Note de
lecture
Auteur :
Bernard Charlot, sociologue, enseignant à l’université Paris VIII
Bernard Charlot montre que si la formation pour adultes rompt heureusement
avec les rites qui prévalaient à l’écoles (en rang…), certaines pratiques
d’abord novatrices sont peu à peu devenues à leur tour rituelles, comme
c’est le cas de la négociation des besoins,
« point de
départ obligé d’une formation d’adultes bien comprise » et dont
l’efficacité semble contestable.
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Négociation des besoins et principes fondamentaux de la pédagogie
des adultes.
L’idée de négociation des besoins est liée à une conception de la
pédagogie des adultes et repose sur quatre principes qui vont dans le sens
de l’association du formé à sa propre formation :
1.
La formation des adultes est une formation continuée
Le stage s’inscrit dans un processus d’auto-formation du formé dont il est
un des temps forts mais pas le seul, cette auto-formation induit de
prendre en compte les besoins du formé dans le contenu du stage.
2. La
formation des adultes doit prendre en compte les caractéristiques
psychologique propres aux adultes.
L’adulte en formation arrive avec sa propre expérience qu’il ne faut pas
sous-estimer ; la psychologie exige « que l’on traite l’adulte en sujet
de son éducation et non en objet à éduquer », « l’adulte en
formation doit être pédagogiquement actif », ce qui implique de
négocier les besoins, à savoir le contenu et la méthodologie du stage.
3.
La
formation des adultes doit s’articuler sur leur pratique quotidienne.
Les formateurs doivent répondre aux demandes des formés, demandes qui
s’appuient sur les problèmes rencontrés dans la pratique professionnelle.
4. La
formation des adultes doit avoir une valeur culturelle et ne pas viser la
simple rentabilité économique.
La formation doit être au service du formé et non viser la rentabilité de
l’organisme qui l’emploie, « c’est donc au formé de définir ses besoins ».
Toutefois, l’auteur démontre que la mise en place de la phase de
négociation en début de stage telle quelle se pratique ne permet pas de
répondre aux besoins exprimés par les quatre principes ci-dessus
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Les diverses stratégies de négociation des besoins
La négociation se fait de deux façons :
1.
Les formateurs arrivent avec un plan de formation dont ils demandent
l’adhésion aux formés
Cette manière de procéder n’est démocratique qu’en apparence car formateur
et formés sont en situation d’inégalité en début de stage, la position de
formateur étant plus confortable que celle de formé : le formateur se
trouve en terrain connu (il sait pourquoi il est là) et est souvent perçu
par le formé comme « supérieur », de plus « toute action de
formation est déstabilisante pour le formé ».
Dans ces conditions, la négociation est biaisée car même si les formés
réussissent à émettre quelques réserves sur le contenu de la formation tel
qu’il leur est proposé, les formateurs avancent des arguments qui montrent
qu’ils ne souhaitent pas remettre en question les objectifs de la
formation tels qu’ils les ont déjà définis au préalable.
2.
Les formateurs demandent aux formés d’exprimer leur besoins pour pouvoir
bâtir un plan de formation.
Même en usant de techniques destinés à faire émerger des besoins, cette
méthode ne donne pas grands résultats et aboutit souvent à des réponses
stéréotypées de la part des formés.
Ces réflexions amènent à réfléchir sur la notion même de
besoins.
C’est en effet seulement à la fin d’un stage que les formés sont en
capacité d’exprimer véritablement quels sont leurs besoins, car
l’identification des besoins « suppose un processus préalable de
formation ». Or, l’auto-formation n’est pas innée et nécessite un
apprentissage.
Il apparaît donc que la négociation des besoins n’est pas appropriée à
l’amorce d’une action de formation.
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L’idée de négociation des besoins repose sur deux postulats
1.
Besoin de formation et besoins en formation
Le formé a besoin de formation mais n’a pas de besoins explicites en
formation ; en effet les raisons qui poussent un adulte à s’engager dans
une action de formation continue sont multiples et répondent plus à un
besoin socio-professionnel que réellement pédagogique. L’adulte s’inscrit
à une action de formation :
ð
Pour élargir le champ de ses connaissances
ð
Par désir de promotion
ð
Par pression de l’environnement, car « il faut aller en
formation »
De ce fait, les adultes arrivent souvent en formation avec des attentes
très vagues.
Du point de vue de l’institution, les raisons ne sont pas mieux définies
et « ce sont moins les besoins en formation qui induisent la mise en place
de stages que l’existence de stages qui provoque la demande d’une
formation » (p.26 fin).
2. Le
formé, le formateur et l’institution
C’est entre les trois protagonistes concernés par l’action de formation,
le formé, le formateur et l’institution qu’il doit y avoir négociations
des besoins, mais dans la réalité on assiste à une
« triple négociation
deux à deux : le formateur et l’institution, le formé et l’institution, le
formé et le formateur ». Le formateur étant le médiateur entre
l’institution et le formé, cela assure un pouvoir certain.
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De la notion de besoin à celle de problème
1. A
la recherche d’une stratégie autre que celle de la négociation des besoins
Deux idées fondamentales sont à retenir :
« le plan de formation ne
doit pas être imposé(…), la formation doit prendre appui sur la
personnalité et l’expérience du formé, le formé doit être impliqué dans sa
propre formation comme agent actif. ». De plus,
« le formé ne
découvre [ses besoins] que progressivement au cours de la formation
elle-même »
2.
L’analyse des besoins fait partie de la formation
« La formation à l’analyse des besoins doit être un des objectifs
essentiels de toute action de formation (..) car l’analyse des besoins est
un acte de formation »
3.
Les deux sortes d’actes formateurs : élaboration des besoins et
réponse à ces besoins.
En général, la première phase d’un stage est en partie consacrée à
l’élaboration des besoins, phase pendant laquelle le formateur
« aide
les formés à s’exprimer et à analyser leurs problèmes » et a un rôle
d’animateur . C’est seulement pendant la deuxième phase du stage que le
formateur, par le biais d’une pédagogie par objectifs, apporte les
contenus et propose la méthodologie nécessaires.
4.
Expression des besoins et analyse des problèmes
C’est en partant des
problèmes,
et non des besoins des formés que
l’on pourra permettre l’élaboration des besoins de formation, car
« les
formés ont besoin d’une analyse de leurs problèmes et de
solution à ces problèmes ». En effet,
« le formé est davantage
préoccupé de ses problèmes que de ses besoins ». Toutefois, il n’est
pas évident pour un adulte de les exposer devant un formateur et un groupe
inconnus.
5.
Problématisation des situations
C’est en amenant les formés à « décrire leur situation, puis à les
analyser, puis à les problématiser » que l’on permettra aux formés
d’exprimer les problèmes.
Cette fois, en revanche, c’est le formateur qui est placé en situation
instable car il n’est pas certain de pouvoir apporter des réponses aux
problèmes qui sont mis en évidence.
Mais en procédant de la façon
décrite ci-dessus, le formateur se forme également.