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INTERDISCIPLINARITE

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  Un concept largement usité, mais encore problématique. On en parle beaucoup, oui mais comment ?
 

Interdisciplinarité, le mot fait son apparition à la fin des années 1960 après interdisciplinaire[1]. « La spécialisation et le fractionnement des disciplines atteignent des sommets inconnus auparavant. L’interdisciplinarité apparaît alors comme une impérieuse nécessité sous peine de dislocation »  L’interdisciplinarité est l'art de questionner plusieurs disciplines pour répondre à des questions communes. L'intérêt est d’atteindre un but commun en confrontant des approches disciplinaire différentes.

 

La définition la plus adaptée au travail réalisé par les équipes en expérimentation est celle de d’Yves Lenoir, titulaire la chaire de recherche au Canada en intervention éducative. « Il s’agit de la mise en relation de deux ou de plusieurs disciplines scolaires qui s’exerce à la fois aux niveaux curriculaire, didactique et pédagogique et qui conduit à l’établissement de liens de complémentarité́ ou de coopération, d’interpénétrations ou d’actions réciproques entre elles sous divers aspects (objets d’études, concepts et notions, démarches d’apprentissage, habiletés techniques, etc.), en vue de favoriser l’intégration des apprentissages et l’intégration des savoirs. [2]

 

Elle n’est pas naturelle dans l’espace et les traditions scolaires en France

L’Interdisciplinarité est de l’ordre du moyen et non de la finalité pour favoriser les processus d’apprentissage chez l’élève. Le changement rapide de l’accès et du traitement l’information dans la société justifie que l’École développe une grande flexibilité. Il faut que les élèves apprennent à créer des liens entre les disciplines pour trouver du sens dans leurs apprentissages.

L’interdisciplinarité ne repose pas sur une pratique cumulative, elle permet des convergences et une complémentarité entre les disciplines scolaires. Les enseignants doivent ici traiter l’articulation des savoirs et leurs insertions dans les apprentissages.[3]

 

La relation se construit, c’est une question de gradation dans les échanges

INTRADISCIPLINAIRE : Interrelations au sein d’une discipline ou d’un même champ disciplinaire PLURIDISCIPLINAIRE : Juxtaposition de plusieurs disciplines

MULTIDISCIPLINAIRE : Recours à deux ou à plusieurs disciplines

INTERDISCIPLINAIRE : Interaction entre plusieurs disciplines

TRANSDISICPLINAIRE : Mobilisation transversale dans le cadre d’un projet partagé ou visant le développement systémique des compétences

 

 

une optique intradisciplinaire dans laquelle on privilégie les contenus (les contenus « matières »). Cette optique tend à maintenir les disciplines séparées les unes des autres

 

Une optique interdisciplinaire, dans laquelle on propose des situations qui ne peuvent être approchées valablement qu’à travers l’interaction de plusieurs disciplines.

 

Une optique pluridisciplinaire, dans laquelle on propose des situations à « thèmes » qui peuvent être étudiées selon différents points de vue, c’est à dire selon différentes disciplines.

 

20 propositions sur l'interdisciplinarité

Une optique transdisciplinaire, dans laquelle on tente de mettre en place des démarches que l’apprenant peut mobiliser dans plusieurs disciplines.

 

 

Proposition d’une typologie

Cet étalonnage fondé sur la nature et sur le degré de la relation entre plusieurs disciplines peut s’enrichir d’autres éléments discriminants pour lire le corpus des actions présentées dans le cahier de l’innovation.


 

Analyse des expérimentations

 

Classification des expérimentations sur le collège selon la distinction proposée par Louis Legrand en 1978[4]

l’interdisciplinarité comme réponse à des besoins disciplinaires ce qui nécessite d’harmoniser les progressions

• Favoriser le développement professionnel d’une équipe pédagogique/ « co-observation et interdisciplinarité » - Collège Jeanne et Emile ADENET, 97240 Le François, académie de MARTINIQUE

Semaine « Réussites Et Partages » - REP+ Circonscription du 1ER  degré Limoges II, 87000 Limoges, académie de LIMOGES

• PRISMAL  - Collège Arlette Hee-Fergant, 61120 Vimoutiers, académie de CAEN

Des sciences en inter-degré et en interdisciplinarité  - Collège La Marquisanne, 83200 Toulon, académie de NICE

Réussir au collège : construire une nouvelle culture commune d’enseignement, variations autour des temps d’enseignement et réécriture des pratiques disciplinaires - Collège Albert Camus, 95100 Argentueil, académie de VERSAILLES

Vers une approche interdisciplinaire des compétences du socle commun

Collège Jules Ferry, 54230 NEUVES-MAISONS, académie de NANCY-METZ

l’interdisciplinarité comme réponse à des besoins éducatifs généraux

Semaines décloisonnées  - Collège Pierre Brossolette, 25217 Montbéliard, académie de BESANCON

Associer une classe à une action en mettant l’accent sur l’interdisciplinarité : un levier pour la réussite des élèves  - Collège Alphonse Daudet, 84201 Carpentras, académie de AIX-MARSEILLE

Un collège qui s’épanouit le développement professionnel et l'innovation pédagogique au service de la réussite de tous les élèves - Collège Jean Monnet, 23210 Bénévent-l’Abbaye académie de LIMOGES

• Classe à enseignement par projet et par compétence - Collège Saint Simon, 78760 Jouars-Pontchartrain, académie de VERSAILLES

Classes thématiques en 6ème - Collège Jules Romains, 06200 Nice, académie de NICE

• Un projet commun école / collège, du CP à la troisième  - Collège Jean Monnet, 79120 Lezay, académie de POITIERS

Repenser l'espace et le temps scolaire pour rendre les élèves responsables de leur scolarité et faire d'eux des futurs citoyens - Collège Jacques Decour, 37703 SAINT-PIERRE-DES-CORPS, académie de ORLEANS-TOURS

• Tout un lycée vers une ambition collective - Lycée général et technologique Felix Mayer, 57150 Creutzwald  académie de NANCY-METZ

• Mission Pirates et Forbans - Collège Mille Roches, 97440 saint-André, académie de REUNION

L’interdisciplinarité comme réponse des besoins d’apprentissages

 

• Graines de savoir - Collège André Lassage, 69300 Caluire-et-Cuire, académie de LYON

Coopérer en classe de 6ème : pratiques d’élèves et d’enseignants - Collège Joseph Sébastien Pons, 66027 Perpignant, académie de MONTPELLIER

Initiation aux arts de faire culinaires au collège - Collège Marguerite de Valois, 16000 Angoulème, académie de POITIERS

Projet Opéra à l'école  - Collège Elsa Triolet, 69694 Vénissieux, académie de LYON

Un autre temps scolaire et Evaluer pour réussir - Collège Claude Debussy, 44107 Nantes, académie de NANTES

• Modules Interdisciplinaires en Seconde - Lycée pilote innovant Le Futuroscope, 86130 Jaunay-Clan, académie de POITIERS

Classes pilotes  - Collège L'Eganaude, 6410 Biot, académie de NICE

Niveau de 6ème expérimental  - Collège Roger Ruel, 43140 Saint-Didier-en-Velay, académie de CLERMONT-FERRAND

L’interdisciplinarité comme prise en compte de l’intérêt des élèves

 

• P.H.A.R.E : Projet à Horaires Aménagés pour la Réussite des Elèves 2015 - Collège Pierre Darasse, 82300 Caussade, académie de TOULOUSE

OBJECTIF LUnE (livret unique de l'élève) - Collège Gérard Philipe, 79010 Niort, académie de POITIERS

Des ateliers pour motiver  - Collège René Caillié, 79210 Mauze-sur-le-Mignon académie de POITIERS

Mettre en place, à Apprentis d'Auteuil Bretagne, une organisation des enseignements adaptée aux besoins des élèves de 6ème pour permettre une meilleure scolarité au collège - Collège privé Saint Michel, 56320 Priziac, académie de RENNES

Métiss'Art - Collège Eugène Nonnon, 97300 Cayenne, académie de GUYANE

• Le temps qui passe - Collège Belle de Mai, 13003 Marseille, académie de AIX-MARSEILLE

• une sixième "envol" au collège - Collège Jacques Prévert, 74240 Gaillard, académie de GRENOBLE

Classe interdegré aux Escholiers - Collège Les Escholiers de La Mosson, 34184 Montpellier, académie de MONTPELLIER

 

 

Les leviers d’action

Un nouveau regard sur « ma » discipline

-          Être au clair sur la définition des objectifs disciplinaire et interdisciplinaire

-          Questionner ce que « ma » discipline peut apporter au travail commun

-          Questionner ce que le travail interdisciplinaire peut apporter à « ma » discipline

-          Trouver des objectifs communs à d’autres disciplines

-          Trouver une interdisciplinarité thématique

 

La démarche de projet 

-          Percevoir l’interaction des savoirs et leur complémentarité

-          Définir une problématique de travail

-          Construire des scénarios de travail en distribuant les rôles en vue de la réalisation commune

-          reconstruire une réalité morcelée artificiellement

-          Explorer un sujet dans une perspective systémique et non disciplinaire

 

Un collectif de travail 

-          Définir un cadre de travail et des règles de fonctionnement collectifs

-          Concevoir un dispositif de concertation

-          Partager un même cadre de référence

-          Se fixer des objectifs à atteindre ensemble

-          Appréhender les différentes facettes du projet pour en repérer les freins et les leviers

-          Repérer les compétences complémentaires à fédérer

-          Associer des compétences de travail

-          Elaborer ensemble

-          Imaginer un partage de l’encadrement sur la vie du projet et pas la répartition horaire entre les disciplines

 

Le lâcher prise

-          Lâcher prise sur « mon programme » « ma discipline »

-          Être ouvert à l’imprévu

-          Accepter de ne pas maîtriser tout le contenu aux yeux des élèves

-          Apprendre à partager ses savoirs

-          Accepter de mettre en œuvre des séquences qui ne sont pas propres à ma discipline

 

La créativité 

-          Donner de la place à la créativité

-          Accepter les changements structurels : attributions, horaires, organisation matérielle

-          Apprendre des élèves et de leurs réflexions, des interactions avec eux, ne pas se laisser envahir par les procédés, les outils, l’adhésion à une méthode unique

-          Apprendre des familles, créer du lien et des interactions

 

Les compétences transversales

-          Pratiquer la règle des trois M : Métissage Méthodologique Métadisciplinaire

-          Travailler des compétences transversales

 

L’engagement des élèves

-          Trouver une approche souple et proactive pour ajuster les stratégies pédagogiques en fonction des élèves

-          mettre l’élève au centre du processus d’apprentissage

-          adopter la différenciation pédagogique comme une stratégie à adopter en salle de classe pour être capable de rejoindre tous les styles d’apprentissages

-          susciter l’engagement des élèves en leur offrant des choix qu’ils peuvent gérer

-          encourager les élèves à réfléchir sur les résultats de leurs choix et à analyser avec du recul et un regard critique

 

 

 

 

 

SOURCES

Zakhartchouk, Jean-Michel, Castincaud, Florence. Croisements de disciplines au collège .CRDP Amiens, 2002 .- 184 p.  Repères pour agir

Croiser des disciplines,...

Les pratiques communes, croisées, mises en synergie et en résonance, aident-elles les élèves à entrer dans la complexité des savoirs scolaires et dans les différentes cultures à construire à l’école ? Ce dossier montre à travers différentes pratiques de dispositifs comment entrer...

En savoir plus

 

 

 De l'interdisciplinarité scolaire à l'interdisciplinarité dans la formation à l'enseignement : un état de la question [2 - Interdisciplinarité scolaire et formation interdisciplinaire à l'enseignement] 

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1998_num_125_1_1111

 

Reverdy Catherine (2015). Éduquer au-delà des frontières disciplinaires. Dossier de veille de l’IFÉ, n° 100, mars. Lyon : ENS de Lyon. En ligne : http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA/detailsDossier.php?parent=accueil&dossier=100&lang=fr

 

Quelle interdisciplinarité à l’école ?

http://www.cahiers-pedagogiques.com/Quelle-interdisciplinarite-a-l-ecole#.VaaA3HvWaaU.facebook

Yves Lenoir, 15 juillet 2015

 

De l'indispensable interdisciplinarité, 31.12.2014, par Denis Guthleben, https://lejournal.cnrs.fr/billets/de-lindispensable-interdisciplinarite

 

Analyse de pratiques interdisciplinaires dans l’enseignement supérieur, Valérie Camel et Agnès Fargue-Lelièvre http://ripes.revues.org/188, 2009

 

Jacques Hamel, « La pédagogie comme pivot de l’interdisciplinarité », Revue internationale d’éducation de Sèvres, 30 | 2002, 143-151.

Quand les disciplines pèsent sur l’enseignement secondaire

Les hasards du calendrier ont fait que le centième Dossier de veille de l’IFÉ, qui porte sur la difficile intégration dans les curriculums des contenus transversaux aux disciplines (interdisciplinarité, éducations à la santé, au développement durable…) paraisse au beau milieu d’une actualité débordante sur ce thème, autour d’une part de la mobilisation de l’école autour de la citoyenneté et d’autre part autour de la réforme du collège prévue à la rentrée 2016.

Ce Dossier de veille (n° 100, mars 2015) tente de mieux comprendre ce qui se joue dans les curriculums et dans les pratiques enseignantes entre les disciplines et les contenus transversaux chargés d’apporter les réponses de l’école aux attentes de la société. Il explore ainsi les différences entre les visions centrées sur la discipline et celles centrées sur l’élève, en France et dans d’autres pays. Pour la mise en œuvre de l’interdisciplinarité, des problèmes au niveau de la collaboration entre enseignants, au niveau pratique, ou au niveau des traditions disciplinaires sont soulevés. En ce qui concerne les « éducation à », particulièrement complexes à appréhender et donc à enseigner, les difficultés se portent sur le difficile apprentissage d’un certain engagement citoyen de tous les élèves.

En rédigeant ce Dossier, deux mondes parallèles se sont alors ouverts : celui de la recherche, dans lequel nous puisons nos sources pour réaliser ces Dossiers de veille, et celui de l’actualité, qui faisait écho au premier. C’est ainsi qu’un article de presse sur la réforme du collège confirmait les résultats d’un article de recherche, à savoir que les disciplines sont des groupes socialement constitués prêts à défendre leur territoire disciplinaire ; qu’une position syndicale pouvait servir de conclusion à une enquête faite quelques années auparavant auprès des enseignants… Un parallélisme troublant entre ces deux mondes (ou l’impression que la recherche fait irruption dans le présent) semble témoigner d’une certaine inertie dans les pratiques pédagogiques. Le poids des disciplines est toujours aussi prégnant, alors qu’on pouvait pensait qu’il était légèrement érodé depuis l’introduction il y a plus de 20 ans de thèmes transversaux, de travaux personnels encadrés (TPE), d’éducation au développement durable ou d’autres projets pluridisciplinaires à caractère professionnel (PPCP).

 

Le débat de la réforme du collège se cristallise surtout autour du maintien des horaires disciplinaires niveau par niveau et discipline par discipline, autour de la préservation des disciplines (comme les langues anciennes un instant menacées puis réintroduites sous forme d’option ; comme l’allemand et la question de sa survie sans les classes bilangues, qui n’existeront plus avec la réforme) et de l’autonomie accordée aux établissements pour la gestion des 20 % du temps d’enseignement consacré notamment aux EPI et aux aides personnalisées, appelés « enseignements complémentaires ».

 

Les grandes lignes de la réforme des collèges (actualisé fin mars) :

l’enseignement de la deuxième langue vivante commencera au début du cycle 4, c’est-à-dire en 5e et non en 4e; des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI par la suite) sont prévus au cycle 4, six thèmes à choisir par l’équipe pédagogique de chaque établissement parmi huit sur les trois années du cycle ;

les langues anciennes et les langues régionales seront enseignées lors d’une option en 5e, 4e et 3e à laquelle pourra s’ajouter un enseignement pratique interdisciplinaire ;

SVT, technologie et sciences physiques disposent d’un horaire commun en 6e, pour mettre en œuvre au choix de l’établissement l’enseignement intégré de sciences et technologie (EIST), non obligatoire, ou rester avec des enseignements séparés de SVT et de technologie ;

3h d’accompagnement personnalisé sont prévus par semaine en 6e (contre 2h actuellement) et 1h au minimum en 5e, 4e et 3e;

20 % du temps d’enseignement, consacré aux EPI et à l’accompagnement personnalisé, seront laissé à l’initiative de l’établissement.

Comme les négociations sont encore en cours à l’heure où nous écrivons ces lignes, il est difficile d’avoir une vision globale des arguments des uns et des autres, mais le ton monte. Dans la dernière réunion de concertation du 31 mars, un syndicat d’enseignants affirme par exemple que« les collègues ne veulent pas que l’on mette les disciplines en concurrence et qu’on ait à choisir entre en dédoublement en langues vivantes ou en sciences ou la possibilité de travailler en groupes ailleurs » ; le ministère indique de son côté que ce syndicat « voudrait en gros que tous les dédoublements soient fixés de Paris », alors que la réforme prévoit de laisser les établissements les faire là où ça leur semble le plus pertinent (http://www.vousnousils.fr/2015/03/31/negociations-sur-le-college-plusieurs-syndicats-claquent-la-porte-2-566169).

L’association des professeurs de biologie et de géologie énonce de son côté trois principes à respecter :

« l’importance de notre discipline [SVT] ; la reconnaissance d’un enseignement de SVT assuré intégralement par un professeur spécialiste ; un programme structuré et structurant par année de la 6e à la 3e».

D’autres voix s’élèvent pour demander au contraire au ministère d’accorder davantage d’autonomie aux équipes pédagogiques pour qu’elles puissent choisir elles-mêmes leurs thèmes pour les enseignements pratiques interdisciplinaires.

D’après ce que nous pouvons voir, il semble qu’un clivage se fait entre d’une part les défenseurs des disciplines qui voient dans la plus grande liberté accordée aux équipes pédagogiques (via le conseil pédagogique) une future concurrence entre les disciplines, voire entre les établissements, et d’autre part les défenseurs du socle commun, qui encouragent et demandent le renforcement de l’autonomie pédagogique, et pour qui les EPI sont une autre manière d’enseigner les disciplines.

On remarquera que les discussions de fond portent finalement assez peu sur la pertinence ou non de changer les pratiques pédagogiques, sur les élèves eux-mêmes, sur l’emploi du terme « pratiques » comme opposition aux enseignements disciplinaires pensés comme exclusivement théoriques, abstraits, sur le véritable rôle et la composition du conseil pédagogique, etc. De nombreux sujets pourtant au cœur du débat et qui sont au cœur des recherches sur cette thématique.

En annonçant dans le prochain projet de réforme du collège que « l’emploi du temps du collège sera désormais construit autour des élèves » et en inscrivant dans les grilles horaires la possibilité de choisir l’enseignement intégré de sciences et technologie (EIST) en 6e, le ministère tente de rapprocher le curseur d’une vision centrée sur l’élève, vision non partagée par la majorité des syndicats enseignants.

 

Reverdy Catherine (2015). Éduquer au-delà des frontières disciplinaires. Dossier de veille de l’IFÉ, n° 100, mars. Lyon : ENS de Lyon.

En ligne : http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA/detailsDossier.php?parent=accueil&dossier=100&lang=fr

 Quelle interdisciplinarité à l’école ?

http://www.cahiers-pedagogiques.com/Quelle-interdisciplinarite-a-l-ecole#.VaaA3HvWaaU.facebook

Yves Lenoir, 15 juillet 2015

Yves Lenoir est un universitaire québecois qui fait autorité en matière d’interdisciplinarité. Il travaille en effet sur le sujet depuis de longues années au sein de la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke. On peut consulter une vidéo où il répond à des questions sur les liens possibles et souhaitables entre monde de la recherche et pratiques enseignantes. Il nous propose ici une contribution de fond sur l’interdisciplinarité, à l’heure où, avec la mise en place des EPI, celle-ci doit être véritablement pensée, en évitant les dérives et malentendus. Pour lire l’intégralité de ce long article, vous pouvez suivre ce lien ou télécharger le texte en PDF.

 

La réalité naturelle, humaine et sociale dans laquelle nous vivons est complexe, ce qui exige de recourir à différents savoirs disciplinaires pour l’appréhender. Dès lors, à moins de croire au miracle, il importe d’être conscient que les liens que les élèves établiront pour cerner cette réalité ne se feront pas tous seuls ; ils requièrent la médiation active de l’enseignant ou, mieux, d’une équipe d’enseignants pour les aider à tisser ces liens qui exigent de faire appel à des savoirs provenant de différentes disciplines scolaires.

Mais pour Yves Lenoir, il n’y a pas d’interdisciplinarité valable qui ne s’appuierait pas sur les disciplines. L’interdisciplinarité peut utiliser une grande diversité de démarches en partant de regards disciplinaires croisés, en concevant des situations où les élèves sont amenés à « problématiser ». Ce qui caractérise l’approche interdisciplinaire à l’école, c’est son insistance sur la nécessité de faire appel de manière croisée et complémentaire à différentes démarches, en ne se limitant pas à la « résolution de problèmes » par exemple. Il met en évidence tout particulièrement l’importance de la démarche de conceptualisation qui permet de produire (construire) la réalité naturelle, humaine et sociale.

Un moyen et non une fin

Il va s’agir en conséquence de trouver des complémentarités entre les disciplines, en articulant cognition et action, en construisant avec les élèves une « conceptualisation » qui permettra de ne pas se lancer dans des pratiques aveugles et sans grande efficacité. N’oublions pas que l’interdisciplinarité est un moyen et non une fin en soi…

L’auteur met en garde contre une conception trop globalisante où on fusionnerait dans un grand tout indistinct les différents objets d’apprentissage. Le curriculum prôné par les nouvelles approches éducatives n’a rien à voir avec cette caricature.

Par ailleurs, il est nécessaire de rompre avec l’idée de disciplines plus importantes que d’autres. La complémentarité et la collaboration est essentielle, sur la base des spécificités de chacune et Yves Lenoir illustre par des exemples ce que peut être cette interaction, en partant des objets de savoir ou des démarches d’apprentissage.

Dans les pratiques d’enseignement-apprentissage, conclut-il, le rôle de l’enseignant est de mettre en place les conditions jugées les meilleures, les plus appropriées, pour favoriser et soutenir les processus d’apprentissage chez les élèves. Recourir à l’interdisciplinarité à l’école, c’est introduire des conditions jugées favorables à la mise en œuvre de processus intégrateurs de la part des élèves en faisant appel à divers angles d’approche disciplinaires interreliés. Car ce n’est pas l’enseignant qui doit intégrer, mais bien les élèves.

 

Zakhartchouk, Jean-Michel / Castincaud, Florence .- Croisements de disciplines au collège .- CRDP Amiens, 2002 .- 184 p. .- (Repères pour agir)

 

Plusieurs interdisciplinarités

Des pages qui précèdent, il ressort, pensons-nous, que l’interdisciplinarité ne doit donc pas être un simple supplément d’âme des disciplines, pas plus qu’un moyen de les contourner. Cernons davantage donc ses différentes fonctions, son utilité, sa raison d’être. Dans le n° 242-243 des Cahiers pédagogiques consacré à l’interdisciplinarité, Christian Allin évoquait les illusions qu’il fallait perdre avant d’entrer dans cette démarche. Et d’abord celle de la « motivation ». Celle-ci existe souvent plus dans la tête des enseignants qui se lancent, qui cherchent à trouver du plaisir à travailler autrement et en équipe que dans celle des élèves. La motivation de ces derniers est à construire. Non, l’interdisciplinarité n’est pas synonyme de « motivation » a priori. Autre illusion : celle de l’égalité entre disciplines et celle de l’harmonie. S’engager dans l’interdisciplinarité, c’est d’abord réfléchir aux rapports très divers qui peuvent exister entre les disciplines. C. Allin remet en cause un partage pseudo-équilibré des tâches, du temps et de l’espace et la recherche de l’égalité qui va restreindre le champ de l’interdisciplinarité. Mieux vaut se demander ce que «ma» discipline peut apporter au travail commun, et en retour ce que ce travail va apporter à ma discipline. Des compromis seront à trouver, des conflits à gérer. Autant le savoir d’emblée. Pierre Antheaume énonce un certain nombre de questions à se poser avant d’entreprendre un travail de ce type :

– est-ce que je me sens prisonnier de mon enseignement disciplinaire ?

– est-ce que je me vois comme professeur de ma discipline et/ou comme

adulte de référence ?

– suis-je convaincu de la démarche transversale ?

– suis-je au clair dans ma définition d’objectifs disciplinaires et interdisciplinaires

?

– suis-je prêt à accepter une certaine souplesse dans les emplois du temps pour

un bénéfice non immédiat ?

Jean-François Berthon, chercheur à l’IUFM de Lille, tire comme leçon de

plusieurs recherches-actions de son académie que l’interdisciplinarité doit

conduire à réfléchir sur l’épistémologie de sa discipline tout autant que sur les

compétences transversales, mais aussi à s’interroger sur les relations enseignant-

enseigné (puisque vont être mis en oeuvre des manières non conventionnelles

de travailler).

En fait, il existe, nous l’avons déjà évoqué, plusieurs types de démarche et nous voudrions d’abord énoncer quelques typologies possibles avant de développer

chacune d’elles. Dans son rapport pour l’INRP (Institut national de recherche pédagogique) de 1978, Louis Legrand distinguait :

– l’interdisciplinarité comme réponse à des besoins disciplinaires (la physique a besoin des maths, les maths du français…), ce qui nécessite d’ailleurs d’harmoniser les progressions ;

– l’interdisciplinarité comme réponse à des besoins éducatifs généraux, par exemple le respect de l’environnement ;

– l’interdisciplinarité comme réponse à des besoins d’apprentissage (bien des constructions intellectuelles disciplinaires sont tributaires de prérequis dont la maîtrise relève d’autres disciplines) ;

– l’interdisciplinarité comme prise en compte des intérêts des élèves, de leurs choix personnels (multidisciplinarité thématique).

 

Plus opérationnelle est sans doute la typologie de Françoise Cros, s’inspirant aussi des recherches menées à l’INRP (40. « L’interdisciplinarité, un moyen de différencier la pédagogie », INRP, 1983 (tome 3 de Groupements différenciés d'élèves). :

– une collaboration de disciplines en vue d’un objectif commun (méthodologique, par exemple) ;

– une relation d’équivalence (interdisciplinarité thématique) ;

– une relation de dépendance (l’intervention d’une discipline précède l’intervention des autres) ;

– une relation de prédominance (une seule discipline fonctionne en réalité).

Les autres disciplines profitent d’une occasion pour organiser une activité qui leur est propre.

 

Quant à Michel Develay, il distingue deux manières d’envisager les rapports entre disciplines :

– les activités anticipent sur les contenus qu’elles sont censées faire découvrir ;

– la réflexion précède le choix d’activités : recherche de concepts intégrateurs, explicitation des contenus avant de choisir les activités communes.

 

Compte tenu de ces classifications (et de bien d’autres que l’on peut retrouver dans une abondante bibliographie), nous envisagerons nos croisements de disciplines selon un découpage qui nous a semblé surtout refléter les pratiques réelles des enseignants dans le but d’aider à ceux-ci à mieux penser leur démarche.

Les croisements peuvent se construire :

– autour de compétences « transversales », ce qui n’est pas sans poser de problèmes, notamment celui de la définition de cet objet étrange et pas toujours bien identifié ;

– dans la confrontation de points de vue de diverses disciplines autour d’un objet de savoir, qui prend le plus souvent la forme d’un « thème» ;

– dans un échange de compétences, ce qui va nous amener à examiner la question des « disciplines de service » ;

– dans l’exploration à plusieurs d’un « fait culturel », abordé à partir de différents regards (on pourrait certes le rattacher au thème, mais on verra qu’il y a là une dimension particulière) ;

– dans l’élaboration d’un projet commun, afin de redonner du sens et de la motivation.

 

Dans la pratique, les formes d’interdisciplinarité sont souvent mixtes et fluctuent, au cours de l’activité elle-même. Mais autant partir sur des bases claires, même si elles n’excluent pas la souplesse, même si, comme nous l’apprend la sociologie du travail, le travail réel n’est jamais le travail prescrit ou imaginé.

 

 

De l'indispensable interdisciplinarité

31.12.2014, par Denis Guthleben, https://lejournal.cnrs.fr/billets/de-lindispensable-interdisciplinarite

 

Depuis quand les différentes disciplines scientifiques travaillent-elles ensemble ? L'historien Denis Guthleben tente de répondre à cette épineuse question.

« Interdisciplinaire ». Le mot fait son apparition à l’aube des années 1960, peu avant son cousin « multidisciplinaire ». Puis arrive, vers la fin de la décennie, l’« interdisciplinarité » elle-même, avant la « multi » et la « transdisciplinarité » qui naissent dans les premières années 1970. Éclosions quasi simultanées qui, a priori, forment du pain béni pour l’historien : voilà un objet circonscrit, que l’on pourrait cerner d’un seul regard sur le demi-siècle écoulé. Et peu importe que certains dictionnaires en fassent des synonymes, tandis que d’autres introduisent des nuances – souvent divergentes, parfois énigmatiques : l’interdisciplinarité est quinquagénaire, point final. Ou presque…

Car si l’on délaisse le vocabulaire pour s’intéresser à la réalité qu’il recouvre, l’affaire se corse. Pas d’interdisciplinarité sans réflexion sur le découpage des connaissances, c’est-à-dire sur l’émergence des disciplines : on passe alors d’une cinquantaine de bougies à… plusieurs centaines ! Et l’on pourrait même aller plus loin : pas d’interdisciplinarité sans s’interroger sur la question de l’unité du savoir. Cette fois-ci, c’est toute l’Histoire qu’il faudrait convoquer, en assistant au long cortège de ceux qui, ici ou ailleurs, d’hier à aujourd’hui, l’ont posée : un défilé interminable de philosophes antiques, de savants médiévaux, d’humanistes… Bacon y devancerait Comenius, Leibniz, Fontenelle, les Encyclopédistes, Humboldt, Comte – liste non exhaustive, on l’aura compris !

L’interdisciplinarité, une impérieuse nécessité

Face à d’aussi prestigieuses Panathénées, on pourrait avancer que, dans le domaine de l’interdisciplinarité – comme dans beaucoup d’autres… –, notre époque n’a rien inventé, et que des méditations que nous estimons très contemporaines ont en réalité animé les siècles. Le constat est le même en resserrant la perspective à la seule histoire du CNRS : dès les années 1920, ses pères fondateurs ont encouragé le rapprochement des disciplines, au sein de quelques instituts tout d’abord – la biologie, la physique et la chimie à l’IBPC, l’astronomie et la physique à l’IAP – avant de tenter un élargissement à l’échelle nationale avec la création du Centre en 1939. Et les discussions qui les animaient demeurent d’une actualité saisissante.
 

La spécialisation et le fractionnement des disciplines atteignent des sommets inconnus auparavant.

Pourtant, le contexte a bien changé : depuis le milieu du XXe siècle, les disciplines se sont multipliées à l’extrême, de même que les technologies auxquelles elles font appel et que les connaissances qu’elles produisent. La spécialisation et le fractionnement atteignent des sommets inconnus auparavant. Dans certains domaines, ils frisent la caricature : le champ y est si étroit, le jargon si exclusif, que les scientifiques finissent par s’y enfermer comme dans des prisons, ou dans les étages d’une tour de Babel où plus personne n’est en mesure de comprendre son voisin. L’interdisciplinarité apparaît alors comme une impérieuse nécessité, sous peine de dislocation.

Le CNRS en particulier a vu les initiatives proliférer. Aux instituts bâtis dans les premières décennies –une interdisciplinarité "dans les murs" – ont ensuite succédé des programmes – une interdisciplinarité "hors les murs". Les premiers d’entre eux, les « programmes interdisciplinaires de recherche » (PIR), sont nés à partir des années 1970 autour du développement de l’énergie solaire (PIRDES), des médicaments (PIRMED) ou de l’environnement (PIREN). Plus récemment, depuis 2011, le flambeau a été repris par la Mission pour l’interdisciplinarité, entre autres au travers des « défis » qu’elle accompagne. Et conformément à une ambition résumée par l’un des directeurs généraux du CNRS, François Kourilsky, disparu en 2014 et auquel l’établissement vient de rendre hommage : « S’il a fallu se spécialiser pour apprendre, il faut savoir s’ouvrir pour comprendre ».

 

 

Précision sur ce qu’est l’interdisciplinarité

Il est important de préciser ce qu’est l’interdisciplinarité, et en quoi elle se distingue de la pluridisciplinarité, de la multidisciplinarité ou de la transdisciplinarité. En fait, la contribution d’une ou de plusieurs disciplines à l’étude d’un problème ou d’un objet peut se situer sur un continuum, selon le degré d’interaction ou de fusion de ces disciplines, comme suit : monodisciplinarité, pluridisciplinarité ou multidisciplinarité, interdisciplinarité, transdisciplinarité. L’interdisciplinarité suppose un dialogue et l’échange de connaissances, d’analyses, de méthodes entre deux ou plusieurs disciplines ; elle implique qu’il y ait des interactions et un enrichissement mutuel entre plusieurs spécialistes (Etévé & Champy, 1994). Il s’agit donc de faire interagir plusieurs disciplines (donc plusieurs spécialistes) sur un même objet d’étude. Elle se distingue de la transdisciplinarité, laquelle désigne un savoir qui parcourt plusieurs disciplines sans se soucier de leurs frontières. Elle dépasse la pluridisciplinarité et la multidisciplinarité, qui associent plusieurs disciplines autour d’un thème commun mais dont les contributions respectives sont additionnées, sans réelle interaction entre les disciplines ; la distinction entre pluri- et multi- s’effectue sur les disciplines impliquées, la pluridisciplinarité associant des disciplines très voisines, alors que la multidisciplinarité juxtapose des disciplines parfois très éloignées.

 

L’interdisciplinarité, en favorisant la recherche des interactions des savoirs et de leur complémentarité, invite à une certaine ouverture d’esprit. Mais il ne s’agit pas d’une valeur en soi, l’interdisciplinarité est avant tout une approche. Celle-ci est au cœur des problématiques curriculaires conçues selon une logique de compétences comme le soulignent Jonnaert, Barrette, Boufrahi & Masciotra (2004). Sa mise en pratique est diverse, avec un degré plus ou moins poussé d’interconnexion entre les disciplines.

Extrait de Analyse de pratiques interdisciplinaires dans l’enseignement supérieur, Valérie Camel et Agnès Fargue-Lelièvre http://ripes.revues.org/188, 2009

 

La pédagogie comme vecteur de l’interdisciplinarité

La pédagogie comme vecteur d’interdisciplinarité, extrait de https://ries.revues.org/1969 , jacques Hamel, in « le métier d’enseignant en Europe, Revue internationale d’études de Sèvres, n°30, septembre 2002, pp.143-151

 

Car l’interdisciplinarité n’est pas sans incidence sur la pédagogie. Elle soulève des enjeux de cet ordre qu’on aurait tort de ne pas envisager. Tout professeur titulaire de cours expressément destinés à un large public, toutes disciplines confondues, peut les mesurer sur le vif, obligé qu’il est de reconnaître les limites de sa culture interdisciplinaire et d’admettre que les ponts qu’il jette entre diverses disciplines s’élaborent en fonction de leur supposée contribution à sa propre discipline.

 

Sans ce point d’attache, la pédagogie placée sous l’autorité envahissante de l’interdisciplinarité peut rapidement conduire, à mon sens, à la dilution des contenus de cours. La vogue de l’interdisciplinarité masque donc des débats qu’il faudrait avoir le courage d’engager dans l’intention d’établir des liens entre disciplines. L’invitation à s’initier à diverses disciplines s’alignera sur des buts et des motifs qui auront l’éclat et la légitimité de la formation diversifiée à laquelle on associe l’interdisciplinarité. Il restera néanmoins à traduire cette formation diversifiée en une démarche d’apprentissage qui n’ait pas l’allure de la mosaïque ou de l’éparpillement.

 

Nombre de professeurs s’ingénient à concevoir les formules pédagogiques indispensables au dialogue fécond entre sciences, entre connaissance scientifique et connaissance philosophique, entre celle-ci et la pensée qu’engendrent l’art, la politique, le journalisme et le cyberespace. Le bricolage pédagogique auquel ils s’adonnent, par essais et erreurs, revêt une richesse souvent ignorée ou passée sous silence dans les écrits sur l’interdisciplinarité. Or, me semble-t-il, il témoigne de la philosophie de la connaissance à laquelle correspond dans mon esprit l’interdisciplinarité et en constitue la clef de voûte.

 

L’interdisciplinarité s’affiche dans cette perspective comme une philosophie de l’éducation dont il faudrait circonscrire le visage en exhibant et en systématisant le bricolage dont font foi les formules pédagogiques mises au point dans le but de faire communiquer les connaissances. Elles lui donnent acte et en constituent le terrain d’exercice par excellence. Voilà pourquoi il faudrait sonder les initiatives et formules pédagogiques surgies de l’esprit des pédagogues pour fondre des connaissances au nom d’un problème pratique auquel on veut remédier, ou d’un thème qu’on refuse d’envisager en tant qu’objet propre à la science ou à l’une ou l’autre de ses disciplines. Sur cette base, il importe de mettre à jour les ressorts de la pédagogie pour découvrir les lignes directrices de la pensée en raison de laquelle prend corps le dialogue des connaissances. Le vocabulaire utilisé, les passerelles qu’il jette et les exemples auxquels on recourt pour l’illustrer devraient être passés au crible afin de découvrir à l’œuvre dans la pédagogie la traduction ou la médiation sur laquelle s’appuie l’interdisciplinarité.

 

Sur la lancée – l’expression le trahissant – l’interdisciplinarité s’aligne en définitive sur le « bricolage intellectuel » évoqué par Claude Lévi-Strauss pour qualifier la pensée mythique comme la forme de pensée qui recourt principalement au raisonnement analogique et qui construit sur cette base des ensembles ordonnés en mobilisant toutes les homologies repérables dans les divers domaines de l’expérience sensible. Les formules pédagogiques en sont l’antichambre, sinon la porte d’entrée.

 

Les professeurs chargés d’établir des liens entre des connaissances de divers ordres orchestrent à cette fin une pédagogie qui recèle en elle la formule grâce à laquelle l’interdisciplinarité trouve acte. En effet, à coups d’analogie et de rapprochements, ils parviennent à introduire un fil d’Ariane entre des connaissances sans rapport évident, pour ainsi les gratifier de la capacité d’éclairer la « complexité » en recomposant la « réalité » sous sa forme de totalité et, dans cette voie, être en mesure de répondre aux « grandes questions humaines : le cosmos, la vie et l’être humain ». Ils puisent dans leur répertoire de connaissances, plus ou moins étendu, et, avec imagination, par dosage relatif, les enchaînent en outrepassant la visée, le découpage et l’objet que renferme chacune d’entre elles. Les professeurs doivent être aptes à formuler le plus large savoir possible sans le subordonner aux objets et aux concepts des spécialistes.

 

La pédagogie n’est donc pas sans analogie avec le bricolage sur le plan pratique. Le bricoleur est en effet « apte à exécuter un grand nombre de tâches diversifiées ; mais, à la différence de l’ingénieur, il ne subordonne pas chacune d’elles à l’obtention de matières premières et d’outils conçus et procurés à la mesure de son projet » (Lévi-Strauss, 1962 : 31). Elle correspond dans cette voie au bricolage intellectuel à l’œuvre dans la pensée mythique que cible le chef de l’anthropologie structurale. Selon Lévi-Strauss, la réflexion mythique se situe à mi-chemin entre « les images concrètes et les concepts » et, de ce fait, fait office d’intermédiaire que décrit éloquemment l’exemple du bricoleur. Si on le regarde à l’œuvre, « excité par son projet, sa première démarche pratique est pourtant rétrospective : il doit se retourner vers un ensemble déjà constitué, formé d’outils et de matériaux ; en faire, ou en refaire, l’inventaire ; enfin et surtout, engager avec lui une sorte de dialogue, pour répertorier, avant de choisir entre elles, les réponses possibles que l’ensemble peut offrir au problème qu’il lui pose » (ibid. : 32).

 

Il ne saurait y avoir meilleure illustration de la pédagogie ouverte dans son principe à l’interdisciplinarité. Celle-ci, on l’a vu, revêt une nature philosophique et correspond en définitive à une philosophie de l’éducation propre à percer à jour les formules pédagogiques en vertu desquelles s’enchaînent les connaissances. À l’instar de la philosophie de la connaissance, elle doit chercher à décrire et à comprendre le sens, la portée et les procédures qui donnent corps à l’interdisciplinarité en ciblant la pédagogie qui en est le principal vecteur.

 

Bibliographie

Granger Gilles-Gaston (1986) : « Pour une épistémologie du travail scientifique », dans Jean Hamburger (dir.), La philosophie des sciences aujourd’hui. Paris : Gauthier-Villars : 111-122.

Lévi-Strauss Claude (1962) : La pensée sauvage. Paris : Plon.

Morin Edgar (1999a) : La tête bien faite. Repenser la réforme, réformer la pensée. Paris : Seuil.

Morin Edgar (1999b) : « Introduction », dans Relier les connaissances. Paris : Seuil : 7-15.

Morin Edgar (2000) : Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur. Paris : Seuil.

 

Jacques Hamel, « La pédagogie comme pivot de l’interdisciplinarité », Revue internationale d’éducation de Sèvres, 30 | 2002, 143-151.

 

 

 


 

Q-sort sur l’interdisciplinarité, méthodologie

La technique du Q-sort[1] est rompue par l’expérience, et connue des collègues : elle consiste en un choix de propositions variées et disparates sur un thème donné. Chacun participant opte pour deux propositions auxquelles il adhère, et deux qu’il rejette.

Cette consultation individuelle est recueillie pour en proposer, à partir d’un tableau des résultats, la conception du groupe. Au groupe, sous l’analyse du formateur, d’en décoder son opportunité, sa pertinence, ses silences aussi. De quoi engager la formation.

 Consignes de passation

  1. La passation se réaliser, individuellement ou collectivement, dans le strict respect de l'anonymat. Les réponses personnelles de classement de propositions ou items doivent être marquées sur deux morceaux de feuille sans nom, dont l'un est gardé par son rédacteur. Ces feuilles peuvent être fournies imprimées à l'avance selon les modèles donnés ci-dessous ou fabriqués sur un modèle tracé au tableau.
  2. Les consignes peuvent s'appliquer à la personne même qui passe le Q-Sort mais on peut aussi demander à celle-ci de se placer du point de vue d'autres personnes (à définir) ou du point de vue du sens commun.
  3. Les consignes peuvent être relatives à l'idéal qu'on se fait du concept ou relatives à la façon dont on l'envisage dans la pratique

Par exemple:

A votre avis, comment classer idéalement les différents items ?

Selon vous, comment telle catégorie de personnes classerait-elle les différents items pour une présentation idéale de ce concept ?

Selon votre pratique personnelle, classez les différents items 

Selon vous, comment classer les items pour indiquer de quelle façon telle catégorie de personnes vit en pratique ce concept ?

  1. Les consignes peuvent également porter sur le passé et le présent:

Par exemple:

Comment autrefois aurait-on classé ces différents items ?

Comment aujourd'hui classe-t-on ces différents items ? Dans la pratique, dans l'idéal, par vous, par d'autres personnes...

  1. Le classement s'effectue selon des échelles de répartition correspondant à une distribution aussi proche que possible de la distribution gaussienne. Ces échelles sont placées sur les modèles de feuilles-cadres ci-dessous. Une telle répartition obligée contraint d'une certaine façon l'individu à décider ses choix de façon aussi réfléchie qu'affective.
  2. Il faut compter de 15 à 30 minutes pour un Q-Sort de 20 items, de 30 à 45 minutes pour un Q-Sort de 60 minutes.

 

 

Q-sort sur l’interdisciplinarité, les propositions

 

Chacun participant opte pour deux propositions auxquelles il adhère, et deux qu’il rejette.

 

1. Mettre l’élève au centre du processus d’apprentissage. Remettre à sa juste place chacune des disciplines enseignées, un moyen et non une fin, un outil dans la formation de l’individu.

2. Montrer aux élèves qu’ils ont déjà souvent résolu hier un problème qu’ils se posent aujourd’hui.

3. Voir les choses en grand. Mettre au service des élèves le meilleur de chacun.

4. Mettre en lumière le mode de raisonnement commun à toutes les disciplines.

5. Construire des ponts qui relient plusieurs matières en se basant sur des compétences ou des aspects du programme commun à ces matières.

6. Intervention de plusieurs matières dans le processus d’apprentissage.

7. Faire participer plusieurs disciplines au travail d’un thème sur lequel elles peuvent avoir des approches différentes.

8. Intégrer dans sa pédagogie de classe ou de groupe des compétences développées acquises ou en voie d’acquisition par d’autres disciplines pour améliorer sa propre pédagogie et donner un sens à tous les enseignements donnés à un élève au cours de sa scolarité.

9. Le travail de plusieurs disciplines avec des objectifs et des compétences communes.

10. Croiser deux ou plus de disciplines pour mettre en valeur les points de convergence et travailler plus explicitement sur des objectifs transversaux.

11. Le Décloisonnement des enseignements généraux.

12. La complémentarité d’un sujet ou d’un thème grâce à l’intervention de plusieurs domaines d’approche.

13. Le Regroupement de plusieurs disciplines.

14. Mettre en relation un nombre supérieur ou égal à deux matières soit par un même professeur soit par plusieurs profs qui travaillent ensemble.

15. La communication entre plusieurs disciplines afin de réaliser une production commune.

16. Intégrer plusieurs disciplines pour arriver à réaliser un projet précis.

17. assembler quelques objectifs de plusieurs matières en un thème pour que les élèves se rendent compte que les matières ne sont pas des mondes isolés et qu’ils peuvent les appliquer dans la vie quotidienne.

18. Permettre aux élèves de comprendre la complexité d’un problème en leur montrant la multitude des approches possibles et des capacités utilisées pour le résoudre.

19. Travailler un thème ou bien un programme en harmonisation avec une autre matière en trouvant des points en commun pour que chacune puisse développer son programme.

20. Le croisement de connaissances et d’expériences de deux enseignants ou plus au profit des élèves.

21. Un mélange de matières afin d’obtenir un travail complet. Une organisation autour d’un point commun.

22. La relation qu’on peut établir entre plusieurs enseignants qui travaillent dans différentes matières pour aboutir ensemble aux mêmes objectifs.

23. Travailler ensemble, même lieu, même temps sur une activité où les deux disciplines sont incluses.

24. Un but pédagogique qui vise à mettre en relation les différentes disciplines enseignées.

25. Une pratique pédagogique qui a pour but d’intégrer plusieurs disciplines pour l’enseignement d’un thème. Pour ce faire on élabore ou établit des projets autour d’un thème.

26. La mise en œuvre par les élèves d’un projet qui englobe plusieurs disciplines.

27. Avoir des objectifs communs et les atteindre en travaillant ensemble avec des méthodes propres à sa discipline.

28. Donner du sens au terme « équipe pédagogique ». Equipe de travail structurée autour de quelques points du programme.

29. Trouver différentes entrées à un même thème. Reformuler le même thème à partir de points de vue différents. Varier les approches d’un même champ de connaissances. Comprendre qu’il n’existe pas de vérité absolue mais des fragments de connaissance. Chercher un sens au savoir et répondre à la question «pourquoi apprendre ».

 


 



[1] Selon Denis Guthleben, historien au CNRS in « De l'indispensable interdisciplinarité » , décembre 2014 https://lejournal.cnrs.fr/billets/de-lindispensable-interdisciplinarite
[2] Lenoir Yves (1996). Didactique et formation des enseignants du primaire : Quelques éléments constitutifs à la lumière de la position du ministère de l’Éducation du Québec. Documents du CRIE, n° 8.
[3] D’après la pratique de l’interdisciplinarité dans l’enseignement : pour construire des savoirs transversaux et intégrés dans le cadre d’une approche par compétences. Lenoir Yves 2003  http://www.crie.ca/Communications/Documents_disponibles/interdisciplinarite.PDF
[4] In Rapport pour l’INRP de 1978 de Louis Legrand

 

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  • une lecture transversale du cycle central de collège (d'après la lettre d'EQUIPROJET)

    1. Penser l'enseignement sans viser la formation de futurs spécialistes en cherchant à faire acquérir des savoirs et des compétences indispensables quelle que soit l'orientation future.

    2. Penser les apprentissages sur deux ans dans un projet de cycle

    3. Travailler dans le décloisonnement au sein même de la discipline en prenant en compte la complexité et en travaillant sur des stratégies globales, voire en s'appuyant sur des concepts fédérateurs.

    4. Rechercher et promouvoir les " convergences disciplinaires "

    5. Faire faire de véritables démarches intellectuelles aux élèves à partir de questions fondamentales favorisant la recherche, le questionnement et la compréhension.

    6. Référer les apprentissages à des pratiques sociales porteuses de sens pour les adolescents.

    7. Revaloriser l'expression personnelle orale et écrite

    8. Intégrer, dans chaque discipline, les objectifs de découverte et de connaissance de soi

    9. Faire de la classe un lieu d'exercice de la citoyenneté

 

 

concept :François Muller @ 1998-2009

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