
Pour l’honneur de
l’École
Passions et
controverses en éducation
extraits d'un
ouvrage paru en 2000, éd. Hachette éducation (droits libérés) |
I Genèse et devenir des institutions culturelles et
enseignantes
PARTIE 1:
L’imbroglio des querelles anciennes et toujours modernes !
PARTIE 2:
L’École française peut-elle convenir à notre temps ?
II Problèmes de
qualité, de dimensionnement, d’organisation et de formation
PARTIE 3:
Querelles qualitatives et quantitatives
HAPITRE
17: Du niveau
.
C HAPITRE
18: Mythe du niveau et mécanisme
de défense
C HAPITRE
19: Repères factuels sur la
qualité de l’École .
C HAPITRE
20: Malaise des collèges ?
C HAPITRE
21 :Indicateurs pour les lycées
.
C HAPITRE
22 : Interrogations sur les
dimensions de nos structures scolaires
C HAPITRE
23: Recensions à l’échelle
mondiale
C HAPITRE
24: Expérimentations et
investigations approfondies .
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(1) C. Baudelot et R. Establet,
Le Niveau monte,
Seuil, Paris, 1989, p. 169.
(2) P. Gosling, Qui
est responsable de l’échec scolaire ?,
PUF, Paris, 1992, p. 226.
(1)
Ibid., p. 61.
(2)
Ibid., p. 13.
(3)
Ibid., p. 236.
(4) Ibid.,
p. 224.
(1) L. Boltanski, « L’idéologie de l’encombrement »,
in
:
Les Actes de la recherche en
sciences sociales, no l,
1976.
(2) P. Gosling,
ibid.,
p. 224.
(3) R. Ballion,
La Bonne École,
Hatier, Paris, p. 172.
(4) Cité par A. Prost,
Éloge des pédagogues,
Seuil, Paris, 1985, p. 216.
(1) Ces textes ont été recueillis par A. Chervel dans une
étude intitulée Mais
savait-on l’orthographe au XIXe siècle ?,
INRP, Paris, 1984, ainsi que cités dans les revues
École et socialisme,
no 30, et Le Monde de
l’Éducation, no 106, juin
1984. Également, partiellement, dans
Le Niveau monte,
op. cit.,
pp. 10 à 13.
(2) T. Zeldin,
Histoire des passions françaises,
tome III, Seuil, Paris, p. 350.
(1) A. Chervel,
op. cit.,
p. 17, citant l’auteur de l’ouvrage
De la haute éducation
intellectuelle, Lecoffre, Paris, 1857, tome 1, pp. 310 et 311.
(2) Cité dans
Le Niveau monte,
op. cit.,
p. 165.
(3)
Ibid., p. 164.
(4) A. Chervel,
ibid.,
p. 10.
(5) A. Chervel,
ibid.,
p 11.
(6)
Ibid., p. 12, voir Gebhart
dans son ouvrage, Le
Baccalauréat et les études classiques, Hachette, Paris, 1899, p. 100.
(1) Cité par A. Prost,
in
:
Éloge des pédagogues,
op. cit.,
p. 216.
(2) Cité par J. Simon,
Psychopédagogie de
l’orthographe, PUF, Paris.
(3) Cité par A. Chervel,
in
:
Le Niveau monte,
p. 11.
(4) Cité par M.T. Maschino,
in
:Voulez-vous
vraiment des enfants idiots ?,
Hachette, Paris, 1984, p. 206.
(1) A. Chervel.
op. cit.,
p. 17.
(2) Cité
in :
Le Monde de l’éducation,
no 61, mai 1980, p. 12.
(3) Cité in
:
Le Niveau monte,
p. 11.
(1) A. Léger,
Enseignants du secondaire,
PUF, Paris, décembre 1989, p. 166.
(1) A. Prost, Les Lycées
et leurs études au seuil du XXIe siècle,
ministère de l’Éducation nationale, décembre 1983, p. 27.
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17
Du niveau
La langue commune, la
vulgate
en usage dans les sphères enseignantes
(ou la langue de bois des salles de profs, diraient certaines mauvaises
langues) recourt volontiers, et depuis des lustres, à quelques aphorismes
définitifs du genre : «
Nous n’avons pas les moyens
» ; «
On n’a pas été formés pour ça
» ; mais surtout, «
Le niveau baisse
». Qu’en est-il, au fait, de ce
dernier axiome, culturellement, sociologiquement, pratiquement ? Dans le
système scolaire, mais aussi en dehors.
Langage et chute
On peut observer, tout d’abord, après l’étude de textes,
assurée par les auteurs universitaires d’un ouvrage ayant pour titre
Le Niveau monte
(Christian Baudelot et Roger
Establet), que « la
métaphore de la chute et la connotation méprisante pèsent depuis deux
siècles sur le mot : le niveau est habituellement entraîné vers le
bas
»
(1).
Parler couramment (je m’abstiendrai de dire
obsessionnellement)
de niveau, à propos des élèves ou des étudiants, reviendrait donc à
évoquer une baisse fatale.
Il s’ensuivrait une persistance (non critiquée) à
déprécier l’image de la jeunesse, et (par suite d’un jugement global) à
effacer indistinctement les réussites individuelles et les progressions
collectives sous un stigmate indistinct d’échec.
Niveau en baisse, échec : ces deux termes se renforcent
mutuellement, sous le fait d’une
logique de la globalisation
de l’évaluation, comme le
note Patrick Gosling, au terme d’une recherche approfondie sur le thème
Qui est responsable de
l’échec
scolaire ?
(2)
Nous avons déjà fait observer la référence obligée de
l’échec pour nos modes évaluatives (élitiques par élection) et la bascule
qui peut en résulter pour les estimations globales, dans la mesure où,
remarque Patrick Gosling, «
d’après nos résultats ainsi
que d’autres (Darom et
Bartel, 1981), les
enseignants acceptent la responsabilité de la réussite, mais pas celle de
l’échec
»
(1).
Il en advient donc, par défensivité face au «
sentiment que la société ne
reconnaît ni leur valeur, ni celle de leur
savoir
»
(2),
que pour les enseignants «
la représentation
globale de l’élève est une représentation dévalorisée. L’enseignant
renvoie sur l’élève la perte de valeur qu’il
subit
»
(3),
avec des risques de choc en
retour, comme il en advint.
Le professeur dégage donc souvent sa responsabilité de
tout échec, en l’imputant à la responsabilité des élèves, et en
conséquence, globalement, à leur niveau réputé insuffisant ou au climat
familial et social (en crise).
En retour, si les parents (mais quels parents ? de milieu
aisé ou non?) abondent dans le sens de la «
focalisation sur
l’échec
»
(4)
et de la baisse du niveau, ils
sont conduits, par volte-face ou instinct stratégique, à en faire porter
la responsabilité uniquement à l’École et au corps enseignant. Les élèves
ou les adultes sont à tour de rôle inculpés ou disculpés pour la baisse du
niveau.
L’ambiance du monde adulte s’explicite encore ouvertement
dans une telle allégation. Son prétexte sert donc périodiquement de pomme
de discorde, comme on l’a vu, entre les différentes parties de l’opinion
publique, partagée entre les positions élitiques et égalitaristes,
bienveillantes et pessimistes, avouées ou tues.
Sans doute, les discours sur ce sujet réfèrent à un vrai
problème qu’il nous reviendra de dégager ; mais il nous faut d’abord
démonter les tendances fantasmatiques qui en faussent les perspectives.
On doit reconnaître, en premier lieu, que la véhémence
récurrente des critiques psalmodiant la
baisse du niveau
est activée, plus ou moins
distinctement, par le changement d’échelle que nous avons décrit et la
complexité accrue du système éducatif.
Il en résulte, comme l’exprime le sociologue Luc
Boltanski, une «
crainte de l’encombrement
», ou encore le recul devant «
la relation angoissée à la
foule et à la perte dans la foule, le fantasme de la chute dans le commun
et de la submersion par les masses. Mais cette obsession du nombre, de la
rareté et de la fréquence n’est pas nouvelle et elle semble caractériser
l’humeur constamment associée à l’occupation d’une position dominante
».
Boltanski, pour sa part, imputait alors ce
bien commun,
ce leitmotiv, au «
bavardage
bourgeois
»
(1),
cependant que Gosling y voyait «
une véritable question-écran, un
symptôme bavard qui obscurcit les véritables
enjeux
»
(2).
Il convient, en bonne méthode, de vérifier la consistance
culturelle de ce symptôme-axiome de la baisse du niveau, parmi quelques
fantasmes associés à notre imbroglio traditionnel, en des temps où, comme
le remarque Robert Ballion, dans le conflit élitisme-démocratie, «
la démocratie de l’accès aux
biens a fait que la rareté devient un attribut...
rare
»
(3).
La rengaine du niveau qui baisse
Bourgeois ou non, intellectuel ou médiatique, légaliste ou
démocratique, ce bavardage défaitiste est, il est vrai, ancien. Déjà, au
XVIIIe
siècle, en 1763, dans son
Essai d’éducation ou Plan
d’études pour la jeunesse,
La Chalotais écrivait : «
On n’acquiert dans la plupart
des collèges aucune connaissance de notre langue... Sur mille étudiants
qui ont fait ce qu’on appelle leurs cours d’Humanités et de Philosophie, à
peine en trouvera-t-on dix... qui sussent écrire une
lettre.
»
(4)
Ces propos, d’une époque où il n’y avait pas encore d’ encombrement,
gardent une tonalité moderne d’acrimonie contre l’enseignement, déjà en
défaut ou en détresse
!
Plus près de nous, un chercheur de l’Institut national de
recherche pédagogique, André Chervel, a eu la curiosité d’étudier les
rapports faits sous le Second Empire, entre 1858 et 1866, aux recteurs
d’antan par les doyens des facultés des Lettres et des Sciences,
présidents des jurys de baccalauréats (qui étaient alors seulement ès
lettres ou ès sciences).
Les constatations sont toutes alarmantes en ce siècle où
pourtant le latin était de rigueur et alors que les filières du second
degré restaient purement élitistes (il y avait quelques milliers de
candidats seulement au baccalauréat). Elles constituent une édifiante
anthologie de lamentations répétées dont on ne voudrait pas priver le
lecteur d’apprécier au moins quelques
échantillons
(1).
C’est ainsi que le doyen Olleris constatait amèrement, à
Clermont en 1858 : « Les
candidats ignorent et la biographie et le titre des principaux ouvrages de
Montesquieu, de Bossuet, de Racine. » Il confirmait, en 1859 :
« La valeur des mots, leur
sens propre et figuré sont rarement compris. » Sur quoi,
surenchérissait le doyen Victor Le Clerc, à la Sorbonne, à la même date :
« Les fautes d’orthographe,
l’ignorance des plus simples éléments de la langue française laissent trop
voir qu’un grand nombre se présente à ces épreuves comme à un jeu de
hasard où c’est la fortune qui doit tout faire.
»
Les copies, s’irrite le doyen Bouillier, à Lyon, en 1864,
sont « presque toutes
médiocres et quelques-unes ont des fautes grossières à toutes les lignes
en latin et en français ».
Son collègue de Lille, le doyen Girardin, confirmait la même année : «
Il semblerait que,
dans nos lycées et collèges, on n’apprenne plus la langue française.
»
Outre ces propos sévères sur les candidats littéraires, il
faut noter la déception accrue à l’égard des candidats scientifiques dont
on connaît le petit nombre : «
Ce qui m’a le plus frappé
– écrit en 1862 le doyen de
Rennes, Malaguti, résumant bien les propos de tous ses collègues –,
c’est l’ignorance presque
générale de l’orthographe.
» Serait-ce seulement les candidats, les jeunes qui seraient à blâmer pour
leur insuffisance ?
Théodore Zeldin rappelle que, à la même période, «
en 1867, V. de Laprade se
livre dans L’Éducation
homicide à une
violente attaque du
système
»
(2).
Une crise de l’orthographe et des langages ou de l’École est donc
dénoncée ouvertement sous le Second Empire. Monseigneur Dupanloup, autre
témoin du temps, le reconnaît sans ambages : «
On se plaint
universellement que la jeunesse française achève ses
humanités, fait ses études ou ses classes, comme on voudra l’entendre, passe huit ou
dix années à étudier le grec et le latin, et arrive souvent à la fin de cette
longue et laborieuse éducation sans savoir
l’orthographe.
»
(1)
Même élitiste ou cléricale, l’éducation n’est donc ni
aisée ni automatiquement performante! Le Suisse Amiel croit pouvoir conclure en 1866 : « La
moyenne de nos étudiants français est archi-médiocre et fait baisser tout le niveau de nos
études.
»
(2)
Mais la crise du langage et de l’orthographe ou la baisse
du niveau ne sont pas accusées seulement sous le Second Empire. Sous
la IIIe
République, les Goncourt peuvent s’irriter dans leur
Journal, en 1878 : «
Évidemment, le niveau de l’esprit national baisse et le peuple français, naturellement excessif, est prêt à devenir le plus
imbécile et le plus gâteux des
peuples.
»
(3)
En 1881, dans un discours de rentrée solennelle des
facultés, le doyen Gaffarel, à Clermont, exprimait avec un style bien
universitaire l’irritation de ses collègues : «
Nous voudrions simplement
rappeler aux candidats que la Faculté désirerait ne plus avoir à
corriger des fautes d’orthographe aussi nombreuses que stupéfiantes. Elle désire aussi que
les aspirants ne fassent pas prononcer par Bossuet ses oraisons funèbres
à la cour d’Henri IV, ni prêcher la première croisade par Claude
Bernard. »
(4)
En 1899, l’helléniste Victor Bérard, maître de conférences
à la Sorbonne, répond à son tour à une commission parlementaire
qui prépare les réformes de 1902 : «
J’estime que les trois quarts
des bacheliers ne savent pas l’orthographe. Le mal n’est pas grand peut-être
; mais si l’enseignement classique ne sert même pas à cela, à quoi peut-il
servir ?
»
(5)
Ces réflexions montrent assez le dédain où risquait déjà
d’être tenue l’orthographe, réputée
affaire des primaires
à l’aube du XXe siècle.
Mais, déjà en l’année 1895, Gebhart, qui se flattait
d’avoir examiné dans sa carrière 16 000 candidats, dénonçait la croissance
excessive des échecs aux examens : «
La version latine, cause de
cette catastrophe, témoignait d’une ignorance formidable des éléments de la langue
latine. Et je ne dis rien ni de la traduction barbare, ni de l’orthographe
folle.
»
(6)
Ainsi en était-il au temps de la Belle Époque. Et il est
possible de continuer indéfiniment le florilège des condamnations
péremptoires jusqu’à nos jours, tant il est habituel chez les professeurs
ou les intellectuels de s’indigner des nouvelles générations, de
stigmatiser leurs sottises ou leurs cuistreries et d’en accuser les temps
ou le système.
C’est encore Émile Faguet qui manifeste son indignation,
en 1909, dans L’Univers
: « Tous les
professeurs et tous les examinateurs de France (et non pas seulement du
baccalauréat) sont d’accord là-dessus : les jeunes Français n’écrivent pas
en français. La déchéance progressive est, en cette affaire, d’une
prodigieuse rapidité. »
À cette généralisation, ce critique réputé ajoute la
prédiction définitive, comme d’autres en font non moins consciencieusement
de nos jours : « La
crise du français n’est pas une crise, c’est une décadence définitive et
sans retour, compensée par des progrès qui ont lieu dans un tout autre
ordre de choses. On n’écrira plus le français, voilà tout. Il ne sera plus
écrit que par un certain nombre d’hommes très
restreint...
»
(1)
Catastrophe, déchéance, décadence sans retour, déclin ,
avec cependant la consolation élitique du petit nombre : on en entendra
reparler dans le fonds commun de notre culture alarmiste, nous l’avons
déjà rappelé. Mais persévérons encore dans notre quête des propos amers et
définitifs.
En 1911, paraît une plaquette intitulée
Le Péril de la syntaxe et la
crise de l’orthographe : «
La crise de
l’orthographe y est analysée comme une conséquence du déclin politique et
militaire de la France à cette
époque.
»
(2)
L’issue positive de la guerre de 1914-1918 atténue pour un
temps les sombres prédictions. Mais les anciennes habitudes ne tardent pas
à être reprises. En 1929, Paul Laumonnier, décrivant la
Crise de la culture
littéraire, annonce que «
l’enseignement
secondaire se primarise »
(on l’a redit récemment). De la sorte, «
les élèves des lycées n’ont ni
orthographe, ni vocabulaire exact et
varié
»
(3).
Huit ans plus tard, en plein Front populaire, c’est un
recteur, Jules Payot, qui s’indigne en 1937 de la
Faillite de l’enseignement
qui, avec son système d’examens, «
détruit irrémédiablement
l’énergie, rend mélancolique, nerveuse, agitée ou aboulique toute une
masse de
jeunes »
(4).
Il jugeait aussi qu’«
avec les copies d’une session
de baccalauréat, on composerait unsottisier
d’une grande
richesse
»
(1).
Mais pour le rapport aux
insuffisances de notre temps, Fernand Braudel a eu la sagesse de rappeler
: « Il y a eu chez les
jeunes de somptueux sottisiers, bien avant
1939.
»(2)
Et bien avant la fin du
XXe
siècle. Qui ne le reconnaîtrait, en
son âme et conscience (ou en son humour secret) ?
Il faut ajouter qu’il y a aussi un sottisier respectable
réunissant les propos des censeurs sans vraie mémoire ni vergogne (au bon
sens que lui rend le philosophe Michel Serres), ou alors candides, et même
s’il s’agit d’auteurs ou d’enseignants respectables s’exaltant pour
annoncer que « la
décadence est réelle »
(Noël Deska, 1956, dans
Un gâchis qui défie les réformes : l’enseignement secondaire),
ou qu’« il serait
malhonnête de parler d’un bon cru
» (Guy Bayet, président de la Société
des agrégés, en
1988)(3)
; enfin (provisoirement !), que
nous sommes entrés dans
L’Horreur pédagogique
(Guy Morel et Daniel Tual-Loiseau).
Même un homme aussi lucide que Lévi-Strauss, interrogé à
la télévision au cours d’un entretien consacré à son oeuvre, opinait sur
une dégradation du niveau, en l’an de grâce 1984. Mais il précisait que
cette dégradation aurait été déjà évidente du temps de sa jeunesse, quand
il commençait à enseigner, et même plus, quand il était élève, à la fin
des années 1920. Et il indiquait à son interlocuteur la chute du niveau
visible sur les copies de sa classe comparées à celles de Bergson et de
Jaurès. Le journaliste Bernard Pivot put lui faire remarquer la relativité
extrême de ses références.
On le voit, en matière de baisse du niveau, nous avons de
bonnes références culturelles. Mais au fait, de quel niveau parle-t-on, à
propos de quelles strates sociologiques et pour quelle argumentation
sociale ?
Une notion sociologiquement confuse
L’ancienneté des remontrances faites aux élèves ou au
système scolaire, à l’opinion, à l’esprit
national, ou bien aux moeurs devrait alerter notre vigilance.
Nous devrions, en conséquence, chercher à situer la
signification de cette rengaine ou de ce
radotage séculaire
(comme le qualifiaient irrévérencieusement Baudelot et Establet)
sur la crise ou la
baisse de niveau,
trop aisément admise quoique la notion même de niveau reste confuse et
difficilement mesurable.
Parmi les enseignants interrogés sur le niveau des élèves,
au cours d’une recherche effectuée par un sociologue dans les années 1980,
16 % seulement refusent de répondre : «
Cette question,
explique l’un d’eux, pour
avoir un sens, nécessiterait une étude approfondie : les moyens de
référence changent avec le
temps.
»
(1)
Et avec les publics visés. Mais
quels sont-ils ?
Il faut, en effet, relever une imprécision constitutive.
Du niveau de quelle strate sociale ou catégorie est-il question dans les
allégations, les attributions, ou dans les dires ? Serait-ce celui
d’élèves sortant des écoles ? ou bien ceux des collèges ? ou encore ceux
des lycées ? voire de l’enseignement supérieur ? Serait-ce celui des
conscrits, au régiment ?
Ou encore, parle-t-on de la bourgeoisie, des milieux
populaires, ou même des masses? À moins que ce ne soit des élites dont on
déplorerait l’insuffisance ? Ou des catégories de techniciens et
d’ingénieurs ?
Dès lors qu’on généralise hardiment ou qu’on globalise, en
toute hypothèse, il faudrait préciser si l’on désigne le niveau des
meilleurs ou celui d’un individu
moyen
(ou d’une moyenne d’individus) d’un
groupe ou classe donnés (mais lequel ou laquelle ?), ou le niveau des
faibles ; si l’on taxe les aptitudes ou performances d’établissements
particuliers sinon de leur ensemble ; ou enfin si on évalue péjorativement
une génération comparée à d’autres générations qui l’ont précédée, mais
sur quelles références précises ?
Par l’invocation de la
baisse du niveau
veut-on signifier des possibilités
moindres ou une proportion plus forte de jeunes en difficulté ?
Ou bien veut-on assurer que c’est le niveau supérieur des
capacités (mais lesquelles et en quel dosage ?) d’une classe entière ou
d’un groupe entier qui a fléchi, si ce n’est la moyenne ou la médiane de
résultats à des tests sérieux (mais il n’existe aucun système d’épreuves
normalisées en France, sinon de façon récente et donc sans rapport
possible à quelque passé, proche ou lointain !).
S’il s’agit de niveau dans le système scolaire, il
faudrait encore apprécier si c’est celui de l’activité intellectuelle, des
capacités de raisonnement ou d’expression (verbale ? écrite ?), de la
culture générale (est-elle définissable ? Par qui ? : un petit groupe «
médiatique » se donnant en référence ?), des valeurs, ou d’un certain brio
(très prisé dans notre culture franco-française). S’il est question du
niveau des connaissances, il faudrait dire en quelle discipline ou dans
quel ensemble de disciplines, pour quel bagage de savoir (mais lequel ?),
pour quelle spécificité de savoir-faire (et à quel étiage de ceux-ci ?).
Il importerait aussi, si on veut être clair, de définir
suivant quelles références temporelles et sociologiques on se dispose à
juger du niveau : en comparant notre temps ou l’année qui vient à quelle
époque, en quels programmes, quelles moeurs, quels objectifs cognitifs ou
sociaux, pour quelles tranches d’âges, selon quel volume de matières
imposées, par rapport aux attentes de quel groupe social de référence,
pour quels âges, pour quels pourcentages d’une classe d’âge déterminée?...
Dans la mesure où on prétend juger de façon catégorique,
il faudrait encore caractériser le modèle de jeune (armé de quelles
connaissances et de quelles capacités ?) par rapport auquel on établit des
mesures objectives de niveau (selon quelles batteries d’épreuves et de
tests validés ?) pour des individus ou des groupes.
Tout se passe comme si ce modèle (ou cet étalon) d’élève
existait. Mais, aussi souvent, on voudrait comparer les performances
(réelles ou idéalisées ? supposées ou mesurées ?) des meilleurs élèves
d’autrefois aux élèves d’aujourd’hui, en oubliant les changements
d’échelle.
Peut-on établir une comparaison correcte entre les 3 % des
plus instruits d’une génération qui étaient bacheliers avant 1939 et les
plus de 60 % des générations actuelles qui sont bacheliers (dont 67 % en
enseignement général), qui réussissent chaque année au baccalauréat
(différent de celui d’antan, en raison de nombreuses surcharges de
programme et d’un nombre accru de disciplines, mais aussi en conséquence
des modifications de forme et de jury) ?
Comme Antoine Prost le remarquait, en 1983, «
pour comparer ce qui est
strictement comparable, il faudrait comparer les bacheliers actuels aux 27
% les plus instruits des jeunes de 1963, 1953 ou autres années, qui
n’avaient même pas tous fait des études primaires supérieures, ou encore
les 6 % d’aujourd’hui aux bacheliers de 1953. Le résultat serait alors
probablement l’inverse : on découvrirait que le niveau monte, aussi bien
celui de l’élite des écoles que celui de la masse de la
population
»
(1).
Mais pour comparer correctement, il y faudrait quelque
intérêt qui s’avérât supérieur à l’entraînement des habitudes ou des
réflexes défensifs.
|
(1) Outre le réflexe langagier qui fait utiliser cet aphorisme dans les
salles de professeurs ou en ville sinon en classe, les enseignants, quand
ils sont l’objet de sondages sur le niveau, se déclaraient convaincus, pour
un peu plus de 50 % des personnes interrogées, de sa baisse, d’après une
enquête SOFRES de 1977 (dans les lycées, pourtant avant la création des
Secondes indifférenciées ou de détermination) et dans une enquête d’Alain
Léger, dans Enseignants
du secondaire. Il reste que
presque une moitié des personnes interrogées contestent l’aphorisme, et
qu’entre 8 et 15 % refusent de répondre, certains justifiant leur abstention
« par une remise en
cause de la notion de niveau ou par le changement des critères de référence
qui interdit, selon eux, toute comparaison des temps
».
Ces appréciations peuvent se
modifier : en 1991, un nouveau sondage SOFRES faisait apparaître des
proportions de 29 % d’enseignants à estimer que le niveau de connaissance de
leurs élèves a reculé depuis dix ans et 36 % à juger, au contraire, qu’il a
progressé – tendance à
l’optimisme, juge alors la
journaliste Christine Garin.
(2) Le sondage, réalisé par la SOFRES pour le ministère de
l’Éducation nationale en avril 1991, indique que 72 % des enseignants de
collège et 81 % de ceux des lycées considèrent que l’hétérogénéité des
classes a accru, depuis dix ans, les difficultés du métier. Voir
Le Monde
du 21 décembre 1991. Et cela a
continué...
(1) P. Gosling,
op. cit.,
p. 192.
(2) Voir P. Ranjard,
Les Enseignants persécutés,
R. Jauze, Paris, 1984, proposant sa thèse «
pour la défense des
enseignants, contre les défenses des enseignants
», p. 9, et rappelant : «
la plus visible de ces
défenses, et la plus connue des non-enseignants, est le sentiment de
persécution des enseignants, c’est-à-dire le fait qu’ils se sentent agressés
dès qu’on les critique, lorsqu’on les critique, ou plutôt avant même qu’on
les critique : ils s’attendent à être agressés
» (p. 11).
(1) Voir l’analyse par J. Filloux de ce mécanisme de clivage
fantasmatique, dans Du
contrat pédagogique, Dunod,
1974, p. 33.Voir p. 32 : «
L’image que l’on a de soi, c’est d’abord et de façon essentielle une
image en opposition avec l’image perçue des autres enseignants.
»
(2) A. Revuz,
Est-il possible d’enseigner les
mathématiques ?, PUF, Paris,
1980, p. 106.
(3) D. Glasman,
Le Niveau baisse, réflexions
sur les usages sociaux de la fausse évidence,
CRDP, Grenoble, 1984, p. 25.
(1) J. Auba et J.-M. Leclercq,
Les Enseignants dans les
sociétés modernes, La
Documentation française, Paris, 1984, p. 10.
(2)
Ibid., p. 13.
(3) J. Benda,
La Trahison des clercs,
Grasset, Paris, 1927. Voir p. 150 : «
On peut dire qu’il s’est
constitué de nos jours, avec certains écrivains politiques, un véritable
romantisme du pessimisme, aussi faux dans son absolutisme que l’optimisme de
Rousseau et de Michelet duquel il s’est formé, et dont l’attitude hautaine
et soi-disant scientifique impressionne grandement les âmes simples.
»
Ibid.,
p. 207 : «
Que d’écrivains, en France,
depuis cinquante ans, dont les noms sont sur toutes les lèvres, croient
visiblement se conférer des lettres de noblesse par leur dégoût des
institutions démocratiques !
», p. 208 : « Et de
fait, les doctrines réactionnaires prêtent à un romantisme pessimiste et
méprisant dont l’impression sur le vulgaire est bien autrement forte que
celle du romantisme enthousiaste et optimiste.
»
(4) J. Auba et J.-M. Leclercq,
op. cit.
|
18
Mythe du
niveau et mécanisme de défense
En fait, et mises à part les études des chercheurs et
d’experts, qui restent encore confidentielles, les enseignants, qui
parlent si fréquemment du niveau qui
baisse
(1),
ne se réfèrent à aucun fondement critique ni à aucune référence sérieuse.
Il s’agit d’une trop habituelle rengaine (ou même d’un tic culturel ou
professionnel) qui peut s’expliquer dans la convergence de mobiles divers.
Par cette expression toute faite et qui dispense de toute
recherche difficile, tel enseignant peut tout d’abord expliciter les
difficultés qu’il ressent de façon croissante dans son
métier
(2).
Ou bien il exprime la surprise qu’il éprouve, une année déterminée, à
rencontrer des problèmes insolites pour lui, dans une classe particulière,
sur une discipline donnée, et par rapport à quoi il extrapole trop
promptement.
Parfois c’est sa lassitude professionnelle ou des
contrariétés qu’il annonce, à mi-course de sa carrière : et il faut lire
que c’est bien le niveau de son enthousiasme ou de ses espoirs
professionnels qui a baissé.
Dans beaucoup de cas, il peut s’agir de problèmes d’humeur
conjoncturels pour certains enseignants : à l’égard d’un groupe d’élèves,
ou vis-à-vis de leurs collègues, ou encore en raison de modifications de
leur travail par suite de réformes, de rénovations ou de conditions
locales différentes.
Il est habituel de signifier son embarras devant une
classe plus hétérogène, ou dont les élèves n’ont pas les habitudes
méthodologiques et les connaissances qu’on souhaiterait acquises depuis
l’année précédente : il faut alors lire que c’est le niveau des facilités
pédagogiques qui a baissé (ou le niveau de la complexité d’enseigner qui
s’est élevé).
C’est aussi un langage-réflexe devant les modifications
incessantes des conditions d’enseignement qu’impose le zèle inépuisable
des cabinets ministériels en succession accélérée.
La plupart du temps, c’est pour un enseignant une façon de
se consoler ou de se dédouaner de résultats toujours insuffisants (à ses
yeux ou aux yeux des autres) obtenus par ses élèves. Il est aisé de
constater que les professeurs réfèrent trop fréquemment leurs
appréciations non pas à des objectifs accessibles mais à des finalités
culturelles, par définition inaccessibles. C’est aussi une façon de se
défouler
de l’ambiguïté naturelle à l’égard des
jeunes.
C’est également une bonne manière pour s’affirmer
rigoureux, à bon compte, dans l’aréopage des collègues enseignants. C’est
enfin une manière facile de fronder les parents, l’État ou la nation, et
de rehausser sa propre qualification ou de défendre son savoir fragilisé
par l’accélération technique et scientifique.
Toutefois, ce jeu de renvoi des responsabilités, après un
temps de badinage, s’est élevé d’un cran. Il a pu servir de discours de
lutte en direction d’interlocuteurs multiples, avec une ambiguïté encore
accrue, sinon quelque « dommage » à produire.
Discours du niveau et arguments de lutte
C’est d’abord un argument de lutte feutrée, en effet,
entre enseignants. La baisse du niveau sert de prétexte pour se critiquer
d’une catégorie à l’autre et s’opposer entre élitistes et démocrates,
absolutistes et quiétistes, conservateurs et progressistes, droite et
gauche, en savant mélange.
Les plus titrés, soucieux de maintenir des privilèges non
négligeables, n’hésitent pas à laisser la responsabilité mal définie de
cette baisse à des enseignants dont les diplômes ou les concours sont
moins cotés.
Comme le constate Patrick Gosling : «
Bien qu’ils répondent plus
fréquemment que les autres à un questionnaire sur la réussite, les
enseignants les plus diplômés sont aussi ceux qui font le moins de
prédictions positives (V = 0,150). Les plus diplômés sont donc les plus
élitistes
»
(1)
–
ajoutons : quelles que soient leurs
positions politiques.
Il faut reconnaître, au passage, la situation
irrationnelle qui a eu tendance à se perpétuer en France depuis 1932
jusqu’à la fin du XXe
siècle : dans les mêmes
établissements, face aux mêmes élèves, des professeurs ont eu des charges
de travail allégées pour des salaires largement supérieurs à ceux d’autres
catégories d’enseignants, au seul vu de titres acquis une fois pour
toutes. Les temps de service d’enseignement hebdomadaire devant tous les
élèves du secondaire ont été, en effet, limités à quinze heures pour les
agrégés, à dix-huit heures pour les certifiés, encore souvent à vingt et
une heures pour les professeurs d’enseignement général des collèges, ou
les professeurs d’enseignement général des lycées professionnels.
Plus on est réputé compétent, moins on doit donc
travailler devant les mêmes élèves, mais plus on doit être rémunéré, même
si le recrutement par concours et la formation reçue n’ont permis
l’acquisition d’aucune méthodologie professionnelle (et même si aucune
application aux charges convenues n’est contestable).
Une telle position, indéfendable en toute justice ou en
équité, pousse, en conscience malheureuse, à rechercher des arguments non
mesurables scientifiquement (et donc irréfutables) – par exemple, avec la
dénonciation de l’échec, celui d’une baisse du niveau qui serait due à
d’autres catégories d’enseignants, éliminant donc toute autre forme
d’évaluation du service accompli.
Tant est forte la vulnérabilité des enseignants se
ressentant promptement
persécutés par le regard
des autres. Chaque catégorie d’enseignants se défend en agressant, entre
autres défenses
mobilisables
(2),
même celle de certains mandarins. Car la même mise en accusation est
exercée par les enseignants à l’encontre des collègues dont l’action
pédagogique s’effectue en amont de leur propre activité.
Ainsi voit-on les instituteurs tenus en discrédit par des
professeurs de collège ; ceux-ci sont à leur tour admonestés pour
l’insuffisance de leur enseignement par les professeurs de lycée. Et le
jeu continue : les professeurs d’enseignement supérieur se lamentent sur
la formation donnée dans les lycées, cependant que les professeurs du
second cycle s’indignent dans l’université des insuffisances du premier
cycle en attendant d’être l’objet des sévères critiques de leurs collègues
de chaire en troisième cycle. Et les intellectuels...
Plus généralement, chaque enseignant peut être enclin à se
plaindre de la
déficience
(1)
de ses collègues de l’année
précédente et tout
particulièrement des enseignants du primaire.
Et les uns et les autres se rebiffent, ainsi que le rappelle le professeur
André Revuz : « Comme
chaque niveau de professeur résiste mal à montrer de la condescendance
pour les connaissances de ceux qui enseignent à des élèves plus jeunes,
par réaction, chaque niveau attaque l’insuffisance pédagogique de ceux qui
enseignent à des élèves plus
âgés.
»
(2)
L’incantation sur le niveau en péril a été aussi utilisée
comme un argument immédiat en vue de s’opposer à des innovations ou pour
couper court à des adaptations proposées par le ministère, par des chefs
d’établissement, ou même par des collègues.
C’est une réplique automatique dans un psychodrame de la
suffisance qui tend à disqualifier toute réorganisation des pratiques
d’enseignement, toute évolution fondée sur les résultats de recherche,
toute modification aux conditions d’exercice de la profession, et plus
encore toute intervention de l’opinion ou des milieux parentaux. «
Tout semble se passer,
a écrit Daniel Glasman dans une étude approfondie,
comme si la baisse du niveau qui
s’affirme dès aujourd’hui ou qui se profile à l’horizon proche stimulait
le corps enseignant dans la défense d’un monopole menacé de tous
côtés.
»
(3)
Car, dans le même temps, «
à une économie et à une
société trop sûres d’elles-mêmes
», ont succédé dans les années 1980
« une économie et une
société de plus en
plus conscientes d’être tributaires de leurs réseaux d’enseignement et de
formation, auxquels elles ont alors naturellement de plus en plus tendance
à demander des
comptes
»
(1).
Les enseignants ont passé au
premier plan des débats publics où «
on ne les retrouvait que pour
les transformer en boucs
émissaires
»
(2).
C’est que leur discours à la baisse du niveau ou à la
dévaluation des études serait, en effet, resté sans conséquence s’il était
demeuré dans les détours du sérail éducatif. Mais il en avait franchi le
portique, allégrement diffusé par quelques enseignants en mal de
notoriété, ou clercs, tentés périodiquement par le double
romantisme du pessimisme
et donc du
mépris,
comme Julien Benda les en démasquait dans son ouvrage sur
La Trahison des clercs,
dès 1927(3),
ainsi que nous l’avons déjà rappelé.
Pour le plaisir des politiques, l’ air
du temps à volonté pouvait
tourner à la tempête, comme on l’a vu, aidé par des zélateurs (voire par
des membres de l’Inspection), appelant à la voie des débats les
associations de parents d’élèves soucieux de grandes liturgies, qu’ils
soient laïcs ou cléricaux.
Dans la lancée, chaque famille était reconnue compétente
pour juger les problèmes de l’École en fonction des difficultés de ses
enfants et dans la légitimation de ses propres souvenirs scolaires,
enjolivés ou noircis ; enfin, «
le journalisme et les divers
médias ont généralisé, banalisé le débat sur l’éducation et rien ne
pouvait paraître plus pénible, voire insupportable aux enseignants,
généralement si enclins à douter du sérieux et de la validité des
informations concernant l’éducation diffusées par la presse ou par la
radio-télévision
»
(4).
Les enchères ont monté. Les enseignants ont explicité plus
vivement leur déception chronique à l’égard des jeunes, tout en se livrant
à leurs conflits catégoriels.
Mais les familles ont rétorqué en défendant leur
progéniture et en pratiquant une critique de plus en plus injuste à
l’égard des enseignants, considérés sans raison comme des privilégiés (à
cause notamment de leurs vacances), dans l’oubli de leurs charges réelles.
Il s’est alors constitué un mécanisme de défense tous
azimuts chez les enseignants, embarrassés dans leur double rôle
contradictoire de
prestataires de services publics
et néanmoins de
notables libéraux
(agents
doubles ? remarquait avec
humour Daniel Hameline).
Ils en venaient nécessairement à rejeter corporativement
toute critique visant tel ou tel collègue (même indéfendable) ou toute
proposition d’ajustement (même raisonnable). L’inadaptation résiduelle du
système scolaire et donc l’incapacité des enseignants à assurer rapidement
la mise à jour des études scolaires ou universitaires ont, par suite, été
vivement (et injustement) incriminées. C’était à nouveau comme
la faute à Voltaire
ou
la faute à Rousseau.
Les professeurs, de leur côté, accusaient, à défaut d’une étude sérieuse,
de ce qu’ils pensaient être le laxisme familial,
la faute à Gavroche,
sinon même la faute
aux Thénardier.
Pour tous, ce pouvait être la faute au gouvernement,
voire, pour quelques-uns, la faute à l’État, à ses chefs ou au régime. Le
monopole de distribution des diplômes détenu par le secteur public devait
donc lui valoir auprès de certains une acrimonie particulière.
On se souvient de la mise en cause radicale qu’il subit à
propos du débat sur l’enseignement privé : le niveau d’études et de
résultats de celui-ci a été alors miraculeusement épargné, en ce qu’il
demeurait comme une réserve d’espoir au profit éventuel de jeunes qui
seraient en difficulté dans l’école publique.
L’opinion, on le voit bien, supportait de moins en moins
l’évidence fallacieuse d’une fatalité des échecs scolaires ou
universitaires : elle admettait mal l’érosion de la valeur des titres et
l’insuccès d’une démocratisation des savoirs, décidément trop lente ou
trop rapide.
Des discours élitistes paraissaient donc de mise ; une
subversion des institutions publiques, une mise en poudre du système
scolaire et universitaire, jugé trop compact dans sa forme jacobine ( soviétiforme,
prétendaient sans rire certains ultra-libéraux.), semblèrent même licites
à certains.
Les réformes gouvernementales paraissaient excessives et
insuffisantes simultanément, en France comme dans divers pays dont les
jugements (et les exemples de privatisation) se paraient de vérité pour
notre opinion.
Les enseignants étaient de plus en plus en discrédit. «
Un livre blanc
britannique ne craignit pas d’affirmer que certains d’entre eux sont
incompétents et devraient être
licenciés.
»
(1)
Il ne peut en être question en
France, mais l’animosité demeure toujours vive.
La querelle du niveau, finalement, ne sert à personne, et
surtout pas aux élèves qui en sont finalement les victimes. Les mesures
pour sortir de l’imbroglio qui en résulte, même si celui-ci plaît à nos
habitudes, ne peuvent être établies que si on tente de démythifier le
débat, en dépassant une bonne fois controverses émotionnelles et rêves
d’un âge d’or mythique.
Il importe de rompre avec la délectation morose sur un
obscurantisme des jeunes (même s’il faut convenir qu’ils ne sont pas
toujours accueillis dans notre société et par nos intellectuels bougons !)
et sur l’annonce d’une dégradation de l’enseignement en tentant d’établir
l’état présent et la problématique de notre système éducatif : tâches
ardues, s’il en est, mais indispensables. Il faut, autant qu’il est
possible, en venir aux
faits.
|
(1) B. Ernst, « Le niveau général des conscrits : évolution
depuis 20 ans » , in
:
Que sait-on des connaissances
des élèves ?, MEN, DEP,
Paris, 1992, p. 31.
(2) C. Baudelot et R. Establet,
op. cit.,
p. 79.
(1) C. Baudelot et R. Establet,
op. cit.,
p. 80.
(2)
Ibid., pp. 86 et 87.L’étude
de B. Ernst note en revanche, entre 1981 et 1991, qu’«
aux extrémités de l’échelle
scolaire le niveau s’est accru tandis qu’au milieu il est moins élevé qu’il
y a 10 ans », ou au moins
stabilisé, in
:
Que sait-on des connaissances
des élèves ?, op. cit.,p. 34.
Il précise même (ibid.,
p. 32) : les « “cancres”
de 1991 sont meilleurs que ceux de 1981
».
(3) A. Prost,
L’Enseignement et l’éducation
en France, Nouvelle Librairie
de France, tome IV, Paris, pp. 165 et 166.
(1) C. Seibel,
Genèses et conséquences de
l’échec scolaire,
communication au colloque « Sociologie de l’éducation »,Toulouse, 16 et 17
mai 1983, p. 25.
(2) Chiffres tirés de la revue
Éducation et Formations,
no spécial, « Scénarios de développement du système éducatif », Direction de
l’évaluation et de la prospective, ministère de l’Éducation nationale,
Paris, juin 1992, p. 55, ainsi que de
Repères, références
statistiques 1999.
(1) Il est intéressant de voir, par exemple, un extrait du
registre des procès-verbaux d’admission et de sortie de l’École pratique
d’agriculture de Clion-sur-Indre, au 6 août 1898, comportant la conclusion
suivante : « Le comité
ayant constaté, comme l’année dernière déjà, que certains candidats
possédant le certificat d’études primaires n’ont qu’une instruction très
élémentaire, font un très grand nombre de fautes à la dictée et sont par
suite incapables de suivre les cours de l’école, émet le voeu qu’à l’avenir,
le certificat d’études primaires ne soit pas un titre donnant droit à
l’entrée à l’école sans examen.
»
(2) C. Baudelot et R. Establet,
op. cit.,
pp. 44 et 45.
(1) Dans l’ Enquête
sur l’enseignement des mathématiques à l’école élémentaire,
INRP, Paris, 1979, tome 1. Parmi les outils, des tests pour les enfants de
CE2 (c’est-à-dire âgé de huit à neuf ans) qui requièrent l’utilisation de
tables de multiplication en base 4, en base 7 ou en base 10 ainsi que la
capacité d’écrire le prédécesseur ou le successeur de nombres en diverses
bases ou de savoir découvrir des opérateurs dans les tableaux de nombres.
(2) L. Legrand,
La Différenciation pédagogique,
Scarabée, Paris, 1986, p. 32.
(3) J. Guion, dans
L’Institution orthographique,
Centurion, 1974, p. 75.L’auteur dénonce, dans la même page, l’abus de
jugements radicaux : tout ne serait que «
débâcle
», «
régression»,
« barbarie
», «
abdication
», «
ravages
», «
délabrement
», «
ruine
», etc.
(4) F.Ters,
Orthographe et vérités,
ESF, Paris, 1973, p. 21.
(5) L. Legrand, ibid.,
p. 27.
(1) C. Thélot, « La maîtrise de l’orthographe il y a cent
ans et aujourd’hui », in
:
Que sait-on des connaissances
des élèves ?, MEN, DEP,
Paris, 1992, pp. 37 et 38.
(2) L. Legrand,
op. cit.,
p. 90.
(3)
Ibid., p. 91.
(4) L. Poriniot,
La Crise de l’orthographe et
l’École primaire, Lamertin,
Bruxelles, 1933, p. 6.
(5) L. Legrand,
op. cit.,
p. 27.
(6) Ibid.,
p. 28.
(1) Horneman, 1968.
(2) L. Legrand,
op. cit.,
p. 29.
(3) Ibid.,
p. 29.
(1) Département des études et formations sur les systèmes
d’éducation, CIEP, Sèvres. Publié dans :
Que sait-on des connaissances
des élèves ? ministère de
l’Éducation nationale, Paris, 17 octobre 1992, p. 80.Voir Émilie Barrier
in
:
Éducation et pédagogies,
p. 165 : « Si 5% des
élèves en CM et 1 % en collège ont de réelles difficultés, on est très loin
des chiffres avancés ici ou là. L’autre élément positif est que le système
éducatif français est capable d’amener les enfants qui ne sont pas de langue
française à un niveau comparable à celui des autres pays développés. Il est
temps que le pessimisme éducatif traditionnel dans notre pays soit remis en
cause. » (sur le niveau
d’illettrisme des élèves français).
(2) Note d’information 98-39, décembre, page 1.
(3) Ibid.,
p. 3.
(1)
Ibid., p. 4.
(2)
Ibid., p. 5.
(3) Ibid.,
p. 5.
(1) L’ensemble de ces données est présenté dans un document
publié par le ministère de la Défense sur les
Journées d’appel de préparation
à la Défense, notamment entre
les pages 18 à 24. Ils ont été repris dans une note d’information du
ministère de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie,
datée du 9 mars 2000.
(2) Le Monde de
l’Éducation, mai 2000, p. 46.
|
19
Repères factuels sur la qualité de l’École
L’état présent ?
Nous ne reprendrons pas, tout d’abord, les résultats déjà
observés au plan quantitatif : ce n’est pas rien d’avoir pu asseoir tous
les jeunes de France sur les bancs des écoles maternelles, primaires et
secondaires du premier cycle ainsi que d’avoir plus que décuplé les
capacités d’accueil en lycée et université. Mais il nous faut rechercher
des indications précises et vérifiables au plan des progrès qualitatifs.
Une première information factuelle et globale nous a été
fournie par les psychométriciens de l’armée, grâce aux mesures de tests
sur le niveau de formation des jeunes effectuées au cours des
trois jours
passés, chaque année, dans les centres
militaires de présélection depuis 1954. En 20 ans, observe Bernard Ernst,
« le niveau moyen des
conscrits s’est accru de
17,6 %
»
(1).
Sans doute, ne s’agit-il que des garçons. Mais les
batteries de tests de
niveau général ou de
performances scolaires, fortement corrélées, donnent continûment des
résultats à la hausse. Appliquant, en effet, aux quelque 400 000 appelés
de 1982, le barème avec lequel avait été jaugé le contingent (de volume
égal) en 1967, on constate que la note médiane de 10, séparant en 1967
l’effectif en deux moitiés égales, s’est portée à 13,5 en 1982 avec les
mêmes tests : « Cette
élévation du niveau de formation s’est concentrée sur les très bons
niveaux, car il y a 58000 jeunes de plus au-dessus de la note 15,
constatent Baudelot et Establet qui ajoutent que,
corrélativement, la diminution
des plus mauvais éléments compense presque exactement la croissance des
meilleurs.
» (2)
Ces auteurs observent également que les psychométriciens
de l’armée ont dû plusieurs fois réviser en hausse leur barème. «
Toutes les fois qu’ils ont
procédé à des comparaisons entre deux périodes, ils ont aussi constaté une
hausse de niveau... La classe des forts, qui regroupait 10 % du contingent
en 1948, regroupe en 1974 65 % des conscrits sur le test d’intelligence
générale (Matrix), 25 % sur le test de connaissances mathématiques
(Maths), 28 % sur un test d’attention (Consignes), 23 % sur un test de
langage (Verkal), 38 % sur un test de compréhension mécanique (MECA).Symétriquement,
la classe la plus faible, qui comptait 10 % de l’effectif en 1948, est
pratiquement désertée (de 1,5 à 3,5 % selon les tests) : le niveau a
encore
monté. »
(1)
Complétant par d’autres études ces indications d’une
hausse moyenne,
les auteurs retiennent l’hypothèse que «
l’élite scolaire s’étoffe
numériquement, maintient son niveau et se détache plus nettement du
peloton.
Le peloton central s’étoffe, s’essouffle et s’étire. Loin
derrière, des éléments moins nombreux peinent à refaire leur
retard.
(2)
»
Le baccalauréat a tenu le coup, en dépit de son
exceptionnelle extension. Mais il faut regarder du côté des enseignements
de base.
Retards scolaires dans le premier degré
Qu’en est-il des retards scolaires et, par cause ou effet,
des redoublements tout d’abord dans le premier degré ?
« En
1966, note Antoine Prost,
dans la meilleure
hypothèse, quatre écoliers sur dix seulement achevaient leur scolarité
élémentaire sans aucun redoublement (41,6 %),un tiers avait redoublé au
moins une classe (33,1 %), un huitième, deux (16,2 %) et près d’un dixième
(9,3 %) avait connu trois redoublements ou plus. Le cas normal, c’est de
redoubler.
»(3)
Vingt ans plus tard, le pourcentage
d’enfants achevant sans redoubler les cinq années d’une école primaire
(dont les programmes n’ont pas été réduits) a presque doublé (en 1979,
70,5 %) et il a continué à se maintenir (en 1989, 71 %). La tendance se
confirme actuellement.
Cette amélioration importante est à attribuer en partie à
la généralisation de la préscolarisation en école maternelle,
indispensable notamment pour les enfants de milieux non favorisés.
Mais il faut ajouter que l’utilisation du redoublement
s’est avérée relativement inefficace : sa pratique a été abandonnée dans
la plupart des pays – ce qui n’a pas convaincu en France.
Les études approfondies menées en France, notamment sous
l’impulsion de Claude Seibel, en 1983, ont montré le frein au
développement qu’il établit chez les enfants, surtout s’ils sont jeunes.
Ce constat conduisit ce polytechnicien, alors directeur
des informations générales et des études statistiques au ministère de
l’Éducation nationale, à assurer : «
Quelle que soit la force des
réticences à vaincre, d’autant plus ancrées qu’elles sont en partie
inconscientes, les responsables de l’Éducation nationale doivent affirmer
qu’aucune forme de sélection ou de présélection, consciente ou
inconsciente, ne doit marquer l’école maternelle et l’école élémentaire.
Ce changement d’attitude pédagogique sera d’autant plus difficile à
obtenir que pour beaucoup
exigence et
sélection
sont
synonymes.
»
(1)
Échec, sélection, redoublement : on retrouve le débat
démocratisation- élitisme et les réticences confuses qu’il entretient,
quelles que soient les positions politiques des enseignants. L’alerte de
Claude Seibel a fini par être entendue : la pratique du redoublement a été
limitée au petit nombre de cas utiles et devrait moins servir à des choix
et sélections prématurés, malgré les obsessions élitiques.
Toujours dans le premier degré, on doit, de même et
complémentairement, noter une constante amélioration en ce qui concerne la
variable des retards scolaires.
Entre 1981 et 1991, le taux de scolarisation à onze ans,
en élémentaire, a baissé de 36 % à 24 % et devrait diminuer encore (19 %
en CM2 en 1999); le taux analogue pour les élèves de douze ans a chuté,
entre 1981 et 1991, de 12,5 % à 5,1 % (1,2 % en 1999), et celui des élèves
de treize ans est passé, dans le même laps de temps, de 4 % à
0,4 %(2).
De tels résultats ne peuvent
résulter seulement de décisions technocratiques ; de patients et prudents
efforts, de la part des enseignants, les ont rendus possibles, année après
année. Bien entendu, les controverses habituelles à nos moeurs demeurent
possibles. Il faut porter notre attention vers d’autres faits, de nature à
confirmer ou infirmer les progrès réalisés dans le premier degré au
bénéfice de tous les élèves.
On pourra se demander s’ils peuvent pérenniser ou non nos
passions sur l’École.
L’école primaire et les apprentissages essentiels
Que peut-on dire sur le niveau des apprentissages
fondamentaux ? « Il
est clair, remarque Louis
Legrand, qu’une étude
objective du phénomène est quasi impossible en toute rigueur.
» Outre la complexité du phénomène, on
doit noter l’absence de tests stables, de données statistiques
suffisantes.
On doit aussi prendre en compte le fait que la référence
affective au certificat d’études, souvent alléguée pour magnifier la
qualité de l’enseignement élémentaire de jadis, n’a pas toujours bénéficié
d’une faveur
constante (1).
Elle ne concernait pas non plus la majorité des élèves (de l’ordre de 10 %
en 1880-1881; 20 % entre 1914 et 1916, pour une région très scolarisée ;
33 % entre 1916 et 1928 ; et 66 % entre 1934 et 1941, pour cette même
région).
En 1964-1965, au faîte de sa gloire, l’examen est décroché
par à peine plus de la moitié (54 %) d’une génération
d’enfants
(2).
Il faut aussi observer que l’enseignement primaire allait autrefois
jusqu’à quatorze ans pour la très grande majorité des élèves, alors qu’il
s’arrête actuellement en moyenne vers dix-onze ans !
On ne peut donc comparer brutalement les résultats globaux
des écoles primaires d’antan à ceux de la totalité des effectifs des
écoles d’aujourd’hui. Il faut ajouter les différences notables des
programmes enseignés, mais aussi les nouvelles disciplines introduites.
Toutefois, les seules recherches sérieuses, trop peu
nombreuses, sont toutes opposées à l’hypothèse d’une baisse de niveau.
Ainsi en est-il pour les mathématiques : en ce qui
concerne les acquis traditionnels ou les techniques opératoires, les
comparaisons qui ont pu être faites avec des enquêtes plus anciennes
montrent que contrairement à une opinion répandue
le niveau ne baisse pas.
Les élèves d’aujourd’hui savent aussi bien faire les opérations qu’il y a
vingt ans, et ont de plus la maîtrise d’outils que ne connaissaient pas
leurs aînés
(1).
Ces conclusions d’une enquête minutieuse effectuée sur un
échantillon représentatif (3 669 élèves de CE2 et 3 654 élèves de CM2), en
1976 et 1977, sont confirmées par des enquêtes plus récentes.
Comparés aux résultats d’une enquête analogue effectuée à
l’entrée en Sixième en 1959 (pour une fraction des meilleurs élèves de
CM2), « il n’y a pas
baisse, mais
progrès
»
(2).
En ce qui concerne l’orthographe, les choses sont plus
complexes, en raison des «
dimensions pathologiques du
discours attaché à la crise de
l’orthographe
»
(3).
Pourtant, des recherches précises et comparatives (par exemple l’étude des
résultats de la dictée d’un même texte à des enfants français ou suisses,
à Paris en 1904, à Neuchâtel en 1912, à Genève en 1921 et en 1948, à
Besançon et Belfort en 1965) permettent à François Ters de constater que «
les enfants de l’École
française, en 1965, ont gagné un an par rapport aux résultats de leurs
camarades de la Belle
Époque
»
(4).
Louis Legrand a fait reprendre par des étudiants de
maîtrise, une recherche sur la dictée du même texte en 1985. Le tableau
des résultats selon les âges dans des écoles élémentaires et des classes
de Sixième, en Alsace, «
fait apparaître avec netteté
qu’il n’y a pas, dans cette population du moins, de baisse de niveau en
orthographe dans le cadre des difficultés contenues dans la phrase dictée.
En revanche, il est possible, sinon probable, que cette moyenne maintenue
cache une détérioration chez les plus faibles comme la dispersion
constatée le laisse
penser
»
(5).
C’est ce que confirme encore une étude comparative,
réalisée en 1987, comparant les résultats obtenus (pour une dictée sur un
texte de Fénelon comportant 78 mots) par un échantillon aléatoire d’élèves
actuels à ceux de meilleurs élèves ayant fait la même dictée entre 1873 et
1987. « Contrairement
à ce qui est souvent dit, les élèves d’aujourd’hui sont meilleurs en
orthographe qu’il y a cent ans
[...].
La maîtrise de l’orthographe
s’accroît avec l’âge [...]
; en 1987, les élèves
de CM2 ont eu en moyenne 6 ; ceux de Troisième ont eu en moyenne 15 ; la
note moyenne fait donc plus que doubler, ce qui illustre l’efficacité
orthographique du
collège.
»(1)
À l’appui de ce constat, il peut être piquant de rappeler
le succès médiatique croissant de l’épreuve d’orthographe organisée chaque
année par Bernard Pivot au plan national et international : des jeunes y
réalisent d’étonnantes performances, distançant nombre d’adultes «
cultivés » !
Jean Guion, pour sa part, a effectué une analyse serrée de
résultats à des tests étalonnés (notamment l’échelle Dubois-Buyse datant
de 1938, ainsi que des tests élaborés en 1968) ; il a également procédé à
une revue critique des études antérieures. Il a alors été «
conduit à refuser l’idée d’une
baisse du niveau orthographique des enfants à un moment quelconque de
l’histoire de la scolarité
obligatoire
»
(2).
Et il conclut : «
Il y a permanence du niveau, ce
qui sous-entend une absence d’amélioration de
l’École.
»
(3)
Dysorthographie comme dyslexie ne se
laissent pas réduire facilement : surtout à une époque où prédomine
l’action des médias audiovisuels.
Il est piquant de constater que c’est à un même résultat
qu’avait abouti le Belge L. Poriniot en 1933 : « Toutes
les critiques que l’on formule au sujet des insuffisances en orthographe
des écoliers d’aujourd’hui étaient formulées il y a cinquante ans ou vingt
ans, avec la même insistance : il n’y a rien de changé sous le
soleil.
»
(4)
Nous avons déjà vu cela pour les
bacheliers d’antan ! Et cela peut continuer !
Il reste encore le problème de la lecture, «
domaine également privilégié de
plaintes et de
pseudo-scandales
»
(5)
observe Louis Legrand, qui ajoute : «
Ici encore, la
prudence est de
rigueur.
»
(6)
Les tests du savoir-lire qui existent
depuis 1918 ont
terriblement vieilli ; les
tests nouveaux et plus complets sont
récents
(1)
:
ils ne permettent aucune comparaison
avec le passé. En l’absence d’une enquête nationale sur un échantillon
représentatif, toute généralisation serait scientifiquement condamnable.
Louis Legrand note toutefois, à partir d’une comparaison
systématique des performances de
lecture silencieuse
sur huit collèges entre 1971 et
1978, une baisse de
performance significative statistiquement de 2 points sur 45 points
possibles (4,4 %). Mais
cette baisse est surtout sensible chez les élèves faibles : «
Est-elle catastrophique ? Et
quelles peuvent en être les raisons ? Pédagogiques ou culturelles ? (Ch.
Barré-de-Miniac,
1982).
»
(2)
Pour ce qui est de la vitesse de lecture fonctionnelle,
l’auteur a procédé en 1984 à une évaluation rigoureuse auprès de 753
élèves à l’entrée en Sixième : «
Seulement 22 % de ces élèves
étaient en dessous de la vitesse d’orientation
normale
(moins de 600
signes/minute).
»
(3)
Une comparaison avec des résultats
obtenus à Genève en 1924 interdit d’affirmer une baisse de niveau
quelconque.
Des enquêtes comparatives
Une enquête internationale sur le niveau en lecture, qui
s’est déroulée au printemps 1991 dans une trentaine de pays des deux
hémisphères (dont tous les pays de la CEE, sauf le Luxembourg et la
Grande-Bretagne), nous donne même des indications comparatives
réconfortantes. Le journal
Le Monde
put titrer en première page «
Premiers en lecture dans
l’Europe », dans son numéro
du 24 septembre 1992. Cette enquête a été effectuée sur un échantillon
représentatif de 1 877 élèves de CM1 (dans 140 écoles) qui devaient
répondre à des questions standardisées relatives à trois types de textes
(des documents; des exposés ; et des narrations, plus littéraires), ce qui
donnait lieu à des scores. La France obtient en moyenne, dans les trois
domaines, des scores autour de 530 points.
« Par
rapport aux pays de la Communauté européenne –
notent les chercheurs du Centre
international d’études pédagogiques (CIEP)
– la France se trouve en
tête, accompagnée selon les domaines de lecture de l’Allemagne (documents)
ou de l’Italie (exposés et narrations). Dans les pays de l’OCDE, la
Finlande vient largement en tête avec 569 points. Viennent ensuite la
Suède et les États-Unis, puis un groupe de pays (France, Italie,
Nouvelle-Zélande). L’Allemagne, la Belgique, la Suisse, l’Espagne, le
Portugal, le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas, le Canada ont des scores
significativement inférieurs par rapport à la France
[...]
; les élèves français les plus
faibles ont des scores supérieurs à leurs homologues des autres pays,
Finlande et États-Unis exceptés. Donc, même pour cette catégorie d’élèves,
la France est bien
placée.
»
(1)
Au plan national, une étude comparative a été conduite
entre 1987 et 1997 sur des échantillons représentatifs d’élèves en fin de
CM2, en vue de mesurer leurs performances en lecture-compréhension à dix
ans d’intervalle (1987-1997),
selon un même protocole.
L’épreuve était constituée de huit textes, chacun étant
suivi de cinq questions destinées à en tester la compréhension. Du point
de vue statistique, on s’était assuré de la parfaite comparabilité des
deux échantillons et de leur correcte représentativité de l’ensemble des
élèves de CM2 des écoles publiques de France métropolitaine.
La note d’information, publiée par la Direction de la
programmation et du développement (DPD), précise : «
Les résultats des deux cohortes
sont équivalents : en 1997, les élèves ont obtenu une fréquence moyenne de
réussite de 66,1 %, contre 65,6 % pour les élèves de 1987. En 1997, comme
en 1987, trois questions sur quatre relevant de la compréhension
immédiate, et une sur deux mettant en jeu la construction d’informations
sont réussies par les
élèves.
»
(2)
Une fois de plus, le « niveau »
se maintient !
Si les performances globales sont restées stables en
l’espace de dix ans, quelques tendances intéressantes peuvent aussi être
observées. « Les
résultats des filles et des garçons sont similaires au sein de chacune des
deux populations. [...]
Aux deux époques, les
résultats des élèves en avance sont supérieurs à ceux des élèves
“à l’heure”,
eux-mêmes supérieurs à
ceux des élèves présentant, à l’entrée en CM2, un retard d’au moins un
an
»
(3).
Les rédacteurs insistent, à ce propos, sur la modification
de la structure par âge des élèves en l’espace de dix ans : «
nette augmentation de la
proportion d’élèves
“à l’heure”
[64,0 % en 1987 et 76,9 %
en 1997] et nette
diminution de la proportion d’élèves en retard
», par suite de la limitation du
nombre des redoublements.Toutefois : «
ceux qui sont autorisés à passer
en Sixième ont bien des résultats supérieurs aux futurs
redoublants»
(1),
en moins grand nombre mais dont les résultats se sont détériorés sur la
période de manière significative (– 4,2 points). «
En 1997 comme en 1987, l’origine
sociale des élèves induit une différenciation forte des résultats à
l’épreuve
considérée
»
(2)
: on peut comprendre que «
les élèves scolarisés en ZEP
réussissent moins bien que les autres à l’épreuve,
[...]
Cependant, près d’un élève scolarisé en ZEP sur trois a obtenu à l’épreuve
de lecture-compréhension un score de réussite supérieur au score moyen de
réussite des élèves non scolarisés en
ZEP
»
(3).
On peut penser que c’est
encourageant.
Au plan national, on peut encore constater les résultats
d’une étude réalisée en 1999 par la Direction du service national, au
ministère de la Défense, dans le cadre des journées d’Appel de préparation
à la Défense. Des tests de lecture ont été conçus, en partenariat, par le
ministère de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie (DPD)
et par l’université Paris-V.
Ces tests étaient proposés à un échantillon de 16 666
jeunes hommes (entre 17 et 19 ans), avec des précautions prises pour
assurer la représentativité nationale de cet échantillon. Le traitement
des données recueillies fait apparaître un groupe de 9,7 % de jeunes,
d’environ 17 ans, qui peuvent être considérés en difficulté pour accomplir
des lectures nécessaires à la vie quotidienne.
Un examen plus approfondi permet de détecter, au sein de
ce groupe, 3,9 % de
jeunes en grande difficulté
en lecture comme en orthographe.
On est loin des chiffres souvent proférés avec passion. On
trouve, d’autre part, un groupe de 5,3 % de lecteurs en difficulté
partielle (« rigides » mais sans trouble apparent des mécanismes
fondamentaux) et 0,6 % de « lecteurs repêchés par des nouveaux tests ».
Sur les 91 % de jeunes
dont les résultats sont
satisfaisants, les
scores moyens
obtenus en fonction du type de
compréhension sont de 92,7 % de réussite sur des items de compréhension
immédiate, 70,3 % sur des items de compréhension logique, et encore de
56,9 % en items de compréhension fine. À l’épreuve de l’orthographe, le
score moyen est de 73,9 sur
cent
(1).
Au total, on doit constater que plus des deux tiers des
jeunes réussissent sur plus des trois quarts des items : et même 16,2 %
réussissent plus de neuf dixièmes des items. En revanche, il faut déplorer
moins de 4 % de jeunes ayant de grandes difficultés de lecture (et
d’orthographe).
On ne saurait dire que les générations de jeunes Français
sont illettrées aujourd’hui ou davantage qu’hier, sinon par excès de
passion.
Sur ce thème rebattu de l’illettrisme, le sociologue
Bernard Lahire constate, au surplus, «
le détournement d’un vrai
problème », en mai
2000(2).
Il note que ce néologisme a été «
inventé vers la fin des
années 1970 par le mouvement ATD Quart-Monde, utilisé par les médias à
partir de 1983, puis officialisé par l’État en 1984
». Mais il observe que «
la catégorie
“illettrisme”
est devenue une catégorie
attrape-tout permettant de parler aussi bien d’“échec
scolaire”, de “dyslexie”,
de
“défense de la langue française”,
de “problèmes de lecture publique”, de
“citoyenneté”
que de
“violence dans
les banlieues” ».
Le problème est devenu, dans la confusion et l’imprécision
réelle, « grande cause
nationale » ! Moyennant
quoi, « certains
“experts”
(qui) se servent
cyniquement du thème en vue d’accroître leurs profits symboliques et
matériels personnels »
s’inquiètent ou «
crient au meurtre » devant
l’analyse sérieuse de leurs «
manipulations rhétoriques
».
L’auteur s’indigne alors, à juste titre, qu’«
on voit aujourd’hui, dans des
discours pseudo-savants, s’établir un lien de causalité entre
“illettrisme”
et
“violence”
ou
“montée des
extrémismes”. Pis encore,
on peut lire que les enfants en difficulté avec la langue (orale comme
écrite)
“seront moins humains que les autres”
(A. Bentolila)
». Ici encore, passions, intérêts et
l’imbroglio « national » se développent et s’enroulent en ferventes
complicités. Hélas !
Au chapitre de l’écriture, enfin, à défaut d’aucune
enquête scientifique, on peut se reporter à une étude comparative faite
sur les jeunes hommes jugés analphabètes, en raison de leur
incapacité d’écrire,
à nouveau par les services psychologiques de l’armée.
Dans cette étude, Joffre Dumazedier et Hélène de Gisors
observent : « De 1880
jusqu’en 1975, le nombre des analphabètes dans la population française a
connu une régression massive de 13,8 % à moins de 1 % (0,62 %). De 1976 à
1982, on observe une légère recrudescence du nombre d’analphabètes.
Celui-ci reste toujours inférieur à 1 % de la population mais nous en
sommes revenus au taux de 1971 (0,90 %)
» dont on devine qu’il est sujet à
caution et contestation, même si on prend soin de ne pas confondre
analphabétisation et illettrisme.
Ces chiffres laissent cependant à penser qu’à la sortie de
l’école obligatoire les jeunes Français avaient appris à écrire dans leur
quasi totalité.
Mais à quel niveau et à quelle vitesse, avec quelle
compréhension et réticence (ce qui autorise évidemment à d’incessantes
disputes de chiffres) ? Et qu’a produit, dans la persévérance à écrire et
lire, le passage devenu obligatoire au collège ?
|
(1) F. Cros, « Le développement intellectuel des élèves de
Sixième », in
:
L’Orientation scolaire et
professionnelle, 1985.
(2)
Recherches sur les problèmes du passage des élèves de l’école élémentaire au
collège, INRP, Paris, 1984.
(1) L. Legrand, « Le niveau d’entrée en Sixième et ses
implications », dans la revue
Les Amis de Sèvres,
no 85, mars 1977, p. 17. Résultat d’une enquête sur un échantillon de
dixsept CES expérimentaux et quinze CES de référence, portant sur 5491
élèves.
(2) J. Repusseau,
Bons et Mauvais Élèves,
Casterman,Tournai, 1978, voir pp. 101 et suivantes.
(1) A. Prost, « Quand l’école de Jules Ferry est-elle morte
? », in
:
Revue de l’histoire de
l’éducation, no 14, avril
1982, INRP, Paris, p. 34.
(2) A. Prost,
Éducation, société et politiques,
op. cit.,
p. 156.Voir tableau p. 157.
(1) A. Mingat et J. Perrot, « Analyse des procédures
d’orientation au palier de Troisième»,
in
:
L’Orientation scolaire et
professionnelle, 1983, 12, no
l, p. 25.
(2) In
:
Éducation et Formation,
op. cit.,
1992, p. 16.
(1) P. Esquieu,
Éducation et Formation,
op. cit.,
p. 17. Nous utiliserons plus loin les données relatives au second cycle.
(1) In
Daniel Robin
et al.,
Qualité de l’éducation.
Apport de deux comparaisons internationales. Notes de synthèse,
INRP, Paris, 1984, p. 8.
(2)
Ibid., p. 10.
(3) D. Robin
et al.,
op. cit.,
p. 10.
(4)
Ibid., p. 10.
(5) Un professeur de collège nous disait en 1988 qu’elle
s’était aperçue, en reprenant ses dossiers, avoir donné à ses élèves de
Quatrième des problèmes qu’elle donnait dix ans plus tôt à ses élèves de
Seconde.
(1) Publié dans :
Que sait-on des connaissances
des élèves ?, ministère de
l’Éducation nationale, Paris, 17 octobre 1992, p. 91.
(2) Que
sait-on des connaissances des élèves ?,
p. 46.
(3)
Ibid., p. 49.
(4) Ibid.,
p. 50.
(1) On l’a vu, dès qu’une mesure nouvelle est prescrite, et
notamment quand certains ont voulu tirer raison, véhémentement (!), à propos
des résultats décevants observés dans les épreuves du brevet des collèges,
quand il fut nouvellement institué en 1986, dans des formes reconnues alors
par les enseignants et le ministère comme outrancières et inadaptées aux
enseignements professés.
(2) Chiffres de
Repères et Références
statistiques sur les enseignements et les formations,
édition 1999.
(1) B. Chevalier et M. Colin,
La Lecture-Recherche en Sixième
et Cinquième, INRP, Paris,
1990, p. 245.
(1) B. Chevalier et M. Colin,
op. cit., p. 247.
(2) Ibid., p. 1.
(1) F. Dubet et M. Duru-Bellat,
L’Hypocrisie scolaire,
Le Seuil, Paris, sept. 2000, p. 137.
(2) Ibidem,
F. Dubet et M. Duru-Bellat peuvent énoncer avec vigueur, p. 222 : «
Le temps du collège est celui
de la scolarité obligatoire, c’est le temps de l’école commune plus
soucieuse de rassembler une génération que de la diviser. C’est pour cette
raison que le collège doit renoncer à la sélection et se fixer des objectifs
communs en s’assurant qu’ils seront atteints par tous. Cette affirmation
fait peur car elle apparaît comme un nivellement vers le bas. Mais on ne
voit pas en quoi, en garantissant à tous un niveau minimum, on empêche
certains élèves d’aller plus loin. »
|
20
Malaise des collèges ?
À la sortie de l’école primaire, selon Françoise Cros,
l’évolution intellectuelle des élèves (suivant les stades de la pensée
définis par Piaget et ses émules) n’est accomplie que de façon inégale :
44 % des élèves en sont encore à la pensée
concrète;
6 % ont déjà accédé à la pensée
hypothético-déductive
formelle, pendant que 50 %
se situent dans un stade
intermédiaire
(1).
Saurait-il en être autrement ? Ou alors, à quelles conditions pédagogiques
?
Les progrès des uns et des autres vont pouvoir se
poursuivre à des rythmes variés, permettant de dépasser des retards
provisoires : leur accélération sera plus ou moins favorisée par
l’organisation concrète de l’enseignement et les méthodes adoptées par les
professeurs, bien que ceux-ci n’aient pas toujours été préparés à tenir
compte de ce que savent réellement leurs
élèves
(2),
à leur arrivée au collège.
Il y a, en fait, chez ceux-ci, une très grande diversité
des connaissances acquises allant de savoirs solides jusqu’à des
performances faibles en lecture (que nous avons mentionnées). Il s’ajoute
que le changement d’institution (de l’école de quartier au collège plus
éloigné) n’est pas vécu de façon égale ou facile par tous les jeunes, et
que plus de deux mois de vacances ont pu inégalement effacer ou éloigner
les acquisitions faites à l’école primaire.
Il s’ensuit une très grande hétérogénéité dans les
cohortes d’élèves qui sont admis au collège, tout examen de passage ayant
été aboli et les redoublements en élémentaire se réduisant
progressivement.
Entre 1959 et 1975, 20 à 25 % des élèves les plus faibles
à l’issue de leur scolarité primaire (et relativement plus âgés) étaient
séparés des autres et affectés au collège dans des filières particulières
(dites voie III,
de transition, ou
de programme allégé).
Dans ces filières s’étaient souvent développées des formes
pédagogiques intéressantes. Toutefois, la sélection drastique effectuée
par l’orientation d’élèves vers ces filières sans critère correct se
révéla, à l’expérience, manquer de fiabilité.
Plusieurs enquêtes, relatives à des milliers d’élèves, ont
en effet porté le doute sur les tris prématurés qui étaient ainsi
effectués : jusqu’à 50 % des effectifs d’une filière dans un établissement
auraient pu être admis à une autre filière dans un autre établissement ;
et, dans un même établissement, une proportion notable d’enfants localisés
dans une filière aurait pu aussi bien être placée dans une
autre
(1).
C’est en toute rectitude que l’inspecteur général Jean
Repusseau a pu écrire : «
Tous les enfants du meilleur niveau n’étaient pas dans les Sixièmes
normales, et tous les enfants des plus bas niveaux n’étaient pas dans les
classes à programme
allégé.
»
(2)
En 1975, la réforme Haby (appliquée en 1977) imposait
alors de placer tous les élèves dans les mêmes classes, en supprimant
toute filière explicite. L’hétérogénéité maximale était donc imposée à
tous les professeurs, quelles que fussent leur formation et leurs
habitudes et sans qu’aucune préparation pédagogique ne leur soit offerte.
Il en résulta une recrudescence des conflits, à propos de
l’égalitarisme, entre les diverses catégories d’enseignants auxquels,
malgré les différences de durée de service et de statut, étaient imposés
les mêmes enseignements dans des classes identiques dont la taille était
réduite à moins de vingt-quatre élèves, mais avec l’interdiction d’en
dédoubler aucune (ce qui restreignait l’espace d’organisation
pédagogique).
Les difficultés rencontrées, notamment pour une fraction
de chaque classe, ont donc soutenu l’idée d’une baisse générale du niveau
à l’entrée des collèges et ont accrédité un jugement négatif à l’encontre
de l’enseignement élémentaire. On oubliait ce que nous avons déjà évoqué
et que l’historien de l’éducation Antoine Prost a justement rappelé que :
« à l’époque où
l’enseignement primaire passe pour avoir le mieux fonctionné, dans les
années 1930 », seulement «
une moitié de chaque
génération
accédait au certificat
d’études
»
(1)
et bien peu accédaient en Sixième où
les professeurs enseignaient suivant une méthodologie relativement
uniforme et traditionnelle.
Le fonctionnement des collèges fut souvent atteint par les
appréciations péjoratives, énoncées sans recul suffisant, ainsi que par
les controverses, et les obstacles rencontrés par les professeurs pour
apporter aux élèves en difficulté un soutien pédagogique efficace, tel que
le ministre l’avait prescrit. Le manque de souplesse entre les classes et
les niveaux accrut l’isolationnisme des enseignants, leurs oppositions
internes et leur solitude.
Le malaise croissant s’accompagna alors d’une proportion
de plus en plus élevée de redoublements pour les élèves, majorant les
découragements et aggravant le volume des classes au premier et au second
cycle.
C’est ce que note Antoine Prost, analysant le fait que la
sélection, dans le second degré, s’est
massivement renforcée,
contrairement à ce qu’affirmaient les adversaires d’Alain Savary : «
Entre 1975-1976 et
1985-1986, les taux de redoublement ont connu une augmentation sensible et
notamment dans les classes qui constituent un palier d’orientation. Ils
passent de 6,05 % à 16,4 % pour la classe de Cinquième, de 7,3 % à 14,3 %
pour celle de Troisième, de 11,4 % à 17,8 % en Seconde et de 7 % à 12,7 %
en Première. La Terminale,sanctionnée par le baccalauréat, est redoublée
par un élève sur cinq dans les années
1980.
»
(2)
Comme le montre le tableau ci-après (p. 209), on verra
plus loin que, la mauvaise humeur ou la défiance dépassées, mais aussi la
pédagogie progressivement différenciée s’étant ajustée aux nouveaux
publics d’élèves (avec l’appui d’une formation continuée enfin à grande
échelle), ces taux de redoublement vont à nouveau se détendre.
En attendant, sur la fin de la scolarité obligatoire, les
procédures d’orientation, fondées sur le mécanisme rigide (et imprécis
dans ses critères) des notations et des moyennes globales, se révélèrent
de plus en plus aléatoires.
Dans une importante étude, Alain Mingat a pu noter en 1981
la dépression des voeux des familles dans les milieux non favorisés et par
voie de conséquence : «
Globalement pour la filière C, qui a longtemps été la filière élitique par
excellence, mais nous savons que cette situation est
encore plus fréquente pour les
autres filières, la procédure d’orientation, qui est caractérisée par des
structures fortes en moyenne, est relativement approximative et imprécise
au niveau
individuel.
»
(1)
Évaluations et renversement de tendances en collèges
Il ne faudrait cependant pas croire que ces réelles
difficultés de fonctionnement et d’adaptation aient érodé le niveau de
leurs résultats, malgré ce qui en a été dit sans preuve. Devenu
enseignement de masse, l’enseignement des collèges et des lycées a
néanmoins réalisé des progrès qu’il serait injuste de méconnaître, même
s’il accuse encore des limites.
En témoigne déjà, comme nous l’avons annoncé, après leur
hausse, la réduction continue des redoublements, qui est considérée comme
devant se prolonger encore : «
Depuis 1986 et 1987, et principalement dans les classes du premier
cycle des collèges, les taux de redoublement ont fortement diminué, pour
revenir pratiquement aux niveaux qui prévalaient au milieu des années 1970
», et même des années 1960,
analyse Paul Esquieu.
Ce chercheur ajoute : «
Tendent ainsi à disparaître les
effets de la réforme Haby qui, instituant le collège unique, avait
entraîné un recours accru au redoublement pour des populations d’élèves
hétérogènes, désormais scolarisés ensemble. Le
“renversement”
actuel de tendance
devrait se confirmer lors des prochaines années, mais différentes
évolutions restent
envisageables.
»
(2)
Ce point de vue est actualisé dans le tableau ci-après,
publié par la Direction de l’évaluation et de la prospective, en
illustration de la note de Paul Esquieu. Ses données concrètes font bien
apparaître les fluctuations des procédures d’évaluation et d’orientation
scolaires, mais aussi la durée d’une vingtaine d’années pour assimiler une
réforme structurelle dans le système scolaire, si l’on réfère ses données
aux précédentes citées par Antoine Prost (p. 207). On peut aussi prévoir
des fluctuations, ou même des régressions, selon les temps.
La double répercussion de la baisse de la moyenne des âges
dans le premier degré et de celle des redoublements dans les collèges

entraîne évidemment une baisse sensible de la moyenne des
âges dans les collèges : nous en verrons les conséquences dans le cadre
des lycées ; mais ce rajeunissement des cohortes de collégiens se
serait-il effectué au détriment de la qualité de leurs études ?
Il importe, toutes les fois qu’il nous est possible de
nous référer à des études solides, de caractère scientifique, même
partielles (et non pas à des estimations au jugé, plus ou moins
fantaisistes), de dégager les éventuelles régressions ou, plus
directement, les progrès effectivement accomplis.
Progrès en mathématiques
Les progrès les plus évidents sont ceux qui ont été
obtenus en mathématiques et qu’une enquête internationale de grande
envergure, effectuée dans vingt-six pays des cinq continents, au cours des
années 1960 puis des années 1980, nous permet d’apprécier.
La recherche de l’IEA (Association internationale pour
l’évaluation des résultats scolaires) a notamment porté sur les résultats
à 180 exercices en mathématiques, élaborés mondialement en vue de couvrir
les programmes et les conditions de leur enseignement, pour des élèves de
quatorze ans : ils ont été proposés, en France, à un échantillon
représentatif de 8 500 élèves de Quatrième, dans 190 collèges de structure
et d’environnement variés significativement. Les comparaisons parlent
d’elles-mêmes. « Sur
presque tous les sujets, la moyenne des résultats français... est
supérieure à la moyenne internationale et se situe souvent dans le
quartile
supérieur »
(1)
de la répartition des résultats
mondiaux.
En langage mathématique, en calcul arithmétique ou
algébrique, « la
France dépasse la moyenne internationale de 12 à
15 %
»
(2).
En ce qui concerne l’efficacité de l’enseignement des
professeurs de mathématiques en France, une présentation de tests en début
et fin d’année permet de conclure à
un accroissement important
des résultats des élèves, supérieur à l’accroissement moyen pour
l’ensemble des pays.
D’autre part, l’étude comparative de résultats à une
quarantaine d’exercices qui avaient fait l’objet d’une enquête
internationale analogue en 1964 montre, presque vingt ans plus tard, des
pourcentages de progrès très importants en algèbre : trois fois plus que
la moyenne des autres pays. De même en statistique. En ce qui concerne la
géométrie, la comparaison est difficile en raison d’un changement notable
imposé aux programmes.
Mais, pour l’arithmétique, «
il faut remarquer que,
contrairement aux idées reçues, les résultats partiels montrent que les
élèves calculent aussi bien qu’il y a
vingt ans
»
(3).
Le niveau général en
mathématiques des élèves de collège n’a donc pas baissé, loin de là. Et ce
fait est d’autant plus notable que le niveau d’exigence est important : «
L’exigence est plus
importante en France que dans la plupart des
pays.
»
(4)
Elle s’est même
accrue(5).
Enfin, constatation plus inattendue, la dispersion des
résultats obtenus par les élèves de l’échantillon français est très
faible. L’écart type est de 1 %, dix fois plus petit que l’écart type des
résultats mondiaux.
Il y a donc une satisfaisante homogénéité de l’enseignement des
mathématiques dans les collèges français, qu’on peut attribuer au
développement qu’a pris la formation continue de tous les professeurs
dispensée grâce à un compagnonnage entre professeurs et universitaires
dans le cadre des Instituts pour la recherche sur l’enseignement des
mathématiques (IREM).
Dans ses limites comparatives, une enquête de 1991,
réalisée par l’International Assessment of Educational Progress (IAEP),
pour des élèves de treize ans, confirme que «
la réussite moyenne des élèves
en France est toujours supérieure à la moyenne
IAEP
»
(1)
et l’écart entre élèves faibles et
forts reste moyen.
Une étude de septembre 1992, sur l’évolution des
compétences en mathématiques observées chez les élèves en fin de Troisième
générale, d’une évaluation à une autre sur vingt ans, a été faite par l’IREM
de Besançon et l’Association des professeurs de mathématiques de
l’enseignement public.
Exprimées avec beaucoup de prudence (scientifique), les
remarques finales soulignent les constatations suivantes : «
Dans près de neuf cas sur
dix, les taux de réussite sont en augmentation d’une évaluation à l’autre
», même si «
les modifications de
programme font qu’un nombre important de questions ne peuvent pas être
reprises d’une évaluation sur l’autre
» et alors que «
les compétences des élèves se
sont déplacées. [...]
Des améliorations
importantes se sont produites à tous les niveaux, dans un certain nombre
de domaines. Ces améliorations sont sensibles dès le début du collège et,
pour certains au moins, doivent être versées au crédit de l’école
élémentaire.
»
(2)
Notant que «
les enseignants considèrent
que les programmes actuels sont plus satisfaisants que ceux qu’ils ont
remplacés », les auteurs de
l’étude observent également, en fin de Troisième générale, que les
résultats obtenus «
vont évidemment dans le sens d’une amélioration globale des
compétences
»
(3).
Et sans conclure d’emblée, en
raison des limites méthodologiques des évaluations complexes réalisées,
ils assurent toutefois : «
Pour l’instant, l’hypothèse
d’une amélioration générale reste plus que
raisonnable.
»(4)
De telles évaluations, à l’issue d’une enquête minutieuse,
devraient conduire à la modération les prophètes de malheur qui spéculent
à tout propos sur la prétendue baisse de qualité du système éducatif
français de
décennies en décennies !
(1)
Autres indicateurs positifs pour les collèges
Il faut regretter que l’enquête de l’IEA n’ait pu porter,
par manque de crédits, sur les autres matières, notamment littéraires. À
défaut de résultats comparatifs (au niveau national et international), on
peut cependant relever quelques paramètres indicatifs.
Tout d’abord, et nous l’avons déjà relevé, l’enseignement
du latin n’a pas dépéri, purement et simplement, comme le voudraient
certains.
Ainsi que nous l’a fait observer l’inspecteur général
Jacquenod, latiniste de formation et auteur d’une thèse sur Quintilien, il
y a actuellement dans les collèges quatre fois plus d’enfants qui font du
latin qu’il n’y en eut avant la guerre de 1939-1945. Leur pourcentage est
régulièrement croissant.
De la sorte, rappelons-le, une fois encore, presque le
quart des jeunes Français d’une classe d’âge a fait présentement du latin
et, pour certains, du grec : soit en 1990-1991, 357500 élèves de Quatrième
et de Troisième (26,6 % des élèves des collèges) en latin et plus de 31344
en grec
(2).
Les chiffres sont encore de 360 000 en 1998-1999, auxquels il faut ajouter
près de 200 000 élèves de Cinquième.
La démocratisation a donc eu des conséquences heureuses en
permettant la diffusion élargie des fondements de la langue française
appuyés sur la référence du latin. Ce fait devrait modérer les humeurs des
élitistes ! S’il est possible de rêver...
En ce qui concerne les langues vivantes, la plupart des
observateurs s’accordent pour reconnaître les progrès importants qui ont
été accomplis dans les collèges. Il reste encore à faire !
À la formation livresque d’antan a succédé l’enseignement
d’une pratique orale, plus aisée, des langues étrangères. La fréquence des
voyages ou séjours linguistiques à l’étranger a beaucoup augmenté.
Si l’anglais reste choisi en première langue par 89,2 %
des élèves, le pourcentage d’élèves apprenant l’allemand atteint 10 %.
Plus des trois quarts des élèves étudient une seconde langue à partir de
la classe de Quatrième dont pour près de 60 % l’espagnol.
Il faut également ajouter à ces progressions qualitatives
celles des enseignements scientifiques. Depuis 1977, la physique et la
chimie ont été enseignées, pour un service d’une heure trente par semaine,
dans les collèges dès la classe de Sixième (ou et seulement à partir de la
Quatrième, depuis 1990, mais pour un service de deux heures) alors que
leur enseignement commençait jusqu’alors en Seconde.
Des améliorations didactiques ont été obtenues pour les
enseignements de sciences naturelles. Un apprentissage informatique a été
systématiquement introduit. Dépassant les premières approches d’un
enseignement manuel et technique, des cours de technologie approfondie ont
été introduits, répondant aux exigences de la modernité industrielle et
scientifique. Des cours d’économie et d’instruction civique se sont
également ajoutés aux programmes.
Avec la musique qui n’était pas enseignée, il y a une
trentaine d’années, cela fait
six à sept disciplines qui ont été ajoutées dans les programmes d’une
éducation de masse aux huit
disciplines imposées autrefois à l’éducation d’un petit nombre (d’une
élite ?). On voudra bien convenir que ce n’est pas rien : ô surcharge...
Dans l’enseignement du français, l’introduction des
notions modernes inspirées par la recherche linguistique a fait l’objet de
vives controverses. En l’absence de toute étude scientifique, il est
difficile d’établir un constat de la situation réelle.
L’enseignement littéraire d’autrefois était-il, même pour
un petit nombre d’élèves, performant d’une façon satisfaisante sur tout le
territoire ?
En ce qui concerne la lecture, une recherche-action,
effectuée vers la fin des années 1980, a permis aux chercheurs Brigitte
Chevalier et M. Colin d’observer à son terme : «
La situation a beaucoup évolué
ces dix dernières années : les documentalistes et les professeurs se sont
efforcés de dépasser les constats de carence, ils ont mis en place des
actions couronnées de
succès.
»
(1)
Il est remarquable, en effet, de constater dans la plupart
des collèges l’ingéniosité déployée par les professeurs pour mettre au
point des dispositifs intelligents pour la formation des élèves à la
recherche documentaire et à la lecture.
Les auteurs précités peuvent assurer : «
L’enseignement de la lecture
recherche ou lecture de travail conquiert peu à peu droit de cité au
collège
»
(1),
ce qui appelle un statut
nouveau, plus opératoire et méthodologique, de la lecture dans les
pratiques scolaires.
Ces auteurs étaient partis, dans leur problématique de
constat : « La
remarque cent fois entendue :“les élèves ne savent pas lire en Sixième”,
nous incita à faire un sondage auprès des formateurs du module et
d’équipes de terrain. Les opinions recueillies convergeaient : hormis le
cas où véritablement l’élève ne se trouvait qu’au stade du déchiffrage, il
s’agissait plus, en règle générale, d’un problème de méthode dans
l’approche des textes, de rapidité et d’efficacité que de problèmes
d’apprentissage de lecture au sens courant du
terme.
»
(2)
L’enseignement de l’histoire et de la géographie a fait
l’objet de critiques assez vives. Une mission dirigée par le professeur
Girault a établi en 1983 un rapport qui a entraîné quelques mesures
correctives.
Comme ailleurs, c’est surtout l’histoire événementielle
qui avait été moins bien traitée, mais au profit de l’histoire sociale et
de la géographie humaine. En 1993, un nouveau rapport sur l’histoire, la
géographie et les sciences sociales a été réalisé sous la direction de
Philippe Joutard.
Notons au passage l’alourdissement typique du programme
d’histoire dans les classes de Sixième : on a surajouté aux savoirs sur
l’Égypte, la Grèce et Rome, classiques pour de nombreuses générations,
rien moins que l’histoire de la Chine, celle de l’Inde, l’histoire des
Hébreux et enfin celle de la naissance du christianisme !
Quousque tandem...
! Pour une classe d’âge entière !
Rappelons aussi que les classes de Troisième se sont vu
attribuer le programme autrefois traité en Terminale. Laxisme?
Sans doute, le poids fortement accru des matières
scientifiques a-t-il porté quelque ombrage aux disciplines littéraires.
Mais, en l’absence de mesures et de tests adéquats, il est difficile
d’énoncer un jugement quelconque. On sait que des mesures en faveur des
voies littéraires sont à l’étude en l’an 2000, sous l’impulsion de Jack
Lang.
Il faut encore ajouter, au crédit des efforts consentis
par les enseignants, les progrès réalisés dans les pourcentages de sortie
d’élèves hors de l’enseignement des collèges du secteur public :
stabilisation à 10 % pour l’ensemble des trois premières années ;
réduction de moitié, en dix ans, pour les départs en cours de classe de
Troisième (24,62 % en 1973-1974 ; 12,64 % en 1984-1985, pourcentages
inférieurs à 10 % en fin de siècle). Là encore, il s’agit de résultats
positifs au plan de ces indicateurs.
Le collège n’est donc pas le «
maillon faible
» du système scolaire, assurent
François Dubet et Marie Duru-Bellat dans un ouvrage remarquable «
comme le montrent les
résultats des élèves, mais là où le métier d’enseignant est le plus
difficile face à l’hétérogénéité des effectifs
». Et de préciser : «
Le système scolaire,
notamment le collège, a changé bien plus que ne le laisserait entendre la
caricature de rigidité jacobine et corporative souvent brossée. Il a su se
diversifier sans éclater, il a su innover sans perdre son unité.
(1)
»
Mais de toute façon, on ne peut oublier que les
améliorations, obtenues lentement, restent insuffisantes. Trop de jeunes
abandonnent encore les collèges ou en sortent sans bagage suffisant pour
affronter la vie moderne et pour s’insérer dans la trame professionnelle,
de plus en plus tendue. Aussi bien «
on ne peut plus se satisfaire
de ce qu’il [le bilan]
serait “globalement
positif” car il s’est créé de véritables poches de ségrégation, proches
parfois de l’apartheid scolaire et social, et des difficultés extrêmes
tant pour les professeurs que pour les élèves.
(2)
»
C’est ce diagnostic qui a rendu nécessaire une rénovation
décidée à l’issue du rapport de la commission présidée en 1982 par Louis
Legrand. Celui-ci avait préconisé diverses mesures qui visaient à
organiser les enseignements de façon différenciée afin de tenir compte de
l’hétérogénéité des élèves (et aussi de la diversité de formation des
professeurs). Nous reverrons ces mesures dans les chapitres suivants,
préparant à la consultation sur le collège menée en 1998-1999 sous la
direction de François Dubet, comme nous l’avons déjà évoqué.
|
(1) Voir les données du tableau 10,
p. 158, de l’ouvrage d’Antoine Prost,
Éducation, société et
politiques, Seuil, Paris, 1992, mais aussi
Repères, références
statistiques 1999. Également, voir Mohamed Cherkaoui,
Les Changements du système
éducatif français. 1950-1980, PUF, Paris, 1982, pp. 109 et
suivantes.
(1) A. Prost,
Les Lycées et leurs études au seuil du XXe siècle, ministère de
l’Éducation nationale, décembre 1983, p. 27.
(2) Voir
Repères et références statistiques 1999.
(3) Correspondance adressée au journal
Le Monde et parue
dans le numéro du 2 mai 1989, en page 2.
(1) Correspondance au journal
Le Monde,
op. cit.
(2) A. Prost,
op. cit., p. 28.
(3) Ibid., p. 29.
(1) Pour plus de détails, on pourra consulter Éric Bouchez
et André de Peretti, Écoles et
cultures en Europe, coll. « Savoir-Livre », Belin, Paris, 1990,
pp. 109 et suivantes.
(2) Institut de l’entreprise, assemblée générale, allocution
de D. Pineau-Valencienne, Paris, janvier 1993, pp. 2 et 4.
(1) Éducation
et Formation, « Scénarios du développement du système éducatif »,
op. cit., p. 26.
(2) Ph. Joutard et Claude Thélot,
Réussir l’école,
Paris, Le Seuil, 1999 (c’est moi qui ai souligné), p. 59.
(1) Ph. Joutard et Claude Thélot,
op. cit., p. 60.
(2) Ibid.,
p. 61.
(3) Ibid.,
p. 62.
(4) Ibid.,
p. 63.
(5) Ibid.,
p. 72.
(6) Ibid., p. 73.
|
21
Indicateurs pour les
lycées
Quels indicateurs pouvons-nous prendre en considération
pour jauger les étiages de progrès éventuels dans les lycées ? Regardons
au plus simple, du côté des taux de redoublement (inspirant souvent les
jugements d’échec) et de l’âge moyen des élèves (la précocité étant
souvent signe de succès dans notre culture).
Le tableau de la page 209 nous a permis de voir la
réduction progressive ou la stabilisation des taux de redoublement : en
fin de Seconde, de 18,1 % en 1986, à 15,9 % en 1992, et à 16 % en 1998-
1999; en Première, de 12,7 % en 1986 à 12 % en 1992, avec une stabilité ou
une baisse à 7,9 % en 1998-1999; enfin, en Terminale, le taux baisse de
19,5 % à 18 % et se maintiendrait vers 13,8 % en 1999, ce qui semble
normal pour stimuler les efforts des lycéens en fin de scolarité (c’était
les chiffres d’il y a trente ans).
Comme dans le premier cycle, on peut compléter les données
relatives aux taux de redoublement par celles que donne l’indicateur de
l’âge des élèves et qui vont dans le même sens d’un net rajeunissement de
l’âge moyen des élèves.
En Seconde, de 1958-1959 à 1998-1999, le pourcentage de
jeunes d’âge inférieur à seize ans est passé, dans l’enseignement public
(technique inclus), de 36 % à 63,9 %, et celui des plus de seize ans, de
26 % à 7,7 % (avec, même, une décrue forte en 1980-1981 à 5,5 %), et ceci
alors que les effectifs d’élèves triplaient (allant de 112000 à 335000).
Dans les classes Terminales, le pourcentage des élèves de
moins de dix-huit ans a grimpé de 33,9 % en 1958-1959 à 47 % en 1998-1999,
et celui des élèves de plus de dix-huit ans a chuté à 21,3 % dans les
mêmes temps et pour des effectifs déjà
triples
(1)
en
sorte que l’âge moyen a baissé de deux
ans.
Ces résultats doivent être considérés comme positifs,
outre l’importance accordée à la précocité dans notre pays, en raison des
chances accrues de poursuite d’études supérieures qu’ils donnent aux
jeunes Français.
Au-delà des considérations statistiques, il importe de
regarder les indicateurs de qualité, autant que cela est objectivement
possible.
Progrès et programmes?
Dans l’ensemble, en dépit de leur extension quantitative,
les établissements secondaires de second cycle, les lycées, ont fait face
aux évolutions culturelles, professionnelles et scientifiques de notre
pays.
On doit d’abord prendre acte du niveau élevé des
programmes qui ont été enseignés dans les Terminales C et D (accueillant
alors un tiers des élèves de Terminales d’enseignement général).
En mathématiques, ce niveau a placé l’enseignement
français plus d’un an en avance sur les autres pays, comme le fait
apparaître l’enquête IEA dont nous avons déjà parlé pour les collèges. Le
professeur Lichnerowicz me disait être préoccupé par le fait qu’à Harvard,
université prestigieuse, où il enseigna, les jeunes bacheliers de la
filière C, même sans aucune mention, étaient reçus d’emblée en seconde
année.
Ce niveau est sans doute excessif : il peut se révéler
dissuasif pour les jeunes qui auraient pu faire des études scientifiques
tout à fait correctes avec des programmes moins tendus et il a pu
détourner, en raison du prestige qui le marquait, des filières proprement
littéraires, nombre de jeunes lycéens.
La réorganisation des voies offertes, qui a été rendue
effective en 1992, à partir des propositions du Conseil national des
programmes, devrait rééquilibrer les filières, en permettant des choix
plus simples, quoique plus personnalisés.
Même quand ils ont fait l’objet de fortes critiques, les
lycées ont, en tout cas, réussi à fournir, on l’a déjà dit, des candidats
aptes à suivre des classes préparatoires aux grandes écoles pour des
effectifs qui ont plus que doublé de 1958 à 1982, avec un nombre croissant
de filles : plus de 70 000 élèves en fin des années 1990, et sans qu’il y
ait diminution des exigences.
Car, «
il est de notoriété publique que le niveau des taupes a
considérablement augmenté : on ne peut plus donner aujourd’hui aux taupins
des problèmes de mathématiques qui ont été donnés au concours de
Polytechnique il y a vingt ans, parce qu’ils sont devenus trop faciles et
qu’ils les feraient trop vite et trop bien
», observe Antoine Prost.
Ce grand expert ajoute : «
On n’entend guère évoquer non
plus la baisse du niveau des concours d’agrégation ou de l’ENA. La France
ne semble pas,pour le moment,menacée par l’éventualité d’une baisse de
niveau de ses élites
intellectuelles.
»
(1)
Côté ingénieur, les effectifs des grandes écoles ont
presque triplé entre 1960 et 1991 (de 20 770 à 57 653) alors que du côté
des grandes écoles de commerce les effectifs ont décuplé (5 286 en
1960-1961, 46 006 en 1990-1991).Tous ces chiffres ne cessent d’être, année
par année, dépassés ! À la rentrée 1998, 240 écoles d’ingénieurs
accueillent 82 954 étudiants, et les écoles de commerce reçoivent 51 090
élèves.
Si on regarde les études littéraires dans les lycées, on
peut de nouveau constater les progrès avérés dans l’enseignement des
langues vivantes (quoique aux dépens de l’enseignement des littératures
étrangères).
Il faut également remarquer la nette progression de
l’étude d’une troisième langue vivante proposée aux élèves de Seconde. On
doit aussi reconnaître la moindre persévérance de nombreux jeunes à
étudier le latin ou, en plus faible proportion, le grec : encore 15 % des
élèves du second cycle long, soit plus de 150 000 en latin et 20 000 en
grec
(2)
en 1992, mais seulement 6,3 %,
soit 75 000 en latin et 14 000 en grec en 1998.
Plus généralement, il n’est guère sérieux de soutenir que
les études en lettres auraient été dégradées : selon quelles mesures, par
rapport à quel temps ? Un professeur de l’université de la Sorbonne
nouvelle, René Martin, a entendu, au contraire, faire en 1984 le
témoignage suivant : «
Très franchement, les exigences
des professeurs d’aujourd’hui me paraissent pour le moins égales à celles
de mes vieux maîtres des années 1940 ; elles sont même, à bien des égards,
très supérieures, au point que j’aurais parfois tendance à les trouver
excessives. Sans parler du niveau exigé dans les disciplines scientifiques
et, pour m’en tenir à la seule classe de français, je crois constater que
jamais on n’aurait eu l’idée de nous faire expliquer des textes aussi
difficiles que ceux qui sont soumis aux élèves des années
1980.
»
(3)
Il faut néanmoins regretter l’érosion des effectifs
d’élèves se présentant aux bacs littéraires, sous la pression de
l’opinion.
Dans le cadre des lycées professionnels, les sorties «
prématurées » des élèves ont beaucoup diminué en dix ans : leur
pourcentage est passé de 21 % en 1974 à seulement 7 % en 1984.
Toutefois, ce fait couplé à une croissance (discutable)
des redoublements a eu tendance à élever légèrement l’âge moyen des élèves
des enseignements professionnels. Ceux-ci se sont, d’autre part, améliorés
notablement, grâce au développement des pratiques de contrôle continu par
unités capitalisables qui permettent un ajustement aux rythmes différents
d’acquisition des élèves.
Des méthodes plus performantes ont également été diffusées
à la suite de persévérantes recherches en didactique. Un indicateur
positif est aussi à observer dans le fait que les passerelles sont plus
nombreuses entre les seconds cycles courts et longs : des élèves qui
arrivent en position d’échec dans les lycées professionnels peuvent
résoudre leurs difficultés en un trimestre, et les redoublements en
Première BEP (brevet d’enseignement professionnel) sont en diminution. Et,
du côté des élites techniciennes, on constate le décuplement des effectifs
entre 1960 et 1983 (de 8 000 à 93 000), et une croissance marquée depuis
lors : il y a près de 240 000 élèves dans les sections de techniciens
supérieurs en 1993, et autant en 1998.
Complexité et limites
La diversification des besoins culturels et professionnels
de la société a accru, dans les lycées, la multiplicité des filières
nécessaires.
Le système éducatif est de plus en plus complexe et il
n’est pas toujours possible de l’ajuster à temps aux exigences nouvelles
sinon en cumulant les mesures, nécessitées par celles-ci avec toutes les
précédentes, de façon inflationniste.
De la sorte, les lycées professionnels ont pâti souvent
d’un manque d’installations et d’outillages modernes ainsi que d’une trop
faible conversion des compétences de leurs professeurs techniques, en vue
d’assurer les enseignements de pointe exigés par le développement de la
société postindustrielle.
Mais c’est un problème considérable de moyens, de crédits
et de conception qui se résorbe progressivement.
Dans l’enseignement général, le niveau excessif des
exigences est, il est vrai, reconnu par beaucoup : outre les phénomènes de
dissuasion qu’il entraîne parfois, il pousse les élèves à accumuler des
connaissances étendues mais superficielles et, par suite, à s’orienter
vers ce que René Martin appelle une culture
lacunaire
ou
optionnelle
(1),
dont la généralisation lui paraît inévitable à notre époque.
Mais qui a tiré, pour notre pays, les conséquences du
fantastique foisonnement des savoirs et des techniques, ainsi que de leur
rapide obsolescence ?
Si l’enseignement de l’histoire est apparu en crise, au
moins pour l’histoire événementielle et politique, c’est que, «
en revanche, l’histoire sociale
et l’histoire économique ont connu une avancée
massive
»
(2).
Antoine Prost note également
que le maintien du niveau dans les disciplines sociales correspond à «
l’importance accordée
par notre société à la compréhension des mécanismes qui la régissent
», cependant que «
le recul de la littérature
reflète la crise de
l’humanisme
»
(3).
Il faudrait cependant accorder un juste crédit aux
innovations heureuses que constituent les voyages d’études et les projets
d’action éducative (PAE), dont le développement a été spectaculaire,
pendant un certain temps.
Déjà, après leur lancement au début des années 1980, en
1985- 1986, les trois quarts des lycées et des collèges ainsi que la
moitié des lycées professionnels avaient réalisé au moins un projet
d’action éducative.
Au cours de l’année 1987-1988, 5144 établissements
scolaires (sur 7 607) ont présenté 13 220 PAE, soit une moyenne de 2,6 PAE
par établissement, pour lesquels ils ont reçu des crédits d’aide
ministérielle d’une moyenne de 2 700 F (outre d’autres crédits venant
d’autres ministères, des grands organismes culturels et scientifiques et
des collectivités locales).
Ces PAE pouvaient couvrir une variété de secteurs
d’activités éducatives : de la lecture à l’écriture poétique, de
l’économie au théâtre et à l’expression dramatique, des arts plastiques
aux technologies nouvelles, du patrimoine et de l’architecture à la danse
et au cinéma, ainsi qu’à la croissance des
cultures
(1).
En 1989, 3000 PAE ont été consacrés au bicentenaire de la Révolution.
Outre la qualité (évaluée) de leurs contenus, l’intérêt
des PAE tint au fait qu’ils résultaient de l’initiative autonome des
enseignants et des élèves élaborant un projet responsable et strictement
budgétisé, soumis aux contrôles des missions d’action culturelle des
rectorats et des ministères. Ces projets se poursuivent sous diverses
formes.
On ne devrait pas non plus minimiser le développement
important, repris en 1981, des bibliothèques et des centres de
documentation et d’information (CDI).
Leurs dotations, leurs locaux et leur fréquentation n’ont
cessé de se développer, et les documentalistes qui les animent et qui
peuvent assurer la formation des élèves à la recherche documentaire se
sont vus dotés, en 1990, d’un concours de recrutement secondaire (CAPES),
les plaçant au même rang que tous les professeurs.
Les CDI disposent, outre leurs ressources en livres et
documents, de photothèques, de vidéothèques et de matériels d’informatique
(ne serait-ce que de Minitels) permettant aux élèves de se renseigner sur
des inscriptions en préparatoire ou en université, sinon de « naviguer »
sur le Web.
Il faudrait enfin tenir compte du nombre croissant de
voyages, individuels ou collectifs, de découverte ou d’études, qui
démocratisent l’ouverture à l’Europe et au monde comme à la connaissance
affinée de la France et de son patrimoine stimulant.
Au terme de cet inventaire, même encore limité au registre
scolaire, on peut entendre les remarques pertinentes d’un grand chef
d’entreprise, prononcées devant plusieurs centaines de personnes, dans le
cadre de l’Institut de l’entreprise : d’une part, «
dans un pays où le
scepticisme fait partie des beaux-arts, Cassandre est évidemment plus
écoutée que Candide » ;
d’autre part, « notre
système éducatif est également lourd, mais il est tout à fait comparable à
ce qui existe chez les meilleurs de nos
concurrents
»
(2).
Lourdeur pour un pays qu’on dit frivole : il convient en
effet de rappeler les surcharges inertes de nos programmes qui engendrent
des déficiences ou des niveaux moindres dans les domaines inconsidérément
relégués par la dérive de nos institutions et la pression des médias.
Les lycéens français ne sont pas toujours soutenus,
méthodologiquement, à utiliser, dans un contexte différent, ce qu’ils ont
appris : ils ne brillent pas suffisamment dans l’argumentation, la
création, l’imagination ou l’audace. Et il reste trop de jeunes sans
diplôme ni formation professionnelle, même s’ils sont moins nombreux.
Ces déficiences sont regrettables au moment même où les
enjeux de modernisation appellent de grandes capacités d’adaptation, de
mobilité et d’invention, largement répandues.
On doit toutefois rappeler que les lycées arrivent à
rendre bacheliers près des deux tiers d’une classe d’âge et que ceux-ci, à
99,7 % pour le bac général et 75,6 % pour le bac technologique,
poursuivent leur formation dans l’enseignement
supérieur
(1).
Également, n’oublions pas qu’en une vingtaine d’années, l’effort des
enseignants français a permis que soit doublé le nombre de jeunes
atteignant le niveau IV et surtout le dépassant.
En attendant
Claude Thélot, éminent statisticien, qui a été le
directeur de la DEP (Direction de l’évaluation et de la prospective)
jusqu’en 1998, a pu écrire avec mesure (et nuance), en collaboration avec
le recteur Philippe Joutard, en 1999 : «
Le niveau global des
connaissances des jeunes s’est élevé. Il est peut-être excessif
d’attribuer sans discussion cette hausse à l’École (dans certains cas,
c’est même sûrement faux), et donc de conclure que la transmission des
connaissances par l’École se fait globalement mieux qu’autrefois,
mais les jeunes d’aujourd’hui
ont un niveau moyen plus élevé que leurs
aînés. »
(2)
Si l’École ne fait pas nécessairement mieux, elle fait
encore au moins autant qu’autrefois, pour la transmission de
connaissances, alors
que celle-ci est beaucoup plus difficile
: en raison de l’hétérogénéité
croissante des cohortes d’élèves ; et en fonction du chômage, des
difficultés socio-économiques, de la précarisation des situations ou de
l’avenir, et des impatiences ou violences (ce qui est méritoire !).
« Les
progrès des élèves par rapport à leurs aînés ne sont pas homogènes,
notent les mêmes auteurs.
D’abord par discipline : les
élèves, en fin de collège, maîtrisent plutôt mieux qu’avant les
mathématiques et l’histoire-géographie et plutôt moins bien le
français.
»
(1)
Toutefois, si «
l’orthographe et les
mécanismes de la langue sont,vers 12-14 ans, moins bien maîtrisés qu’au
cours des années 1920, surtout pour les garçons
», les rédactions «
sont meilleures aujourd’hui
qu’alors
»
(2).
Ces experts remarquent encore l’évolution des disparités
entre les élèves : «
les
“meilleurs” depuis
vingt-cinq ans ont peu progressé (mais leur niveau n’a pas diminué, non
plus que celui des bacheliers : le doublement de l’accès au bac ne s’est
pas payé par une baisse de niveau), tandis que les
“plus mauvais”
ont davantage progressé,
devenant moins
mauvais.
»
(3)
De tels résultats qualitatifs, obtenus sur la «
massification » des effectifs scolarisés, ne sauraient être minimisés ou
occultés : sinon par une médiocre passion (et elle s’affiche pourtant !).
Les auteurs regrettent néanmoins, et à juste titre, la
diminution du niveau des compétences «
parmi les jeunes hommes du
niveau d’un CAP ou d’un BEP ou quittant le lycée avant le
bac
»
(4).
Cette dernière constatation
repose tout le problème de l’enseignement et de la pédagogie, encore
insuffisamment différenciés ; elle soulève l’inadéquation de l’orientation
(fonctionnant trop inertement par l’échec) ; elle appelle des modalités
d’une évaluation qui soit formative, et non pas (souvent précocement)
dissuasive, ségrégative. De tout cela nous reparlerons, à tête posée.
Cependant, en positif, Joutard et Thélot notent qu’«
à l’occasion de la
massification de l’École, les inégalités se sont globalement réduites,
dans des proportions diverses, parfois sensiblement, parfois
modestement.Ainsi les carrières des collégiens sont aujourd’hui moins
inégalitaires que dans les années
1980
»
(5).
«
De même, l’accès au baccalauréat
est socialement moins inégalitaire qu’il y a vingt, trente ou
quarante ans.
»
(6)
En ce qui concerne l’accès aux études supérieures, «
une illustration fera
sentir l’ampleur de la réduction : aujourd’hui un enfant d’ouvrier a 7
fois moins de chances qu’un enfant de cadre supérieur, de professeur ou de
chercheur à l’université, ce qui est une inégalité importante ; mais au
cours des années
1960, il y a environ trente ans, il n’y avait pas 7 fois moins de chances,
mais 28 fois moins. Au total, la réduction des inégalités devant l’École
depuis une vingtaine d’années est notable. Des quatre objectifs de
l’École, c’est celui sur lequel les progrès ont été les plus
marqués.
»
(1)
Malgré un «
bilan
contrasté
»
(2)
(et la complexité du travail
nécessaire pour le dégager), on est donc, assurément, dans la bonne voie,
quoi qu’en disent les détracteurs, attachés au « tout ou rien ». Mais il
faut continuer, car il reste encore beaucoup de chemin à faire et à
refaire, pour réduire les risques de dysfonctionnement et les « effets
pervers » des mesures les plus judicieuses, comme Boudon nous en avait
fait prendre conscience.
Et les temps sont durs, pour les jeunes et pour tous. Leur
préoccupation et celle de notre potentiel culturel nous engagent à
regarder de plus près les problèmes interactifs, de quantité et de qualité
: qu’ils portent sur la taille des classes et l’agencement cohérent des
enseignements, ou bien, ultérieurement, sur l’organisation différenciée
des structures éducatives et les supports de formation et d’évaluation
requis pour leur efficience.
|
(1) A. Prost,
Histoire de l’enseignement en France,
tome IV, op. cit.,
p. 279.
(1) Jan Amos Comenius,
La Grande Didactique, traité de
l’art universel d’enseigner tout à tous (de 1627 à 1657),
PUF, Paris, 1952.
(2) H. Pestalozzi, « Lettre à un ami sur son séjour à Stans
», R. de Guimpe, in
:
Histoire de Pestalozzi, de sa
pensée et de son oeuvre,
Bridel, Lausanne, 1874, p. 218.
(3) D. Hameline,
Courants et Contre-courants
dans la pédagogie contemporaine,
Odis, Sion, 1986, p. 34. L’auteur ajoute : «
Paradoxalement, c’est sous son
influence et d’après son modèle que la sollicitude et ce que nous
appellerions aujourd’hui le professionnalisme vont être présentés comme les
deux piliers de la pratique éducative
», p. 35.
(4) Voir M. Soëtard,
Pestalozzi ou la Naissance de
l’éducateur, Peter Lang,
Berne, 1981.
(5) A. Prost, op. cit.
(1) F. Buisson,
Dictionnaire de la pédagogie,
Hachette, Paris, 1882, p. 404. Les chiffres dans les autres pays d’Europe
sont du même ordre.
(2)
Ibid.
(3) À titre de comparaison, dans le Royaume-Uni, en 1923, la
moitié des classes avait plus de quarante élèves et 20 % plus de cinquante
élèves. Il n’en est plus de même actuellement.Voir G.W. Glass
et al.,
School Class Size,
Sage Publications, Beverly Hills, 1982. Cet ouvrage présente d’autre part un
tableau du taux d’encadrement moyen pour différents pays, à partir de
l’annuaire statistique de l’ONU pour l’année 1978 : 17,7 pour la France,
contre 20,5 en Grande-Bretagne, 20 aux USA, 19,3 pour la Belgique, 18,5 pour
la Suède mais 13,7 pour l’URSS, 9,5 pour le Danemark et la Norvège, et 9,3
pour le Canada. Ces chiffres sont indicatifs, mais non significatifs.Tout
dépend de la qualité des personnels pris en considération, de l’étendue des
territoires (ou de la densité des populations), et des exigences de
programme et de cursus.
(1) Voir
L’État de l’École,
30 indicateurs sur le système
éducatif français, NPENRST,
no 9, octobre 1999, p. 19.
(2) A. Prost,
Éducation, société et politiques,
op. cit.,
p. 198.
(1) En juin 1992, un sondage, effectué par un institut
auprès d’un échantillon national représentatif de 795 lycéens, donne les
indications suivantes : parmi les points susceptibles de marquer la
satisfaction ou non des élèves, 58 % de ceux-ci s’affirment satisfaits (dont
13 % très satisfaits), contre 27 % peu satisfaits et 13 % pas satisfaits du
tout en ce qui concerne le nombre d’élèves dans leur classe.Toutefois, un an
et demi auparavant, dans un sondage analogue paru dans
Phosphore,
à la question : « Si
vous deviez réformer le lycée, quelles sont les principales mesures que vous
prendriez ? », 63 % mettent
en tête : « Réduire les
effectifs des classes »,
contre 42 % pour « créer
des cours de soutien pour les élèves en difficulté
» et 38 % pour revoir les programmes.
In
:
Phosphore a dix ans,
Bayard Presse, Paris.
(2) Note d’information du ministère de l’Éducation
nationale, avril 2000, p. 1.
(3) Repères et
références statistiques,
op. cit.,
1999.
(1)
Ibidem.
(2) In
:
Les Chiffres de l’Éducation
nationale, MEN, 1989.
(3) Aux États-Unis, dans le district de Columbia, pour des
raisons budgétaires, les organismes responsables ont décidé, en mai 1980,
d’accroître le nombre d’élèves par classe, passant d’une moyenne de
vingt-six à une moyenne de vingt-huit élèves ( School
Class Size).
(4) I. Illich, Une
société sans école, Seuil,
Paris, 1971, p. 26.
(1) G.W. Glass, L.S. Cahen, M. L. Smith, N.N. Filby,
School Class Size,
Sage Publications, Beverly Hills, 1982, p. 35.
(2) « Il
y a une conviction fortement ancrée, partagée par parents, enfants,
enseignants et même administrateurs, que la qualité de l’éducation et
l’intensité de l’encadrement
(staffing intensity)
sont positivement reliées »,
A. Passow et al.,
The National Case Study
: An Empirical Comparative Study of Twenty-one Educational Systems,
Almquest and Wiksell International, Stockholm, 1976, p. 213.
|
22
Interrogations sur les dimensions de nos structures scolaires
Le problème quantitatif et qualitatif des dimensions de
l’École est habituellement posé, notamment par les enseignants mais aussi
par les parents, au niveau de la taille des classes plus encore qu’au
niveau du taux d’encadrement (c’est-à-dire du nombre moyen d’élèves par
enseignant au sein d’un établissement) qui est la plus forte variable
qualitative.
De même, il est moins question de la taille des
établissements sinon que, d’une part, celle-ci a plus que doublé en trente
ans et que, d’autre part, ceux de petite taille peuvent généralement pâtir
d’une certaine décote tacite qu’entérinent leurs chefs dans leur choix de
carrière.
Les classes nombreuses
En revanche, le problème des surcharges de travail
imposées aux professeurs par les classes nombreuses est présent et
justifié aux esprits de tous : en particulier par la quantité de copies à
corriger, ce qui revient à occulter habituellement le sens organisateur
des enseignants,
il est vrai aux prises avec des classes moins dociles.
Pour mémoire, rappelons les mesures adoptées au début des années 1960, par
un professeur de français et de latin, en classe de Première, au lycée
Lamartine, à Paris, dont la classe rassemblait cinquante élèves de sexe
féminin (en 1968, la directrice du lycée affirmait encore avec force : «
Le lycée Lamartine est
et restera un lycée de jeunes filles !
»).
En latin, la classe était divisée en quatre groupes ; un
quart des élèves rendait, chaque semaine, une version latine individuelle.
Les trois autres quarts de la classe se répartissaient en groupes de
quatre ou cinq et rendaient un devoir rédigé en commun et recevaient la
même note, en attendant de rédiger, à leur tour, une version individuelle,
une autre semaine.
En français, une dissertation était obligatoire tous les
quinze jours : le premier quart de la classe rédigeait complètement la
dissertation, les autres rendaient un plan détaillé préparé
individuellement. Et ainsi de suite, chaque quart à son tour.
L’enseignante n’était ainsi pas plus surchargée qu’avec
une classe de vingt-cinq élèves. C’est en latin que l’expérience est
apparue comme la plus bénéfique dans le souvenir des élèves.
Nous reviendrons sur les problèmes d’organisation,
inhérents au métier d’enseignant. Mais surcharges maîtrisées ou non, quoi
qu’il en soit, une évidence s’est peu à peu constituée pour s’exprimer
hautement la qualité de l’enseignement serait toujours affaiblie
(sinon compromise) dès lors qu’on augmente le nombre d’élèves dans une
classe ; et, naturellement, la diminution du nombre d’élèves améliorerait
systématiquement les résultats scolaires.
Une telle évidence est-elle réellement fondée, ou plutôt à
quelles conditions le serait-elle ? Cette question préalable mérite d’être
examinée pour plusieurs raisons.
Tout d’abord cette évidence se heurte à une objection de
principe : faut-il s’en remettre, pour obtenir des résultats qualitatifs,
à une seule variable quantitative? N’est-il pas plus avisé, dès lors qu’on
a affaire à un enseignant
expert, de lui confier un nombre notable d’élèves (ou
d’étudiants) qui gagneraient à profiter de sa qualité et sa haute
compétence ?
Et ne vaut-il pas mieux disposer d’un corps enseignant de
grande valeur, bien équipé et convenablement rémunéré, éventuellement
accompagné d’assistants ou répétiteurs, même s’il doit être, pour un
budget défini, moins étoffé qu’un encadrement numériquement plus abondant
mais de moindre capacité et de rémunération inférieure ?
Ce principe, controversé et qui heurte nos moeurs
égalitaires ou plutôt identitaires, a pourtant été mis en valeur dans les
enseignements supérieurs (grandes écoles ou universités) : un professeur
de chaire méritait un vaste auditoire.
Et Antoine Prost a pu remarquer avec malice
l’amplification du volume défini pour les locaux d’enseignement
universitaire en France où «
un amphi de cent cinquante places pouvait être remplacé par un autre de
cinq
cents »
(1).
Il est vrai que les travaux en
petits groupes ont été de plus en plus pris au sérieux en université.
L’opportunité ancienne des grands effectifs ?
Ce même principe d’ampleur a été également prôné par de
grands pédagogues. Ainsi Comenius, mort en 1670, protagoniste de la
création de l’École démocratique au milieu du
XVIIe siècle, a pu affirmer
: « Je
soutiens, non seulement qu’un seul maître pourrait diriger une centaine
d’élèves à la fois, mais aussi que cela lui convient mieux et est plus
avantageux pour lui et pour les élèves.Plus grand est le nombre d’élèves
qu’il voit devant lui et plus grand est l’intérêt que l’enseignant prend à
son travail. Pour les élèves, de la même manière, la présence d’un bon
nombre de compagnons sera productrice non seulement d’utilité mais aussi
de plaisir... ; car ils pourront mutuellement se stimuler et s’assister
réciproquement.»
(1)
À la fin du XVIIIe
siècle, en Suisse, Pestalozzi,
éducateur du peuple,
dévoué aux orphelins ou aux enfants qu’on appellerait aujourd’hui
inadaptés ou marginaux, confirmait : «
Il est possible et même facile
d’instruire simultanément et bien des enfants nombreux d’âges très
différents
»
(2) ; sans
doute, à condition de maîtriser et de perfectionner continûment ce que
Pestalozzi appelle pompeusement
la méthode, assure
Daniel Hameline(3).
Il est juste de préciser que le grand pédagogue zurichois
établissait son institution éducative sur l’étude des besoins de chaque
jeune mais aussi sur l’association de celui-ci à des activités pratiques
de travail
productif (4).
L’évidence du petit nombre ne s’est pas non plus imposée
au XIXe
siècle ou même dans la première moitié
du XXe
siècle. Dans les enseignements
primaire et secondaire, en effet, «
on s’accommodait au
XIXe
siècle de classes d’une centaine
d’élèves
»
(5).
Le célèbre
Dictionnaire de pédagogie, édité chez Hachette, par Ferdinand
Buisson, indiquait en 1882, pour la France : «
En règle générale,
aujourd’hui, toutes les fois que le nombre des élèves fréquentant
assidûment une école est supérieur à quatre-vingts, un emploi d’adjoint
est créé et l’école est divisée en deux
classes
»
(1)
(Instructions du 9 août 1870).
Le tableau des statistiques de la France entière pour 1877
donne des informations éloquentes : sur 78 276 écoles, publiques et
privées, 51786 étaient à une seule classe, 11932 à deux classes, 4187 à
trois classes, 1898 à quatre classes, et des chiffres très faibles
au-dessus de quatre classes.
Toutefois, le dictionnaire rassure : «
La moyenne générale de France
était : dans les écoles publiques de garçons, de quarante-neuf élèves par
classe laïque, de cinquante-deux par classe congréganiste ; dans les
écoles publiques de filles, de quarante-trois chez les laïques, et de
quarante chez les religieuses.» En fait, «
les classes urbaines sont
toujours plus chargées que les classes rurales
correspondantes
»
(2).
Les lycées nationaux du début du siècle, considérés comme
les plus performants, étaient aussi caractérisés par des classes
nombreuses. Et des effectifs d’une cinquantaine d’élèves dans une classe
étaient fréquents, sinon jugés normaux, jusque dans les années
1960(3).
Ils le demeurent dans les classes préparatoires aux grandes écoles.
L’explosion scolaire, après avoir obligé à supporter des
surcharges, permit en revanche de pousser à des recrutements massifs et
par suite d’adopter une politique systématique de réduction du nombre
moyen d’enfants par classe.
Le nombre moyen par classe
Ce nombre moyen pour la France est en effet en diminution
dans toutes les classes. Il est passé, en vingt-cinq ans, de plus de
quarante en classe maternelle (où on faisait l’hypothèse d’un tiers de
jeunes enfants absents, en moyenne) à 25,5, soit une réduction de 40 %; de
près de trente élèves à vingt-deux dans les écoles primaires, soit une
réduction d’un quart. Certains demandent encore davantage.
Pour le second degré, le nombre moyen d’élèves par classe
a diminué mais moins que dans l’élémentaire : il a surtout fluctué en
raison d’une croissance momentanée des redoublements au collège et au
lycée notamment, et dans la mesure où, après une baisse sensible en
1982-1984, ce sont encore des générations nombreuses qui ont été présentes
dans ces établissements. Mais on assiste depuis à une décrue, puis à une
reprise des naissances, compte tenu de l’allongement du temps de présence
scolaire pour les élèves français. La durée de scolarisation est en outre
passée de 16,7 années en 1982-1983 à 19 années, en moyenne, depuis
1995-1996 et encore en fin de
siècle
(1).
Dans le premier cycle du secondaire, le nombre moyen
d’élèves est descendu progressivement de plus de vingt-huit à moins de
vingt quatre, avec une légère remontée récemment, puis une redescente à
23,5 en 1998-1999.
Dans le second cycle long, après une descente du chiffre
moyen de trente et un à vingt-huit, on a enregistré en 1991-1992 une
remontée à trente dans les établissements publics. Il y a même eu un bond
sensible au moment de la seconde explosion scolaire.
La proportion de classes surchargées (à trente-cinq ou
plus), qui était de 9,4 % en 1982-1983, doublait dès 1984-1985 (18,6 %),
triplait en 1985-1986 (26,4 %), quadruplait en 1987-1988 (38,8 %), pour
culminer à 39,4 % en 1988-1989.
Antoine Prost, qui était à l’époque conseiller du Premier
ministre Michel Rocard, a pu écrire : «
La rentrée 1988 fut très
mauvaise. Le lycée Grandmont à Tours se mit en grève le jour même.
D’autres menaçaient de
l’imiter.
»
(2)
Le Premier ministre dut s’engager, le 8 décembre 1988, à supprimer,
en cinq ans, les classes de plus de trente-cinq élèves. Depuis lors, les
proportions se sont abaissées à 26,1 % en
1991-1992(1),
puis ont oscillé pour se stabiliser à 28,3 % en 1999. De même, dans le
second cycle court, on observe actuellement une tendance à osciller autour
de vingt-six, les lycées professionnels autour de 21,1 et les collèges
vers 24,2
(2).
On constate au passage, en France, une tendance à encadrer
pédagogiquement les élèves jeunes davantage que ceux qui ont plus de
maturité. Ce choix n’est pas celui d’autres pays ; c’est, en effet,
l’inverse aux États-Unis.
Les chiffres moyens précédents donnent des indications
globales sur tout le territoire français. Dans la distribution réelle, en
1990-1991, on a pu observer, pour le premier degré, qu’un tiers des
classes avait moins de vingt élèves, la moitié moins de vingt-cinq et 14,1
% plus de trente. Il y a de grandes disparités sur les chiffres moyens
entre les académies.
En ce qui concerne les collèges, un tiers avait moins de
vingt-trois élèves par classe et seulement 5,5 % avaient entre trente et
trente quatre élèves. Dans les lycées, en 1990-1991, 15 % des classes
avaient moins de vingt-quatre élèves mais 50 % plus de trente-trois élèves
et 12,5 % plus de trente-six (dans l’enseignement privé, la proportion de
classes peu chargées ou assez nombreuses est plus forte) – «
la proportion la plus importante
de classes nombreuses se trouve parmi les classes de terminales publiques,
où 30 % des classes ont trente-cinq élèves ou
plus
»
(3).
Indépendamment de ces écarts, les taux d’encadrement
(nombre moyen d’élèves par professeur), on a pu l’oublier, se sont
progressivement améliorés, en vingt ans, de quelque 23 % dans le premier
degré et de 30 % dans le second degré. Des dotations supplémentaires en
personnels ont été faites, notamment dans les zones d’éducation
prioritaires (ZEP). Et le nombre moyen d’élèves dont un
enseignant a la charge
par discipline, dans le public,
est, en 2000, de 22,8 en collège, 23,4 en lycée et 16,2 en lycée
professionnel
(1).
Globalement, le nombre moyen d’élèves par enseignant
était, en 1996, de 13,3 % en France, contre 16,1 aux États-Unis, 15,9 au
Japon, 15,6 au Royaume-Uni, 15,0 en Allemagne. Seuls, le Danemark et
l’Italie font mieux avec respectivement 11,0 % et
10,2 %(2).
L’amélioration ainsi réalisée en France, comme elle l’a été dans la
plupart des pays, est-elle satisfaisante ? Est-elle suffisante ?
Les coûts entraînés pour une nouvelle amélioration
seraient-ils
supportables (3)
?
Ne constate-t-on pas une tendance à un
retour en arrière dans le monde ? On sait qu’Ivan Illich s’alarma des
risques de la croissance illimitée des coûts de fonctionnement (pour la
plus large part, 80 % au moins, ce sont des coûts d’encadrement). «
Partout,
écrit-il, les crédits
alloués se révèlent insuffisants et ne répondent jamais à l’attente des
parents, des enseignants et des élèves, si bien que l’on oublie le
problème de l’éducation des non-scolarisés et qu’il est impossible de
trouver les capitaux et les volontés nécessaires pour entreprendre quoi
que ce soit et trouver quelque solution de
rechange.
»(4)
Doit-on, dans ces conditions, voir le problème plus
général de l’organisation de l’enseignement et de son aménagement
qualitatif, sous la seule question de la taille des classes indépendamment
du taux d’encadrement et de la taille des établissements ?
Faut-il encore réduire la taille des classes ?
Plus précisément, doit-on encore continuer à réduire la
taille des classes ? Et sa diminution assure-t-elle des gains en
pourcentage de réussite des élèves ou en facilité de travail pour les
enseignants ainsi qu’un meilleur climat scolaire ?
Ou encore pourrait-on proposer un nombre optimum d’élèves
par classe ? Et ce nombre pourrait-il supporter quelque fourchette
d’écarts admissibles ? Quelles peuvent être enfin les conséquences d’une
plus ou moins grande hétérogénéité sur la dimension des classes ?
Ces interrogations, pressantes actuellement, sont
anciennes. On a pu recenser des études importantes à leur sujet dès le
début du XXe
siècle, notamment outre-Atlantique.
Un travail des années 1980 a distingué quatre époques en
ce qui concerne le cadre où ces recherches se sont successivement
développées : « l’ère
pré-expérimentale (1895-1920) ; l’ère expérimentale primitive (1920-1940)
; l’ère de la technologie des grands groupes (1950-1970) ; et l’ère de
l’individualisation de l’enseignement (de 1970 à nos
jours)
»
(1).
Nous nous limiterons aux deux dernières périodes. On peut
alors distinguer parmi les études qui les ont marquées : soit des enquêtes
de grande envergure, nationales ou internationales ; soit des recensions
critiques portant sur de nombreuses expérimentations et recherches ; soit
enfin des investigations ou des recherches limitées, mais menées avec de
notables précautions scientifiques.
Chacune de ces contributions apporte, outre des
indications plus ou moins divergentes sur la taille des classes ou leur
composition, une série de notations spécifiques qui permettent d’enrichir
l’analyse des questions portant sur les effectifs des classes ainsi que
sur le nombre des enseignants.
Considérations consensuelles ?
Avant de présenter les indications et les notations qui
ressortent de ces diverses études, on peut attirer l’attention sur les
considérations globales auxquelles elles conduisent, de façon convergente.
En premier lieu, il n’y a pas de certitude tranquille et
moins encore de consensus à propos de la taille optimale qui conviendrait
absolument à une classe.
Les enseignants et les parents (ou l’opinion commune) font
habituellement pression pour réduire continûment l’effectif des
classes
(2),
pendant que les chercheurs, les expérimentalistes et les sociologues se
divisent sur l’utilité d’une telle réduction, que, naturellement,
contestent les responsables administratifs.
En deuxième lieu, le fait de diminuer l’effectif des
classes n’assure pas de gain automatique au plan des résultats scolaires.
Entre vingt (ou dix-huit) et trente-quatre (ou même trente-six) élèves, la
taille de la classe a relativement peu d’impact sur l’amélioration des
performances, pour la plupart des matières, dans le premier et le second
degré.
Dans les classes à effectifs allégés, le climat de travail
peut être amélioré ou au contraire se révéler moins dynamique ; et les
résultats peuvent être moins bons notamment pour les enfants des milieux
populaires ; en revanche, les petites classes peuvent favoriser, dans des
conditions déterminées, certains apprentissages.
Très généralement, la relation entre les résultats des
élèves et la taille de la classe est notablement complexe ; elle est
influencée par de nombreux facteurs qui rendent difficile son étude et
aléatoires les solutions pratiques adoptées.
On doit prendre en considération, parmi ces facteurs : la
taille de l’établissement scolaire (eh oui !) ; sa situation dans son
environnement; l’origine socioculturelle des élèves et la composition de
la classe ; les dispositions matérielles ; la nature de l’environnement ;
le choix des didactiques et des contenus disciplinaires ; les techniques
d’enseignement; les objectifs pédagogiques ; le projet éducatif de
l’établissement ; les attitudes de l’équipe de direction ; le tempérament
de l’enseignant et son expérience ; les contraintes budgétaires ; enfin,
la trame institutionnelle.
La complexité du problème posé, en dépit de son apparence
simple, ne laisse la place à aucune évidence fruste (sinon passionnelle).
Mais son étude, au travers de l’importante littérature
mondiale qui lui est consacrée, peut toutefois conduire à des formes
d’organisation et à des modalités d’enseignement plus efficaces. Il nous
revient, dès lors, de détailler certaines des indications et des
contre-indications dégagées par les différents travaux d’étude et de
recherche : du moins, si l’on admet avec quelque bon sens que
l’organisation de l’enseignement est un problème de fond.
|
(1) A.Yates,
Grouping in Education,
1965.Traduction française :
Le Groupement des élèves en
éducation, Nathan-Labor,
Paris-Bruxelles, 1979, p. 152.
(2)
Ibid., p. 157.
(3) Les chiffres d’effectifs fluctuent à l’époque autour
d’une moyenne nationale de trente élèves par classe dans l’élémentaire
et de vingt-trois pour le second degré, avec des différences plus
marquées aux dépens de certaines minorités (Noirs et Portoricains).
(1) J. Coleman,
Equality of Educational
Opportunity, US
Government Printing Office, Washington, 1966, p. 21.
(2)
Ibid., p. 23.
(3) Plowden Report,
Children and their Primary
Schools, tome 1, p. 281.
(4) Ibid.,
tome II, annexe IV, p. 181.
(1) M. Rutter
et al.,
Fifteen Thousand
Hours : Secondary Schools and their Effects on Children,
Open Books, London, 1979, p. 103.
(2) T. Husén,
International Study of
achievement in mathematics,
Almquist and Wicksell, Stockholm. 1967, pp. 227 à 283.
(3) M. Cherkaoui et J. Lindsey, « Le poids du nombre
dans la réussite scolaire »,
Revue française de
sociologie, XV, 1974, p.
210.
(4) Ibid.,
p. 207.
(1) T. Husén,
Origine sociale et
éducation.
Perspectives des recherches
sur l’égalité devant l’éducation,
OCDE, Paris, 1972, p. 77.
(2)
In : M. Shipman,
The Limitations of social
research, 2e ed., Harlow,
Longman, London, 1981. Le texte de la communication de R. Davie : «
L’enfant, l’école et la maison » a été mis, par son auteur, à la
disposition de M. Shipman.
(1) J. Heim et R Lewis,
The Educational Production,
Fonction, Implication for Educational Manpower Policy,
1974.
(2) H. Passow,
The National Case Study :
an Empirical Co-parution Study of Twenty OneEducational Systems,
J. Wiley and sons, New York : Almquist and Wiksell international,
Stockholm, 1978, p. 218.
(3) T. Husén,
L’École en question,
paru en anglais, en 1979, édité en français par P. Mardaga, à Liège,
1983, p. 182.
(1) W. Mollenkopf et S.D. Melville,
A Study of Secondary School
Characteristics as Related to Test Scores,
1956.
(2) C. Fleming, « Class size as a variable in the
teaching situation »,
in :
Educational Research Review,
février 1959, pp. 35 à 48.
(3) J. J. Goodlad, « Classroom organization »,
in
:
Encyclopedia of Educational
Research, Mac Millan, New
York, 1960, p. 224.
(4) Gene W. Glass
et al.,
School Class Size,
op. cit., p. 38.
(1) J.-J. de Cecco, « Class size and co-ordinated
instruction », in
:
British Journal of
Educational Psychology,
1964, no 34, pp. 65-74.
(2) S. Bolander, « Class size and levels of student
motivation », in
:
The Journal of Experimental
Education, 1973, no 42,
pp. 12-17.
(3) De même, J.J. Powel, « Class size : a summary of
research », in
:
Educational Research Review,
1978.
(4) S.M. Shapson
et al.,
« An experimental study of the effects of class size »,
in
:
American Educational
Research Journal, 1950,
no 17, pp. 141-162.
(5) Hankaas,
Master Thesis,
University of Bergen (Norvège), 1978.
(6) Cité par D.W. Ryan, « Class Size and Administration
», in
:
International Journal of
Education, 1985, tome II,
p. 735.
(1) P. Rossi, « Evaluating Social Action programs »,
in
N. Denzing,
The Values of Social
Science,Transaction
books, 1970, pp. 89-90.
(2) A. Little et J. Russel, 1971, voir TES, 30 sept.
1971, p. 5 (supplément du
Time).
(3) W. Platt, « Policy making and international studies
in Educational Evaluation »,
in
Purves
et al.,
Educational Policy
and International Assessment : Implications of the IEA.
(4) C. Hodges Persell,
Education and Inequality,The
Free Press, Mac Millan, New York,
1977, p. 143.
(5) Ibid.
(1) A.Yates,
op. cit.,
p. 152.
(2) M. Shipman,
op. cit.,
p. 150.
(3) S. Allen,
Skole Psychologi,
monograph, no 17, 1978 (en danois).
(4) G.V. Glass et M.L. Smith, « Meta-analysis of
research on the relationship of class size and achievement »,
Educational Evaluation and
Policy Analysis, 1979,
1-2-16.
(1) G.V. Glass, L.S. Cahen, M. Lee Smith, N.M. Filby,
School Class Size,
op. cit.,
1982, p. 41.
(2) G. Jackson,
in
:
Harvard Educational Review,
vol. 53, février 1983, p. 75.
(3) Voir Gene V. Glass
et al.,
op. cit.,
p. 47.
(4)
Ibid., p. 46.
(5) Ibid.,
p. 48.
(1) Ibid.,
G. Jackson, op. cit.,
p. 76.
(1) Gene V. Glass
et al.,
op. cit.,
p. 64.
(2)
Ibid., p. 73.
(3) Ibid.,
p. 73.
(1) Hedges et Stock, « The Effects of Class Size : an
Examination of Rival Hypothesis »,
in
:
American Educational
Research Journal, spring
1983, vol. 20. no 1, p. 64.
(2)
Ibid., p. 66, Hedges et
Stock opposent des
generalized least squares
à des
ordinary least squares.Voir
p. 69.
(3) Gene V. Glass
et al.,
op. cit.,
p. 73.
|
23
Recensions à
l’échelle mondiale
Les enquêtes de grande envergure
On notera en premier lieu la conclusion, en 1965, d’une
enquête internationale provoquée par l’UNESCO et l’Institut d’éducation de
Hambourg, et au cours de laquelle une cinquantaine de travaux antérieurs
ont été dépouillés.
« Il
existe peu ou pas d’informations sur la taille la plus adéquate pour une
école, pour les classes et les sous-groupes intraclasses. Des expériences
doivent être conduites pour déterminer les types d’activités éducatives
les plus favorables aux groupes larges, aux groupes plus petits, à la
classe de taille classique ou aux activités
individuelles.
»
(1)
L’expert Alfred Yates rejetait, d’autre part, les filières
ségrégatives, séparant préalablement des élèves. Il proposait que «
la constitution de groupes à
l’intérieur des écoles soit limitée, dans le primaire et dans le premier
cycle du secondaire, aux sous-groupes
intraclasses
»
(2).
Aux États-Unis, en 1966, le rapport Coleman a réuni les
résultats d’une étude considérable sur les résultats scolaires de dizaines
de milliers d’élèves, et sur l’égalité de leurs chances, au sein d’un
échantillon représentatif national composé par trois mille écoles
primaires et mille écoles secondaires.
L’une des conclusions de cette étude sociologique et
statistique est que, parmi les dix-sept variables utilisées pour
caractériser l’École, celles du nombre d’élèves par classe ou par maître
n’apparaissent pas comme importantes pour influencer les résultats
scolaires
(3).
Les variables fortes concernent les caractéristiques
socio-économiques du milieu familial des élèves (ce qui rejoint l’analyse
de nombreux sociologues français), mais aussi leur image d’eux-mêmes. «
Finalement,
observe James Coleman,
il apparaît que la réussite
d’un élève est fortement liée aux environnements éducatifs et aux
aspirations des autres élèves de
l’école.
»
(1)
Mais il précise
:
«
La mesure selon laquelle un
individu sent qu’il a quelque contrôle sur sa propre destinée semble avoir
un rapport plus grand à la réussite que tous les autres facteurs d’école
réunis.
»
(2)
Ces notations sur l’image que l’individu a de lui-même
devraient donc être prises en considération pour l’organisation des
classes dans les établissements et pour l’animation de la vie scolaire.
Toute formation pédagogique devrait soutenir les aspirations des élèves,
les mettant en évidence, et aider l’environnement parental à donner à
l’enfant confiance en lui. Ce serait conforme à l’esprit et à la lettre de
la loi d’orientation de 1989, en France. Pourtant, certains s’en
offusquent encore.
En Grande-Bretagne, une imposante enquête nationale
(National Survey) sur le système anglais d’enseignement du premier degré
donna lieu à la publication d’un rapport célèbre, le rapport Plowden, en
1967.
Les rédacteurs se montrèrent déçus de n’avoir pu confirmer
le « jugement du sens
commun que les petites classes rendent plus facile l’apprentissage de la
lecture
»
(3).
L’un d’eux, Peakes, au terme d’une étude serrée des
données recueillies par la vaste enquête, notait même, «
comme d’autres études l’ont
fait, une association entre un meilleur travail et des classes plus
grandes ». Il fait
l’hypothèse qu’il y aurait «
invariablement d’autres
circonstances favorables, associées aux plus grandes classes, pour rendre
compte de cette apparente
supériorité
»
(4).
Embarrassés par les constatations réitérées de chercheurs,
les rédacteurs du rapport s’en tinrent néanmoins à une politique de
diminution des effectifs plus conforme à l’avis des professionnels, à
l’opinion publique et à l’exemple des autres pays.
En 1979, une nouvelle étude, par M. Rutter, sur les
données et résultats du rapport Powden devait reconnaître, pour le second
degré : « Le
classement des écoles par rapport à la taille des classes n’a montré
aucune corrélation significative avec les résultats des élèves. Quelque
tendance minime indiquerait qu’on peut escompter une assiduité meilleure
dans les écoles où il y a plus d’enfants par
enseignant.
»
(1)
De 1962 à 1965, se déroula la première grande recherche
mondiale sur les résultats de l’enseignement des mathématiques. Elle fut
réalisée par l’IEA, une association internationale pour l’évaluation des
résultats scolaires, dont nous avons déjà parlé, dans douze pays et en
testant 132 775 élèves.
À l’issue des travaux de dépouillement des données, en
1967, Torsten Husén constata globalement qu’il n’apparaissait aucune
relation entre la taille de la classe et le niveau atteint en
mathématiques
(2).
Mais, reprenant les données de
cette recherche relative à l’échantillon français des 3 449 élèves
répartis entre 125 écoles en 1963-1964 (âge moyen de treize ans et six
mois, écart type de huit mois, classes allant de dix à quarante élèves),
Mohamed Cherkaoui et James Lindsey ont tenté ultérieurement une analyse
plus fine (dont la méthodologie a été discutée). Celle-ci leur permet
d’assurer : « La
liaison entre l’effectif de la classe et la réussite n’est pas identique
pour toutes les classes
sociales.
»
(3)
Et ils précisent : «
En effet, la réussite augmente
avec le nombre d’élèves pour les enfants issus de classes défavorisées et
diminue pour ceux qui sont issus de classes
favorisées.
»
(4)
Cette notation incite à revoir les principes en vertu
desquels on met habituellement les élèves en difficulté, très souvent de
milieux populaires, dans des classes de petite taille.
Les projets Talent (1969), Davie (1970), Heim et Lewis
(1974) et IEA (1979)
Préoccupés par le nombre élevé d’échecs scolaires, des
travaux importants furent entrepris pour découvrir des talents, dans
divers pays. Le projet Talent aux États-Unis a utilisé à cet effet un
échantillon de 400 000 élèves.
Dans son cadre, une étude de Samuel Bowles, portant sur
des élèves noirs de quatorze ans, a donné, en 1969, des résultats mitigés
: la taille de la classe ne semblait pas avoir d’effet sur les scores en
mathématiques, mais paraissait influencer, en revanche, les résultats en
lecture et en capacité générale (notamment pour les sciences appliquées).
Il est vrai que le projet Talent lui-même avait pour but
d’identifier les aptitudes, les domaines d’intérêt, le milieu
socio-économique et les motivations des élèves de l’école secondaire, et
d’étudier tout particulièrement l’effet du manque d’intérêt et de
motivation sur la poursuite des
études
(1)
plutôt que le fonctionnement
interne des établissements et leur organisation en classes.
En ressortait principalement la grande importance du
métier et du niveau d’instruction des parents pour la poursuite des études
dans le supérieur, même pour les plus doués.
Au Royaume-Uni, R. Davie, en 1965, s’est attaché à
l’analyse de tests proposés à 92 % d’une cohorte de 17 000 jeunes enfants
nés en une même semaine de 1958. Il a présenté quelques résultats dans une
communication à l’assemblée annuelle de l’Association britannique pour
l’avancement de la science (section de l’Éducation) en 1970. Il y est
affirmé notamment que «
l’information recueillie sur la
scolarisation des jeunes enfants a montré que ceux qui étaient dans des
classes de quarante et un élèves et au-delà tendaient à faire mieux que
ceux des classes de moins de trente à des tests de lecture, d’arithmétique
et d’adaptation
sociale
»
(2).
Les
grandes classes paraissent ici
recommandables (ou tolérables ?).
Une grande enquête menée par John Heim et Pearl Lewis
comportait des tests d’habileté verbale et quantitative proposés aux
élèves des mille écoles d’un échantillon représentatif pour les
États-Unis.
Sur le plan des effectifs, les auteurs, en 1974, ont tiré
de l’analyse des données la conclusion que «
réduire la taille de la
classe a peu, sinon pas du tout d’effet sur les performances
». Dans la mesure où cette variable a
quelque effet, elle tendrait à agir plutôt sur les résultats en habileté
verbale
(1).
Le doute sur l’intérêt de réduire la taille des classes subsiste encore,
et son efficacité resterait limitée à certaines activités scolaires.
En ce qui concerne enfin le programme international
d’étude sur les résultats scolaires de l’IEA, de nouvelles analyses font
apparaître des différences modérément significatives dans certains pays en
voie de développement pour les disciplines scientifiques et la lecture,
aux âges de onze et de quatorze ans, en rapport avec le nombre élevé
d’élèves par maître et par classe.
Mais, pour le groupe des pays industriels, où se
développait un intérêt pour le travail individuel, les associations sont
faibles
(2).
Torsten Husén était conduit à conclure en 1979 : «
L’argument d’après lequel une
réduction conséquente de la taille de la classe favoriserait des modes de
travail plus individualisés ne semble pas tenir, car il existe de
nombreuses preuves qui montrent que les modes de travail et les résultats
obtenus (exprimés en termes de compétences des élèves) sont sensiblement
indépendants de la taille de la classe, si on reste dans la gamme de vingt
à trente-cinq
élèves.
»
(3)
Nous relevons ici une des
observations dont nous avons déjà noté l’aspect convergent pour de
nombreuses études.
Analyses et recensions
Au panorama des travaux de grande envergure, il convient
de joindre des considérations issues des analyses du contenu des
différentes expérimentations ou enquêtes effectuées pendant plus de trente
ans.
En 1956, William Mollenkopf et Donald Melville avaient
fait passer des tests d’aptitude à 9 000 élèves de quatorze ans, aux
États- Unis, répartis en cent établissements du second degré.
L’étude des scores obtenus avait montré que quatre
variables ont significativement une influence sur les résultats des élèves
: le nombre moyen d’élèves par professeur, les dépenses moyennes par
élève, le nombre de spécialistes autres que les enseignants (c’est-à-dire
les psychologues, conseillers, etc.) et, notamment, la taille de la
classe
(1).
Mais C. Fleming, en 1959, compilant les études les plus
sérieuses, notait qu’elles convenaient toutes que leurs résultats
n’étaient pas concluants ou que, s’il y avait quelque relation entre la
taille et l’acquisition des aptitudes de base ( basic
skills), elles donneraient
plutôt l’avantage aux grandes
classes.
(2)
De même, Goodlad constatait en 1960 : «
Les études sur la relation entre
la taille de la classe et l’attention de l’élève, la discipline, la
confiance en soi, les attitudes et les habitudes de travail échouent à
fonder une base sérieuse pour les décisions à prendre au sujet de la
taille de la
classe.
»
(3)
Ces considérations étaient aussi reprises en 1965 par John
Stephens « Les
élèves dans des classes nombreuses apprennent autant que les enfants qui
leur sont comparables dans des classes petites.
» Outre les travaux de Fleming,
Stephens citait ceux de Herrick en 1960 et ceux de Spitzer en 1954 dans le
même sens.
En ce qui concerne les étudiants, «
plusieurs expérimentations
publiées à cette époque (Nelson, 1959; de Cecco, 1964; Felhuson, 1963;
Macomber and Siegel, 1957; Rohrer, 1957; Simmons, 1959) tendaient à
prouver que les étudiants apprenaient aussi bien dans de grandes salles
que dans de petites
classes
»
(4).
Les recherches sur des groupes
d’étudiants effectuées par J.-J. de Cecco en Grande-Bretagne faisaient en
effet apparaître des résultats légèrement meilleurs pour des sections à
forts effectifs (une de quatre-vingt-dix-sept et une autre de
cent-vingt-sept étudiants) par rapport à ceux obtenus dans des sections à
effectifs faibles (vingt-huit étudiants) : toutefois le degré de
satisfaction serait plus grand dans celles-ci, mais de très peu (tiny)
(1).
Ces résultats ont été faiblement contredits, dix ans plus
tard, mais aux États-Unis avec des sections de tailles différentes, par
Steven Bolander
(2).
Les doutes sur l’absence de rapport entre la taille de la
classe et la réussite des élèves sont confirmés en 1978 par une
recension
soigneuse de travaux antérieurs
effectuée par
Powel (3)
ainsi que par une étude de deux
ans sur soixante-deux classes conduite en 1980 à Toronto par
Shapson(4).
Celui-ci ne trouva aucune différence dans les résultats
pour des tailles de classes allant de seize à trente-sept élèves. On voit
que l’élasticité de la dimension d’une classe est encore accrue ici.
De même encore, en Scandinavie, Hankaas, dans une thèse de
maîtrise, ne trouvait lui aussi, en 1978, aucune corrélation entre la
taille et les résultats scolaires mesurés avec des tests de lecture
standardisés
(5).
En 1969,Thouless, publiant un panorama de la recherche en
éducation, avait sagement conclu que «
le petit nombre de cas où des
corrélations significatives ont été rapportées au cours des recherches sur
les réussites d’enseignement en rapport avec la taille de la classe donne
du poids à l’hypothèse que la taille optimale de la classe dépend en
partie de ce qui y est
enseigné
»
(6).
Intérêt des classes nombreuses ?
De son côté, Rossi, en 1970, confirmait les observations
de Fleming. Il n’y aurait pas de certitude dans les faits étudiés ou bien
même il y aurait un certain intérêt à avoir des classes nombreuses en ce
que les enfants y auraient, pour les aptitudes basiques, des taux de
réussite plus élevés que n’en auraient leurs pairs, apparemment plus
heureux qu’eux dans les classes plus
petites
(1).
À Londres, Little et Russel exposaient, en 1971, dans une
communication à la conférence de l’Association du Royaume-Uni pour la
lecture, que les enfants apprennent plus vite à lire dans les grandes
classes
(2).
L’opinion en faveur de grandes classes se confirme à l’époque.
À son tour, Platt, en 1975, reprenait les données et les
résultats de la première enquête de l’IEA. Il en déduisait qu’on pourrait
s’autoriser à faire croître, peut-être de plusieurs multiples, la taille
des classes – ce qui permettrait d’améliorer le rapport coût-rendement du
système scolaire.
Toutefois, il convenait que l’absence de confirmation
constatée dans une étude à si grande échelle n’autorisait guère de
certitude
(3).
Caroline Hodges Persell, tout en déplorant, en 1977, «
l’impossibilité
d’évaluer de façon isolée l’effet de la taille de la classe
», se demandait si «
plusieurs mois d’assistance (attendance)
à des classes petites pourraient ne pas affecter la capacité à penser et
la perspective d’avenir, alors que douze ans le
pourraient
»
(4).
Elle explicitait également l’importance des structures
sociétales et des idéologies sur l’éducation, ainsi que l’influence
exercée sur les résultats des élèves par les attentes de leurs
enseignants.
Elle introduisait néanmoins l’interrogation suivante : «
Il est évident que des
classes peuvent être organisées différemment si elles réunissent douze
plutôt que trente élèves. Bien que ces différences de taille ne puissent
être mises en rapport avec la réussite cognitive dans des tests
standardisés, elles pourraient très bien avoir des effets sur la pensée
créative, l’habileté à s’exprimer oralement ou par écrit, l’estime de soi
et le sens du contrôle de son propre
environnement.
»
(5)
Alfred Yates avait déjà fait observer en 1965 que, «
si les études
effectuées jusqu’à maintenant ont démontré les désavantages des petites
classes, c’est parce que les enseignants concernés n’ont pas adapté leurs
méthodes et leurs objectifs à ces conditions matérielles et n’ont pas
exploité les avantages qui leur étaient
offerts
»
(1).
Martin Shipman complétait en 1981 l’essai d’explicitation
sur le relatif insuccès des petites classes : «
Les élèves faibles peuvent être
placés dans de petits groupes pour des objectifs de remédiation. Les
meilleurs professeurs peuvent être donnés à des groupes plus importants.
Les classes plus grandes peuvent nécessiter des méthodes formalisées
d’enseignement qui conduisent à des scores supérieurs dans les tests,
quoique de larges aspects du savoir puissent ainsi être négligés. Les
enseignants dans les petites classes ont peut-être à utiliser des méthodes
informelles qui requièrent un niveau d’aptitudes qui est au-dessus de
beaucoup d’entre
eux.
»
(2)
Retour en faveur pour les petites classes
La plupart des enquêtes et des recensions aboutissent à un
constat dubitatif, comme on vient de le voir.
Toutefois, de manière contradictoire, certains auteurs se
sont récemment efforcés d’obtenir une conviction en faveur des petites
classes. C’est le cas, au Danemark, en 1978, d’Allen et de quelques
collègues qui montrent que la réussite dans le système éducatif de leur
pays est la plus élevée dans le cas de très petites classes, pour des
effectifs inférieurs à
seize
(3).
De façon plus approfondie, Gene V. Glass et Mary Lee Smith
avaient trouvé un effet positif de la petite taille de la classe sur la
réussite et le climat, dans les années 1978 et
1979(4).
Ils se sont attachés, dès lors, à faire une recension
systématique (mais cependant limitée à l’univers anglo-saxon) des
nombreuses études et rapports d’expérimentation.
Toutefois, ils ont choisi de ne retenir, parmi cette
littérature (et sur trois cents documents triés), que les études
empiriques exposant, dans une douzaine de pays et sur soixante-dix ans, la
comparaison de la réussite des élèves dans des classes de deux tailles
différentes appariées les unes aux
autres
(1).
Leur option expérimentaliste leur permettait d’éliminer
les enquêtes statistiques de grande envergure, les études sociologiques ou
toutes les expérimentations non conformes à leur modèle strict. Ils ne
retenaient finalement que soixante-dix-sept études de recherche empirique,
desquelles ils extrayaient, tous sujets combinés, sept cent vingt cinq
comparaisons par paires de plus petites et plus grandes classes (avec une
définition discutable de cette notion de taille, car «
la classe nombreuse d’une
étude peut être une petite classe d’une autre étude
», comme le remarquait G.
Jackson
(2)).
Ils n’hésitèrent pas à comparer des classes de deux à
trois élèves à des classes de vingt-huit élèves (ou davantage
encore)
(3).
Ils faisaient au surplus l’hypothèse que la distribution des résultats des
différents élèves à des tests était homogène d’une classe appariée à une
autre classe (ce qui n’est pas assuré, car cela revient à supposer
comparables les compositions sociales de ces classes).
Leur
méta-analyse, obtenue par
un classement statistique des différentes moyennes réduites (après
division par l’écart type de chaque groupe), les conduisait aux assertions
suivantes : « Parmi
les sept cent vingt-cinq comparaisons entre classes plus petites ou plus
nombreuses,quatre cent trente-cinq, soit 60 %, sont en faveur des plus
petites
classes. »
(4)
Ces résultats paraissaient indépendants des âges
respectifs des élèves des classes comparées.
La
supériorité des petites
classes semblait accrue si la durée d’étude en petites classes dépassait
cent heures, si l’on comparait des classes de dix-huit élèves à des
classes de vingt-huit. Peu de résultats probants à l’autre bout de
l’échelle, pour la comparaison entre des classes de trente élèves et des
classes de soixante.
Le pourcentage des comparaisons favorables aux petites
classes était amélioré également toutes les fois que les élèves avaient
été répartis au hasard entre les deux classes de tailles différentes
appariées
(5).
En se basant sur ce type de comparaison observée dans
quatorze seulement des études retenues, les auteurs obtenaient une courbe
empirique (voir graphe n o
7 ci-après), lissée par un
modèle mathématique.
Cette courbe a comme abscisses les tailles de la classe et
en ordonnées les rangs en centiles de l’élève moyen de chaque classe.

Si cette courbe se cambre fortement en deçà d’une taille
de quinze élèves, elle reste relativement horizontale au-delà d’une taille
de vingt élèves.
Jackson en déduisait, dès 1983, sous condition que les
auteurs n’aient pas biaisé leur sélection de documents retenus, que «
faire plus grandes des classes
petites diminuerait considérablement les résultats ; faire plus grandes
des classes déjà grandes les diminuerait beaucoup moins. La non-linéarité
de la relation est une explication partielle de l’ambiguïté qui
caractérise les croyances populaires et professionnelles au sujet de la
taille de la
classe
»
(1).
Glass et ses collaborateurs avaient également étudié
l’incidence de la taille de la classe sur les attitudes, les sentiments et
l’enseignement professoral. Ils concluaient : «
La taille de la classe agit sur
la qualité du climat de la classe. Dans une classe plus petite, il y a
plus de chances d’adapter les programmes d’étude aux besoins des
individus. Beaucoup de professeurs utilisent de telles chances : d’autres
auraient besoin de formation pour s’en souvenir... Les élèves sont plus
directement et personnellement impliqués dans leur
apprentissage.
»
(1)
Cependant, les auteurs reconnaissent que «
les enseignants peuvent avoir
besoin d’aide pour créer de meilleurs environnements éducatifs. Un
enseignant médiocre avec trente élèves peut rester un enseignant médiocre
avec
quinze »
(2).
La réduction de la taille
de la classe n’a pas d’effet automatique.
Un certain nombre d’objections ont été également faites à
leur méthodologie. Tout d’abord, pour quels âges leurs conclusions
s’avèrent elles pertinentes ? En second lieu, on ne saurait oublier les
particularités qualitatives : pour quels objectifs (cognitifs ou
affectifs), à condition de procéder selon quelles méthodes pédagogiques,
dans le cadre de quelles structures institutionnelles, dans quel climat
éducatif, leurs résultats restent-ils valables ? On sait trop les
différences qui séparent les modalités d’un enseignement dans les pays
anglo-saxons et dans les pays européens, et surtout en France.
Les auteurs concèdent eux-mêmes : «
Bien des très petites classes
dans nos méta-analyses représentaient des petits groupes créés pour
l’instruction dans un sujet particulier au cours d’une période
d’instruction, par exemple, un groupe de
mathématiques.
»
(3)
Et que vaut, si on exclut ces
cas singuliers, une conviction à 60 % seulement, face au problème des
poids financiers ?
Objections et précautions
Le désir de Glass et de ses collègues d’entraîner une
certitude en faveur des petites classes a évidemment engendré des
résistances.
Une organisation nommée ERS (Educational
Research Service), soutenue par des administrateurs scolaires,
a publié un important document critiquant les travaux de ces auteurs.
Ceux-ci ont longuement (mais émotionnellement) répondu à ces critiques.
Toutefois, ils ont obtenu le soutien d’autres chercheurs.
La procédure statistique de méta-analyse a, en effet, donné lieu, en 1983,
à une critique technique par Larry V. Hedges et William Stock.
Ces derniers, après avoir noté diverses objections de fond
(notamment sur la réduction excessive du volume des cas étudiés,
le poids indu accordé à un
nombre relativement petit d’études,
l’aspect
atypique
(1)
des enseignements comparés),
mettent en question les modes d’estimation probables adoptés par Grass et
Smith, qu’ils estiment
biaisés
(2),
et leur substituent des modalités plus satisfaisantes.
Leurs
réanalyses les amènent
alors à constater, dans les courbes d’estimation qu’ils tracent,
une moindre réussite
pour les classes de petites
tailles que celle qui est observable sur les courbes dessinées par Glass
et Smith, sans que cela supprime cependant les résultats globaux de
ceux-ci.
Au-delà des objections et des questions que soulève cette
étude originale, cette méta-analyse, nous pouvons observer, par-delà
quelques insistances idéologiques, des propositions plus sereines faites
par Glass et ses collaborateurs.
«
Finalement, écrivent-ils,
nous devrions être
attentifs à notre propre vision limitée en traitant des conséquences de la
taille de la classe. La taille de la classe est typiquement conçue comme
le nombre d’élèves astreints à travailler dans une seule classe avec un
seul enseignant au long d’une journée d’école. Dans cette forme, il y a
des restrictions sévères à la possibilité de réduire la taille des
classes. Les coûts qu’entraîne le recrutement d’enseignants sont
importants et l’esprit des temps est à des restrictions financières. Il y
a d’autres moyens, cependant, de considérer la réduction des tailles. Il
peut être pratique (helpful)
de penser à l’effet
qu’assure l’organisation des groupements multiples d’élèves plutôt qu’à la
taille de la
classe.
»
(3)
Glass évoquera également, dans l’Encyclopedia
of Educational Research,
parue en 1992, le faible intérêt pour des recherches sur le sujet de la
taille des classes en même temps que l’aspect confus de la littérature
empirique à leur sujet. Il ne recense que de rares études de
1986 à 1990 qui ne sont guère plus concluantes. Il en est
encore de
même, dix ans plus tard.
Mais comme avec ses collègues en 1983, il peut faire
référence, au travers de celles-ci, à des mesures plus économiques que
celles conduisant aux réductions d’effectifs : l’aménagement de l’emploi
du temps permettant le dédoublement de classes, le travail autonome, le
travail des élèves en petits groupes ainsi que le recours, à l’aide de
parents volontaires, au monitorat par des pairs et des possibilités
résultant du travail en équipe de professeurs.
C’est dans cette direction qu’il nous faudra poursuivre
notre étude de l’organisation scolaire, dans les prochains chapitres.
Toutefois, avant même de donner une conclusion sur le problème de la
taille, il est important que nous consultions aussi les résultats d’études
expérimentales très approfondies, effectuées notamment dans le cadre
français.
|
(1) J. Auvinet,
L’École et la réussite
scolaire,Vrin, Paris,
1968.
(1) J. Auvinet.
op. cit.,
p. 223.
(2)
Ibid., p. 218.
(3)
Ibid., p. 220.
(4) Ibid.,
p. 299.
(1) L. Legrand, « Réforme des programmes et retards
scolaires », in
:
L’Éducation nationale,
no 28, 1963, pp. 5 et 6.
(2) L. Legrand,
op. cit.,
pp. 5 et 6.
(3) Service d’informations générales et des études
statistiques (SIGES), devenu depuis le Service de la prévision et des
études statistiques (SPRES), puis Direction des études et prévisions (DEP),
enfin, Direction de la programmation et du développement (DPD).
(1) C. Seibel et J. Levasseur, « Les apprentissages
instrumentaux et le passage du CP au CE1 »,
in :
Éducation et Formations,
1983, 2, p. 5. Claude Seibel est inspecteur général de la statistique,
ancien chef du SIGES.
(2) Ibid.,
p. 18.
(3) Ibid., p.
18.
(1) Ibid.,
pp. 18 et 19.
(2) C. Seibel et J. Levasseur, p. 20. Les auteurs
renvoient à l’étude sur le « panel », rédigée par M. Blanché et S. Le
Laidier, dans Éducation et
Formations, no l, sur le devenir en 1979-1980 des élèves
scolarisés en cours préparatoire en 1978-1979.
(3) C. Seibel et J. Levasseur,
op. cit., p. 20.
(1) Sixten Marklund, « Scholastic Attainment as related
to size and homogeneity of classes », 1962,
in Alfred Yates,
Le Groupement des élèves en
éducation, op.
cit., p. 249.
(2) Ibid.,
p. 249.
(3) Ibid., p.
249.
(1)
Ibid., p. 249.
(2)
Ibid., p. 250.
(3) Sixten Marklund,
op. cit.,
p. 250.
(1) Les données recueillies ont
été analysées par de multiples techniques de régression linéaire.
L’évaluation des acquisitions était rapportée à cinq variables
indépendantes, dont la taille de la classe antérieure, le sexe, le
niveau, la taille de la classe nouvelle, la différence numérique des
nombres d’élèves entre l’ancienne et la nouvelle classe. Le climat
social était rapporté à la taille de la classe, à son niveau et au
rapport garçons-filles.
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24
Expérimentations et investigations approfondies
Depuis un demi-siècle, les comportements des élèves se
sont assurément modifiés : en raison des péripéties socio-économiques et
technologiques. Cependant, il n’est pas inopportun de porter attention à
des études expérimentales menées avec soin.
Enquêtes à Angers (1958-1959)
Des expérimentations approfondies ont été conduites en
France et en Scandinavie, dans les années 1950, 1960 et 1980. Il s’agit en
premier lieu d’une étude française sur l’École et la réussite scolaire,
réalisée avec beaucoup de soin par un inspecteur départemental de
l’enseignement élémentaire, publiée en 1968 avec le concours du CNRS.
Les données de l’étude ont été recueillies pendant l’année
scolaire 1958-1959 en deux enquêtes effectuées dans la deuxième
circonscription primaire de la ville d’Angers : elles ont touché
quatre-vingt-quatorze écoles primaires publiques (sur cent vingt et une)
comprenant 7890 élèves en 275 classes.
Parmi ces écoles, soixante-sept étaient de petites écoles
rurales (avec une, deux ou trois classes) pour 3 445 élèves.
Ces écoles, à l’époque, s’étendaient sur huit cours,
l’enseignement étant alors obligatoire de six à quatorze ans. Parmi les
élèves, en moyenne, 10 % sont en avance, 55 % sont
à l’heure,
35 % accusent des retards – chiffres qui coïncident avec les moyennes
nationales de
l’époque (1).
L’ouvrage (318 pages) comporte trois parties présentant
l’échantillon, l’enquête et les résultats. Un chapitre de ceux-ci étudie
minutieusement avec des tests de significativité les conséquences de l’ effectif
des élèves sur leurs
pourcentages de retard et leur réussite au certificat d’études primaires
de l’époque. Jean Auvinet est conduit à formuler la constatation suivante
: « Que l’on considère
la situation scolaire ou que l’on considère la réussite à l’examen,
l’augmentation de l’effectif de l’école – effectif total ou effectif moyen
par classe – s’accompagne souvent d’une amélioration des
résultats.
»
(1)
Cette constatation globale s’appuie sur une suite de
mesures convergentes : «
Le plus fort pourcentage de
retardés se rencontre dans les écoles où l’effectif est le plus faible. La
différence est significative à .05 dans les écoles à une classe, à .01
dans les écoles à quatre classes, à .01 dans les écoles à cinq ou six
classes.
»
(2)
De façon plus complexe pour les
cas d’avance,
un effectif faible semble favorable à la poursuite d’une scolarité
accélérée dans les écoles à deux et trois classes, défavorable dans celles
à une, quatre, cinq et six classes.
Enfin, relativement aux résultats à l’examen du certificat
d’études primaires, «
dans huit cas sur onze, les meilleurs résultats sont obtenus par les
écoles où l’effectif est le plus élevé. Mais les différences ne sont
vraiment significatives que dans les écoles à classe unique et dans les
écoles de plus de six
classes
»
(3).
Ces constatations sont présentées par l’auteur comme des
hypothèses de travail qu’il dégage avec précaution et qu’il reformule dans
ses pages finales : «
Un effectif faible ne constitue pas une condition favorable à la réussite
d’un enseignement. Un effectif moyen compris entre trente et quarante
semble correspondre à de meilleurs résultats qu’un effectif inférieur à
trente. Pour qu’une classe trouve son équilibre naturel, pour que les
phénomènes complexes de psychologie sociale dont elle est le siège
exercent des effets bénéfiques, il faut qu’elle atteigne un certain
volume. Cela est particulièrement vrai pour les écoles à classe
unique...
»
(4)
Nous approfondirons ultérieurement cette remarque essentielle.
L’étude de Louis Legrand dans le Territoire de Belfort
Dans son ouvrage, Jean Auvinet fait, d’autre part,
référence à une étude présentée par Louis Legrand, en 1963, sur le nombre
d’élèves retardés dans le Territoire de Belfort.
« En
1949, observe Legrand,
dans le Territoire de
Belfort, il y avait 9 657 élèves inscrits dans 376 classes primaires, soit
une moyenne de 25,4 élèves par classe. En 1962, il y avait dans le même
département 12827 élèves dans 449 classes, soit 28,5 par classe. En treize
ans, le nombre moyen d’élèves par classe a donc augmenté substantiellement
; l’adverbe n’est pas trop fort, si l’on veut bien considérer qu’il s’agit
d’une moyenne
arithmétique.»
(1)
Or, le pourcentage moyen
d’élèves retardés qui était en 1949 de 16,2 % est descendu en 1962 à 15,4
%. « Cette comparaison
permet d’affirmer le fait, à première vue étonnant, que, dans le
Territoire de Belfort, l’augmentation du nombre d’élèves dans les classes
s’est accompagnée d’une légère diminution des retards scolaires.
» Et l’auteur conclut, après
d’autres considérations : «
Dans tous les cas, si
l’augmentation du nombre d’élèves dans les classes... a une influence sur
les retards scolaires, elle est beaucoup moins importante qu’on veut le
faire admettre, et surtout elle est liée à l’intervention de facteurs
généraux, sociologiques et
psychologiques.
»
(2)
Les travaux de Claude Seibel
Les constatations auxquelles étaient conduits, pour le
premier degré, dans les années 1960, Jean Auvinet et Louis Legrand, sont
corroborées vingt ans plus tard par les études approfondies d’évaluation
pédagogique conduites depuis 1979 au ministère de l’Éducation nationale,
par le SIGES(3),
sous la direction de Claude Seibel.
Une population de près de 2 000 élèves a été extraite d’un
panel national d’élèves inscrits au cours préparatoire à la rentrée
scolaire 1978; cette population était répartie sur douze départements en
deux cent sept classes et cent soixante et une écoles de l’enseignement
public. Les élèves de cette population ont été interrogés dans le cadre
d’une opération dite
Apprentissages instrumentaux.
Les épreuves qu’ils ont subies ont été mises au point par
l’Institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle (INETOP)
avec le concours de l’Inspection générale, de l’Inspection départementale
et d’enseignants ; elles étaient en rapport étroit avec les objectifs
contenus dans les Instructions officielles et ont été proposées deux fois
aux élèves, en juin 1979 puis en décembre 1979.
À l’issue des opérations «
cinq sous-populations ont été
déterminées ; trois ont été distinguées parmi les élèves passant en
première année du cours élémentaire (CE1) sans avoir redoublé le CP
auparavant, les non
redoublants forts, les
non-redoublants moyens
et les
non-redoublants faibles
; une quatrième
sous-population est formée par les élèves qui vont redoubler le CP, ce
sont les nouveaux
redoublants ; enfin,
une cinquième se compose des élèves qui ont redoublé le CP et qui passent
en CE1, les anciens
redoublants »
(1).
L’étude des résultats montre, au passage, «
qu’il n’y a pas une adéquation
parfaite entre les résultats d’épreuves standardisées de savoir ou de
savoir-faire en français de l’enquête et les décisions de redoublement ou
de passage en CE1 prises par les enseignants. Ces décisions sont
naturellement prises en dehors des résultats de
l’enquête
»
(2).
Si l’importance de l’origine socioculturelle apparaît une
fois de plus dans cette enquête, en revanche, «
la taille de la classe
n’apparaît pas comme une variable comportant une relation particulière
avec la répartition en sous-populations de l’échantillon. Il est frappant
de constater que, dans les limites actuelles du taux d’encadrement, la
tendance est plutôt d’une baisse du taux de redoublement avec
l’augmentation de la taille de la classe... Ce résultat paradoxal, qui
semble heurter les idées reçues, s’explique si on se souvient que les
classes les plus chargées appartiennent aux zones suburbaines : malgré un
milieu socioculturel plus défavorisé entraînant des performances aux
épreuves plutôt faibles, la décision du redoublement au CP est mise en
balance, soit avec le passage vers le cours élémentaire afin de maintenir
un taux d’encadrement plus faible au CP, soit avec l’envoi dans les
structures de l’éducation
spécialisée
»
(3).
D’autre part, «
la taille de la classe
n’interfère pas non plus sur le niveau atteint en juin aussi bien en
français qu’en mathématiques, au sein de chaque sous-population. On note
seulement pour les anciens redoublants une relation
positive entre leurs résultats
en juin et la taille de la classe ; en effet, quand la classe passe de
15-19 élèves à 25-29 élèves,le nombre d’items réussis augmente
régulièrement de 58 à 66 en français et
de 68 à 78 en
mathématiques »
(1).
Les auteurs concluent : «
La très faible sensibilité des
résultats à la taille de la classe confirme les résultats obtenus dans le
panel des élèves du premier
degré.
»
(2)
Ils ajoutent : «
Le redoublement du cours
préparatoire, notamment, n’est pas corrélé avec la taille de la classe, ce
qui peut s’expliquer par le fait que les instituteurs utilisent, grosso
modo, des méthodes équivalentes qui font dépendre l’atteinte des objectifs
du cours préparatoire davantage des caractéristiques sociodémographiques
des élèves, que des conditions de l’offre du système
éducatif.
»
(3)
Ils observaient aussi, entre juin et décembre, chez les
non-redoublants,
des progrès d’autant plus importants qu’ils se situaient dans la
sous-population la plus faible.
Outre les constatations des auteurs, on peut remarquer sur
les pourcentages (et les graphiques) de leur étude que les pourcentages
d’élèves dans la sous-population des
non-redoublants forts
sont plus importants, soit pour
des classes de moins de 14 élèves (16,3 %), soit pour des classes de 25 à
29 élèves (13,9 %), et sont au minimum pour des classes de 20 à 24 élèves
(10,6 %). Également les pourcentages de
non-redoublants moyens
sont les plus élevés pour des
classes de 20 à 24 élèves (62,9 %).
Quoique non significatifs, ces résultats attirent
l’attention. On verra qu’ils sont confirmés par d’autres travaux,
notamment ceux de Sixten Marklund en Suède et de Niels Egelund au
Danemark.
En Scandinavie
En 1962, en Suède, Sixten Marklund a réalisé une recherche
qui est restée célèbre. Constatant que les travaux antérieurs en
différents pays avaient dégagé quelques corrélations entre la taille de la
classe et les résultats scolaires mais qui restaient médiocres et sans
ordre, il a tenté de découvrir si la taille et l’homogénéité d’une classe
avaient une incidence significative sur les résultats pour des élèves de
treize ans, testés sur deux échantillons, dans le cadre de l’enseignement
obligatoire à l’école moyenne (collège).
La population des élèves était composée d’un échantillon
national de cent cinquante classes contenant 3 691 élèves ; d’un deuxième
échantillon pris dans la région sud de Stockholm provenant de trente neuf
classes et contenant 1 233 élèves. Les résultats scolaires étaient mesurés
par des tests standardisés en lecture, écriture, mathématiques, anglais,
histoire, géographie et connaissance de la nature. Les variables
indépendantes étaient la taille de la classe et son homogénéité (mesurée
dans chaque classe par la dispersion à des tests standardisés de
connaissance ou d’intelligence).
De nombreuses variables furent mises en corrélation par
cette recherche qui utilisa des méthodes statistiques éprouvées.
L’étude sur l’échantillon national donna les résultats
suivants : «Tout d’abord,
quand les comparaisons étaient faites entre les classes sur la base d’une
moyenne des scores obtenus aux différents tests de connaissances, les
moyennes les plus élevées étaient obtenues par les classes de 26 à 30
élèves, et les moyennes les plus basses par celles de 21 à 25 élèves. Les
classes de 31 à 35 élèves et celles de 16 à 20 occupaient une position
intermédiaire, mais, quand les tailles des groupes étaient combinées, les
classes de 26 à 35 élèves avaient des scores de résultats
significativement plus élevés que celles de 16 à 25
élèves.
»
(1)
En second lieu, «
quand les diverses tailles des
classes étaient réparties en catégories de classes homogènes, hétérogènes
ou intermédiaires, très peu de différences étaient trouvées entre les
tailles des classes, que ce soit dans les groupes homogènes ou dans les
groupes
hétérogènes
»
(2).
Une analyse spéciale fut effectuée sur l’échantillon de la
ville de Stockholm en vue de contrôler les facteurs géographiques et
socioéconomiques. Dans cet échantillon urbain, les plus petites classes
avaient de 26 à 31 élèves, les moyennes de 31 à 33, et les plus grandes de
34 à 36. « En général,
il n’y eut pas de différence significative aux résultats atteints par ces
groupes, et, dans les rares cas où des différences étaient observées,
elles se manifestaient dans toutes les
directions.
»
(3)
Marklund remarquait que les différences en taille
restaient petites, ce qui entraînait un effet marginal. Sur ce terrain de
la taille des classes, « au
total, on procéda à 281 comparaisons entre les niveaux de réussite des
élèves de classes plus grandes ou plus petites : 37 étaient en faveur des
plus grandes classes, 22 en faveur des plus petites, et pour les 222
restantes les différences n’étaient pas
significatives»
(1).
Enfin, Marklund constatait, en étudiant des classes à
taille constante mais à homogénéité variable, qu’il n’apparaissait «
aucune évidence que
l’homogénéité ait une importance distincte sur les classes à scores élevés
ou sur celles à scores faibles... sur l’ensemble des 122 comparaisons
effectuées, 23 étaient favorables aux groupes homogènes, 13 aux groupes
hétérogènes tandis que 86 montraient des résultats notablement
identiques
»
(2).
L’expert suédois, de notoriété mondiale, concluait pour
finir : « Quoique les
résultats de cette étude indiquent que la réduction de la taille de la
classe ne conduira probablement pas à une amélioration des résultats
scolaires, il est possible, si des mesures sont prises pour encourager les
initiatives pédagogiques en vue d’améliorer davantage les méthodes d’étude
et d’enseignement, que le problème de l’homogénéité deviendra moins
important.
Dans le futur, au lieu d’étudier comment la taille et
l’homogénéité opèrent en tant que facteurs isolés, il semblerait plus
utile de voir comment ces deux facteurs réagissent sur les procédures de
la classe et les méthodes
d’instruction.»
(3)
C’est donc le problème de
l’organisation scolaire qui demeure posé, et dont on sait qu’il a fait
l’objet des recherches-actions conduites et évaluées dans les collèges
expérimentaux sous l’impulsion de Louis Legrand, comme nous l’avons déjà
indiqué, et dans les écoles sous celle de Philippe Meirieu, plus
récemment.
Au Danemark
Les travaux de Marklund se voient, eux aussi, confirmés
par une étude plus récente, effectuée au Danemark, pays occidental où la
moyenne du nombre d’élèves par classe est particulièrement basse (18,6 en
1981 avec une tendance à remonter vers 22 en raison de la crise).
Dans l’école obligatoire (de sept à seize ans), les
enseignants sont formés à
baccalauréat plus trois ans et demi pour enseigner à tous les
niveaux, et normalement, ils suivent les mêmes élèves dans les mêmes
disciplines à travers tous les niveaux.
L’étude réalisée par Niels Egelund, chercheur à l’École
royale danoise d’études éducationnelles, a utilisé des données recueillies
en 1979 au cours d’une étude antérieure (qui avait mesuré les conséquences
de la mobilité géographique sur les élèves).
Les évolutions des niveaux scolaires atteints par les
élèves ayant changé d’école avaient été faites par leurs nouveaux
professeurs, sur une échelle standardisée un ou deux mois après la
rentrée, et ces niveaux étaient mis en relation avec la taille de la
classe de provenance.
L’échantillon choisi avec soin comprenait 269 élèves de
toutes les classes pour l’analyse des acquisitions en langue maternelle
(le danois) ; 251 élèves de toutes les classes pour l’analyse des
acquisitions en mathématiques ; 127 élèves des cinq classes supérieures
pour l’analyse des acquisitions en langue étrangère (l’anglais). Les
tailles de toutes ces classes allaient de 11 à 29 (moyenne de 20).
Niels Egelund étudia également le rapport entre le climat
social de la classe et sa taille, grâce à une évaluation réalisée par les
professeurs dans leurs classes sur une échelle à trois degrés et par une
description ouverte de leur perception du climat et des aspects du
fonctionnement du groupe-classe. À cette étude, 566 classes de tous les
niveaux ont participé
(1).
Dans une note rédigée en anglais sur les résultats de sa
recherche, Egelund constate en mai 1983 : «
Dans le cadre danois de cette
étude, il n’a pas été possible de trouver des corrélations significatives
entre la taille des classes (de 11 à 29) et les niveaux des acquisitions
en langue maternelle, en mathématiques et en langue étrangère... En ce qui
concerne le climat social de la classe, le résultat est, contrairement aux
attentes usuelles des professeurs, que les classes les plus grandes
touchées dans l’étude ont le meilleur fonctionnement. Une analyse du
contenu des commentaires faits par les professeurs indique que les plus
petites classes sont plus susceptibles de subir des effets de
“clique”
dominante que les plus grandes
classes, et qu’il est plus difficile pour les élèves de trouver des amis
quand les classes sont très
petites.
»
(1)
Il y a là une alerte qui demeure, en termes de complexité.
On y reviendra.
Pour conclure, Egelund note que son étude n’a pas montré
les effets positifs des très petites classes (sans doute en nombre faible
dans son échantillon), annoncés par Glass et Smith ainsi qu’Allen, mais
que les petites tailles de classes peuvent par contre avoir un effet
négatif sur le climat social de la classe, ce qui est contraire aux
résultats affirmés par Glass et Smith.
Au terme de ces études approfondies, le débat reste donc
entier, mais il invite à étudier les conditions psychosociologiques du
fonctionnement des classes.
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En complément,
la banque des graphes et des schémas
en éducation et en formation
Quelques pages lui sont plus
particulièrement dédiées:
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PARTIE 4 :
Complexité et chances de l’organisation scolaire
C HAPITRE
25: Classes et phénomènes de
groupe
C HAPITRE
26: Modèles, fonctions et
finalités de l’École .
C HAPITRE
27: Des élèves et des rôles
.
C HAPITRE
28: Organisation et variété de
groupements d’élèves
C HAPITRE
29: Architecture de
l’enseignement et antinomies à contenir
C HAPITRE
30: Pour ou contre la pédagogie
et les sciences de l’éducation
C HAPITRE
31: Évaluation et formation
.
C HAPITRE
32: Pour l’honneur de l’École
.
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Bibliographie |
une
interview exclusive sur le sens des
nouvelles réformes et l'évolution du métier |
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