1- L'EMPLOI DU TEMPS DES ÉLEVES AU LYCÉE

Rapport à Monsieur le Ministre de l'Éducation nationale

Rapporteurs : Dominique BORNE, François PERRET Novembre 2001

Temps mobile

A la différence de la question des rythmes scolaires, celle de l’organisation du temps de l’enseignement ne paraît pas avoir retenu l’attention des historiens de l’éducation. Tout se passe comme si le temps scolaire, organisé autour d’unités fixes (l’heure de cours) et de la répétition hebdomadaire d’un même schéma, apparaissait comme une donnée immuable, quasi naturelle, qu’il convient d’accepter comme telle et qui ne serait pas justiciable d’une réflexion particulière. Il est vrai que ce modèle a montré une remarquable permanence en dépit des innombrables réformes qui ont touché le système éducatif français. Une des dimensions les plus périmées de l’enseignement secondaire, écrit Aniko HUSTI, est certainement son utilisation du temps, puisque l’institution éducative a adopté et imposé tout au long de notre siècle le même concept de temps, tout en fixant continuellement des objectifs nouveaux.[1]

[1] 1 Aniko Husti, « La dynamique du temps scolaire », Hachette Education 1999, page 11.

2 Aniko Husti, « La dynamique du temps scolaire », Hachette Education 1999, page 11.

VIDEO : Récits d'expériences en France  et dialogue avec Aniko Husti , André de Peretti, et Guy Berger produit par l'INRP, dans les années 1987, mais qui reste d'une furieuse actualité pour nos établissements scolaires, à l'heure de l'expérimentation pédagogique, article 34, de la Loi de 2005.

A voir et à méditer de toute urgence

1 - Temps mobile-

 2 -  (suite) et Temps et apprentissage

3 -(suite)

4- Débat avec André de Peretti, Guy Berger et Aniko Husti

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à compléter avec

Le temps en éducation: regards multiples, De Carole St-Jarre, Louise Dupuy-Walker, PUQ, 2001 (livre en ligne)

 


2- Rapport sur la grille horaire des enseignements au lycée général et technologique, 2006, IGAEN-IGEN

 

 


 

L'EMPLOI DU TEMPS DES ÉLEVES AU LYCÉE

Rapport à Monsieur le Ministre de l'Éducation nationale

Rapporteurs : Dominique BORNE, François PERRET Novembre 2001

INTRODUCTION

Une enquête sur l’emploi du temps des élèves de lycée et lycée professionnel s’expose à deux risques principaux. Le premier d’entre eux est celui de la singularité absolue de chaque emploi du temps : les situations locales, les contraintes particulières de tous ordres –locaux, équipements, transports scolaires-, la diversité des formations offertes et des choix pédagogiques, les différences de dotation font de chaque emploi du temps de lycée une réalisation parfaitement originale. Et ce qui est vrai pour l’établissement l’est également pour chaque élève : aujourd’hui, avec la multiplication des possibilités de choix (enseignements de détermination, enseignements de spécialité, options diverses), l’emploi du temps d’un lycéen a peu de chances d’être identique à celui de son voisin. La perplexité de certains élèves lorsqu’ils découvrent leur emploi du temps en début d’année illustre bien leur difficulté à repérer leur parcours personnel dans une organisation à géométrie de plus en plus variable. On court donc le risque de ne pouvoir tirer d’enseignements généraux, de conclusions significatives d’une collection de situations singulières.

Le second écueil que ne manque pas de côtoyer une telle étude est celui de la dispersion, tant il est vrai qu’à travers l’observation des emplois du temps, c’est l’ensemble de la vie d’un établissement scolaire que l’on appréhende : son organisation générale bien sûr, mais aussi le projet d’établissement, le pilotage, le style de direction, la qualité des relations humaines. Pour un oeil averti, l’examen sur le grand tableau du proviseur adjoint, quand il existe encore, ou de plus en plus fréquemment sur les écrans d’ordinateur, de l’emploi du temps des classes est révélateur de bien des aspects du fonctionnement général du lycée, dont il est le premier tableau de bord. On sait la valeur symbolique forte de d’emploi du temps dans un établissement scolaire, non seulement parce qu’il règle au quotidien la vie de toute la communauté dans un temps et un espace donnés, mais parce qu’il est l’expression la plus immédiate de la « direction » de l’établissement, à tous les sens du terme, et de l’ordre nécessaire à toute entreprise éducative. Il y avait donc pour les enquêteurs la tentation d’embrasser et d’évaluer la globalité du fonctionnement des lycées visités et donc le danger de se perdre dans un ensemble trop vaste.

La particularité de l’approche retenue tient au fait que l’on s’intéresse ici d’ abord au point de vue des élèves ; c’est le temps vécu par les élèves dont on essaye de rendre compte, le temps réel par opposition au temps légal tel qu’il figure dans les documents officiels. Ceux-ci en effet donnent à voir l’emploi du temps des professeurs (le VS professeur ), l’emploi du temps de la classe (le VS classe ), mais l’emploi du temps des élèves est un objet introuvable, non répertorié. C’est pourquoi ce rapport choisit de partir de choses vues et entendues dans les établissements, et notamment de paroles d’élèves, avant d’analyser les conditions d’élaboration des emplois du temps et d’en décrire les principales caractéristiques.

A la différence de la question des rythmes scolaires, celle de l’organisation du temps de l’enseignement ne paraît pas avoir retenu l’attention des historiens de l’éducation. Tout se passe comme si le temps scolaire, organisé autour d’unités fixes (l’heure de cours) et de la répétition hebdomadaire d’un même schéma, apparaissait comme une donnée immuable, quasi naturelle, qu’il convient d’accepter comme telle et qui ne serait pas justiciable d’une réflexion particulière. Il est vrai que ce modèle a montré une remarquable permanence en dépit des innombrables réformes qui ont touché le système éducatif français. Une des dimensions les plus périmées de l’enseignement secondaire, écrit Aniko HUSTI, est certainement son utilisation du temps, puisque l’institution éducative a adopté et imposé tout au long de notre siècle le même concept de temps, tout en fixant continuellement des objectifs nouveaux.1

A la différence de la question des rythmes scolaires, celle de l’organisation du temps de l’enseignement ne paraît pas avoir retenu l’attention des historiens de l’éducation. Tout se passe comme si le temps scolaire, organisé autour d’unités fixes (l’heure de cours) et de la répétition hebdomadaire d’un même schéma, apparaissait comme une donnée immuable, quasi naturelle, qu’il convient d’accepter comme telle et qui ne serait pas justiciable d’une réflexion particulière. Il est vrai que ce modèle a montré une remarquable permanence en dépit des innombrables réformes qui ont touché le système éducatif français. Une des dimensions les plus périmées de l’enseignement secondaire, écrit Aniko HUSTI, est certainement son utilisation du temps, puisque l’institution éducative a adopté et imposé tout au long de notre siècle le même concept de temps, tout en fixant continuellement des objectifs nouveaux.[1]

 

A la différence de la question des rythmes scolaires, celle de l’organisation du temps de l’enseignement ne paraît pas avoir retenu l’attention des historiens de l’éducation. Tout se passe comme si le temps scolaire, organisé autour d’unités fixes (l’heure de cours) et de la répétition hebdomadaire d’un même schéma, apparaissait comme une donnée immuable, quasi naturelle, qu’il convient d’accepter comme telle et qui ne serait pas justiciable d’une réflexion particulière. Il est vrai que ce modèle a montré une remarquable permanence en dépit des innombrables réformes qui ont touché le système éducatif français. Une des dimensions les plus périmées de l’enseignement secondaire, écrit Aniko HUSTI, est certainement son utilisation du temps, puisque l’institution éducative a adopté et imposé tout au long de notre siècle le même concept de temps, tout en fixant continuellement des objectifs nouveaux.[2]

Chacun sait d’ailleurs que ce modèle, qui associe un professeur, un enseignement, une classe, une heure, plonge ses racines dans un passé très ancien. L’enseignement secondaire français a repris en partie l’organisation des études en vigueur dans les collèges des Jésuites, telle qu’elle avait été fixée dès 1599 dans le « Ratio studiorum ».

Dans ce système ordonné, méthodique, «rationnel», les différents moments d’apprentissage étaient clairement identifiés et répartis dans le temps : leçon, repetitio , disputatio (discussion), concertatio (concours, joute), declamatio … Plus tard, en1887, l’un des hauts lieux de l’école républicaine, le Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson, définit une pédagogie de l’emploi du temps dont l’esprit ne paraît pas très éloigné : Nos élèves ne sont ni des Emile, ni des fils de noble famille ; ce sont des enfants réunis en grand nombre sous la direction d’un seul maître et, dans un système d’éducation en commun, s’il faut faire une place à la liberté, il faut laisser une place plus large encore à la règle. Cette règle consiste à faire une sage répartition des occupations d’un écolier entre les divers moments de la classe : c’est ce qu’on appelle la pédagogie de l’emploi du temps (…) Parlant de l’ordre dans la direction d’une école, on pourrait dire : une heure pour chaque exercice, et chaque exercice à son heure. Cette conception, qui s’est imposée et généralisée à tous les ordres d’enseignement, n’a pas été sérieusement remise en cause malgré les critiques dont elle a pu faire l’objet, notamment dans les années 1980-1990, certains allant jusqu’à lui reprocher d’être le principal obstacle aux évolutions nécessaires de l’Ecole.

 

Au cours des années quatre-vingt, l’accent est mis en effet sur la nécessité d’assouplir un système trop rigide ; une circulaire de 1982 incite à appliquer l’horaire souple, en se référant aux rythmes physiologiques de l’enfant, à son équilibre psychologique. Plusieurs circulaires de rentrée (1984,1985) invitent à ne pas considérer la structure traditionnelle de la classe, ni la durée de la séquence d’enseignement, ni l’organisation classique de la semaine comme des données intangibles. C’est l’époque où l’INRP conduit des expérimentations en collège et en lycée sur le temps mobile, dont les résultats connaîtront un vrai retentissement. Dans le rapport annexé à la loi d’orientation de 1989, l’importance de repenser la politique du temps scolaire est affirmée : L’utilisation du temps scolaire est mal adaptée aux objectifs actuels de la formation parce que les journées de classe sont trop lourdes, les temps morts trop nombreux et la rigidité et l’uniformité dans la gestion pédagogique du temps trop grandes . Particulièrement éclairante à cet égard est la déclaration du conseil national des programmes du 1er octobre 1990, intitulée Parcellisation des enseignements et aménagement du temps scolaire , en ce qu’elle lie la diversification des contenus et des pratiques pédagogiques à de nouvelles conceptions du temps scolaire. Soulignant l’émiettement de enseignements, stigmatisant un saupoudrage qui rend impossible l’approfondissement des connaissances, le CNP prône une logique de globalisation des horaires qui permettrait de faire varier le rythme et la durée des enseignements et de favoriser le travail en commun.

 

Or si ces impulsions ont pu déboucher sur des adaptations de la journée, de la semaine et de l’année à l’école primaire, dans le cadre de ce que l’on appelle improprement l’aménagement des rythmes scolaires, force est de constater qu’elles n’ont pas entamé le socle de l’organisation traditionnelle de l’enseignement secondaire. Ainsi l’institution a procédé par l’adjonction de temps nouveaux qui sont venus se superposer, marginalement, au temps d’enseignement : la vie scolaire , qui postulait qu’il y a une vie dans l’établissement en dehors de l’enseignement lui-même, a occupé les interstices de la journée et de la semaine (le temps de midi, le mercredi après-midi …) qu’elle a tenté de valoriser en y développant des activités éducatives ; les 10 %, les PAE, les projets de toutes sortes ont souvent peiné à acquérir une légitimité réservée aux apprentissages disciplinaires. Les constats des évaluateurs rejoignent bien d’autres observations : en ces temps de consumérisme scolaire qui survalorisent les apprentissages réputés utiles, ce qui n’est pas l’enseignement proprement dit a du mal, dans bien des lycées, à trouver un public, l’attrait du café d’en face contribuant aussi parfois à dévaloriser les activités proposées par le foyer socio-éducatif ou la maison des lycéens.

 

Néanmoins, cette vigueur du modèle traditionnel ne saurait conduire à minorer les évolutions qu’il a connues au cours des dernières années. Il y a bien longtemps déjà que l’emploi du temps prévoit des séquences en demi-classe lorsque les effectifs dépassent certains seuils, permettant ainsi, dans certaines disciplines, des travaux dirigés, des travaux pratiques dans des salles spécialisées ou en atelier. Il s’agit là de configurations qui rendent possibles certaines activités particulières (expérimentation, fabrication etc…) et non de regroupements pédagogiques fondés sur une analyse des besoins des élèves. Tout autre est la logique qui préside à l’apparition relativement récente dans l’organisation scolaire des lycées, de véritables groupes de besoins : les modules, issus de la réforme des lycées du début des années 90, devaient ainsi offrir aux enseignants des espaces de liberté leur permettant d’apporter des réponses adaptées aux besoins d’élèves regroupés en fonction d’un projet. On sait que dans beaucoup de cas les modules n’ont pas rempli cet office et sont devenus de simples occasions de dédoubler la classe. L’inspiration initiale était autre et c’est celle que l’on retrouve dans l’instauration des heures d’aide individualisée en classe de seconde à la rentrée de 1999, ainsi que l’exprime clairement la circulaire de préparation de la rentrée 2000 (13- 01-2000) : Les résultats de l’évaluation d’entrée en seconde, complétés par un entretien individuel entre l’élève et les professeurs, doivent servir de base pour identifier les difficultés propres à chaque élève et ses besoins en aide individualisée.

 

Par ailleurs, la constitution des groupes doit rester flexible et être repensée en fonction des besoins ponctuels ou de la progression de l’élève . En tout état de cause, et quels que soient les dispositifs, la tendance est la même : le système éducatif évolue progressivement vers une plus grande individualisation des enseignements. Aujourd’hui, par exemple, un élève de seconde générale et technologique n’est en classe entière que 16 h 30 par semaine sur les 23 h de tronc commun ; avec LV2 et SES en enseignements de détermination et de l’aide individualisée en mathématiques, 20 h 30 sur 29 h.

 

Mais les innovations pédagogiques introduites par la réforme du lycée et du lycée professionnel (travaux personnels encadrés, projets pluridisciplinaires à caractère professionnel) sont sans doute porteuses d’évolutions plus profondes. Par leur caractère pluridisciplinaire, par les compétences qu’ils visent à développer -autonomie, travail en groupe, recherche documentaire, maîtrise de l’outil informatique et d’internet-, par leur longue durée, par les modalités d’évaluation retenues, ces travaux s’inscrivent dans des temps et des espaces différents de ceux des enseignements traditionnels ;

d’une certaine manière, il font voler en éclats l’opposition entre le temps de la classe et les temps autres , qui est au fondement de l’organisation des établissements scolaires, et dessinent pour l’avenir de nouveaux fonctionnements et de nouveaux rôles pour tous.

 

En matière d’emploi du temps, la particularité de ces travaux tient d’abord au fait que les heures attribuées aux professeurs peuvent faire l’objet d’une globalisation permettant une organisation souple sur l’année scolaire ou bien être intégrées dans l’emploi du temps hebdomadaire de chaque professeur. D’autre part, pour les élèves, le temps de travail effectif en TPE ou PPCP ne recouvre pas nécessairement les plages horaires inscrites dans leur emploi du temps hebdomadaire : ils peuvent être conduits à quitter l’établissement pour mener leurs recherches à l’extérieur à un autre moment qu’à l’horaire prévu à leur emploi du temps (…). Il se peut également que la durée de la sortie dépasse celle qui est prévue à l’emploi du temps habituel (Circulaires des 08/01/2001 et du 05/09/2001). Cette géométrie variable des emplois du temps des élèves et parfois des professeurs n’est évidemment pas nouvelle, mais elle prend ici un tour plus systématique et plus institutionnel. Elle a justifié la publication de textes spécifiques sur l’organisation des TPE et des PPCP qui mettent notamment l’accent sur la nécessité pour les établissements de prévoir les dispositions utiles à une bonne exécution de ces enseignements et de modifier leur règlement intérieur, dans le cadre de leur autonomie. Il était donc tout à fait justifié de chercher à mesurer les conséquences de ces évolutions sur le temps des lycéens d’aujourd’hui, leur temps de travail comme leur temps personnel. C’est l’objet de ce rapport.

 

 

Les initiatives nationales et académiques

 

De nombreuses expériences ont beaucoup perdu, parce qu’elles n’ont pas pensé à changer parallèlement leur utilisation du temps, rappelle Aniko HUSTI[3]. Partageant sans doute cette analyse et consciente que la question de l’emploi du temps est au coeurdes nouveaux dispositifs pédagogiques, l’administration centrale a pris à ce sujet plusieurs initiatives intéressantes.

 

Le thème est abordé dans les textes concernant la réforme des lycées : ainsi des indications utiles sont données sur la place dans l’emploi du temps des heures d’aide individualisée et sur la possibilité de les aligner en barrettes (NS du 18 juin 1999) ; pour les TPE, il est rappelé que le temps-professeur peut faire l’objet d’une globalisation permettant une organisation souple sur l’année scolaire (NS du 25/02/2000). Mais au-delà de ces préconisations à l’efficacité aléatoire, la direction de l’enseignement scolaire a demandé à certaines académies (Lille- Lyon) de mener une réflexion sur la conception d’emplois du temps adaptés aux objectifs de la réforme, en formulant un certain nombre de principes tels que la limitation à sept heures du nombre d’heures d’enseignement par jour ou la nécessaire répartition sur plusieurs jours de l’enseignement d’une même discipline. Des exemples de bonnes solutions ont ensuite été adressés aux recteurs afin de venir en aide aux proviseurs pour mettre en place la rentrée 1999.

 

Sur le même sujet était organisé les 16 et 17 mai 2000 par la DESCO et la DPATE un séminaire national : L’emploi du temps au lycée, un enjeu pédagogique . L’objectif était d’apporter des éléments de réponse à la question suivante : comment organiser un emploi du temps qui favorise la qualité du travail et des enseignants et s’attache à développer les conditions d’un nouveau type de travail au lycée ? Poursuivant sur cette lancée, les deux directions constituaient, au troisième trimestre de l’année scolaire 2000-2001, un groupe national de travail intitulé Nouvelles pratiques pédagogiques, nouvelle gestion de l’espace et du temps . Les premiers travaux de ce groupe ont été publiés à la rentrée 2001 : ils présentent en particulier les résultats d’une enquête menée dans 107 établissements (collèges et lycées), qui mettent en lumière, ainsi que le fait ce rapport, l’absence générale d’une réflexion politique préalable à l’élaboration de l’emploi du temps. Celui-ci apparaît ainsi trop souvent comme la résultante d’un ensemble de contraintes et non comme l’instrument d’un projet d’établissement.

 

Ces initiatives ont-elles été relayées dans les académies ? Guère, à la connaissance des évaluateurs, à quelques exceptions près : dans telle académie d’Ile-de-France, à la suite du séminaire de mai 2000, un réseau d’entraide mutuelle sur l’emploi du temps est mis en place, des personnes ressources sont identifiées ; ailleurs, des organisations intéressantes sont signalées et diffusées. Mais on ne peut pas dire que les académies se soient fortement mobilisées sur ce sujet : peu d’impulsions, peu de publications, peu de stages de formation continue.

 

Par ailleurs, s’il est vrai que la diversité, voire la profusion de l’offre de formation contribue fortement à la complexité des emplois du temps dans les lycées, on doit constater que la plupart des académies portent une part de responsabilité dans cette excessive complexité. La carte académique des formations, notamment des enseignements optionnels, est en effet insuffisamment maîtrisée[4], chaque lycée s’appliquant à offrir la palette d’enseignements la plus large possible dans une logique

de concurrence avec les établissements voisins. Le rôle de régulation donné en la matière aux bassins d’éducation et de formation pourrait permettre une rationalisation nécessaire, qui ne serait pas sans conséquences sur les choix et le temps des élèves.

 

Mais au-delà de cette réflexion et de cette animation conduites par l’administration centrale et, ici ou là, par les académies, le discours institutionnel, répété et cohérent, invite chaque établissement à définir une politique pédagogique, dans le cadre de l’autonomie dont il dispose : relance des projets d’établissement (circulaire de rentrée 1999), mise en place des nouveaux dispositifs de la réforme des lycées, qui suppose une réflexion pédagogique d’ensemble au sein de la communauté scolaire, affirmation forte de la responsabilité pédagogique des personnels de direction (protocole d’accord du 16 septembre 2000), tout concourt en effet à inciter les établissements à investir pleinement les domaines où s’exerce leur autonomie, à commencer par les principes qui régissent l’organisation du temps. On peut légitimement espérer qu’une telle convergence dans le discours et l’impulsion finira par produire des effets.

 

Choses Vues L’occupation des espaces :

Il y a les lycées qui à tout moment de la journée ressemblent à une ruche où se croisent les différents temps des élèves. Cet établissement, par exemple, construit comme une ville avec sa rue principale, ses carrefours, ses lieux de rendez-vous ; ici, les territoires sont occupés, le CDI, la salle informatique, les bancs le long de la « rue » principale sont appropriés par les élèves. Même quand ils ne sont pas dans une salle de classe, ils « emploient leur temps » au lycée. Est-ce si différent, même si l’espace est moins étendu et les lieux spécifiques de rencontre moins nombreux, dans ce lycée du centre ville où les élèves par petits groupes, occupent les marches de l’escalier et même les sièges réservés aux visiteurs devant le bureau du proviseur ? Ou encore dans ce lycée aéré d’une banlieue aisée où les élèves, au printemps, ont quelques difficultés en fin d’après-midi à quitter les pelouses ? Ou encore ces lieux conviviaux où cohabitent des élèves qui terminent un devoir et des élèves qui jouent aux cartes ou écoutent de la musique ?

 

En contraste, et en contraste parfois violent, ces couloirs vides, sans chaleur, ces foyers d’élèves, dégradés ou toujours fermés ; une indifférence à l’espace et à son aménagement qui signale un refus de considérer autre chose que le strict temps scolaire, c’est-à-dire les heures que recensent les emplois du temps. Alors, peu importe que les lieux soient hospitaliers, peu importe, par exemple, l’absence totale de bancs dans les cours, même si le climat est méditerranéen, là, les élèves ont une autre manière d’habiter le lycée qui s’exprime souvent par la fuite.

 

Ce contraste entre deux manières d’occuper les lieux, comme un territoire familier ou en étranger de passage, dépend certes des lieux eux-mêmes, de l’architecture et de l’aménagement des espaces, il dépend encore plus de ceux, équipe de direction, CPE responsables de la vie scolaire, qui en règlent l’usage. Il dépend aussi de la nature de l’établissement : dans l’échantillon observé les élèves des lycées professionnels subissent plus le temps scolaire que les élèves des lycées d’enseignement général et technologique. Il dépend enfin de la situation géographique de l’établissement : il arrive que le café d’en face joue intelligemment le rôle d’annexe. Il arrive aussi, inversement, que l’absence de lieux propices aux rencontres informelles explique la présence des élèves dans tel ou tel établissement a priori peu accueillant.

 

Paroles d’élèves : La vraie vie est ailleurs :

Les activités c’est à l’extérieur - le CDI c’est pas pour nous, on aime pas lire. Mon emploi du temps ? J’emploie mon temps autant que je peux ailleurs qu’au bahut.

On veut finir tôt le vendredi pour pouvoir aller en boîte ; on y va les deux soirs le vendredi et le samedi, c’est mieux le vendredi, c’est gratuit pour les filles et le samedi c’est plein de vieux.

Les profs ils nous donnent trop de travail alors qu’ils savent qu’on doit travailler à l’extérieur.

 

On se plaint, mais tout compte fait on est bien dans le lycée

Le CDI, on se fait jeter ; les TPE, c’est pas bien, ça nous prend du temps de travail ; les profs, ils parlent pendant deux heures sans faire de pause. Mais on est bien dans le lycée.

C’est trop autoritaire ; mais il faut qu’on ait des limites sinon on manque de repères. On nous force à écouter deux heures de suite sans sortir. Mais on nous écoute, surtout l’administration : on est plutôt mieux informés et consultés que les profs.

 

Le temps scolaire est vécu parfois de manière utilitaire et étroite :

En première, avec le bac français, les TPE on a pas le temps.

Le seul temps accepté est l’heure de cours ; encore faut-il qu’elle soit bien située dans la semaine.

Le vendredi après-midi on est déjà un peu en week-end, il faudrait juste nous mettre l’éducation physique mais pas les maths ou les langues.

 

Ainsi les « trous », sont-ils toujours dénoncés :

On déteste les « petits trous » on n’a pas le temps de sortir pour faire quelque chose, tant qu’à faire il vaut mieux des « vrais trous ».

 

Mais disent d’autres élèves :

Quand on a un « trou », on va en ville et si c’est que pour une heure on risque pas de revenir…

 

Paroles de professeurs :

Il est difficile de faire parler des enseignants de l’emploi du temps des élèves. En ont-ils une claire conscience ?

Le nombre total d’heures de cours des élèves de mes classes ? Je ne sais pas. C’est scandaleux, j’ai toutes mes heures de 16 à 18 heures.

Mon emploi du temps est pourri ; je viens tous les jours.

Ce sont les chouchous du proviseur adjoint qui ont de bons emplois du temps.

 

Les seuls propos où se rencontrent, en se contredisant, professeurs et élèves sont les blocs de deux heures :

On a besoin de deux heures à la suite pour faire des devoirs en temps limité…

Globalement, et si l’on met à part quelques débats généraux, portant par exemple sur le samedi matin, l’emploi du temps des élèves ne concerne pas les professeurs. Cette remarque qui peut paraître banale est de grande portée. Elle permet de souligner que les débats sur l’emploi du temps des élèves opposent parfois ces derniers à la direction du lycée; mais, entre cette direction et les enseignants les débats et donc les éventuels conflits portent sur un autre temps. Le temps des enseignants n’est pas le temps des élèves.

 

Cependant l’introduction des modules, et plus récemment des TPE et de l’ECJS, font prendre conscience à certains professeurs des problèmes de l’aménagement du temps scolaire :

Il serait temps de laisser une véritable autonomie aux établissements ! Chez nous par exemple les modules, ça ne marche pas trop mal. On aurait pu nous laisser le temps d’en tirer les enseignements et transférer nos solutions aux autres activités en petits groupes.

 

Mais il ne faut pas généraliser. L’habitude d’obéir à des prescriptions nationales, rigoureusement calibrées, est parfaitement intériorisée ; les revendications d’autonomie sont rares. Pour les professeurs comme pour les élèves l’emploi du temps est subi.

 

Du côté de l’équipe de direction :

Dans des lieux difficiles, on est parfois désabusé :

On dédouble parce que aucun professeur n’est capable de supporter plus de 12 élèves.

On paie les élèves pour qu’ils restent au lycée : pour beaucoup d’élèves

l’inscription sert pour obtenir une couverture sociale, un repas à midi, la carte orange.

 

Mais on rencontre aussi des directions triomphantes :

La nouvelle politique d’aménagement du temps scolaire est une réforme structurelle qui respecte les rythmes de l’adolescent… elle inscrit le lycéen qui a souscrit au CAP (contrat d’activité personnalisé) au coeur de la vie associative, proclame une brochure d’établissement.

Alors qu’une autre (enseignement privé sous contrat) répartit ainsi le temps des élèves :

Un CDI pour travailler, une cour pour s’amuser, une chapelle pour prier.

Certains proviseurs analysent la situation positivement et se félicitent des résultats

de leurs efforts :

Si les élèves restent au lycée c’est en raison de la qualité de la vie scolaire.

 

D’autres, inversement, sont pessimistes :

Les élèves n’ont plus envie de faire quelque chose au lycée.

Ou lucides ?

Les emplois du temps sont faits pour les professeurs, pas pour les élèves.

 

Tous insistent, naturellement, sur la complexité grandissante de la tâche :

Plus on avance, plus c'est compliqué et chaque réforme ajoute des difficultés.

Les modules, l'aide individualisée, les TPE, l'ECJS, les options font que le groupe classe n'existe plus..

 

Et encore :

Avant on déterminait des profils de classe avec des emplois du temps bien étudiés et on remplissait les classes. Maintenant on doit gérer des profils d'élèves ! Le recteur nous a demandé de ne pas faire de classes de moins de quinze élèves.

Comment faire ? Par exemple la section européenne néerlandais se compose de sept élèves répartis dans six classes. Il a donc fallu aligner six classes pour sept élèves...

 

Et pour finir cette remarque qui dit beaucoup :

Le lycée a su s’adapter aux nouveaux élèves mais pas les enseignants ni les enseignements.

Les choses vues, comme les mots entendus, ne dessinent qu'une vision impressionniste de l'emploi du temps des élèves. Ces morceaux de réels permettent cependant d'ouvrir quelques pistes : la diversité des propos dit d'abord l'extrême diversité des situations. L'emploi du temps des élèves n'est pas construit, ni surtout vécu, de la même façon dans un lycée professionnel de banlieue et dans un lycée d’enseignement général d’un quartier aisé de grande ville. A l'intérieur d'un même établissement, l'appréhension de l'emploi du temps varie selon les séries considérées, mais aussi en fonction des acteurs, professeurs, direction, élèves, et il faudrait ajouter parents d'élèves qui n'ont pas la même vision d'un même emploi du temps.

 

La seconde remarque, les impressions qui précèdent permettent de le préciser, concerne directement l'emploi du temps des élèves : soit les élèves rejettent globalement le temps scolaire et n'ont qu'une hâte, fuir ailleurs dans un temps choisi, soit ils "habitent" réellement l'établissement, y vivent à la fois le temps scolaire traditionnel et un autre temps d'activités diverses, de recherches autonomes, de convivialité.

 

Autrement dit, s'il existe encore des lycéens d'autrefois qui s'accommodent des rythmes scolaires traditionnels, plus nombreux sont les nouveaux lycéens qui supportent mal la rigidité et l'ennui... Dans certains établissements, c'est sans doute la minorité, on a compris les besoins nouveaux des élèves, dans les autres on peine à mettre en placeune nouvelle organisation du temps.

 

Élaboration de l’emploi du temps

Le travail du proviseur adjoint :

La tradition qui veut que le proviseur adjoint soit spécifiquement chargé de la confection de l’emploi du temps est très largement respectée. Les seules exceptions constatées sont rares, elles concernent quelques lycées professionnels où les chefs de travaux, parce qu’ils contrôlent l’occupation des ateliers, sont chargés de construire l’ensemble de l’emploi du temps.

 

La charge des proviseurs adjoints est lourde. La mise en oeuvre commence en juillet, après les résultats du baccalauréat et la réinscription des élèves. Selon la taille et la complexité de l’établissement, trois à quatre semaines sont nécessaires. Puis, fin août début septembre, ce sont les derniers ajustements, imposés par les nominations tardives d’enseignants, l’implantation de stagiaires…. Dans quelques établissements les ajustements se font au coup par coup tout au long du mois de septembre. Dans d’autres, l’emploi du temps est considéré comme provisoire pendant deux à trois semaines puis globalement remanié.

 

Quelques proviseurs adjoints, anciens et expérimentés, fabriquent encore euxmêmes, à la main, l’emploi du temps ; quelques-uns se disent déçus par les logiciels spécialisés qui ne permettraient pas de prendre en compte les innombrables paramètres. Mais, l’immense majorité des établissements utilise désormais l’informatique et les proviseurs adjoints en sont globalement satisfaits.

 

L’usage de l’informatique a souvent fait disparaître les deux grands tableaux qui, sur les murs du bureau du proviseur adjoint, symbolisait une de ses fonctions. Sur ces tableaux figuraient, grâce à des bristols de couleur, les enseignants des différentes disciplines d’une part et, d’autre part, l’occupation des salles. Faut-il regretter leur disparition ? L’emploi du temps n’est plus visible dans sa totalité, certains professeurs s’indignent alors de l’opacité volontairement organisée par l’équipe de direction. Mais dans les établissements qui ont réfléchi à la diffusion de l’information et qui ont les moyens de cette diffusion, l’emploi du temps peut être consulté sur écran, au CDI et dans la salle des professeurs. Dans un des établissements évalués l’emploi du temps de chaque enseignant est affiché sur son casier : bel exemple de transparence que certains hésiteraient à généraliser. La transparence en effet, selon les lieux et le style des équipes de direction, favorise les conflits en multipliant les comparaisons jalouses ou les efface parce qu’elle place chacun des acteurs en face des contraintes et des choix qui président à l’élaboration de l’emploi du temps. L’emploi du temps lui-même devrait enfin être plus facilement consultable par tous.

 

Le rôle du conseil d’administration et de l’équipe de direction :

Qui est consulté, en amont, sur la confection de l’emploi du temps ? Le conseil d’administration vote parfois une décision ; dans la totalité des cas ces décisions concernent un aménagement global de la semaine : suppression ou maintien du travail le samedi matin, fin des cours obligatoirement fixé à 17 heures, par exemple. Il est exceptionnel qu’une délibération du conseil d’administration soit consacrée aux options pédagogiques liées à l’emploi du temps. Les parents d’élèves ne sont jamais consultés si ce n’est dans le cadre du conseil d’administration. De même les élèves ne sont jamais consultés ; le conseil des délégués pour la vie lycéenne ne joue aucun rôle en ce domaine. Les responsables de l’établissement écoutent parfois les parents ou les élèves quand ils revendiquent sur tel ou tel aspect de l’emploi du temps, mais cette écoute est a posteriori ; l’emploi du temps ne fait jamais l’objet d’une concertation préalable.

 

L’équipe de direction elle-même est inégalement partie prenante. Le gestionnaire, qui maîtrise les horaires de la cantine et l’aménagement des salles, peut jouer un rôle de facilitation. Il n’est pas toujours suffisamment associé aux décisions et l’on relève parfois quelques tensions entre les logiques gestionnaires et les logiques pédagogiques. Les conseillers principaux d’éducation, de même, sont rarement consultés. Ainsi l’emploi du temps est essentiellement conçu comme la mise en place du temps de l’enseignement.

 

Certes, on observe parfois l’aménagement de plages afin que, par exemple, les élèves de seconde disposent d’un temps spécifique au CDI, mais les heures de vie de classe n’ont pas toujours trouvé leur place dans l’emploi du temps ; la vie scolaire n’est présente que dans les interstices du temps scolaire. Enfin, le proviseur est, sur ce chantier, inégalement actif. Certes, la plus grande partie des chefs d’établissement ont conservé la prérogative, qui leur revient de droit, de définir les services des professeurs,ils l’exercent, nous en reparlerons, solitairement ou en concertation. Mais seuls certains proviseurs considèrent l’emploi du temps comme un outil dynamique permettant de faire vivre le projet d’établissement ; beaucoup d’entre eux insistent au contraire sur l’ampleur des contraintes locales qui, ajoutées aux prescriptions nationales, freinent les initiatives et empêchent la définition d’une politique visible.

 

L’élaboration de l’emploi du temps devrait mobiliser plus collectivement les organes délibératifs et l’équipe de direction et exprimer visiblement le projet de l’établissement.

Les enseignants et l’élaboration de l’emploi du temps :

 

Si une volonté politique d’aménagement raisonné en fonction d’objectifs pédagogiques définis par le CA et mis en oeuvre par l’équipe de direction n’apparaît qu’exceptionnellement dans la phase d’élaboration de l’emploi du temps, les enseignants, toujours consultés, apparaissent comme les interlocuteurs majeurs du proviseur, pour la définition du service, et du proviseur adjoint pour la répartition des heures dans la semaine. Cependant, d’un établissement à l’autre, les modalités de la prise en compte des voeux des enseignants sont très différentes. Trois modèles permettent de décrire ces modalités et d’esquisser ainsi un premier aperçu de l’influence des enseignants sur la confection de l’emploi du temps.

 

Dans le premier modèle le chef d’établissement privilégie les relations individuelles entre lui-même et chaque enseignant. Dans ce cas, la classique fiche de voeux précise non seulement les souhaits concernant la répartition des heures de cours dans la semaine et donc les moments de liberté, mais aussi les voeux portant sur la composition du service dû par l'enseignant : niveau(x) d’enseignement, séries, charges spécifiques (professeur principal, enseignement de l’éducation civique juridique et sociale, participation aux travaux personnels encadrés…). Dans ce cas de figure, le chef d’établissement décide seul de la répartition des classes entre les professeurs.

 

Les autres modèles proposent des schémas moins bilatéraux. Le chef d’établissement s’appuie alors sur les équipes disciplinaires. Certes, la fiche de vœux individuelle est toujours renseignée par chaque enseignant mais la composition des services, voire l’attribution des heures d’ECJS ou de TPE sont concertées avec l’équipe des enseignants de chaque discipline. Cette concertation peut prendre deux formes.

 

Dans certains établissements on a le sentiment que le proviseur se décharge de ses prérogatives au profit des coordonnateurs de chaque discipline, qui, en accord avec leurs collègues, proposent la composition des services. Les coordonnateurs, dont la désignation est le fruit d’un compromis entre la volonté du chef d’établissement et les voeux des groupes disciplinaires, représentent alors un véritable pouvoir.

 

Dans d’autres établissements - c’est le troisième et le plus équilibré des modèles - le proviseur organise par l’intermédiaire des coordonnateurs la concertation et le dialogue avec les enseignants, sans pour autant renoncer à ses prérogatives essentielles ; ainsi peut-il éviter les rentes de situation, reconduites d’année en année, et inversement l’abandon au dernier arrivé, voire au jeune stagiaire du service le plus difficile de l’établissement.

 

Cependant, quel que soit le modèle, les chefs d’établissements veillent à satisfaire les voeux individuels des professeurs, ou tout au moins le premier d’entre eux. On peut comprendre cette stratégie : les proviseurs estiment que la satisfaction des professeurs est indispensable à la bonne marche du lycée. Certaines attitudes sont cependant révélatrices de tensions exacerbées : dans tel établissement les professeurs se réunissent à plusieurs reprises en assemblée générale dans la première quinzaine de la rentrée afin de vérifier collectivement que personne n'est brimé ou favorisé par l’emploi du temps et les modifications de dernière minute. Dans tous les cas, et même quand les proviseurs font fonctionner intelligemment la concertation avec les équipes disciplinaires par l’intermédiaire des coordonnateurs, il manque une vision plus globale des finalités pédagogiques de l’emploi du temps.

 

On peut donc regretter que les équipes de direction ne s’appuient pas davantage sur les coordonnateurs collectivement réunis. Les récentes réformes des lycées introduisent en effet des innovations qui ne relèvent plus uniquement d’un temps scolaire réparti en heures d’enseignement, et qui nécessitent une approche transversale. Une approche plus globale, enfin, permettrait peut-être aux professeurs de ne plus envisager seulement les problèmes de l’emploi du temps comme ceux de l’aménagement de leur temps personnel.

 

 

Autrement dit il serait indispensable de faire percevoir à l’ensemble des acteurs de l’établissement comment se posent les problèmes de l’organisation du temps des élèves et comment ces derniers vivent ce temps. Dans la panoplie des instances du lycée il manque peut-être un conseil à finalité pédagogique. Il est urgent qu’il soit institué, comme le prévoit le récent protocole d’accord entre les ministres et des représentants des chefs d’établissement.

L'emploi du temps : description Les diversités de l'offre :

D'un établissement à l'autre, nous l'avons déjà indiqué, les situations peuvent être très différentes. Les variations qui tiennent à la nature de l'établissement, enseignement général, technologique, professionnel, celles qui s'expliquent par la situation géographique, l'existence d'un internat ou la nécessité d'organiser des transportsscolaires, vont de soi. Plus étonnante sans doute la diversité au sein d'un même établissement, d'une série à l'autre et à l'intérieur même d'une série.

 

Nous partirons d’un exemple : un élève de seconde d'un grand lycée méditerranéen doit choisir entre trois langues vivantes 1 (anglais, allemand, russe), cinq langues vivantes 2 (anglais, allemand, espagnol, italien, russe), il n'est pas impossible qu'il choisisse une troisième langue vivante, ici italien ou russe. Il peut faire du grec, du latin et même du "latin grand débutant". L'exemple prend seulement en compte les langues, sans chercher un record ou une situation extrême : il ne semble pas que dans notre exemple on offre, comme dans un établissement comparable du département voisin, du "nissart" en option.

 

Autre exemple : dans une première litté raire d’un autre lycée, les élèves doivent choisir trois possibilités sur neuf offertes dans les enseignements obligatoires, une possibilité sur quatorze offertes pour les options obligatoires, une possibilité sur dix offertes pour les options facultatives. Une simple multiplication permet de mesurer le nombre des combinaisons possibles : elles peuvent dans certains établissements dépasser 200 pour un niveau donné.

 

À un tel niveau de complexité, qui peut lire un emploi du temps ? D'autant plus que les documents disponibles concernent toujours l'emploi du temps de la classe et que ce document est une fiction qui additionne ou juxtapose toutes les options possibles. Il a fallu pour cette enquête reconstituer, souvent malaisément, les emplois du temps réels d'un certain nombre d'élèves.

 

La complexité n’est pas seulement un effet de la diversité de l’offre, elle tient aussi à la multiplication des séances organisées en petits groupes, d'autant plus nombreuses qu'aux options et aux traditionnels dédoublements s'ajoutent les modules depuis plusieurs années déjà et, plus récemment, l'ECJS et les TPE . En conséquence il n'est pas rare que, dans une classe donnée, les heures en classe entière soient moins nombreuses que les heures en petits groupes. Cette tendance pèse très lourdement sur les emplois du temps puisque avec un même nombre global d'élèves un plus grand nombre de salles est indispensable. L'architecture des lycées est elle-même assez peu adaptée à ces nouveautés : sauf exception les salles pour les petits groupes sont rares, les salles modulables exceptionnelles.

 

Les conséquences de cette situation ne sont pas seulement matérielles : la multiplicité des choix, surtout dans les séries d'enseignement général, provoque donc, d’une part, l'éclatement du groupe classe. Nous reviendrons sur les conséquences de ce phénomène et sur les réactions des élèves à cette évolution. Cette fréquence accrue de la division en groupes explique, d'autre part, l'abondance des "heures de quinzaine" ; autrement dit, pour un élève donné, certains enseignements ont lieu une semaine sur deux. Les usagers eux-mêmes ont quelque mal à s'y retrouver, à ne pas mélanger les semaines A avec les semaines B, à se souvenir de leur appartenance au groupe 1 ou au groupe 2.

 

Les évaluateurs n'ont pas rencontré d'élèves capables de préciser exactement leur nombre hebdomadaire d'heures de cours. Chaque année ceux qui entrent en classe de seconde ont besoin de plusieurs semaines pour s'approprier l'emploi du temps. Cette surabondance de l'offre et l’éclatement conséquent du groupe classe sont d'autant plus manifestes que le lycée est important; ils sont plus évidents en centre ville pour les élèves des séries d'enseignement général que pour les élèves des lycées professionnels qui disposent d'une palette beaucoup plus restreinte d'options. Leurs emplois du temps sont généralement plus simples à lire.

 

L'emploi du temps des élèves est introuvable :

L'informatique ne permet pas de passer du tableau présentant l'emploi du temps global d'une classe aux emplois du temps réels de chaque élève de cette classe; c'est tout au moins la réponse qui nous a été faite dans tous les établissements. Il est donc nécessaire d'effectuer de nombreuses recherches pour établir, par exemple, l'emploi du temps de l'élève du lycée le plus chargé en heures de cours et, en regard, celui dont l'emploi du temps serait le plus léger. Certes, quelques proviseurs adjoints ont su extraire de leur ordinateur des données qui, en apparence tout au moins, répondaient aux demandes des évaluateurs, mais s'agit-il véritablement de cas réels ? Les évaluateurs ont le sentiment que ces indications sont théoriques. Étrangement, seule l'offre proposée par les établissements est apparente, l'élève, dans son individualité, dans sa réalité quotidienne, dans son emploi du temps personnel, est introuvable.

 

Cependant ces difficultés d’analyse ne doivent pas masquer l’essentiel. La possibilité de composer son temps scolaire comme un menu à la carte entraîne de considérables disparités. Ainsi, en lycée d'enseignement général, l'emploi du temps de chaque élève devrait se situer à l'intérieur d'une fourchette dont on peut estimer l'amplitude : entre 25,5 heures et 35 heures; dans une même série, et donc sans doute dans une même classe, l'écart entre l'élève le moins chargé et l'élève le plus chargé est de 5 à 7 heures. Cet écart, qui ne prend pas en compte les cas extrêmes, représente

cependant, sur cinq jours, l'équivalent d'une journée de travail au lycée en plus ou en moins. En lycée professionnel la variation dépend plus des séries et des temps d’atelier. L’offre est moins abondante et donc l’amplitude moindre, entre 30 et 35 heures le plus souvent.

 

À ce moment de l'analyse on peut donc souligner trois données fortes : l'abondance de l'offre multiplie la diversité des situations : dans certaines classes les élèves ont tous des emplois du temps différents ; cette abondance de l'offre ne facilite pas la lisibilité de l'ensemble, elle explique l'éclatement du groupe classe; enfin elle ne permet guère de prendre conscience, au sein même des établissements de la réalité concrète des emplois du temps de chacun des élèves.

 

On comprend que, dans ces conditions, il soit bien malaisé de concevoir globalement le temps de l'élève dans sa diversité. Comment, en particulier, envisager une réelle "vie scolaire" ? La complexité de l'offre empêche toute gestion globale de l'emploi du temps des élèves.

L'emploi du temps au fil des jours et de la semaine :

 

Le temps de l'élève, ou plutôt les multiples choix qui lui sont proposés et à partir desquels il compose le menu qui constitue son emploi du temps, doit nécessairement s'inscrire dans le temps de l'établissement. Les lycées, en effet, disposent d'un nombre réel d'heures disponibles qui ne sont pas extensibles indéfiniment . L'observation de l'échantillon, et une enquête de 1996-1997 portant sur plus de cent lycées de cinq académies[5], permet de préciser le déroulement de la journée et de la semaine des élèves de lycée.

 

La première variable porte sur l'importance des transports scolaires utilisés par plus de la moitié des élèves des lycées d’enseignement général et technologique (55 %) et des lycées professionnels (58 %). L'existence des transports scolaires pèse sur les horaires de début et de fin des cours de la journée. Des corrélations précises n'ont pu être conduites, mais les transports scolaires expliquent sans doute en partie les variations de l'heure du premier cours entre 8 heures et 8 heures 30 pour la quasi-totalité des établissements et celles de la fin du dernier cours de la journée, entre 17 heures et 18 heures, la fin des cours apparaissant plus tardive en enseignement général qu'en lycée professionnel. Ainsi, chaque jour de la semaine, si l'on excepte le cas particulier du mercredi et du samedi, le temps disponible varie entre 8 et 10 heures.

 

A ce temps théoriquement utilisable il faut retrancher la durée de la pause de midi, qui, quelles que soient ses modalités, est brève, entre 1 heure et 1 heure 30. Ainsi les établissements disposent de quatre jours (lundi, mardi, jeudi et vendredi) pendant lesquels le nombre d’heures disponibles varie entre 7 et 9, à quoi il faut ajouter 4 heures pour le mercredi matin et, de manière moins générale, 4 heures également pour le samedi matin. Ainsi, théoriquement tout au moins, le temps disponible varie, d'un établissement à l'autre, entre 32 et 44 heures. Si l'on rapporte ces données aux horaires des élèves, qui dépassent souvent 30 heures hebdomadaires, on constate que pour de nombreux établissements les marges de manoeuvre sont minces et donc la réalisation de l'emploi du temps très problématique.

 

Deux possibilités permettent de se donner quelque latitude : de nombreux établissements, qui disposent d'un self-service et peuvent étaler sur plusieurs plages horaires le temps du déjeuner, choisissent de placer les heures d'enseignement en continu de 8 heures à 18 heures, la pause du déjeuner étant située à des moments différents selon les classes et surtout selon les options de chaque élève. L'intérêt de cette disposition est techniquement évidente, elle permet un usage optimal des salles, mais elle ne permet pas de faire de la pause du déjeuner un temps de détente commun à tous les élèves et à tous les personnels de l'établissement. L'autre variable importante concerne le samedi matin : se priver de cette matinée de travail c'est se priver de 10 % du temps disponible.

 

À ce moment de l'analyse on peut distinguer schématiquement deux types d'établissement : le premier est celui où l'on concentre au maximum les heures de cours sur un emploi du temps resserré, pour satisfaire les familles, parfois les professeurs, mais aussi parce que la présence d'un internat incite à libérer le samedi matin, ou parce que l'importance et la durée des transports scolaires invitent à commencer plus tard le matin et à finir plus tôt le soir. Alors il ne reste guère de possibilités pour de réels choix pédagogiques. Il y a ainsi des établissements où le temps scolaire se réduit pratiquement aux heures officielles d'enseignement. Dans certains cas même ce souci de resserrement du temps scolaire frise la caricature : le samedi étant libéré, la pression porte sur le vendredi après-midi, voire même sur les premières heures du lundi matin, que les professeurs comme les élèves souhaiteraient évacuer du temps scolaire.

 

Ce modèle est plus fréquent dans les lycées professionnels que dans les lycées d’enseignement général : les évaluateurs ont ainsi pu constater que des élèves sont absents de chez eux pendant parfois plus de douze heures, entre le départ du car de ramassage vers 7 heures du matin jusqu’au retour vers 19 heures. La journée de travail au lycée atteint alors 8 à 9 heures avec des blocs de travail en atelier avec le même enseignant qui peuvent aller jusqu’à deux fois quatre heures dans la même journée. Il est vrai que ces élèves sont libres à partir du vendredi vers 14 ou 15 heures jusqu’au lundi matin à 9 heures. Ce temps hors du lycée est alors pour eux un temps exclusivement réservé aux loisirs ou aux « jobs » des lycéens ; ils ne peuvent imaginer qu’un quelconque travail soit prévu à la maison, pas plus d’ailleurs que lors d’éventuelles heures de battement au lycée. Le temps scolaire, défini par des heures de présence au lycée, est considéré comme le seul temps de travail.

 

Les lycées professionnels ont d’autres caractères spécifiques : lors de la construction de l’emploi du temps l’enseignement général passe toujours après le professionnel, cette situation subalterne, souvent justifiée par les exigences de l’usage des ateliers ou des salles spécialisées, explique que l’enseignement général est bien souvent placé dans les « trous » de l’emploi du temps. Dans les lycées professionnels, enfin, on observe des emplois du temps d’enseignants souvent plus compacts que dans les lycées d’enseignement général : il n’est pas exceptionnel par exemple, les évaluateurs peuvent en témoigner, que le service d’un enseignant tienne tout entier sur deux jours et demi consécutifs.

 

L’autre modèle n’est réalisable que si les conditions, et en particulier les locaux, sont propices pour une véritable mise en oeuvre méditée de l’emploi du temps : alors l’équipe de direction a choisi de ménager du temps pour le centre de documentation et d’information, pour l’heure de vie de classe, elle a dégagé une heure commune où personne ne travaille mais pendant laquelle toutes les rencontres formelles et informelles sont possibles ; elle a réfléchi aussi aux heures de « temps libre » et organisé parfois des possibilités de travail autonome dans des petites salles. Comme nous l’avons déjà souvent constaté, dans ce dernier cas, il s’agit d’une appréhension globale du temps des élèves et non de la simple répartition d’heures de cours.

 

Il reste que les modèles rendent d’autant moins compte de la réalité qu’ils sont nécessairement généraux et ne rendent pas réellement compte de la diversité des situations . Cette diversité qui apparaît fortement quand on analyse la vie quotidienne de chaque élève. Une journée de travail peut en effet comporter entre 4 heures et parfois plus de 8 heures d'enseignement dans une journée selon les élèves ; l’importance des trous peut varier, sans tenir compte de la pause du déjeuner, entre 1 et plus de 4 heures dans la semaine.

 

Un nouveau temps scolaire ?

Depuis les années 1970 et les tentatives pour dégager 10 % du temps scolaire afin de travailler autrement, les essais ont été nombreux pour mettre en place une stratégie de contournement afin d’inciter à utiliser le temps scolaire dans un contexte autre que les 55 minutes[6] consacrées exclusivement à une discipline pour un groupe d’élèves déterminé.

 

Les modules en étaient un premier exemple puisque la composition des groupes devaient varier tout au long de l’année, en fonction des difficultés ou des progrès des élèves. Avec l’éducation civique juridique et sociale un nouveau pas est franchi puisque l’horaire prévu n’est pas affecté à une discipline et qu’il peut même être partagé entre plusieurs enseignants ; cet enseignement, d’autre part, n’est pas nécessairement hebdomadaire mais peut être globalisé.

 

De même une assez grande liberté est laissée aux établissements pour mettre en place l’aide individualisée et l’heure de vie de classe.

 

Enfin les travaux personnels encadrés, obligatoires en classe de première depuis la rentrée 2000, facultatifs en terminale à partir de la rentrée 2001, et les projets professionnels à caractère pluridisciplinaire en lycée professionnel vont encore plus loin dans cette incitation à déstructurer le temps scolaire traditionnel : l’horaire attribué, deux heures hebdomadaires, peut en effet être librement partagé et utilisé ; il ne concerne pas nécessairement l’ensemble d’une classe ou même d’un groupe. Les élèves sont invités à travailler avec les camarades de leur choix, sur un thème qu’ils ont choisi, dans un lieu qui n’est pas nécessairement la salle de classe et dans un temps, enfin, qui n’est pas le temps scolaire balisé par l’emploi officiel du temps.

 

Comment ces innovations ont-elles été introduites dans les emplois du temps ? Transforment-elles le temps vécu des élèves au lycée ?

Les expériences sont peut-être trop récentes pour que l’on puisse répondre rigoureusement à ces questions ; il faut aussi tenir compte des conditions matérielles souvent peu favorables, les locaux en particulier sont mal adaptés ; il faut enfin comprendre que l’enjeu de ces réformes sur le temps des élèves n’a pas toujours été suffisamment expliqué. Ceci étant, force est de constater que, dans la plupart des exemples observés, les solutions les plus frileuses, celles qui réduisent une innovation à une situation éprouvée, ont été le plus souvent adoptées.

 

Comment comprendre autrement, par exemple, ce couplage presque systématique de l’ECJS avec les modules d’histoire et de géographie en seconde, couplage qui permet subrepticement de renforcer les bonnes vieilles habitudes, l’histoire « empruntant » alors le temps de l’ECJS ? Comment comprendre que ce même enseignement d’ECJS ait été presque toujours construit comme une heure de quinzaine, le groupe 1 alternant avec le groupe 2, alors même que les instructions officielles recommandaient de prévoir 2 heures mensuelles afin que l’on puisse organiser le débat argumenté prévu par les textes ? Comment comprendre enfin que le temps prévu n’ait pratiquement été jamais partagé entre plusieurs enseignants ?

 

Des observations de même nature pourraient être faites pour l’heure de vie de classe, qui n’est pas toujours inscrite dans l’emploi du temps, ou pour les heures d’aide individualisée, bien souvent conçues sur le modèle du cours destiné à la classe entière. Les évaluateurs ont constaté un peu plus d’imagination dans la mise en place des TPE et des PPCP; cependant, un seul des établissements de l’échantillon observé a mis en place une globalisation annuelle de l’horaire ; rares sont les lycées où la mise en place des TPE a été concertée avec les documentalistes, alors même que les CDI devenaient un lieu majeur de cette innovation. La crainte de ne pas savoir étaient les élèves, l’incapacité à raisonner hors des cadres éprouvés de la salle de classe et d’un horaire régulier revenant semaine après semaine ont souvent paralysé, aussi bien les équipes de direction que les équipes enseignantes.

 

L’observation de l’évolution des modules, leur absorption dans le train-train habituel de l’enseignement des disciplines, peut faire craindre que tous les espoirs mis dans l’ECJS et les TPE ne fassent long feu. Certes, l’expérience n’est pas encore stabilisée, le temps est naturellement celui des tâtonnements ; comment cependant ne pas s’inquiéter du discours que certains élèves ont spontanément ( ?) emprunté à leurs professeurs : « les TPE, c’est du temps perdu, cela nous empêche de préparer le baccalauréat… » ; comme si le seul véritable temps était le bon vieux temps balisé des disciplines, les sacro-saintes 55 minutes de « cours ».

 

Ce constat ne remet-il pas en cause la stratégie du contournement, qui a été mise en oeuvre dans la réforme des lycées ? Certes, les heures traditionnelles sont progressivement réduites pour laisser place aux innovations, mais intactes dans leur légitimité elles sont une référence d’autant moins entamée qu’elles constituent toujours la base du calcul des obligations de service des professeurs. Ainsi de nombreux enseignants et beaucoup d’élèves s’arc-boutent sur la défense du bon vieux temps.

 

Une autre stratégie, plus radicale peut-être, mais sûrement plus efficace aurait cherché à transformer les disciplines et leur temps traditionnel de l’intérieur et non à leur périphérie.

Les réformes n’ont pas été mises en oeuvre comme relevant d’une autre manière de se saisir du temps scolaire, mais comme une aggravation de la complexité existante. C’est en tout cas ainsi qu’elles ont été comprises dans les établissements.

38

Les constats autorisent deux conclusions étroitement liées l’un à l’autre :

 

Les établissements apparaissent encore peu préparés à concevoir de manière globale et inventive le temps des élèves au lycée. Les équipes de direction reproduisent fidèlement les normes nationales sauf, paradoxalement, quand les prescriptions qui viennent du ministère exigent quelque peu d’imagination.

Les évaluateurs ont d’autre part constaté l’absence de toute réflexion académique portant sur le temps scolaire ; les projets d’établissement eux-mêmes sont pratiquement toujours muets sur ce thème.

 

La seule manière de faire évoluer le problème serait sans doute de remettre en cause la structure classique du temps scolaire consacré à l’enseignement des disciplines : annualisation, crédits horaires globalisés sur un cycle, remise en cause des sacro-saintes 55 minutes.

 

Mais cette orientation ne peut être mise en oeuvre que si un peu plus de simplicité accompagne, dans les prescriptions nationales, les incitations à une plus grande autonomie. Dans les lycées, l’offre est telle, les possibilités de choix si nombreuses qu’il est pratiquement impossible de dessiner un projet pédagogique cohérent. Aujourd’hui, les établissements se contentent de permettre à chacun l'accès à la totalité des possibilités offertes par le menu. Cette surabondance des options accroît l’individualisme et le « zapping », elle donne une prime aux plus habiles. Elle ne permet pas de répondre aux nouveaux besoins des élèves et de construire avec eux une nouvelle approche du temps scolaire.

 


 

ANNEXES :

1. Membres du Groupe de pilotage

Sciences et techniques industrielles Anne-Marie BARDI

Sciences physiques et chimiques,

fondamentales et appliquées

Claude BOICHOT

Histoire-Géographie Dominique BORNE

Anglais Daniel CHARBONNIER

Enseignements artistiques Christine JUPPE-LEBLOND

Education physique et sportive Guy MALVEZIN

Etablissements et vie scolaire François PERRET

 

2. Experts

Françoise SUBERVILLE proviseur du lycée Jules Ferry à Conflans-

Sainte-Honorine (78700)

Jean-Marie CAPALLERA proviseur du lycée Blaise Pascal à

Villemomble (93250)

Denis CORDIER proviseur adjoint du lycée Jean-Jacques

Rousseau à Sarcelles (95200)

 

3. Etablissements évalués

Académie de CORSE

Lycée Giocante de Casabianca

LEGT Bastia

Lycée Jules Antonini

LP Ajaccio

Académie de DIJON Lycée polyvalent Lavoisier Le Creusot

Académie de GRENOBLE

Lycée Charles Baudelaire, LEGT Cran-

Gevrier

Lycée Champollion, LEGT Grenoble

Lycée Pablo Neruda, LEGT St-Martind’Hères

LP Henri Fabre, St-Martin-d’Hères

Académie de la GUADELOUPE

Lycée Baimbridge, LEGT Pointe-à-Pitre

Académie de LILLE

Lycée Paul Hazard, LEGT Armentières

LP Bouilly, La Bassée

Académie de la MARTINIQUE

Lycée Bellevue, LEGT Fort-de-France

Académie de NICE

Lycée Bristol, LEGT Cannes

Lycée Masséna, LEGT Nice

Lycée Dumont d’Urville, LEGT Toulon

Académie de PARIS

Lycée Racine, LEGT Paris

Lycée Rodin, LEGT Paris

LP Turquetil, Paris

Académie de POITIERS

Lycée Valin, LEGT La Rochelle

Lycée Simone Signoret, LEGT et LP

Bressuire

Lycée Jean Moulin, LEGT Montmorillon

Lycée Les Feuillants, Lycée Classique privé

Poitiers

Académie de RENNES

Lycée Jean-Baptiste de la Salle, LP privé

Rennes

Lycée Emile Zola, LEGT Rennes

Lycée Marcelin Berthelot, LEGT et LP

Questembert

Lycée Saint-Charles, LEGT privé Saint-

Brieuc

Académie de VERSAILLES

Lycée Louis de Broglie, LEGT Marly-le- Roi

LP Henri Matisse Trappes

Lycée l’Agora, LEGT Puteaux

Lycée Sainte-Marie, LEGT privé Neuilly

LP Gustave-Eiffel Ermont

LP Romain-Rolland Goussainville


 


[1] 1 Aniko Husti, « La dynamique du temps scolaire », Hachette Education 1999, page 11.

2 Aniko Husti, « La dynamique du temps scolaire », Hachette Education 1999, p age 11.

 

[2] 3 Aniko Husti, « La dynamique du temps scolaire », Hachette Education 1999, page 11.

 

[3] 4 Ouvrage cité, page 57

 

[4] 5 L’analyse des mécanismes de prise de décision dans la maîtrise de la carte des formations. Rapport IGENIGAENR – Février 2000-

 

[5] 6 L’accueil des élèves dans les établissements – Rapport IGEN – MARS 1998.

 

[6] 7 Parmi les lycées visités au cours de l’enquête, un seul –un lycée privé de l’Ouest- a fondé un réaménagement horaire sur la réduction de la séquence d’enseignement de 55 à 50 minutes, en capitalisant les 5 minutes ainsi dégagées pour de l’aide personnalisée à l’élève en libre-service ou des ateliers divers.

 

 

 

 

concept :François Muller @ 1998-2009

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