Chapitre 7
– Où on découvre comment organiser le travail en équipes et en
groupes de façon variée
Où le lecteur comprend que si les élèves ne sont pas
organisés dans chaque classe comme de petites sociétés, des
risques de désordre à la Panurge, selon la vie animalière, en
troupeaux !, s’avèrent élevés ; en douteriez-vous ? Le
commencement de toute société humaine n’apparaît que s’il y a
une répartition de fonctions, de liens et de
responsabilités dans un groupe.
Dans les établissements d’enseignement, chaque classe d’élèves
doit donc fonctionner comme un embryon de société, imbriquant
les élèves dans une relation responsable avec chaque enseignant.
Il est à cet effet indispensable de ne pas laisser les élèves
dans une classe, réduits à leur narcissisme ou à leurs
rivalités.. Il importe plutôt de les mettre dans des structures
de relation coopérative aussi bien entre eux que vis-à-vis de
l’enseignant lui-même.
Enseignement, équipes et rôles
Cette perspective s’impose, que l’effectif de la classe oscille
entre 10 et 40 (voire plus) élèves, L’organisation du travail
en chaque classe incline à établir avec les élèves leur
répartition en petits groupes ou équipes, susceptibles eux-mêmes
d’une petite organisation interne de rôles responsables :
indispensable pour leur effet d’acculturation persévérante.
Car, rappelait Jacob MORENO : « Les aspects saisissables de ce
qu’on appelle le « Moi » apparaissent dans les rôles où il est
opéré. C’est par les rôles et les relations entre les divers
rôles que se révèle le mieux une certaine forme de culture. »
Là encore, il ne se présente pas une seule forme ou quelques
rares formes d’organisation éducative et culturelle qu’ils
soient possibles et utiles. Mais une variété d’organisation
en sous-groupes est et peut être largement développée. Elle
mérite d’être reprise et poursuivie par vos initiatives.
Notre intention cependant n’est pas de conseiller telle ou telle
configuration, mais bien d’inviter tout lecteur à varier les
modes de groupements, en ajustement à ses propres objectifs, aux
temps du travail, aux âges et eu égard aux récents progrès de la
psychologie cognitive.
L’éventail des possibilités est assez développé pour qu’en une
année vous puissiez en bonne humeur vous réserver l’opportunité
d’en tester quelques-unes. Nous vous engageons dans la foulée à
prendre, incidemment des avis de vos élèves (voir le
chapitre sur les « 10 dernières
minutes ») ; vous serez toujours surpris par leurs
suggestions et appréciations.
Nous vous invitons de nouveau à cocher les modes d’organisation,
qui au fil de vos lectures vous apparaîtront utiles et propres à
être mises en application par vous. « Ne glissez pas, mortels »
sur nos simples évocations.
Nous allons donc exposer, pour soutenir hardiment, votre
réflexion, une variété potentielle d’organisation des
sous-groupes et d’équipes : en leur attribuant soit des
fonctions égales, soit des fonctions différenciées.
Et dans chacune de ces grandes catégories, nous vous proposerons
quelques organisations répartissant les élèves dans les
sous-groupes : en rôles égaux, différenciés ou
instrumentés.
Pratiques, à titre d’exemples
Mais pour anticiper la présentation des organisations possibles
dans une classe, nous vous soumettons un premier exemple d’ une
pratique, expérimentée avec succès, dans un lycée réputé pour la
violence de ses élèves, une professeure de français mit au point
l’organisation suivante pour sa discipline : dans sa classe de
33 élèves difficiles, elle demanda, deux semaines après la
rentrée, à 8 élèves qu’elle avait remarqués s’ils consentaient à
être responsables du travail d’une équipe de 4 élèves (dont une
de 5). Après leur accord, elle mit en place avec eux et leurs
camarades huit équipes. Mais elle eut l’idée de demander
aussitôt que dans chacune d’elle, chaque autre élève ait un
rôle, selon leur entente et leur choix : soit de responsable de
la coopération et du climat de l’équipe ; soit de conteur (ou
compteur) des succès des camarades de l’équipe ; soit pour les
moins avancés, de responsable du matériel utile au travail de
l’équipe (crayons, gommes, papier, livres etc…). Elle prit soin
en outre d’afficher au tableau la liste d’une douzaine d’autres
rôles destinés à faciliter les relations de la classe et des
élèves avec l’extérieur et pour lesquels elle demanda des
volontaires.
Comme on le voit, une telle organisation pouvait s’étendre sur
un trimestre, ou sur une année.
Un autre exemple de pratique, est celle d’une organisation de la
classe en équipes réunissant six élèves, dont l’un d’eux assure
un rôle d’interrogation de ses camarades, et dont un autre en
sera le porte-parole.
L’enseignant peut, devant ses équipes, alterner des phases
d’enseignement magistral, des phases de leur travail en équipes,
et des phases de mise en commun. Une telle structure a été
pratiquée avec efficacité aux Etats-Unis
On peut aussi rappeler qu’il y a eu des organisations d’équipes
d’élèves ayant à produire une prestation et récompensées par des
jurys professionnels. Ainsi, dans de multiples collèges, des
élèves de 6ème ont été regroupés en équipes, avec des
élèves de 3ème volontaires. Dans tous ces collèges,
tous les élèves de 3ème se portèrent volontaires et
ce fut avec profit pour eux et pour les petits camarades. Mais
il peut être favorable d’organiser des regroupements
différenciés entre des élèves de niveau différent et de
classes diverses sur certaines disciplines.
On peut encore rappeler l’utilité de concours, entre des classes
d’établissement différents, qui furent proposés par de grandes
entreprises et des départements ministériels. Les classes
s’organisent alors en équipes coordonnées et elles produisaient
un objet (par exemple,une moto, un livre….. etc) ou un projet
(une « griffe » pour des vêtements orignaux).
Ces prestations étaient jugées selon leur valeur et récompensés
des jurys.
Revenons aux généralités temporelles
La répartition en sous-groupes peut être institué dès le début
du cours et pour toute sa durée ; ou bien à un moment donné et
pour une partie du temps ; cette répartition peut avoir été
faite au début de l’année ; elle peut être renouvelée et changée
en cours d’année.
En ce qui concerne les durées des travaux en équipes dans
la classe, on pourra utiliser des procédures d’un recours bref
des échanges en sous-groupes, ou bien à des durées allongées. Si
on désigne par M le nombre de minutes consacrées à l’activité
d’échanges, et E le nombre d’élèves dans les sous-groupes, le
sigle ME peut indiquer un temps de M minutes de travail entre E
élèves : M pouvant aller de 4 à 6 minutes jusqu’à 20 ou 30
minutes ; de même que E pouvant aller de 2 à 6 élèves au choix
de l’enseignant entre 4x4 et 6x6..
Après ces préliminaires, nous allons donc exposer pour votre
réflexion la variété potentielle d’organisation des sous-groupes
et d’équipes, en leur attribuant soit des fonctions égales, soit
des fonctions différenciées. Et dans chacune de ces grandes
catégories, nous vous proposerons quelques organisations des
élèves dans les sous-groupes : en rôles égaux, différenciés ou
instrumentés. Sera—ce convaincant pour expliciter votre liberté
d’organisation créative
Les sous-groupes d’élèves peuvent comporter deux individus
(nous les appellerons binômes), trois élèves (par
exemple, des triades), soit encore quatre ou six élèves (équipes).
Ils peuvent être placés dans des dispositifs où les équipes
effectueront des tâches identiques ou différentes selon des
consignes égales, ou complémentaires, en matière d’objectifs,
de thèmes, de productions et de durée.
Dans ces perspectives, l’enseignant peut opter entre deux
familles de dispositifs de travail. Dans ces dispositifs, le
travail des équipes peut s’effectuer avec fonctions égales ou
différenciées et avec des moyens divers.
I- EQUIPES OU SOUS-GROUPES A FONCTIONS EGALES
1- Equipes Avec des fonctions égales entre élèves
L’enseignant peut organiser un dispositif de travail en groupes
à fonctions égales, c'est-à-dire en leur attribuant mêmes
tâches, mêmes thèmes, mêmes consignes en matière d’objectifs de
production et durée.
2-Equipes avec fonctions différenciées confiées aux
élèves
Le professeur, tout en maintenant le parti de sous-groupes ou
équipes à fonctionnement égal, peut envisager un
enrichissement de ceux-ci en attribuant des rôles différenciés
à des élèves dans les équipes, de sorte à jouer sur les
interactions entre ceux-ci. Nous pouvons ici proposer encore
quatre configurations.
Nous avons jusqu’ici présenté des organisations d’échange et
de discussion sans recours à des moyens particuliers, mais il
peut être opportun, et utile à l’enseignant de s’appuyer sur
une ingénierie pédagogique.
3- Organisation de la classe avec des moyens développés
S’engager dans un travail de groupe sollicite de la part de
l’enseignant une capacité à s’appuyer sur une ingénierie
pédagogique certaine, que l’enseignant sait utiliser par
ailleurs dans une configuration plus classique. Mais il est
évidemment important qu’il puisse recourir aux moyens actuels,
mis à disposition dans les établissements.
C’est même une chance : pour l’enseignant d’approfondir
certains aspects du « matériel » à sa disposition et
d’élargir ses instruments et outils , ses recherches ; c’est
en même temps une possibilité pour les élèves d’avoir accès à
des supports souvent inédits.
A la variété des organisations en sous-groupes fonctionnant de
façon identique, peut s’adjoindre la variété des mises en
équipes travaillant en fonctionnement différencié.
II-
A FONCTIONS DIFFERENCIEES
Il est possible d’aller plus loin et l’enseignant est tout à
fait à même d’envisager un fonctionnement de classe plus
complexe, en organisant des sous-groupes à fonctionnement
différencié, et en proposant alors des tâches, des thèmes et
des consignes tout aussi diversifiées.
Une telle organisation peut se faire en répartissant des rôles
identiques ou différents aux élèves dans les sous-groupes ou
équipes. A l’expérience, sa mise en œuvre s’avère aisée et
productive.
1- Equipes avec fonctions égales (des élèves de chaque
sous-groupe)
2- Equipes avec fonctions différenciées
Ici, sont abordées des organisations plus élaborées, utiles
pour des classes nombreuses, ou des regroupements de
classes. L’enseignant doit accepter ce qu’il peut prendre
comme une prise de risque et une certaine perte de maîtrise,
c'est-à-dire de réactivité et d’ajustement de son guidage :
d’emblée, c’est bien le groupe tout entier, lui compris, qui
est en situation d’apprentissage. En cela, c’est un facteur de
réussite.
3- Avec moyens projectifs
La mise au travail des élèves en équipes est un dispositif
approprié pour démultiplier les réflexions et la
créativité, parfois difficile en classe du fait du
plus grand nombre. En équipe, les interactions sont à la fois
nombreuses et plus riches, les possibilités d’expression
personnelle plus importantes. De ce fait, il peut être utile
de recourir à trois dispositifs de travail invitant à la
prospective, c'est-à-dire à une imagination d’une
donnée à définir dans l’avenir.
Vous pouvez retrouver une page détaillant la démarche sur
http://francois.muller.free.fr/diversifier/la_communication_rotative.htm
; elle est extraite de André de
Peretti,
Techniques pour communiquer, éd. Hachette, p.47 sq.
Cette façon de faire nous avait été demandée, au cours d’une
formation de professeurs de mathématiques en Haïti. Elle s’avéra
féconde dans son application aux élèves.
Le site de référence est
http://www.photolangage.com , complété de quelques exemples
développés en formation sur
http://innovalo.scola.ac-paris.fr/former/equipe/outils/photolangage/index.htm
Ainsi que l’avait défini Bloom dans son échelle taxonomique
Pour plus de précision sur cette échelle d’objectifs, voir
http://parcours-diversifies.scola.ac-paris.fr/PERETTI/taxonomi1.htm
Un colloque interuniversitaire sur « le métier d’enseignant et
l’analyse de pratiques » s’est déroulé les 20 et 21 mai 2005, à
l’Université de Reims. La pratique du GAP et son extension ont
été étudiées en ateliers et en séance plénière.S
Une fiche technique est disponible sur
http://francois.muller.free.fr/diversifier/le_jmt.htm ; voir
aussi un exemple de pratique lors d’un séminaire consacré au
thème « travailler avec des élèves » ; est alors proposée une
« table de transposition » riche et foisonnante en ligne, sur
http://innovalo.scola.ac-paris.fr/ACTUALITES/transposition.htm
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