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Construire son sujet

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Avec les TPE, en réalité, il s'agit bien de faire en sorte que l'élève ait envie de se poser des questions qui soient les siennes, et non celles que peuvent lui souffler, avec les réponses convenues, ses professeurs. Il faut qu'il puisse s'appuyer sur des compétences déjà installées, sur ses points forts. Il doit pouvoir choisir un sujet qui le motive pour des raisons qui lui sont propres et qu'il faut considérer au départ comme de bonnes raisons. Tant pis si les sujets choisis sont trop larges.

Ainsi, Ghislaine Seguin, professeur de maths au lycée Beaussier à la Seyne-sur-Mer (Var) et son collègue Dominique Mériel, professeur de SES, tous deux expérimentateurs de TPE, ont vu leur première ES proposer: l'illetrisme, le cinéma américain, la marée noire, l'immigration, etc.. On le voit, les élèves ne partent pas de thèmes nationaux, des programmes, de la bidisciplinarité, de ce que savent ou ne pas savent leurs professeurs.... Ils affichent des désirs, des besoins qui ont pris naissance dans leur histoire personnelle, intime. C'est le bon point de départ puisque c'est le leur. Et comme dans leur immense sagesse, les promoteurs nationaux ont choisi pour la série ES des thèmes aux frontières extensibles et d'une absolue généralité (1: la ville, 2: l'homme et les richesses dans l'espace et dans le temps), l'essentiel de leur intervention pédagogique consistera à faire en sorte que les élèves précisent leurs désirs. Alors l'immigration devient : la culture hip hop dans la cité de la Seyne peut-elle susciter une vie associative ? L'idée initiale de travailler sur le cinéma américain prendra une direction plus nette: celle par exemple du mythe américain, de ses contenus, des indicateurs de la fascination qu'elle exerce, de la recherche du message idéologique caché...

On entre ici dans une logique vraiment pédagogique: on laisse d'abord s'exprimer la motivation des élèves pour la rattacher ensuite aux thèmes nationaux imposés mais dont la nature accueillante permet les plus larges adaptations et la formulation de sujets très personnels.

Mais comment guider les recherches et le travail des élèves si on ne possède pas les savoirs et les savoir-faire nécessaires ? Ainsi Ghislaine Seguin, professeur de mathématiques, pouvait-elle s'accommoder de la culture hip hop, et surtout comment raccrocher les recherches des élèves sur ce thème aux objectifs du programme de maths de première ES ?

En fait, le professeur doit ici surtout repérer les compétences transversales et disciplinaires que le travail sur des contenus divers permet de développer chez les élèves. Alors, bien que les TPE soient fortement "adossés" aux matières dominantes des filières, on voit se dessiner la possibilité de travailler sur des compétences plus "puissantes" en termes d'apprentissages transférables que les savoirs strictement disciplinaires. Par exemple, apprendre à repérer des hypothèses de départ, à formuler un sujet de recherche, une problématique, à rechercher et à traiter l'information, à répondre avec clarté et précision aux questions posées, à rédiger. Peu importe que ce soit avec le support de la culture hip hop, du rap ou des modes vestimentaires... Dans notre exemple, le professeur de SES peut intervenir sur les problèmes de sociologie, de démographie, d'économie que les sujets traités soulèvent. En mathématiques, sur un sujet qui les "branche", les élèves pourront construire un questionnaire exploitable pour des statistiques à travailler à l'ordinateur. L'enseignante retrouvera alors un des objectifs strictement disciplinaires de son programme...

En fait, évaluer les TPE ne consistera pas seulement à noter une production finale, mais à prendre en compte aussi la soutenance orale et l'élaboration, tout le travail d'une année dont le carnet de bord portera la trace. Or sur ces deux derniers points, soutenance et élaboration, un professeur d'un autre établissement qui rencontrerait l'élève pendant 20 minutes ne pourrait pas évaluer tout le travail qui a été fait et prendre en compte les hésitations, les solutions proposées par l'élève, les erreurs, non pas pour les sanctionner, mais pour appréhender tout ce qui a été profitable à celui-ci dans le déroulement de sa démarche. Et c'est précisément cette personnalisation du travail de l'élève dont témoigne le carnet de bord, qui permet d'éviter que se constitue une marché de mémoires TPE...

concept :François Muller @ 1998-2009