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classes de niveau

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La constitution de classes de "mauvais élèves" alimente la violence au collège 

extraits du LE MONDE | 05.02.01 |

une étude menée pendant deux ans dans un
collège de la banlieue sud de Paris apporte un éclairage sur les
conséquences du regroupement des élèves de même niveau dans certaines
classes, sur le développement de la déviance. Réalisée par Agnès Van Zanten,
sociologue de l'éducation, chargée de recherche à l'Observatoire sociologique
du changement, cette étude de terrain, que vient de publier la revue Déviance
et Société, montre à quel point la constitution de « mauvaises » et de «
bonnes » classes – largement répandue dans le collège dit « unique » –
n'est qu'une mauvaise réponse à une bonne question, celle de la gestion de
l'hétérogénéité des élèves. 
Alors que les classes de niveau sont officiellement prohibées depuis la réforme
Haby de 1975, seulement un quart des collèges constituent des classes
hétérogènes, souligne le rapport du sociologue François Dubet, publié en
1999.

Dans les collèges de banlieue, la constitution de classes de niveau « est
censée jouer un triple rôle », explique Mme Van Zanten. Sur le plan de l'image,
il s'agit de créer des classes qui, « sans prétendre à l'excellence, puissent être
considérées par les parents des meilleurs élèves comme suffisamment bonnes et
sûres pour qu'ils acceptent d'y laisser leurs enfants ». En outre, pour les
enseignants, ces « bonnes » classes représentent des « oasis où ils ont le
sentiment de se ressourcer et d'exercer normalement leur profession ». Enfin,
d'un point de vue organisationnel, l'établissement a le sentiment de gérer
l'hétérogénéité du public en créant des regroupements d'élèves. « Dans le
contexte actuel des collèges, la constitution de classes de niveau apparaît comme
la seule solution à l'échelle d'un établissement. Mais c'est une stratégie du
"pauvre" qui ne permet pas de régler les problèmes des établissements "difficiles"
de façon durable », explique la chercheuse.

LES ÉLÈVES NE SONT PAS DUPES

Selon elle, les « mauvaises » classes « jouent un rôle central dans la
fabrication d'attitudes déviantes par rapport aux valeurs promues par l'école et par
la société à travers les interactions qui s'y développent entre les enseignants et
les élèves et entre les élèves eux-mêmes ». 
Dans le collège étudié, le choix a été fait depuis
plusieurs années de constituer des « bonnes »
classes grâce aux options de langue et à la création
d'une section sportive. Plus on monte dans les niveaux
d'enseignement, plus le degré de ségrégation scolaire
s'accentue. « En sixième, la "bonne" classe bilingue se
distingue de toutes les autres par la présence d'un
nombre plus important d'élèves "à l'heure" – NDLR : qui
n'ont jamais redoublé – et d'élèves français » ;
néanmoins, « les autres classes se différencient peu
entre elles ». Mais, à partir de la quatrième – la «
réputation » des jeunes dans l'établissement étant
faite – « les différences deviennent plus nettes entre
les classes suivant l'âge des élèves et l'origine "ethnique"
du patronyme ».

L'affectation dans une « mauvaise » classe relève de
critères scolaires mais aussi comportementaux. « On retrouve dans les
mauvaises classes des élèves qui ont un niveau scolaire moyen voire bon mais
qui ont un comportement agité et des attitudes "antiscolaires". »
Généralement, ces classes regroupent plus de redoublants et d'élèves en difficulté,
mais aussi une plus grande proportion de jeunes dont le patronyme est d'origine
maghrébine et plus de garçons. Les élèves ne sont pas dupes et connaissent le «
niveau » de leur classe. Quant à leurs professeurs, ils sont davantage mobilisés
sur la discipline que sur l'exigence scolaire. Car le problème le plus immédiat qui se
pose à eux est celui de « la présence d'un chahut endémique qu'ils n'arrivent
pas à endiguer ». Ce climat, estime la chercheuse, « fournit un contexte
propice à des attitudes peu équitables de la part des enseignants » : punition
de toute la classe ; tendance à sanctionner celui qui se fait prendre plutôt que de
chercher l'origine de la perturbation ; punition systématique des élèves considérés
comme les « meneurs ». « Le sentiment d'injustice alors ressenti par les
élèves sert à renforcer la perturbation » et entraîne la classe dans « le cercle
vicieux de la déviance », analyse Mme Van Zanten.

Les relations entre les élèves jouent également « un rôle important dans
l'émergence des perturbations ». Soit les garçons et les filles s'accusent
mutuellement de « pourrir l'ambiance », soit un groupe d'élèves très soudés,
populaires dans la classe car considérés comme des « blagueurs », entraîne les
autres à s'amuser. L'adhésion à la loi du groupe prend alors le dessus, les
dynamiques « anti-école » finissent par l'emporter, et de nombreux élèves «
glissent vers un parcours d'échec scolaire ». Pour Mme Van Zanten, « l'état
d'irresponsabilité qui s'instaure alors parmi les élèves favorise le
développement d'une orientation fataliste concernant non seulement les
études mais aussi la vie en général et peut, à son tour, conduire une fraction
d'élèves dans l'engrenage d'activités véritablement délinquantes ».

« LÂCHETÉ DE L'INSTITUTION »

Le constat dressé est sévère, mais les établissements se débattent comme ils
peuvent. Pour la chercheuse, « il y a une lâcheté très grande de l'institution à
ne pas tenir compte de la situation des collèges populaires. Faute d'aide, de
mécanismes d'accompagnement, on entre dans une dérégulation progressive
». Officiellement, le décor est universel : la carte scolaire doit être respectée par
tous les parents et l'hétérogénéité des classes doit être la règle dans tous les
collèges. « Dans les discours, on renvoie chaque acteur à son éthique
personnelle, mais le système ne peut pas tenir que sur l'éthique des individus
», estime Mme Van Zanten, pour qui ces phénomènes de ségrégation scolaire «
ne peuvent plus être considérés comme marginaux »par l'institution. Comment
arrêter cet engrenage qui aboutit à creuser les écarts entre les établissements et à
entériner la faillite du collège unique ? C'est notamment à cette question que devra
répondre la réforme des collèges promise, pour cette année, par le ministre de
l'éducation nationale.

Sandrine Blanchard

 

concept :François Muller @ 1998-2009

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