un site des sites sur la diversification en pédagogie

Retour vers la page d'accueil

article TICE

Voir Le BLOG  - fil RSS    

 

 

 

DE L'EFFICACITÉ PÉDAGOGIQUE DES TECHNOLOGIES DE
L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION
Jean-Pierre ARCHAMBAULT, CNDP Mission Veille technologique et industrielle



Dans le monde entier la demande sociale d'éducation ne cesse de croître.
Bon gré mal gré, c'est selon, il faut y répondre. Et l'on pense
naturellement aux technologies de l'information et de la communication
(TIC) pour aider à relever le défi. Il est alors question de leur
efficacité pédagogique, non sans ambiguïté. En effet, de quoi parle-t-on
au juste ? De la qualité de la formation dispensée ou de la rentabilité
des investissements éducatifs ? Bien que ces deux préoccupations ne
s'excluent nullement, elles relèvent cependant de champs distincts de
la réflexion. Nous allons les examiner et constater que ni l'évaluation
de l'efficacité pédagogique des TIC ni celle de leur efficacité
économique ne constituent un préalable au développement de leurs
usages dans l'éducation.

UNE PÉDAGOGIE PLUS EFFICACE ?

L'ordinateur, prothèse intellectuelle qui assiste l'enseignant,
contribue-t-il à améliorer la qualité des apprentissages ? Son
intégration dans des démarches pédagogiques signifie-t-elle une
efficacité accrue par rapport à des méthodes plus anciennes ?
L'importance des investissements humains et matériels nécessaires
pour que les ordinateurs fonctionnent au quotidien dans les
établissements scolaires amène parfois certains à " sommer
l'informatique " d'administrer la preuve de son efficacité pédagogique,
d'une manière beaucoup plus comminatoire que lors d'une demande
analogue adressée à telle ou telle méthode d'apprentissage, fût-elle
de la lecture.

Il y a de plus en plus d'ordinateurs dans le système éducatif français
(de l'ordre de 500 000 à l'heure actuelle) pour des utilisations
variées et de natures différentes. Les revues spécialisées et grand
public abondent de témoignages en ce sens. Même si relativement peu
de recherches ont été menées pour connaître l'impact exact des
nouvelles technologies sur la pédagogie, quelques convictions se
sont forgées au fil des années. Ainsi, le traitement de texte fournit
une aide appréciable à l'apprentissage de l'écriture, Internet motive
les élèves, l'ordinateur favorise à la fois l'individualisation des
démarches et le travail collectif... On constate que des usages se
sont imposés, pas toujours ceux auxquels on pensait initialement.
Il est permis de supposer que, quelque part, ils ont fait la
démonstration de leur efficacité, dans une espèce de darwinisme
pédagogique.

DES QUESTIONS SANS RÉPONSES

L'éducation a des siècles et des siècles derrière elle. Elle a
fait ses preuves et continue de les faire chaque jour. D'immenses
savoirs et savoir-faire se sont accumulés. Les apprentissages ont
des composantes cognitives, physiologiques, psychologiques et sociales.
Mais le fonctionnement du cerveau conserve beaucoup de ses mystères.
Les sciences cognitives n'en sont qu'à leurs balbutiements. On ne sait
pas trop comment on apprend. Aussi est-il difficile d'apprécier une
démarche, de la comparer à une autre, de mesurer des impacts, de
rapporter un effet constaté à une cause précise, d'évaluer une action
pédagogique particulière, par nature toujours éminemment complexe.

On ne dispose pas encore du recul suffisant pour évaluer l'efficacité
des TIC sur la durée. Il n'est pas facile de trouver un nombre
significatif d'établissements qui ont mis en œuvre la même innovation
pédagogique pour qu'il soit possible de lui attribuer la totalité
d'améliorations constatées.

Il est également toujours difficile d'apprécier les retombées concrètes
d'un stage informatique pour des enseignants. De nombreux paramètres
interviennent : qualité de la formation certes, mais aussi conditions
matérielles d'utilisation des équipements dans l'établissement (nombre
de machines, conditions d'accès, présence ou non de personnes ressources
qui installent, entretiennent les ordinateurs, sécurisent et aident
les enseignants...), plus ou moins grande incitation institutionnelle
(présence des TIC dans les programmes officiels, les épreuves des
examens et les concours de recrutement).

Pour autant, à la manière des philosophes, le monde éducatif ne cesse
de se poser des questions, et l'irruption dans le champ pédagogique
d'un nouvel outil n'échappe bien entendu pas à la règle. C'est une
bonne chose, même si l'on sait qu'il n'y a pas nécessairement de
réponse. Chaque question en appelle d'autres. L'absence de théorie
globale, d'approche d'ensemble n'empêche pas d'élaborer des solutions
locales, de fournir des résultats de portée limitée.

L'acte éducatif est une " coproduction " de l'enseignant et de l'élève.
Délicate, son évaluation n'en reste pas moins nécessaire, ne serait-ce
que pour d'élémentaires raisons déontologiques. Elle bénéficie sur le
long terme, avec les examens scolaires, d'indicateurs fiables des
performances du système éducatif dans son ensemble.

UNE ÉDUCATION D'UNE PLUS GRANDE EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE ?

Les TIC sont-elles source d'une meilleure productivité et d'une
efficacité plus grande du système éducatif ? Peuvent-elles contribuer
à la réussite d'un enseignement de masse qui vise à l'excellence pour
tous ?

Nous ferons deux remarques préalables. D'abord, les outils de mesure
du taylorisme sont inadaptés aux activités de service et à
l'enseignement en particulier. Il est révolu le temps béni des
statisticiens que fut celui de la grande production industrielle !
Il était alors facile de mesurer les gains de productivité résultant
de l'introduction d'un outil ou de l'adoption d'une méthode. Tant de
tonnes de charbon en plus, cela ne souffre aucune contestation. Mais
il en va autrement avec les métiers qui recèlent de plus en plus
d'immatériel et de matière grise. Prenons le cas d'un chirurgien qui
utilise des appareillages sophistiqués représentant des investissements
importants. Comment déterminer ses gains de productivité ? Par rapport
au nombre d'opérations réalisées ? D'opérations réussies ? D'opérations
difficiles réussies ?

D'une manière générale, et dans bien des cas, il n'y a pas d'avantages
financiers pour l'employeur. Mais les besoins des usagers, des malades,
des élèves, de la société sont mieux pris en compte. Il faut donc
élaborer de nouveaux outils conceptuels pour mesurer les progrès
accomplis.

Ensuite, les choix afférents à l'ampleur de l'investissement éducatif
que consent une société sont éminemment politiques. La matière grise
joue un rôle de plus en plus grand dans tous les champs de l'activité
humaine. En conséquence, la scolarité s'allonge, chacun apprend tout
au long de sa vie, et les dépenses d'éducation augmentent. Cette
croissance va se poursuivre et l'on doit analyser cette tendance
comme un signe de bonne santé pour une société 3. Il est parfois
curieux de voir certains se réjouir quand les dépenses de téléphones
portables progressent de 50 % et se plaindre quand celles d'éducation
augmentent de 3 % ! (..)

DES MESURES DE RENTABILITÉ

Dans un premier temps, l'introduction des TIC représente des coûts
fixes nouveaux, indépendants du nombre d'élèves. Ainsi ceux
correspondant
à la conception et à la réalisation de logiciels. Modeste dans les
systèmes traditionnels, l'investissement dans les matériels et les
documents pédagogiques devient aujourd'hui un poste important. Il
faut produire ou acquérir les documents, les dupliquer (les documents
numériques se caractérisent par leurs coûts minimes), les diffuser.
Les coûts de gestion et de structure croissent par paliers. Les coûts
variables correspondant aux ressources humaines et au fonctionnement
sont grosso modo proportionnels aux effectifs. Le recours aux TIC ne
devient rentable que lorsque des seuils d'élèves ou d'étudiants sont
franchis.

Des mesures ont été faites, comparant les résultats à des examens
communs d'étudiants préparant leurs diplômes soit dans une université
traditionnelle, soit à distance. Le bilan est nuancé. Les coûts de
l'enseignement à distance sont moindres. Et donc, même lorsqu'il donne
des résultats inférieurs à l'enseignement classique, il peut se
justifier
si l'on veut toucher des publics larges que l'on ne peut pas regrouper
(cas de certains pays). L'utilisation des TIC dans la classe, elle,
contribue à la qualité de l'enseignement, mais d'une manière non
linéaire, un surcroît d'efficacité coûtant relativement plus cher.

AVEC PRAGMATISME ET DISCERNEMENT ?

Nonobstant la difficulté intrinsèque d'une mesure de l'apport des
TIC, de l'établissement de la preuve que leur utilisation par des
élèves leur procure tel ou tel avantage dans une situation éducative
donnée par rapport à d'autres qui n'en ont pas bénéficié, il existe
plus que de fortes présomptions sur leur intérêt pédagogique réel.
Mais cela ne signifie nullement qu'il faille renoncer à l'observation
et à l'évaluation des usages, bien au contraire. Il y a de plus en
plus d'ordinateurs dans une École qui se doit d'être de mieux en mieux
en phase avec la société. Les conditions continuent à se mettre en
place pour que les enseignants, pour des impératifs de culture générale,
de citoyenneté, de formation professionnelle et d'évolution des
disciplines, utilisent les TIC dans leur pratique professionnelle
quotidienne. Avec pragmatisme et discernement, c'est la loi du genre
pédagogique.

Jean-Pierre ARCHAMBAULT
CNDP Mission Veille technologique et industrielle

Extraits de l'article paru dans le numéro 94 de la Revue de l'EPI
avec l'aimable autorisation de la revue Médialog qui avait fait
paraître cet article dans son numéro d'avril 1999.

 

 

concept :François Muller @ 1998-2009

Remonter ] apprendre ] des logiciels ] Interroger les TICE ? ] [ article TICE ] Evaluation formative ] Faire une recherche ] Parcours diversifiés ] La question des droits d'auteur ] bibliographie ]
Accueil ] en rapport avec les apprentissages ] la trace écrite ] Images ] théâtre ] panneaux affichés, cartes ] CARTOGRAPHIE ] PAYSAGE ] photo ] transparent ] JEU ] Alimentation ] didacticiels ] livre ] Choisir un manuel ]