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INTERVIEW

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Au moment des réformes multiples qui parcourent le système éducatif, André de PERETTI nous avait consacré un petit détour...

Propos et à propos enregistrés en sept. 2009, à l'occasion de la mise en ligne de l'ouvrage, autour de quelques "mots":

 

PARCOURS, DETOUR, des nouvelles notions sont à l'œuvre dans la rénovation des collèges. Pourquoi ? 
 

    Ce sont des mots de mouvement qui signifient l'ébranlement baroque,. Nous entrons dans une ère de " succession accélérée de systèmes: mondialisation, évolution technologique, changement de mœurs s'opposent à des mouvements de résistance, d'inertie, d'intégrisme : la réalité est émulsionnaire. 

    Les enseignants ont été formés dans une stabilité classique d'éducation des connaissances, mais notre époque entre dans une phase beaucoup plus floue, inattendue. La vie se présente comme des détours et des parcours. Il faut que les enseignants aient la vision de ce qui est en train de se passer : une réalité de plus en plus instable, à l'instar de ce que les chercheurs en sciences physiques appellent " la fin des certitudes ", la " loi du chaos ". 


     
     
     

De la même façon, les mots " centres d'intérêt, domaines d'excellence " traduisent une ré-orientation de l'Ecole ?  
 

    C'est l'Institution qui se met au service de l'élève. Loin d'être une rupture, c'est une profonde continuité depuis 40 ans allant vers plus de différenciation, plus de richesses, plus d'adaptation. L'enseignant est comme sur un cheval, en équilibre dans le mouvement ; il ne faut pas alors s'accrocher sur un point fixe sous peine de chûter. 

    L'enjeu est l'amplification et l'enrichissement de leur rôle, l'état supérieur de leur travail. Il est le responsable de l'organisation des rapports humains (élève-élève, élève-professeur, élève-savoir). Le métier est donc complexe, très loin du modèle du " magnétophone " (la répétition) 

Que signifie alors le terme de professionnalisation du métier ? L'enseignant n'est-il pas déjà un professionnel ?  
 

    L'enseignant n'est pas un professionnel, mais il doit le devenir sous peine de disparaître. Car, à présent, on ne paye plus le non-professionnel. Le début de sa professionnalisation remonte à la reconnaissance d'une nécessaire formation continuée, formalisée dans la création des MAFPEN : la réalité professionnelle s'entretient, elle s'ajuste aux données nouvelles des disciplines, mais aussi aux données de management des personnes, aux problèmes d'organisation . 

    Nous sommes dans une situation d'organisation des messages, de la pluralité des références. Il est impossible de transmettre en Histoire par exemple un corpus encyclopédique avec le même degré de précision, issu de l'entrechoc de différentes cultures. 

Diversité, hétérogénéité, complexité... la mission est lourde et difficile pour l'enseignant.  
 

    L'hétérogénéité doit être traduite en termes créateurs et non d'exclusion et de fossés. La richesse multiple des actions est un honneur qui est fait aux enseignants. C'est là aussi une inversion copernicienne en sollicitant l'innovation et en soutenant chez les personnes ce qui est du changement. 

    Avec le dispositif " Innovation et valorisation des réussites " , il s'agit non d'apporter de nouvelles connaissances, mais de mettre en situation d'appropriation ce qui intéresse les enseignants, donner des méthodologies, des savoir-faire habiles, et à les exercer avec humour. 

    On bascule d'une situation où les réalités s'amalgamaient à des réalités abstraites (Etat, religion...), vers une situation constituée de communautés plus proches et mises en réseau : c'est le modèle INTERNET où la petite entité peut communiquer avec la plus grande. 

Comment l'enseignant doit-il se positionner dans ce nouvel univers ?  
 

    La solution réside dans l'équilibre de la personnalisation, en jouant sur trois facteurs, sa singularité, sa particularité et son universalité. L'Ecole doit viser la structure des personnalités qui veulent absorber des références, des interréférences multiples pour accéder au contact du complexe. 

    Plus on est soi-même, plus l'autre est lui-même, plus les situations fantasmatiques se dégonflent. Ainsi, des décisions personnelles ont modifié des situations jugées figées (cf. les relations entre Soljenitsyne et Gorbatchev, De Klerk et Mandela) 

Quelles pistes pourriez-vous donner aux enseignants ? 
 

    D'abord, confier des rôles différents aux élèves, organiser la classe en petites sociétés co-responsables : on n'apprend pas contre les autres, on apprend pour soi et pour les autres par soi et par les autres, c'est l'entraide qui est le signifiant essentiel, laïque, démocratique, chrétien, judéo-chrétien. La relation est déterminante. Les enseignants sont les organisateurs de mises en situation des rôles. Par exemple, dans un groupe de quatre, il y a le responsable du travail, le responsable du petit matériel, le responsable des conditions de travail, le conteur de succès (relater les interventions). Cette organisation permet d'éviter les liens de séduction et l'enfermement dans la disciplinarité (par peur de la relation). 

    Ensuite, donner aux enseignants des moyens d'évaluation différents de la seule notation : il faut absolument éviter que la notation soit le seul mode de cotation : auto-évaluation, différenciation des supports et des critères. C'est une véritable ingenierie de l'évaluation et de sa pratique dont il faut se saisir. 

Quel intérêt un enseignant aurait-il à changer sa pratique " professionnelle " ?  
 

    D'abord, les études ont montré que le " bagage " des connaissances se ratatine en sept ans. Ensuite, les élèves vivent dans un monde émulsionnaire ; s'il n'y a pas de changement, les routines se tarissent. La pédagogie, c'est l'art de la fraîcheur. On est intéressant comme enseignant que si on revit, on vit. 

    Enfin, il faut que les jeunes soient mis en situation. La notion de contenu qui rappelle le récipient a fait beaucoup de mal. Car il n'y a pas de transfert possible sans reconstruction. La pure et simple répétition n'est pas possible au nom de l'Humanisme, de la science, de la démocratie. 

    Un exemple de traitement : en histoire, on ferait la totalité du programme dans les trois premières semaines dans une sorte de panorama, puis on commencerait alors l'enseignement en approfondissant tel ou tel contenu. De sorte que chaque élève se soit constitué un filet nourri par des expériences toutes différentes. 

    De la même façon, on devrait revenir aux compositions trimestrielles afin de libérer toute l'énergie que l'enseignant et ses élèves investissent à perte dans l'évaluation actuelle. 

    Le blocage peut venir encore actuellement de la structure disciplinaire initiale universitaire qui retentit encore dans les corps d'inspection. Mais l'enseignant, quoi qu'il en dise, reste profondément libre dans sa classe : une pédagogie originale est de la responsabilité personnelle et professionnelle de chaque enseignant, un droit et un devoir. 

     
     

Vous aviez ébauché un modèle des 30 compétences de l'enseignant moderne il y a 10 ans, repris dans Controverses en Education (1993). Est-il toujours actuel ?  
 

    Oui, plus que jamais ; on peut définir cinq pôles de compétences : l'enseignant est organisateur de relations, personne-ressources, utilisateur, évaluateur et chercheur. 
    De toutes les façons, ces compétences se comprennent dans le cadre d'un travail en équipe. 

     
     

Cet aspect du travail en équipe est largement problématique.  
 

    Oublier le travail en équipe, c'est faire face à 3 dangers : 
    D'abord, vous ne vous donnez pas le maximum de chances face aux problèmes de violence. La réponse est collective. 
    Ensuite, vous êtes isolé, confronté à la masse de la classe 
    Enfin, vous trahissez l'expression et la représentation de la laïcité : compatibilité, travailler avec les autres. Ce serait démentir les valeurs de citoyenneté. C'est le mythe des Horaces et des Curiaces. De quel côté se trouve l'enseignant ? 

    En fait, montrer des adultes qui se maîtrisent vaut la peine face à des adolescents en pleine déconstruction-reconstruction, plongés dans un monde fait de violences externes. Ils se sentent impliqués dans la confiance manifestée par l'échange de l'équipe des enseignants. 

    Il n'existe pas de pédagogie sans confiance, sans humour, sans indulgence. 

    Paris, le 17 mai 1997. Interview réalisée par François MULLER, formation continue de Paris 

     

       
       

 

concept :François Muller @ 1998-2009

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