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Quels enjeux éducatifs dans les parcours sciences expérimentales et technologiques ?

(extraits de l'intervention de Maryline COQUIDE, univ. Rouen, à Paris, novembre 2001)

  • Éducation scientifique et technologique des élèves

Ce dispositif semble, tout d'abord, favorable à l'éducation scientifique et technologique des élèves. En effet, les modèles socio-constructivistes de l'apprentissage et les cadres théoriques des rapports aux savoirs soulignent le rôle actif des élèves dans leurs apprentissages et l'importance du sens qu'ils doivent donner aux activités éducatives. Cependant, le curriculum actuel ne favorise pas toujours la formation scientifique et technique des jeunes. Les domaines scientifiques et techniques apparaissent par des programmes, centrés sur différents contenus disciplinaires, et la disparition des groupes à effectifs restreints peut compromettre les pratiques effectives de manipulation, d'expérimentation ou de fabrication, des élèves. Les parcours diversifiés, qui incitent à un travail d'équipe et qui sont moins soumis à des cadres stricts d'horaires et de programmes, peuvent représenter des dispositifs particulièrement propices à une éducation scientifique et technologique. Les tâches envisagées dans ces parcours, et qui peuvent concerner des objets non encore disciplinaires, visent davantage l'acquisition de compétences que de savoirs et favorisent l'acquisition de savoirs d'action comme préalables à des savoirs théoriques, tandis que les approches thématiques préconisées peuvent favoriser un lien entre les savoirs scolaires et la connaissance du monde contemporain.

Dans les finalités éducatives relatives au dispositif est mise en avant la présentation d'une démarche scientifique, ce qui contribue à "discipliner l'esprit". En effet, le temps prolongé dans l'année des ateliers permet soit une pédagogie de projet, soit la mise en œuvre d'une véritable démarche scientifique. D'autres finalités peuvent aussi être avancées. C'est, en effet, toute une possibilité d'analyser et d'"abstraire" à partir d'une situation concrète, élément essentiel pour le décollage de la pensée scientifique, qui peut être impulsée par les activités scientifiques et techniques. En permettant une articulation entre un phénomène concret et sa représentation abstraite, entre une action matérielle et sa représentation, ces activités concourent au développement de l'abstraction. La nécessité d'organiser le recueil des données empiriques, celle d'extraire un possible parmi tout un ensemble, sollicitent la pensée expérimento-graphique, comme nous le verrons plus loin. C'est dans ce sens, que nous pouvons citer le Conseil National des Programmes (1991) qui, en conclusion de son rapport de recommandations, insistait en ces termes sur les idées fortes de sa réflexion : "Au bout du compte, il s’agit de faire des sciences expérimentales un enseignement de formation et non de sélection. Elles doivent valoriser une forme d’esprit différente et permettre l’épanouissement de certains jeunes mal à l’aise dans l’abstraction". Ces activités permettent, en outre, d'envisager une formation technique, méthodologique et comportementale.

 

  • "Rapport au savoir" et développement personnel des élèves

L'implication des élèves qu'induit ce dispositif et l'explicitation du sens des activités qu'ils conduisent peuvent interagir avec leur "rapport au savoir", leur "rapport à l'école", et avec leur développement personnel (Charlot, Bautier, Rochex, 1992 ; Charlot, 1997 ; Develay, 1996). Les parcours expérimentaux, se déroulant tout au long d'une année hors des contraintes scolaires de programme et avec des effectifs réduits, sollicitent en effet une réelle mise en activité des jeunes, sur des projets ou sur des investigations prolongées. Ils comportent des aspects sociaux et des aspects cognitifs.

Tout d'abord, les sciences et les techniques, avec leurs démarches, leurs pratiques et leurs réalisations, peuvent représenter un levier pour l'intégration scolaire et sociale d'élèves en difficulté, notamment dans les zones sensibles. L'image très positive des sciences et des techniques, et la valorisation sociale dont elles sont l'objet leur confèrent une légitimité aux yeux des adolescents. Il est intéressant de s'appuyer sur ce prestige particulier aux yeux de nombreux jeunes en difficulté, pour développer une confiance en soi et une motivation pour les apprentissages. Si les activités des ateliers apparaissent comme authentiques, si elles se référent à des pratiques sociales industrieuses ou scientifiques, non seulement elles auront plus de sens pour les élèves mais elles pourront également contribuer à une orientation professionnelle positive.

Ensuite, les ateliers favorisent le développement de la confiance en soi, l'organisation du travail de groupe, la socialisation, la coopération, l'esprit critique, mais aussi la nécessité de règles à appliquer. Ainsi, dans une étude effectuée récemment et relative à des ateliers de pratiques scientifiques et techniques pour l'insertion scolaire (Coquidé et Prudor, 1999), quelques indices, en termes de meilleure confiance en soi chez les élèves en difficulté,, ou en termes de reconnaissance du jeune par l'institution éducative par ses productions des ateliers scientifiques rendues publiques, ont été dégagés. L'étude montrait également une amélioration de la perception par les jeunes de l'enseignant, rencontré dans des conditions moins conventionnelles et dans des fonctions d'animateur ou de personne-ressource.

Par ailleurs, les activités, dans le cadre des parcours, n'ont pas pour finalités essentielles des apprentissages de connaissances, elles visent l'appropriation de méthodes, l'acquisition d'attitudes et le développement de comportements scientifiques. Elles peuvent ainsi contribuer à des objectifs éducatifs généraux : développer l'autonomie, éduquer à la sécurité, apprendre des règles de civilités, responsabiliser (gestion du matériel, du groupe...), mais aussi mettre en confiance. La manipulation, l'observation, l'investigation, dans le cadre des ateliers, peuvent permettre de constater certaines conséquences de ses actes, et contribuer à une éducation à la responsabilité. Ainsi, apprendre et appliquer des règles de sécurité lors des activités (utilisation d'instruments coupants, manipulation de produits, organisation du poste de travail…), c'est se porter garant et être responsable vis-à-vis de soi et vis-à-vis des autres. D'autres activités peuvent susciter le développement du respect de l'environnement, mais aussi le respect de soi et le respect des autres.

Enfin, pratiquer des sciences, ce n'est pas seulement manipuler et expérimenter, ce sont aussi des manières de juger, de se confronter à la réalité et à la communauté, dans une perspective de mise à l'épreuve et de validation des idées. Les débats des activités scientifiques, qu'il est possible d'impulser dans les ateliers, permettent la confrontation des idées et des résultats. Tous les courants socio-constructivistes actuels soulignent l'importance des "autres" dans les apprentissages, et envisagent une "co-construction" des savoirs. Ces débats, avec la nécessité d'écouter et de tenter de comprendre autrui, mais aussi l'indispensable exigence d'utiliser une argumentation rationnelle, sont susceptibles de contribuer à développer une insertion citoyenne dans la communauté scolaire et sociale.

 

  • Mieux connaître les élèves

Le dispositif favorise une meilleure connaissance les élèves par l'équipe éducative. La réduction des effectifs, par rapport au groupe classe, permet en effet une meilleure observation des élèves, tandis que le travail d'équipe incite aux interactions entre enseignants impliqués dans ces parcours. Le travail en équipe sur un projet commun conduit à la régulation des actions éducatives et au développement de l'évaluation formative.

De nombreux échanges, lors de la journée d'étude, ont permis de débattre de l'importance de l'évaluation formative. Les dispositifs d'ateliers et le travail en équipe nécessitent, en effet, de suivre l'évolution de l'élève. Des difficultés ont été avancées pour construire des outils communs à l'équipe. Peut-être conviendrait-il de distinguer les outils qui présenteraient des indicateurs facilitant l'observation de comportements relatifs à des objectifs généraux d'éducation, telle l'autonomie ou la socialisation, et ceux aidant à l'évaluation de compétences qui pourront être mises au service d'apprentissages disciplinaires. Dans ce dernier cas, Perrenoud (1997) argumente qu'il convient mieux de retenir des indicateurs qui aident au repérage des progrès par rapport à des compétences assez larges, plutôt que des compétences très spécifiques.

 

 

 

concept :François Muller @ 1998-2009