail en équipe ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/ni0216.pdf
[1] extrait de Françoise CROS, Le transfert des innovations scolaires, une question de traduction, INRP, juin 2000, p.14