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Rapport sur la grille horaire des enseignements au lycée général et
technologique, 2006, IGAEN-IGEN
L'EMPLOI DU TEMPS DES ÉLEVES AU LYCÉE |
Rapport
à Monsieur le Ministre de l'Éducation nationale
Rapporteurs : Dominique BORNE,
François PERRET Novembre 2001 |
Une enquête sur l’emploi du temps
des élèves de lycée et lycée professionnel s’expose à deux risques
principaux. Le premier d’entre eux est celui de la singularité absolue de
chaque emploi du temps : les situations locales, les contraintes
particulières de tous ordres –locaux, équipements, transports scolaires-, la
diversité des formations offertes et des choix pédagogiques, les différences
de dotation font de chaque emploi du temps de lycée une réalisation
parfaitement originale. Et ce qui est vrai pour l’établissement l’est
également pour chaque élève : aujourd’hui, avec la multiplication des
possibilités de choix (enseignements de détermination, enseignements de
spécialité, options diverses), l’emploi du temps d’un lycéen a peu de
chances d’être identique à celui de son voisin. La perplexité de certains
élèves lorsqu’ils découvrent leur emploi du temps en début d’année illustre
bien leur difficulté à repérer leur parcours personnel dans une organisation
à géométrie de plus en plus variable. On court donc le risque de ne pouvoir
tirer d’enseignements généraux, de conclusions significatives d’une
collection de situations singulières.
Le second écueil que ne manque pas
de côtoyer une telle étude est celui de la dispersion, tant il est vrai qu’à
travers l’observation des emplois du temps, c’est l’ensemble de la vie d’un
établissement scolaire que l’on appréhende : son organisation générale bien
sûr, mais aussi le projet d’établissement, le pilotage, le style de
direction, la qualité des relations humaines. Pour un oeil averti, l’examen
sur le grand tableau du
proviseur adjoint, quand il
existe encore, ou de plus en plus fréquemment sur les écrans d’ordinateur,
de l’emploi du temps des classes est révélateur de bien des aspects du
fonctionnement général du lycée, dont il est le premier tableau de bord. On
sait la valeur symbolique forte de d’emploi du temps dans un établissement
scolaire, non seulement parce qu’il règle au quotidien la vie de toute la
communauté dans un temps et un espace donnés, mais parce qu’il est
l’expression la plus immédiate de la « direction » de l’établissement, à
tous les sens du terme, et de l’ordre nécessaire à toute entreprise
éducative. Il y avait donc pour les enquêteurs la tentation d’embrasser et
d’évaluer la globalité du fonctionnement des lycées visités et donc le
danger de se perdre dans un ensemble trop vaste.
La particularité de l’approche
retenue tient au fait que l’on s’intéresse ici d’ abord au point de vue des
élèves ; c’est le temps vécu par les élèves dont on essaye de rendre compte,
le temps réel par opposition au temps légal tel qu’il figure dans les
documents officiels. Ceux-ci en effet donnent à voir l’emploi du temps des
professeurs (le VS professeur ), l’emploi du temps de la
classe (le VS classe ), mais l’emploi du temps des élèves est un
objet introuvable, non répertorié. C’est pourquoi ce rapport choisit de
partir de choses vues et entendues dans les établissements, et notamment de
paroles d’élèves, avant d’analyser les conditions d’élaboration des emplois
du temps et d’en décrire les principales caractéristiques.
•
A la différence de la question des
rythmes scolaires, celle de l’organisation du temps de l’enseignement ne
paraît pas avoir retenu l’attention des historiens de l’éducation. Tout se
passe comme si le temps scolaire, organisé autour d’unités fixes (l’heure de
cours) et de la répétition hebdomadaire d’un même schéma, apparaissait comme
une donnée immuable, quasi naturelle, qu’il convient d’accepter comme telle
et qui ne serait pas justiciable d’une réflexion particulière. Il est vrai
que ce modèle a montré une remarquable permanence en dépit des innombrables
réformes qui ont touché le système éducatif français. Une des dimensions
les plus périmées de l’enseignement secondaire, écrit Aniko HUSTI,
est certainement son utilisation du temps, puisque l’institution
éducative a adopté et imposé tout au long de notre siècle le même
concept de temps, tout en fixant continuellement des objectifs nouveaux.1
A la différence de la question des
rythmes scolaires, celle de l’organisation du temps de l’enseignement ne
paraît pas avoir retenu l’attention des historiens de l’éducation. Tout se
passe comme si le temps scolaire, organisé autour d’unités fixes (l’heure de
cours) et de la répétition hebdomadaire d’un même schéma, apparaissait comme
une donnée immuable, quasi naturelle, qu’il convient d’accepter comme telle
et qui ne serait pas justiciable d’une réflexion particulière. Il est vrai
que ce modèle a montré une remarquable permanence en dépit des innombrables
réformes qui ont touché le système éducatif français. Une des dimensions
les plus périmées de l’enseignement secondaire, écrit Aniko HUSTI,
est certainement son utilisation du temps, puisque l’institution
éducative a adopté et imposé tout au long de notre siècle le même
concept de temps, tout en fixant continuellement des objectifs nouveaux.
A la différence de la question des
rythmes scolaires, celle de l’organisation du temps de l’enseignement ne
paraît pas avoir retenu l’attention des historiens de l’éducation. Tout se
passe comme si le temps scolaire, organisé autour d’unités fixes (l’heure de
cours) et de la répétition hebdomadaire d’un même schéma, apparaissait comme
une donnée immuable, quasi naturelle, qu’il convient d’accepter comme telle
et qui ne serait pas justiciable d’une réflexion particulière. Il est vrai
que ce modèle a montré une remarquable permanence en dépit des innombrables
réformes qui ont touché le système éducatif français. Une des dimensions
les plus périmées de l’enseignement secondaire, écrit Aniko HUSTI,
est certainement son utilisation du temps, puisque l’institution
éducative a adopté et imposé tout au long de notre siècle le même
concept de temps, tout en fixant continuellement des objectifs nouveaux.
Chacun sait d’ailleurs que ce
modèle, qui associe un professeur, un enseignement, une classe, une heure,
plonge ses racines dans un passé très ancien. L’enseignement secondaire
français a repris en partie l’organisation des études en vigueur dans les
collèges des Jésuites, telle qu’elle avait été fixée dès 1599 dans le «
Ratio studiorum ».
Dans ce système ordonné, méthodique,
«rationnel», les différents moments d’apprentissage étaient clairement
identifiés et répartis dans le temps : leçon, repetitio ,
disputatio (discussion), concertatio (concours, joute),
declamatio … Plus tard, en1887, l’un des hauts lieux de l’école
républicaine, le Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson,
définit une pédagogie de l’emploi du temps dont l’esprit ne paraît
pas très éloigné : Nos élèves ne sont ni des Emile, ni des fils de noble
famille ; ce sont des enfants réunis en grand nombre sous la
direction d’un seul maître et, dans un système d’éducation en commun,
s’il faut faire une place à la liberté, il faut laisser une place
plus large encore à la règle. Cette règle consiste à faire une sage
répartition des occupations d’un écolier entre les divers moments de la
classe : c’est ce qu’on appelle la pédagogie de l’emploi du temps (…)
Parlant de l’ordre dans la direction d’une école, on pourrait dire :
une heure pour chaque exercice, et chaque exercice à son heure.
Cette conception, qui s’est imposée et généralisée à tous les ordres
d’enseignement, n’a pas été sérieusement remise en cause malgré les
critiques dont elle a pu faire l’objet, notamment dans les années 1980-1990,
certains allant jusqu’à lui reprocher d’être le principal obstacle aux
évolutions nécessaires de l’Ecole.
Au cours des années quatre-vingt,
l’accent est mis en effet sur la nécessité d’assouplir un système trop
rigide ; une circulaire de 1982 incite à appliquer l’horaire souple,
en se référant aux rythmes physiologiques de l’enfant, à son
équilibre psychologique. Plusieurs circulaires de rentrée (1984,1985)
invitent à ne pas considérer la structure traditionnelle de la classe, ni la
durée de la séquence d’enseignement, ni l’organisation classique de la
semaine comme des données intangibles. C’est l’époque où l’INRP conduit des
expérimentations en collège et en lycée sur le temps mobile, dont les
résultats connaîtront un vrai retentissement. Dans le rapport annexé à la
loi d’orientation de 1989, l’importance de repenser la politique du temps
scolaire est affirmée : L’utilisation du temps scolaire est mal
adaptée aux objectifs actuels de la formation parce que les journées
de classe sont trop lourdes, les temps morts trop nombreux et la
rigidité et l’uniformité dans la gestion pédagogique du temps trop grandes
. Particulièrement éclairante à cet égard est la déclaration du conseil
national des programmes du 1er octobre 1990, intitulée Parcellisation des
enseignements et aménagement du temps scolaire , en ce qu’elle
lie la diversification des contenus et des pratiques pédagogiques à de
nouvelles conceptions du temps scolaire. Soulignant l’émiettement de
enseignements, stigmatisant un saupoudrage qui rend impossible
l’approfondissement des connaissances, le CNP prône une logique de
globalisation des horaires qui permettrait de faire varier le rythme et la
durée des enseignements et de favoriser le travail en commun.
Or si ces impulsions ont pu
déboucher sur des adaptations de la journée, de la semaine et de l’année à
l’école primaire, dans le cadre de ce que l’on appelle improprement
l’aménagement des rythmes scolaires, force est de constater qu’elles n’ont
pas entamé le socle de l’organisation traditionnelle de l’enseignement
secondaire. Ainsi l’institution a procédé par l’adjonction de temps nouveaux
qui sont venus se superposer, marginalement, au temps d’enseignement : la
vie scolaire , qui postulait qu’il y a une vie dans l’établissement en
dehors de l’enseignement lui-même, a occupé les interstices de la journée et
de la semaine (le temps de midi, le mercredi après-midi …) qu’elle a tenté
de valoriser en y développant des activités éducatives ; les 10 %, les PAE,
les projets de toutes sortes ont souvent peiné à acquérir une légitimité
réservée aux apprentissages disciplinaires. Les constats des évaluateurs
rejoignent bien d’autres observations : en ces temps de consumérisme
scolaire qui survalorisent les apprentissages réputés utiles, ce qui n’est
pas l’enseignement proprement dit a du mal, dans bien des lycées, à trouver
un public, l’attrait du café d’en face contribuant aussi parfois à
dévaloriser les activités proposées par le foyer socio-éducatif ou la maison
des lycéens.
Néanmoins, cette vigueur du modèle
traditionnel ne saurait conduire à minorer les évolutions qu’il a connues au
cours des dernières années. Il y a bien longtemps déjà que l’emploi du temps
prévoit des séquences en demi-classe lorsque les effectifs dépassent
certains seuils, permettant ainsi, dans certaines disciplines, des travaux
dirigés, des travaux pratiques dans des salles spécialisées ou en atelier.
Il s’agit là de configurations qui rendent possibles certaines activités
particulières (expérimentation, fabrication etc…) et non de regroupements
pédagogiques fondés sur une analyse des besoins des élèves. Tout autre est
la logique qui préside à l’apparition relativement récente dans
l’organisation scolaire des lycées, de véritables groupes de besoins
: les modules, issus de la réforme des lycées du début des années 90,
devaient ainsi offrir aux enseignants des espaces de liberté leur permettant
d’apporter des réponses adaptées aux besoins d’élèves regroupés en fonction
d’un projet. On sait que dans beaucoup de cas les modules n’ont pas rempli
cet office et sont devenus de simples occasions de dédoubler la classe.
L’inspiration initiale était autre et c’est celle que l’on retrouve dans
l’instauration des heures d’aide individualisée en classe de seconde à la
rentrée de 1999, ainsi que l’exprime clairement la circulaire de préparation
de la rentrée 2000 (13- 01-2000) : Les résultats de l’évaluation d’entrée
en seconde, complétés par un entretien individuel entre l’élève et
les professeurs, doivent servir de base pour identifier les
difficultés propres à chaque élève et ses besoins en aide individualisée.
Par ailleurs, la constitution des
groupes doit rester flexible et être repensée en fonction des besoins
ponctuels ou de la progression de l’élève
. En tout état de cause, et
quels que soient les dispositifs, la tendance est la même : le
système éducatif évolue progressivement vers une plus grande
individualisation des enseignements. Aujourd’hui, par exemple, un
élève de seconde générale et technologique n’est en classe entière
que 16 h 30 par semaine sur les 23 h de tronc commun ; avec LV2 et
SES en enseignements de détermination et de l’aide individualisée en
mathématiques, 20 h 30 sur 29 h.
Mais les innovations pédagogiques
introduites par la réforme du lycée et du lycée professionnel (travaux
personnels encadrés, projets pluridisciplinaires à caractère professionnel)
sont sans doute porteuses d’évolutions plus profondes. Par leur caractère
pluridisciplinaire, par les compétences qu’ils visent à développer
-autonomie, travail en groupe, recherche documentaire, maîtrise de l’outil
informatique et d’internet-, par leur longue durée, par les modalités
d’évaluation retenues, ces travaux s’inscrivent dans des temps et des
espaces différents de ceux des enseignements traditionnels ;
d’une certaine manière, il font
voler en éclats l’opposition entre le temps de la classe et les temps
autres , qui est au fondement de l’organisation des établissements
scolaires, et dessinent pour l’avenir de nouveaux fonctionnements et de
nouveaux rôles pour tous.
En matière d’emploi du temps, la
particularité de ces travaux tient d’abord au fait que les heures attribuées
aux professeurs peuvent faire l’objet d’une globalisation permettant une
organisation souple sur l’année scolaire ou bien être intégrées dans
l’emploi du temps hebdomadaire de chaque professeur. D’autre part, pour les
élèves, le temps de travail effectif en TPE ou PPCP ne recouvre pas
nécessairement les plages horaires inscrites dans leur emploi du temps
hebdomadaire : ils peuvent être conduits à quitter l’établissement
pour mener leurs recherches à l’extérieur à un autre moment qu’à
l’horaire prévu à leur emploi du temps (…). Il se peut également que la
durée de la sortie dépasse celle qui est prévue à l’emploi du temps
habituel (Circulaires des 08/01/2001 et du 05/09/2001). Cette géométrie
variable des emplois du temps des élèves et parfois des professeurs n’est
évidemment pas nouvelle, mais elle prend ici un tour plus systématique et
plus institutionnel. Elle a justifié la publication de textes spécifiques
sur l’organisation des TPE et des PPCP qui mettent notamment l’accent sur la
nécessité pour les établissements de prévoir les dispositions utiles à une
bonne exécution de ces enseignements et de modifier leur règlement
intérieur, dans le cadre de leur autonomie. Il était donc tout à fait
justifié de chercher à mesurer les conséquences de ces évolutions sur le
temps des lycéens d’aujourd’hui, leur temps de travail comme leur temps
personnel. C’est l’objet de ce rapport.
De nombreuses expériences ont
beaucoup perdu, parce qu’elles n’ont pas pensé à changer parallèlement leur
utilisation du temps,
rappelle Aniko HUSTI.
Partageant sans doute cette analyse et consciente que la question de
l’emploi du temps est au coeurdes nouveaux dispositifs pédagogiques,
l’administration centrale a pris à ce sujet plusieurs initiatives
intéressantes.
Le thème est abordé dans les textes
concernant la réforme des lycées : ainsi des indications utiles sont données
sur la place dans l’emploi du temps des heures d’aide individualisée et sur
la possibilité de les aligner en barrettes (NS du 18 juin 1999) ;
pour les TPE, il est rappelé que le temps-professeur peut faire l’objet
d’une globalisation permettant une organisation souple sur l’année
scolaire (NS du 25/02/2000). Mais au-delà de ces préconisations à
l’efficacité aléatoire, la direction de l’enseignement scolaire a demandé à
certaines académies (Lille- Lyon) de mener une réflexion sur la conception
d’emplois du temps adaptés aux objectifs de la réforme, en formulant un
certain nombre de principes tels que la limitation à sept heures du nombre
d’heures d’enseignement par jour ou la nécessaire répartition sur plusieurs
jours de l’enseignement d’une même discipline. Des exemples de bonnes
solutions ont ensuite été adressés aux recteurs afin de venir en aide aux
proviseurs pour mettre en place la rentrée 1999.
Sur le même sujet était organisé les
16 et 17 mai 2000 par la DESCO et la DPATE un séminaire national :
L’emploi du temps au lycée, un enjeu pédagogique . L’objectif était
d’apporter des éléments de réponse à la question suivante : comment
organiser un emploi du temps qui favorise la qualité du travail et
des enseignants et s’attache à développer les conditions d’un nouveau
type de travail au lycée ? Poursuivant sur cette lancée, les deux
directions constituaient, au troisième trimestre de l’année scolaire
2000-2001, un groupe national de travail intitulé Nouvelles pratiques
pédagogiques, nouvelle gestion de l’espace et du temps . Les
premiers travaux de ce groupe ont été publiés à la rentrée 2001 : ils
présentent en particulier les résultats d’une enquête menée dans 107
établissements (collèges et lycées), qui mettent en lumière, ainsi que le
fait ce rapport, l’absence générale d’une réflexion politique préalable à
l’élaboration de l’emploi du temps. Celui-ci apparaît ainsi trop souvent
comme la résultante d’un ensemble de contraintes et non comme l’instrument
d’un projet d’établissement.
Ces initiatives ont-elles été
relayées dans les académies ? Guère, à la connaissance des évaluateurs, à
quelques exceptions près : dans telle académie d’Ile-de-France, à la suite
du séminaire de mai 2000, un réseau d’entraide mutuelle sur l’emploi du
temps est mis en place, des personnes ressources sont identifiées ;
ailleurs, des organisations intéressantes sont signalées et diffusées. Mais
on ne peut pas dire que les académies se soient fortement mobilisées sur ce
sujet : peu d’impulsions, peu de publications, peu de stages de formation
continue.
Par ailleurs, s’il est vrai que la
diversité, voire la profusion de l’offre de formation contribue fortement à
la complexité des emplois du temps dans les lycées, on doit constater que la
plupart des académies portent une part de responsabilité dans cette
excessive complexité. La carte académique des formations, notamment des
enseignements optionnels, est en effet insuffisamment maîtrisée,
chaque lycée s’appliquant à offrir la palette d’enseignements la plus large
possible dans une logique
de concurrence avec les
établissements voisins. Le rôle de régulation donné en la matière aux
bassins d’éducation et de formation pourrait permettre une rationalisation
nécessaire, qui ne serait pas sans conséquences sur les choix et le temps
des élèves.
Mais au-delà de cette réflexion et
de cette animation conduites par l’administration centrale et, ici ou là,
par les académies, le discours institutionnel, répété et cohérent, invite
chaque établissement à définir une politique pédagogique, dans le cadre de
l’autonomie dont il dispose : relance des projets d’établissement
(circulaire de rentrée 1999), mise en place des nouveaux dispositifs de la
réforme des lycées, qui suppose une réflexion pédagogique d’ensemble au sein
de la communauté scolaire, affirmation forte de la responsabilité
pédagogique des personnels de direction (protocole d’accord du 16 septembre
2000), tout concourt en effet à inciter les établissements à investir
pleinement les domaines où s’exerce leur autonomie, à commencer par les
principes qui régissent l’organisation du temps. On peut légitimement
espérer qu’une telle convergence dans le discours et l’impulsion finira par
produire des effets.
Il y a les lycées qui à tout moment
de la journée ressemblent à une ruche où se croisent les différents temps
des élèves. Cet établissement, par exemple, construit comme une ville avec
sa rue principale, ses carrefours, ses lieux de rendez-vous ; ici, les
territoires sont occupés, le CDI, la salle informatique, les bancs le long
de la « rue » principale sont appropriés par les élèves. Même quand ils ne
sont pas dans une salle de classe, ils « emploient leur temps » au lycée.
Est-ce si différent, même si l’espace est moins étendu et les lieux
spécifiques de rencontre moins nombreux, dans ce lycée du centre ville où
les élèves par petits groupes, occupent les marches de l’escalier et même
les sièges réservés aux visiteurs devant le bureau du proviseur ? Ou encore
dans ce lycée aéré d’une banlieue aisée où les élèves, au printemps, ont
quelques difficultés en fin d’après-midi à quitter les pelouses ? Ou encore
ces lieux conviviaux où cohabitent des élèves qui terminent un devoir et des
élèves qui jouent aux cartes ou écoutent de la musique ?
En contraste, et en contraste
parfois violent, ces couloirs vides, sans chaleur, ces foyers d’élèves,
dégradés ou toujours fermés ; une indifférence à l’espace et à son
aménagement qui signale un refus de considérer autre chose que le strict
temps scolaire, c’est-à-dire les heures que recensent les emplois du temps.
Alors, peu importe que les lieux soient hospitaliers, peu importe, par
exemple, l’absence totale de bancs dans les cours, même si le climat est
méditerranéen, là, les élèves ont une autre manière d’habiter le lycée qui
s’exprime souvent par la fuite.
Ce contraste entre deux manières
d’occuper les lieux, comme un territoire familier ou en étranger de passage,
dépend certes des lieux eux-mêmes, de l’architecture et de l’aménagement des
espaces, il dépend encore plus de ceux, équipe de direction, CPE
responsables de la vie scolaire, qui en règlent l’usage. Il dépend aussi de
la nature de l’établissement : dans l’échantillon observé les élèves des
lycées professionnels subissent plus le temps scolaire que les élèves des
lycées d’enseignement général et technologique. Il dépend enfin de la
situation géographique de l’établissement : il arrive que le café d’en face
joue intelligemment le rôle d’annexe. Il arrive aussi, inversement, que
l’absence de lieux propices aux rencontres informelles explique la présence
des élèves dans tel ou tel établissement a priori peu accueillant.
Les activités c’est à l’extérieur
- le CDI c’est pas pour nous, on aime pas lire. Mon emploi du temps ?
J’emploie mon temps autant que je peux ailleurs qu’au bahut.
On veut finir tôt le vendredi
pour pouvoir aller en boîte ; on y va les deux soirs le vendredi et le
samedi, c’est mieux le vendredi, c’est gratuit pour les filles et le samedi
c’est plein de vieux.
Les profs ils nous donnent trop
de travail alors qu’ils savent qu’on doit travailler à l’extérieur.
On se plaint, mais tout compte
fait on est bien dans le lycée
Le CDI, on se fait jeter ; les
TPE, c’est pas bien, ça nous prend du temps de travail ; les profs, ils
parlent pendant deux heures sans faire de pause. Mais on est bien dans le
lycée.
C’est trop autoritaire ; mais il
faut qu’on ait des limites sinon on manque de repères. On nous force à
écouter deux heures de suite sans sortir. Mais on nous écoute, surtout
l’administration : on est plutôt mieux informés et consultés que les profs.
Le temps scolaire est vécu parfois
de manière utilitaire et étroite :
En première, avec le bac
français, les TPE on a pas le temps.
Le seul temps accepté est l’heure de
cours ; encore faut-il qu’elle soit bien située dans la semaine.
Le vendredi après-midi on est
déjà un peu en week-end, il faudrait juste nous mettre l’éducation physique
mais pas les maths ou les langues.
Ainsi les « trous », sont-ils
toujours dénoncés :
On déteste les « petits trous »
on n’a pas le temps de sortir pour faire quelque chose, tant qu’à faire il
vaut mieux des « vrais trous ».
Mais disent d’autres élèves :
Quand on a un « trou », on va en
ville et si c’est que pour une heure on risque pas de revenir…
Il est difficile de faire parler des
enseignants de l’emploi du temps des élèves. En ont-ils une claire
conscience ?
Le nombre total d’heures de cours
des élèves de mes classes ? Je ne sais pas. C’est scandaleux, j’ai toutes
mes heures de 16 à 18 heures.
Mon emploi du temps est pourri ;
je viens tous les jours.
Ce sont les chouchous du
proviseur adjoint qui ont de bons emplois du temps.
Les seuls propos où se rencontrent,
en se contredisant, professeurs et élèves sont les blocs de deux heures :
On a besoin de deux heures à la
suite pour faire des devoirs en temps limité…
Globalement, et si l’on met à part
quelques débats généraux, portant par exemple sur le samedi matin, l’emploi
du temps des élèves ne concerne pas les professeurs. Cette remarque qui peut
paraître banale est de grande portée. Elle permet de souligner que les
débats sur l’emploi du temps des élèves opposent parfois ces derniers à la
direction du lycée; mais, entre cette direction et les enseignants les
débats et donc les éventuels conflits portent sur un autre temps. Le temps
des enseignants n’est pas le temps des élèves.
Cependant l’introduction des
modules, et plus récemment des TPE et de l’ECJS, font prendre conscience à
certains professeurs des problèmes de l’aménagement du temps scolaire :
Il serait temps de laisser une
véritable autonomie aux établissements ! Chez nous par exemple les modules,
ça ne marche pas trop mal. On aurait pu nous laisser le temps d’en tirer les
enseignements et transférer nos solutions aux autres activités en petits
groupes.
Mais il ne faut pas généraliser.
L’habitude d’obéir à des prescriptions nationales, rigoureusement calibrées,
est parfaitement intériorisée ; les revendications d’autonomie sont rares.
Pour les professeurs comme pour les élèves l’emploi du temps est subi.
Dans des lieux difficiles, on est
parfois désabusé :
On dédouble parce que aucun
professeur n’est capable de supporter plus de 12 élèves.
On paie les élèves pour qu’ils
restent au lycée : pour beaucoup d’élèves
l’inscription sert pour obtenir
une couverture sociale, un repas à midi, la carte orange.
Mais on rencontre aussi des
directions triomphantes :
La nouvelle politique
d’aménagement du temps scolaire est une réforme structurelle qui respecte
les rythmes de l’adolescent… elle inscrit le lycéen qui a
souscrit au CAP (contrat
d’activité personnalisé) au coeur de la vie associative,
proclame une brochure
d’établissement.
Alors qu’une autre (enseignement
privé sous contrat) répartit ainsi le temps des élèves :
Un CDI pour travailler, une cour
pour s’amuser, une chapelle pour prier.
Certains proviseurs analysent la
situation positivement et se félicitent des résultats
de leurs efforts :
Si les élèves restent au lycée
c’est en raison de la qualité de la vie scolaire.
D’autres, inversement, sont
pessimistes :
Les élèves n’ont plus envie de
faire quelque chose au lycée.
Ou lucides ?
Les emplois du temps sont faits
pour les professeurs, pas pour les élèves.
Tous insistent, naturellement, sur
la complexité grandissante de la tâche :
Plus on avance, plus c'est
compliqué et chaque réforme ajoute des difficultés.
Les modules, l'aide
individualisée, les TPE, l'ECJS, les options font que le groupe classe
n'existe plus..
Et encore :
Avant on déterminait des profils
de classe avec des emplois du temps bien étudiés et on remplissait les
classes. Maintenant on doit gérer des profils d'élèves ! Le recteur nous a
demandé de ne pas faire de classes de moins de quinze élèves.
Comment faire ? Par exemple la
section européenne néerlandais se compose de sept élèves répartis dans six
classes. Il a donc fallu aligner six classes pour sept élèves...
Et pour finir cette remarque qui dit
beaucoup :
Le lycée a su s’adapter aux
nouveaux élèves mais pas les enseignants ni les enseignements.
Les choses vues, comme les mots
entendus, ne dessinent qu'une vision impressionniste de l'emploi du temps
des élèves. Ces morceaux de réels permettent cependant d'ouvrir quelques
pistes : la diversité des propos dit d'abord l'extrême diversité des
situations. L'emploi du temps des élèves n'est pas construit, ni surtout
vécu, de la même façon dans un lycée professionnel de banlieue et dans un
lycée d’enseignement général d’un quartier aisé de grande ville. A
l'intérieur d'un même établissement, l'appréhension de l'emploi du temps
varie selon les séries considérées, mais aussi en fonction des acteurs,
professeurs, direction, élèves, et il faudrait ajouter parents d'élèves qui
n'ont pas la même vision d'un même emploi du temps.
La seconde remarque, les impressions
qui précèdent permettent de le préciser, concerne directement l'emploi du
temps des élèves : soit les élèves rejettent globalement le temps scolaire
et n'ont qu'une hâte, fuir ailleurs dans un temps choisi, soit ils
"habitent" réellement l'établissement, y vivent à la fois le temps scolaire
traditionnel et un autre temps d'activités diverses, de recherches
autonomes, de convivialité.
Autrement dit, s'il existe encore
des lycéens d'autrefois qui s'accommodent des rythmes scolaires
traditionnels, plus nombreux sont les nouveaux lycéens qui supportent mal la
rigidité et l'ennui... Dans certains établissements, c'est sans doute la
minorité, on a compris les besoins nouveaux des élèves, dans les autres on
peine à mettre en placeune nouvelle organisation du temps.
Élaboration de l’emploi du temps
La tradition qui veut que le
proviseur adjoint soit spécifiquement chargé de la confection de l’emploi du
temps est très largement respectée. Les seules exceptions constatées sont
rares, elles concernent quelques lycées professionnels où les chefs de
travaux, parce qu’ils contrôlent l’occupation des ateliers, sont chargés de
construire l’ensemble de l’emploi du temps.
La charge des proviseurs adjoints
est lourde. La mise en oeuvre commence en juillet, après les résultats du
baccalauréat et la réinscription des élèves. Selon la taille et la
complexité de l’établissement, trois à quatre semaines sont nécessaires.
Puis, fin août début septembre, ce sont les derniers ajustements, imposés
par les nominations tardives d’enseignants, l’implantation de stagiaires….
Dans quelques établissements les ajustements se font au coup par coup tout
au long du mois de septembre. Dans d’autres, l’emploi du temps est considéré
comme provisoire pendant deux à trois semaines puis globalement remanié.
Quelques proviseurs adjoints,
anciens et expérimentés, fabriquent encore euxmêmes, à la main, l’emploi du
temps ; quelques-uns se disent déçus par les logiciels spécialisés qui ne
permettraient pas de prendre en compte les innombrables paramètres. Mais,
l’immense majorité des établissements utilise désormais l’informatique et
les proviseurs adjoints en sont globalement satisfaits.
L’usage de l’informatique a souvent
fait disparaître les deux grands tableaux qui, sur les murs du bureau du
proviseur adjoint, symbolisait une de ses fonctions. Sur ces tableaux
figuraient, grâce à des bristols de couleur, les enseignants des différentes
disciplines d’une part et, d’autre part, l’occupation des salles. Faut-il
regretter leur disparition ? L’emploi du temps n’est plus visible dans sa
totalité, certains professeurs s’indignent alors de l’opacité volontairement
organisée par l’équipe de direction. Mais dans les établissements qui ont
réfléchi à la diffusion de l’information et qui ont les moyens de cette
diffusion, l’emploi du temps peut être consulté sur écran, au CDI et dans la
salle des professeurs. Dans un des établissements évalués l’emploi du temps
de chaque enseignant est affiché sur son casier : bel exemple de
transparence que certains hésiteraient à généraliser. La transparence en
effet, selon les lieux et le style des équipes de direction, favorise les
conflits en multipliant les comparaisons jalouses ou les efface parce
qu’elle place chacun des acteurs en face des contraintes et des choix qui
président à l’élaboration de l’emploi du temps. L’emploi du temps lui-même
devrait enfin être plus facilement consultable par tous.
Qui est consulté, en amont, sur la
confection de l’emploi du temps ? Le conseil d’administration vote parfois
une décision ; dans la totalité des cas ces décisions concernent un
aménagement global de la semaine : suppression ou maintien du travail le
samedi matin, fin des cours obligatoirement fixé à 17 heures, par exemple.
Il est exceptionnel qu’une délibération du conseil d’administration soit
consacrée aux options pédagogiques liées à l’emploi du temps. Les parents
d’élèves ne sont jamais consultés si ce n’est dans le cadre du conseil
d’administration. De même les élèves ne sont jamais consultés ; le conseil
des délégués pour la vie lycéenne ne joue aucun rôle en ce domaine. Les
responsables de l’établissement écoutent parfois les parents ou les élèves
quand ils revendiquent sur tel ou tel aspect de l’emploi du temps, mais
cette écoute est a posteriori ; l’emploi du temps ne fait jamais l’objet
d’une concertation préalable.
L’équipe de direction elle-même est
inégalement partie prenante. Le gestionnaire, qui maîtrise les horaires de
la cantine et l’aménagement des salles, peut jouer un rôle de facilitation.
Il n’est pas toujours suffisamment associé aux décisions et l’on relève
parfois quelques tensions entre les logiques gestionnaires et les logiques
pédagogiques. Les conseillers principaux d’éducation, de même, sont rarement
consultés. Ainsi l’emploi du temps est essentiellement conçu comme la mise
en place du temps de l’enseignement.
Certes, on observe parfois
l’aménagement de plages afin que, par exemple, les élèves de seconde
disposent d’un temps spécifique au CDI, mais les heures de vie de classe
n’ont pas toujours trouvé leur place dans l’emploi du temps ; la vie
scolaire n’est présente que dans les interstices du temps scolaire.
Enfin, le proviseur est, sur ce chantier, inégalement actif. Certes, la plus
grande partie des chefs d’établissement ont conservé la prérogative, qui
leur revient de droit, de définir les services des professeurs,ils
l’exercent, nous en reparlerons, solitairement ou en concertation. Mais
seuls certains proviseurs considèrent l’emploi du temps comme un outil
dynamique permettant de faire vivre le projet d’établissement ; beaucoup
d’entre eux insistent au contraire sur l’ampleur des contraintes locales
qui, ajoutées aux prescriptions nationales, freinent les initiatives et
empêchent la définition d’une politique visible.
L’élaboration de l’emploi du
temps devrait mobiliser plus collectivement les organes délibératifs et
l’équipe de direction et exprimer visiblement le projet de l’établissement.
Les enseignants et l’élaboration
de l’emploi du temps :
Si une volonté politique
d’aménagement raisonné en fonction d’objectifs pédagogiques définis par le
CA et mis en oeuvre par l’équipe de direction n’apparaît
qu’exceptionnellement dans la phase d’élaboration de l’emploi du temps, les
enseignants, toujours consultés, apparaissent comme les interlocuteurs
majeurs du proviseur, pour la définition du service, et du proviseur adjoint
pour la répartition des heures dans la semaine. Cependant, d’un
établissement à l’autre, les modalités de la prise en compte des voeux des
enseignants sont très différentes. Trois modèles permettent de décrire ces
modalités et d’esquisser ainsi un premier aperçu de l’influence des
enseignants sur la confection de l’emploi du temps.
Dans le premier modèle le chef
d’établissement privilégie les relations individuelles entre lui-même et
chaque enseignant. Dans ce cas, la classique fiche de voeux précise non
seulement les souhaits concernant la répartition des heures de cours dans la
semaine et donc les moments de liberté, mais aussi les voeux portant sur la
composition du service dû par l'enseignant : niveau(x) d’enseignement,
séries, charges spécifiques (professeur principal, enseignement de
l’éducation civique juridique et sociale, participation aux travaux
personnels encadrés…). Dans ce cas de figure, le chef d’établissement décide
seul de la répartition des classes entre les professeurs.
Les autres modèles proposent des
schémas moins bilatéraux. Le chef d’établissement s’appuie alors sur les
équipes disciplinaires. Certes, la fiche de vœux individuelle est toujours
renseignée par chaque enseignant mais la composition des services, voire
l’attribution des heures d’ECJS ou de TPE sont concertées avec l’équipe des
enseignants de chaque discipline. Cette concertation peut prendre deux
formes.
Dans certains établissements on a le
sentiment que le proviseur se décharge de ses prérogatives au profit des
coordonnateurs de chaque discipline, qui, en accord avec leurs collègues,
proposent la composition des services. Les coordonnateurs, dont la
désignation est le fruit d’un compromis entre la volonté du chef
d’établissement et les voeux des groupes disciplinaires, représentent alors
un véritable pouvoir.
Dans d’autres établissements - c’est
le troisième et le plus équilibré des modèles - le proviseur organise par
l’intermédiaire des coordonnateurs la concertation et le dialogue avec les
enseignants, sans pour autant renoncer à ses prérogatives essentielles ;
ainsi peut-il éviter les rentes de situation, reconduites d’année en année,
et inversement l’abandon au dernier arrivé, voire au jeune stagiaire du
service le plus difficile de l’établissement.
Cependant, quel que soit le modèle,
les chefs d’établissements veillent à satisfaire les voeux individuels des
professeurs, ou tout au moins le premier d’entre eux. On peut comprendre
cette stratégie : les proviseurs estiment que la satisfaction des
professeurs est indispensable à la bonne marche du lycée. Certaines
attitudes sont cependant révélatrices de tensions exacerbées : dans tel
établissement les professeurs se réunissent à plusieurs reprises en
assemblée générale dans la première quinzaine de la rentrée afin de vérifier
collectivement que personne n'est brimé ou favorisé par l’emploi du temps et
les modifications de dernière minute. Dans tous les cas, et même quand les
proviseurs font fonctionner intelligemment la concertation avec les équipes
disciplinaires par l’intermédiaire des coordonnateurs, il manque une vision
plus globale des finalités pédagogiques de l’emploi du temps.
On peut donc regretter que les
équipes de direction ne s’appuient pas davantage
sur les coordonnateurs
collectivement réunis. Les récentes réformes des lycées
introduisent en effet des
innovations qui ne relèvent plus uniquement d’un temps scolaire
réparti en heures d’enseignement, et qui nécessitent une approche
transversale. Une
approche plus globale, enfin,
permettrait peut-être aux professeurs de ne plus envisager
seulement les problèmes de
l’emploi du temps comme ceux de l’aménagement de leur
temps personnel.
Autrement dit il serait
indispensable de faire percevoir à l’ensemble des acteurs de l’établissement
comment se posent les problèmes de l’organisation du temps des élèves et
comment ces derniers vivent ce temps. Dans la panoplie des instances du
lycée il manque peut-être un conseil à finalité pédagogique. Il est urgent
qu’il soit institué, comme le prévoit le récent protocole d’accord entre les
ministres et des représentants des chefs d’établissement.
L'emploi du temps : description
Les diversités de l'offre :
D'un établissement à l'autre, nous
l'avons déjà indiqué, les situations peuvent être très différentes. Les
variations qui tiennent à la nature de l'établissement, enseignement
général, technologique, professionnel, celles qui s'expliquent par la
situation géographique, l'existence d'un internat ou la nécessité
d'organiser des transportsscolaires, vont de soi. Plus étonnante sans doute
la diversité au sein d'un même établissement, d'une série à l'autre et à
l'intérieur même d'une série.
Nous partirons d’un exemple : un
élève de seconde d'un grand lycée méditerranéen doit choisir entre trois
langues vivantes 1 (anglais, allemand, russe), cinq langues vivantes
2 (anglais, allemand, espagnol, italien, russe), il n'est pas impossible
qu'il choisisse une troisième langue vivante, ici italien ou russe. Il peut
faire du grec, du latin et même du "latin grand débutant". L'exemple prend
seulement en compte les langues, sans chercher un record ou une situation
extrême : il ne semble pas que dans notre exemple on offre, comme dans un
établissement comparable du département voisin, du "nissart" en option.
Autre exemple : dans une première
litté raire d’un autre lycée, les élèves doivent choisir trois possibilités
sur neuf offertes dans les enseignements obligatoires, une
possibilité sur quatorze offertes pour les options obligatoires, une
possibilité sur dix offertes pour les options facultatives. Une
simple multiplication permet de mesurer le nombre des combinaisons possibles
: elles peuvent dans certains établissements dépasser 200 pour un niveau
donné.
À un tel niveau de complexité, qui
peut lire un emploi du temps ? D'autant plus que les documents disponibles
concernent toujours l'emploi du temps de la classe et que ce document est
une fiction qui additionne ou juxtapose toutes les options possibles. Il a
fallu pour cette enquête reconstituer, souvent malaisément, les emplois du
temps réels d'un certain nombre d'élèves.
La complexité n’est pas seulement un
effet de la diversité de l’offre, elle tient aussi à la multiplication des
séances organisées en petits groupes, d'autant plus nombreuses qu'aux
options et aux traditionnels dédoublements s'ajoutent les modules depuis
plusieurs années déjà et, plus récemment, l'ECJS et les TPE . En conséquence
il n'est pas rare que, dans une classe donnée, les heures en classe entière
soient moins nombreuses que les heures en petits groupes. Cette tendance
pèse très lourdement sur les emplois du temps puisque avec un même nombre
global d'élèves un plus grand nombre de salles est indispensable.
L'architecture des lycées est elle-même assez peu adaptée à ces nouveautés :
sauf exception les salles pour les petits groupes sont rares, les salles
modulables exceptionnelles.
Les conséquences de cette situation
ne sont pas seulement matérielles : la multiplicité des choix, surtout dans
les séries d'enseignement général, provoque donc, d’une part, l'éclatement
du groupe classe. Nous reviendrons sur les conséquences de ce phénomène et
sur les réactions des élèves à cette évolution. Cette fréquence accrue de la
division en groupes explique, d'autre part, l'abondance des "heures de
quinzaine" ; autrement dit, pour un élève donné, certains enseignements ont
lieu une semaine sur deux. Les usagers eux-mêmes ont quelque mal à s'y
retrouver, à ne pas mélanger les semaines A avec les semaines B, à se
souvenir de leur appartenance au groupe 1 ou au groupe 2.
Les évaluateurs n'ont pas rencontré
d'élèves capables de préciser exactement leur nombre hebdomadaire d'heures
de cours. Chaque année ceux qui entrent en classe de seconde ont besoin de
plusieurs semaines pour s'approprier l'emploi du temps. Cette surabondance
de l'offre et l’éclatement conséquent du groupe classe sont d'autant plus
manifestes que le lycée est important; ils sont plus évidents en centre
ville pour les élèves des séries d'enseignement général que pour les élèves
des lycées professionnels qui disposent d'une palette beaucoup plus
restreinte d'options. Leurs emplois du temps sont généralement plus simples
à lire.
L'informatique ne permet pas de
passer du tableau présentant l'emploi du temps global d'une classe aux
emplois du temps réels de chaque élève de cette classe; c'est tout au moins
la réponse qui nous a été faite dans tous les établissements. Il est donc
nécessaire d'effectuer de nombreuses recherches pour établir, par exemple,
l'emploi du temps de l'élève du lycée le plus chargé en heures de cours et,
en regard, celui dont l'emploi du temps serait le plus léger. Certes,
quelques proviseurs adjoints ont su extraire de leur ordinateur des données
qui, en apparence tout au moins, répondaient aux demandes des évaluateurs,
mais s'agit-il véritablement de cas réels ? Les évaluateurs ont le sentiment
que ces indications sont théoriques. Étrangement, seule l'offre proposée par
les établissements est apparente, l'élève, dans son individualité, dans sa
réalité quotidienne, dans son emploi du temps personnel, est introuvable.
Cependant ces difficultés d’analyse
ne doivent pas masquer l’essentiel. La possibilité de composer son temps
scolaire comme un menu à la carte entraîne de considérables disparités.
Ainsi, en lycée d'enseignement général, l'emploi du temps de chaque élève
devrait se situer à l'intérieur d'une fourchette dont on peut estimer
l'amplitude : entre 25,5 heures et 35 heures; dans une même série, et donc
sans doute dans une même classe, l'écart entre l'élève le moins chargé et
l'élève le plus chargé est de 5 à 7 heures. Cet écart, qui ne prend pas en
compte les cas extrêmes, représente
cependant, sur cinq jours,
l'équivalent d'une journée de travail au lycée en plus ou en moins. En lycée
professionnel la variation dépend plus des séries et des temps d’atelier.
L’offre est moins abondante et donc l’amplitude moindre, entre 30 et 35
heures le plus souvent.
À ce moment de l'analyse on peut
donc souligner trois données fortes : l'abondance de l'offre multiplie la
diversité des situations : dans certaines classes les élèves ont tous des
emplois du temps différents ; cette abondance de l'offre ne facilite pas la
lisibilité de l'ensemble, elle explique l'éclatement du groupe classe; enfin
elle ne permet guère de prendre conscience, au sein même des établissements
de la réalité concrète des emplois du temps de chacun des élèves.
On comprend que, dans ces
conditions, il soit bien malaisé de concevoir globalement le temps de
l'élève dans sa diversité. Comment, en particulier, envisager une réelle
"vie scolaire" ? La complexité de l'offre empêche toute gestion globale de
l'emploi du temps des élèves.
L'emploi du temps au fil des
jours et de la semaine :
Le temps de l'élève, ou plutôt les
multiples choix qui lui sont proposés et à partir desquels il compose le
menu qui constitue son emploi du temps, doit nécessairement s'inscrire dans
le temps de l'établissement. Les lycées, en effet, disposent d'un nombre
réel d'heures disponibles qui ne sont pas extensibles indéfiniment .
L'observation de l'échantillon, et une enquête de 1996-1997 portant sur plus
de cent lycées de cinq académies,
permet de préciser le déroulement de la journée et de la semaine des élèves
de lycée.
La première variable porte sur
l'importance des transports scolaires utilisés par plus de la moitié des
élèves des lycées d’enseignement général et technologique (55 %) et des
lycées professionnels (58 %). L'existence des transports scolaires pèse sur
les horaires de début et de fin des cours de la journée. Des corrélations
précises n'ont pu être conduites, mais les transports scolaires expliquent
sans doute en partie les variations de l'heure du premier cours entre 8
heures et 8 heures 30 pour la quasi-totalité des établissements et celles de
la fin du dernier cours de la journée, entre 17 heures et 18 heures, la fin
des cours apparaissant plus tardive en enseignement général qu'en lycée
professionnel. Ainsi, chaque jour de la semaine, si l'on excepte le cas
particulier du mercredi et du samedi, le temps disponible varie entre 8 et
10 heures.
A ce temps théoriquement utilisable
il faut retrancher la durée de la pause de midi, qui, quelles que soient ses
modalités, est brève, entre 1 heure et 1 heure 30. Ainsi les établissements
disposent de quatre jours (lundi, mardi, jeudi et vendredi) pendant lesquels
le nombre d’heures disponibles varie entre 7 et 9, à quoi il faut ajouter 4
heures pour le mercredi matin et, de manière moins générale, 4 heures
également pour le samedi matin. Ainsi, théoriquement tout au moins, le temps
disponible varie, d'un établissement à l'autre, entre 32 et 44 heures. Si
l'on rapporte ces données aux horaires des élèves, qui dépassent souvent 30
heures hebdomadaires, on constate que pour de nombreux établissements les
marges de manoeuvre sont minces et donc la réalisation de l'emploi du temps
très problématique.
Deux possibilités permettent de se
donner quelque latitude : de nombreux établissements, qui disposent d'un
self-service et peuvent étaler sur plusieurs plages horaires le temps du
déjeuner, choisissent de placer les heures d'enseignement en continu de 8
heures à 18 heures, la pause du déjeuner étant située à des moments
différents selon les classes et surtout selon les options de chaque élève.
L'intérêt de cette disposition est techniquement évidente, elle permet un
usage optimal des salles, mais elle ne permet pas de faire de la pause du
déjeuner un temps de détente commun à tous les élèves et à tous les
personnels de l'établissement. L'autre variable importante concerne le
samedi matin : se priver de cette matinée de travail c'est se priver de 10 %
du temps disponible.
À ce moment de l'analyse on peut
distinguer schématiquement deux types d'établissement : le premier est celui
où l'on concentre au maximum les heures de cours sur un emploi du temps
resserré, pour satisfaire les familles, parfois les professeurs, mais aussi
parce que la présence d'un internat incite à libérer le samedi matin, ou
parce que l'importance et la durée des transports scolaires invitent à
commencer plus tard le matin et à finir plus tôt le soir. Alors il ne reste
guère de possibilités pour de réels choix pédagogiques. Il y a ainsi des
établissements où le temps scolaire se réduit pratiquement aux heures
officielles d'enseignement. Dans certains cas même ce souci de resserrement
du temps scolaire frise la caricature : le samedi étant libéré, la pression
porte sur le vendredi après-midi, voire même sur les premières heures du
lundi matin, que les professeurs comme les élèves souhaiteraient évacuer du
temps scolaire.
Ce modèle est plus fréquent dans les
lycées professionnels que dans les lycées d’enseignement général : les
évaluateurs ont ainsi pu constater que des élèves sont absents de chez eux
pendant parfois plus de douze heures, entre le départ du car de ramassage
vers 7 heures du matin jusqu’au retour vers 19 heures. La journée de travail
au lycée atteint alors 8 à 9 heures avec des blocs de travail en atelier
avec le même enseignant qui peuvent aller jusqu’à deux fois quatre heures
dans la même journée. Il est vrai que ces élèves sont libres à partir du
vendredi vers 14 ou 15 heures jusqu’au lundi matin à 9 heures. Ce temps hors
du lycée est alors pour eux un temps exclusivement réservé aux loisirs ou
aux « jobs » des lycéens ; ils ne peuvent imaginer qu’un quelconque travail
soit prévu à la maison, pas plus d’ailleurs que lors d’éventuelles heures de
battement au lycée. Le temps scolaire, défini par des heures de présence au
lycée, est considéré comme le seul temps de travail.
Les lycées professionnels ont
d’autres caractères spécifiques : lors de la
construction de l’emploi du
temps l’enseignement général passe toujours après le
professionnel, cette
situation subalterne, souvent justifiée par les exigences de l’usage
des ateliers ou des salles
spécialisées, explique que l’enseignement général est bien
souvent placé dans les «
trous » de l’emploi du temps. Dans les lycées professionnels,
enfin, on observe des emplois
du temps d’enseignants souvent plus compacts que dans les
lycées d’enseignement général : il n’est pas exceptionnel par exemple, les
évaluateurs peuvent en
témoigner, que le service d’un enseignant tienne tout entier sur
deux jours et demi
consécutifs.
L’autre modèle n’est réalisable que
si les conditions, et en particulier les locaux, sont propices pour une
véritable mise en oeuvre méditée de l’emploi du temps : alors l’équipe de
direction a choisi de ménager du temps pour le centre de documentation et
d’information, pour l’heure de vie de classe, elle a dégagé une heure
commune où personne ne travaille mais pendant laquelle toutes les rencontres
formelles et informelles sont possibles ; elle a réfléchi aussi aux heures
de « temps libre » et organisé parfois des possibilités de travail autonome
dans des petites salles. Comme nous l’avons déjà souvent constaté, dans ce
dernier cas, il s’agit d’une appréhension globale du temps des élèves et non
de la simple répartition d’heures de cours.
Il reste que les modèles rendent
d’autant moins compte de la réalité qu’ils sont nécessairement généraux et
ne rendent pas réellement compte de la diversité des situations . Cette
diversité qui apparaît fortement quand on analyse la vie quotidienne de
chaque élève. Une journée de travail peut en effet comporter entre 4 heures
et parfois plus de 8 heures d'enseignement dans une journée selon les élèves
; l’importance des trous peut varier, sans tenir compte de la pause
du déjeuner, entre 1 et plus de 4 heures dans la semaine.
Depuis les années 1970 et les
tentatives pour dégager 10 % du temps scolaire afin de travailler
autrement, les essais ont été nombreux pour mettre en place une
stratégie de contournement afin d’inciter à utiliser le temps scolaire dans
un contexte autre que les 55 minutes
consacrées exclusivement à une discipline pour un groupe d’élèves déterminé.
Les modules en étaient un premier
exemple puisque la composition des groupes devaient varier tout au long de
l’année, en fonction des difficultés ou des progrès des élèves. Avec l’éducation
civique juridique et sociale un nouveau pas est franchi puisque
l’horaire prévu n’est pas affecté à une discipline et qu’il peut même être
partagé entre plusieurs enseignants ; cet enseignement, d’autre part, n’est
pas nécessairement hebdomadaire mais peut être globalisé.
De même une assez grande liberté est
laissée aux établissements pour mettre en place l’aide individualisée et
l’heure de vie de classe.
Enfin les travaux personnels
encadrés, obligatoires en classe de première depuis la rentrée 2000,
facultatifs en terminale à partir de la rentrée 2001, et les projets
professionnels à caractère pluridisciplinaire en lycée professionnel
vont encore plus loin dans cette incitation à déstructurer le temps scolaire
traditionnel : l’horaire attribué, deux heures hebdomadaires, peut en effet
être librement partagé et utilisé ; il ne concerne pas nécessairement
l’ensemble d’une classe ou même d’un groupe. Les élèves sont invités à
travailler avec les camarades de leur choix, sur un thème qu’ils ont choisi,
dans un lieu qui n’est pas nécessairement la salle de classe et dans un
temps, enfin, qui n’est pas le temps scolaire balisé par l’emploi officiel
du temps.
Comment ces innovations ont-elles
été introduites dans les emplois du temps ? Transforment-elles le temps vécu
des élèves au lycée ?
Les expériences sont peut-être trop
récentes pour que l’on puisse répondre rigoureusement à ces questions ; il
faut aussi tenir compte des conditions matérielles souvent peu favorables,
les locaux en particulier sont mal adaptés ; il faut enfin comprendre que
l’enjeu de ces réformes sur le temps des élèves n’a pas toujours été
suffisamment expliqué. Ceci étant, force est de constater que, dans la
plupart des exemples observés, les solutions les plus frileuses, celles qui
réduisent une innovation à une situation éprouvée, ont été le plus souvent
adoptées.
Comment comprendre autrement, par
exemple, ce couplage presque systématique de l’ECJS avec les modules
d’histoire et de géographie en seconde, couplage qui permet subrepticement
de renforcer les bonnes vieilles habitudes, l’histoire « empruntant » alors
le temps de l’ECJS ? Comment comprendre que ce même enseignement d’ECJS ait
été presque toujours construit comme une heure de quinzaine, le groupe 1
alternant avec le groupe 2, alors même que les instructions officielles
recommandaient de prévoir 2 heures mensuelles afin que l’on puisse organiser
le débat argumenté prévu par les textes ? Comment comprendre enfin que le
temps prévu n’ait pratiquement été jamais partagé entre plusieurs
enseignants ?
Des observations de même nature
pourraient être faites pour l’heure de vie de
classe, qui n’est pas
toujours inscrite dans l’emploi du temps, ou pour les heures d’aide
individualisée, bien souvent
conçues sur le modèle du cours destiné à la classe entière.
Les évaluateurs ont constaté
un peu plus d’imagination dans la mise en place des
TPE et des PPCP; cependant,
un seul des établissements de l’échantillon observé a mis en
place une globalisation annuelle de l’horaire ; rares sont les lycées où la
mise en
place des TPE a été concertée avec
les documentalistes, alors même que les CDI
devenaient un lieu majeur de
cette innovation. La crainte de ne pas savoir où étaient les
élèves, l’incapacité à raisonner hors des cadres éprouvés de la salle de
classe et d’un
horaire régulier revenant
semaine après semaine ont souvent paralysé, aussi bien les
équipes de direction que les
équipes enseignantes.
L’observation de l’évolution des
modules, leur absorption dans le train-train habituel de l’enseignement des
disciplines, peut faire craindre que tous les espoirs mis dans l’ECJS et les
TPE ne fassent long feu. Certes, l’expérience n’est pas encore stabilisée,
le temps est naturellement celui des tâtonnements ; comment cependant ne pas
s’inquiéter du discours que certains élèves ont spontanément ( ?) emprunté à
leurs professeurs : « les TPE, c’est du temps perdu, cela nous
empêche de préparer le baccalauréat… » ; comme si le seul véritable temps
était le bon vieux temps balisé des disciplines, les sacro-saintes 55
minutes de « cours ».
Ce constat ne remet-il pas en cause
la stratégie du contournement, qui a été mise en oeuvre dans la
réforme des lycées ? Certes, les heures traditionnelles sont progressivement
réduites pour laisser place aux innovations, mais intactes dans leur
légitimité elles sont une référence d’autant moins entamée qu’elles
constituent toujours la base du calcul des obligations de service des
professeurs. Ainsi de nombreux enseignants et beaucoup d’élèves
s’arc-boutent sur la défense du bon vieux temps.
Une autre stratégie, plus radicale
peut-être, mais sûrement plus efficace aurait cherché à transformer les
disciplines et leur temps traditionnel de l’intérieur et non à leur
périphérie.
Les réformes n’ont pas été mises en
oeuvre comme relevant d’une autre manière de se saisir du temps scolaire,
mais comme une aggravation de la complexité existante. C’est en tout cas
ainsi qu’elles ont été comprises dans les établissements.
38
Les constats autorisent deux
conclusions étroitement liées l’un à l’autre :
Les établissements apparaissent
encore peu préparés à concevoir de manière globale et inventive le temps des
élèves au lycée. Les équipes de direction reproduisent fidèlement les normes
nationales sauf, paradoxalement, quand les prescriptions qui viennent du
ministère exigent quelque peu d’imagination.
Les évaluateurs ont d’autre part
constaté l’absence de toute réflexion académique portant sur le temps
scolaire ; les projets d’établissement eux-mêmes sont pratiquement toujours
muets sur ce thème.
La seule manière de faire évoluer le
problème serait sans doute de remettre en cause la structure classique du
temps scolaire consacré à l’enseignement des disciplines : annualisation,
crédits horaires globalisés sur un cycle, remise en cause des sacro-saintes
55 minutes.
Mais cette orientation ne peut être
mise en oeuvre que si un peu plus de simplicité accompagne, dans les
prescriptions nationales, les incitations à une plus grande autonomie. Dans
les lycées, l’offre est telle, les possibilités de choix si nombreuses qu’il
est pratiquement impossible de dessiner un projet pédagogique cohérent.
Aujourd’hui, les établissements se contentent de permettre à chacun l'accès
à la totalité des possibilités offertes par le menu. Cette surabondance des
options accroît l’individualisme et le « zapping », elle donne une prime aux
plus habiles. Elle ne permet pas de répondre aux nouveaux besoins des élèves
et de construire avec eux une nouvelle approche du temps scolaire.
ANNEXES
:
1. Membres du Groupe de pilotage
Sciences et techniques industrielles
Anne-Marie BARDI
Sciences physiques et chimiques,
fondamentales et appliquées
Claude BOICHOT
Histoire-Géographie Dominique BORNE
Anglais Daniel CHARBONNIER
Enseignements artistiques Christine
JUPPE-LEBLOND
Education physique et sportive Guy
MALVEZIN
Etablissements et vie scolaire
François PERRET
2. Experts
Françoise SUBERVILLE proviseur du
lycée Jules Ferry à Conflans-
Sainte-Honorine (78700)
Jean-Marie CAPALLERA proviseur du
lycée Blaise Pascal à
Villemomble (93250)
Denis CORDIER proviseur adjoint du
lycée Jean-Jacques
Rousseau à Sarcelles (95200)
3. Etablissements évalués
Académie de CORSE
Lycée Giocante de Casabianca
LEGT Bastia
Lycée Jules Antonini
LP Ajaccio
Académie de DIJON Lycée polyvalent
Lavoisier Le Creusot
Académie de GRENOBLE
Lycée Charles Baudelaire, LEGT Cran-
Gevrier
Lycée Champollion, LEGT Grenoble
Lycée Pablo Neruda, LEGT
St-Martind’Hères
LP Henri Fabre, St-Martin-d’Hères
Académie de la GUADELOUPE
Lycée Baimbridge, LEGT
Pointe-à-Pitre
Académie de LILLE
Lycée Paul Hazard, LEGT Armentières
LP Bouilly, La Bassée
Académie de la MARTINIQUE
Lycée Bellevue, LEGT Fort-de-France
Académie de NICE
Lycée Bristol, LEGT Cannes
Lycée Masséna, LEGT Nice
Lycée Dumont d’Urville, LEGT Toulon
Académie de PARIS
Lycée Racine, LEGT Paris
Lycée Rodin, LEGT Paris
LP Turquetil, Paris
Académie de POITIERS
Lycée Valin, LEGT La Rochelle
Lycée Simone Signoret, LEGT et LP
Bressuire
Lycée Jean Moulin, LEGT Montmorillon
Lycée Les Feuillants, Lycée
Classique privé
Poitiers
Académie de RENNES
Lycée Jean-Baptiste de la Salle, LP
privé
Rennes
Lycée Emile Zola, LEGT Rennes
Lycée Marcelin Berthelot, LEGT et LP
Questembert
Lycée Saint-Charles, LEGT privé
Saint-
Brieuc
Académie de VERSAILLES
Lycée Louis de Broglie, LEGT
Marly-le- Roi
LP Henri Matisse Trappes
Lycée l’Agora, LEGT Puteaux
Lycée Sainte-Marie, LEGT privé
Neuilly
LP Gustave-Eiffel Ermont
LP Romain-Rolland Goussainville
1 Aniko Husti, « La dynamique du temps
scolaire », Hachette Education 1999, page 11.
2 Aniko Husti, « La dynamique du temps
scolaire », Hachette Education 1999, p age 11.
3 Aniko Husti, « La dynamique du temps
scolaire », Hachette Education 1999, page 11.
5 L’analyse des mécanismes de prise de
décision dans la maîtrise de la carte des formations. Rapport IGENIGAENR
– Février 2000-
6 L’accueil des élèves dans les
établissements – Rapport IGEN – MARS 1998.
7 Parmi les lycées visités au cours de
l’enquête, un seul –un lycée privé de l’Ouest- a fondé un réaménagement
horaire sur la réduction de la
séquence d’enseignement de 55 à 50 minutes, en capitalisant les 5
minutes ainsi
dégagées pour de l’aide
personnalisée à l’élève en libre-service ou des ateliers divers.
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