Chapitre 19
Analyser les ressources des élèves
"Ils ne sont pas motivés", "ils ne savent plus travailler", "ils sont angoissés par l’examen". Ce sont des propos relativement fréquents échangés entre collègues, parfois même dans le lieu solennel du conseil de classe. Ils ont en commun de se limiter à un constat de difficulté, voire de blocage, mais plus rarement, on se donne les moyens d’en faire une analyse plus fine, et d’envisager des pistes de résolutions. Comment développer avec les élèves leurs ressources propres à mieux gérer les situations scolaires ? Une chose est sûre : cela ne peut venir que d’eux, mais vous avez la faculté de les y aider.
Passer d’un constat d’incompétence à l’analyse de ressources à mobiliser
La séance de dissection du batracien n’a pas été une réussite avec les 5ème D : des scalpels baladeurs, la petite Noémie qui est tombée dans les pommes… ils ont été incapables de faire le lien avec le cours sur la respiration de la semaine dernière.
Faire le constat d’une situation où les élèves n’y arrivent pas revient à évaluer une incompétence partagée, entre les élèves et vous-même ; il importe donc de préciser les composantes nombreuses qui entrent en jeu dans la réalisation d’une tâche et au final, dans la fabrication d’une compétence. Ces composantes, on peut les nommer « ressources » au sens générique du terme, des éléments sur lesquels l’élève s’appuie pour conduire une action.
La compétence, c’est une combinaison de ressources variées
Savons-nous plus précisément déterminer quelles ressources à développer pour faire bouger la situation. S’agit-il :
De connaissances théoriques : savoir comprendre, savoir interpréter par exemple le système respiratoire ou la reproduction des batraciens
De connaissances sur l’environnement : savoir s’adapter à la situation de travail sur une paillasse en sciences, connaître les mesures de sécurité
De savoir-faire opérationnels : savoir opérer le batracien, définir un protocole expérimental
De savoir-faire sociaux : savoir échanger avec son camarade de paillasse et communiquer des informations
De savoir-faire cognitifs : savoir nommer ce que l’on observe, raisonner par analogie avec ce qui est déjà connu.
De ressources émotionnelles : maîtriser son trac, prendre sur soi, distancier
De ressources physiologiques : gérer son énergie et son hypoglycémie à 11 heures du matin.
D’emblée, la place des savoirs (connaissances théoriques sur l’environnement, savoir-faire) est paradoxale : elle est première, mais insuffisante pour expliquer la difficulté. D’autres types de savoirs et de savoir-faire sont à l’œuvre. La question est alors : sont-ils étudiés dans le temps de classe, si oui, suffisamment longtemps ou alors faut-il que l’élève les acquiert autrement ?
Travailler ensemble sur les différents types de ressources
Le tableau clinique est complexe, mais la prescription sera très différente selon l’analyse que vous en faites, selon les ressources que les élèves savent déjà mobiliser. Cette analyse, vous pouvez aussi la faire collectivement en posant le problème à la classe. Changer cette situation, cela suggère de votre part, par exemple, de :
Faire un rappel théorique rapide sur la respiration pour remiser en « mémoire vive » les contenus et aller plus loin
Faire expliciter à nouveau les mesures de sécurité et de prévention des risques en situation
Élaborer ensemble le protocole expérimental à partir d’une expérience antérieure récente
Fixer les attentes précises pour chaque binôme, donner à chacun un rôle (observateur, consignateur)
Organiser régulièrement un « temps mort » où chaque binôme dira ce qu’il observe ; la procédure de reconnaissance et de réinvestissement des connaissances vient alors très vite.
Organiser au début du cours un bref temps de relaxation, certains enseignants ont recours même à des techniques issues de la sophrologie, pour faire prendre de la distance aux élèves et relativiser "l’horreur" de la dissection ;
Si elle peut susciter des émotions, déplacer l’expérience sur un autre créneau horaire ; mieux, afin d’éviter les crises d’hypoglycémie, faire du sujet « petit déjeuner » un support de cours débattu, argumentatif avec prises de résolution. Le besoin physiologique est premier, avant même le besoin d’assurance et de reconnaissance. (Sur la hiérarchie des besoins, voir « assurer la sécurité », .
Quand nous portons donc une évaluation sur une compétence, il s’agira d’analyser les ressources au travail et l’objet de l’évaluation. On reconnaîtra qu'une personne sait agir avec compétence si elle sait combiner et mobiliser un ensemble de ressources pertinentes, en situation.
Comment aider l'élève à mobiliser ses ressources
"Kevin n’est pas motivé ; je n’y peux rien. " | Le savoir ne s’impose pas à l’élève dans sa lumière irradiante ; il requiert une part active de l’élève, une véritable mobilisation qu’il vous faut solliciter en travaillant sur ce qui reste votre domaine : l’environnement et le contexte scolaire des apprentissages[1]. Avant même les questions d’ordre matériel, ce sont d’abord des facteurs d’ordre psycho-sociologique : l’attention, les automatismes, la mémoire, l’émotion ; et des éléments sur lesquels vous intervenez forcément : la comparaison sociale, la présentation des exercices. |
Capter, maintenir l'attention
L’attention permet de contrôler l’activité. Tout traitement de l’information réclame une plus ou moins grande capacité d’attention ; celle-ci peut se représenter comme un capital limité ; elle peut s’appliquer sur plusieurs objets, mais selon des degrés variables, un peu comme un fonctionnement en parallèle (dans un montage électrique). Elle est orientée sur trois types d’objets :
La tâche du problème à résoudre
"Madame, c’est trop difficile !" Il est possible que celui qui s'exclame ainsi ait raison et qu’il y a « surcharge cognitive » ; vous avez fixé trop haut le niveau de difficulté et le volume de savoirs. Il faut prévoir une étape ou du temps en plus. Dès que vous abordez une nouvelle notion ou un niveau de complexité plus élevé que le simple recopiage, pensez à ne pas laisser les élèves tout seuls, face à leur propre insuffisance. Psychologiquement, c’est très dur à assumer. Dans ce cas, le travail régulier en binôme est intéressant car l’un étaye l’autre dans la réflexion, le questionnement, les ressources. L’impasse est moins fréquente.
Les éléments périphériques à la tâche
"C’est toujours la galère pour les mettre au travail. Perte de temps considérable." | Traîner les pattes c’est, chez les adolescents, la marque d’une certaine lascivité ou nonchalance. L’engagement dans l’activité n’est jamais spontané. Plus la résistance est partagée dans le groupe, plus vous allez vous épuiser à assumer seul les tâches et responsabilités diverses nécessaires à la conduite de l’activité. |
Donc, partagez les tâches, répartissez les rôles (tournants), ritualisez la mise au travail ; automatisez la mise en espace ; ce sont des procédures qui se mettent en place dès le début de l’année et pourront se répéter toutes les fois que cela est nécessaire. (Sur la mise en rôles, voir « mettre en groupe », sur la mise en espace, voir « faire une conférence », ).
La focalisation sur soi
"J’ai un élève littéralement bloqué quand je l’interroge". | C’est une tendance naturelle chez l’adolescent, renforcée chez certains élèves ; votre interrogation externe les renvoie à un vide intersidéral, plus rien n’existe ; vous renforcez de fait involontairement un blocage. Il s’agit de trouver une stratégie qui vous permette de vérifier ce que vous voulez vérifier sans donner une « publicité » à votre geste et à la non-réponse de l’élève. Lui signifier que vous avez bien vu, qu’il y a des progrès, l’encourager. Ce sera un premier pas de part et d’autre. |
Développer des automatismes dans des apprentissages fondamentaux
"Mariette a l’air de réinventer la multiplication à chaque fois qu'elle calcule. Elle met trois fois plus de temps que les autres". | L’opération automatique permet de traiter beaucoup sans mobiliser l’attention, ou tout au moins de libérer une partie de ce capital d'attention pour le consacrer à des objets plus complexes. Il est donc stratégique d’automatiser tout ce qui peut l’être. Discutez avec Mariette, après le cours, et proposez-lui fermement un programme de révision intensive des tables de multiplication, en ayant vérifié et testé avec elle "comment" elle apprend. Proposez un calendrier, des étapes, une auto-vérification. Puis, à tout moment, même les plus inopportuns, ravivez les savoirs, "7 x 8 = ?". Ce pourra être le cas pour des définitions de concept, par exemple : "un carte, c’est…. en cinq points". Le "par cœur" est une forme privilégiée de l’automatisation. Ce n’est pas rétrograde, c’est tout simplement une des modalités de l’apprentissage, et elle est efficace voire nécessaire dans certains cas. |
Activer tous les types de mémoire
"Quand je prends les élèves en début d’année, j’ai l’impression qu’ils ont tout oublié." | La mémoire est une structure complexe qui stocke de l’information. Les recherches neuro-physiologiques ont démontré l’existence de plusieurs types de mémoires , à savoir la mémoire à long terme, la mémoire de travail, la mémoire de soi. |
La mémoire à long terme stocke des informations permanentes, des automatismes encodés : ce sont des savoirs ancrés, mais aussi des représentations héritées, justes ou parfois erronées. D’où l’importance de faire appel à ces représentations, pour les « ré-encoder », par exemple, au niveau du CM, le système de reproduction chez l’Homme La surprise est toujours au rendez-vous (où l’on voit le nombril jouer un nouveau rôle…) Il faut faire avec ; ou comme le signale Meirieu, partir des représentations pour en partir (voir « travailler sur les représentations », cf. ci-dessous).
Elle peut réactiver quelques éléments de la mémoire à long terme ; comme un ordinateur, c’est l’équivalent de la mémoire vive. Rien ne vous assure qu’une bonne réponse sera reproductible une semaine après.
Le début d’année est toujours délicat car vous devez retisser des liens distendus ou qui n’ont jamais existé selon les cas. Votre questionnement aura beaucoup plus d’efficacité s’il porte non seulement sur des contenus propres, mais aussi sur les éléments du contexte : « quand tu as étudié, il y a quatre mois, la division, c’était avec qui ? Comment l’as-tu étudiée ? Comment tu as posé l’opération, tu faisais quoi alors ? ». (Sur la technique de l’entretien d’explicitation, voir « chercher »)
De même, la confrontation des expériences individuelles permet de réactiver la mémoire de travail. Si on file la métaphore informatique, il faut prendre le temps de « décompresser les fichiers ». Faites par exemple passer au tableau deux élèves en même temps pour comparer collectivement deux stratégies de résolution de problème. Discutez après.
La mémoire de soi : autobiographique, elle emmagasine des représentations de soi, positives ou négatives, des éléments de connaissances de ses propres ressources. Dans le cas d’élèves en grande difficulté, elle peut occuper toute l’attention au détriment de l’activité que vous proposez, c’est le cas d’un élève qui « rumine » un conflit intérieur, avec des attitudes presque autistiques. Il vous importe alors de bien situer le niveau de problème : sont-ce des difficultés spécifiques d’un élève en situation scolaire ou bien un élève en échec scolaire ? Selon les cas, votre intervention sera différente. (voir le tableau de synthèse à ce sujet, « analyser des besoins »).
Maîtriser les émotions
"Trois filles manifestent des troubles psycho-somatiques visibles lors des contrôle Pas moyen de les ré-assurer. Elles font des contre-performances." | Qu'est-ce qui souvent va faire la différence entre deux candidats de même niveau à un concours ? La maîtrise des émotions. L'un aura abordé sereinement l'épreuve rassemblant efficacement ses connaissances, tandis que l'autre, envahi par le trac, aura constaté, le sujet à peine distribué, qu'il ne savait plus rien. Vous avez sans doute devant vous, ces futurs candidats malheureux. Ce sont même souvent de bons élèves, montrant ainsi qu'il ne s'agit pas d'un problème de connaissances. Que faire alors pour les aider ? Vous pouvez explorer deux pistes : cherchez avec eux ce qui les paralyse et surveillez l'environnement. |
Apprendre à gérer le temps. Si le stress n'est pas provoqué par une absence de connaissances, il provient sans doute d'une difficulté à travailler en temps limité. Il est vrai que cet exercice est assez peu préparé en classe, alors qu’il est souvent pratiqué. On le constate dans les passations de consignes des évaluations CE2 où des exercices de rédactions doivent être réalisés en temps limité : cette simple consigne n’a jamais fait l’objet d’un apprentissage antérieur. Pour remédier à ce problème, il faut être clair avec les élèves : soit vous estimez que l’essentiel est un exercice terminé ; soit vous considérez que le travail en temps limité est la preuve d’une compétence, et vous devez les préparer à ce type d’exercice auparavant. Quelques entraînements réguliers, à échelle réduite avec estimation de temps (trois minutes pour tel type d’exercice) doivent permettre de libérer les capacités de ces élèves. Question d’entraînement sur la durée.
Sécuriser l'environnement. Et si le stress de ces élèves venait aussi tout simplement des conditions de travail dans la classe ? Leurs voisins par exemple n'ont jamais leur matériel et leur "empruntent" constamment et, à la longue, elles ne peuvent plus travailler. L’environnement scolaire n’est plus sécurisant et bloque toute autre performance. C’est de votre ressort de re-préciser les règles et ré-affirmer la sécurité de tout un chacun dans le cadre de la classe. Vous pouvez même faire inscrire dans une fiche d’auto-évaluation le critère "avoir son propre matériel" (Voir « assurer la sécurité »).
Méfiez-vous de La comparaison sociale
La comparaison sociale, c’est la tendance naturelle de tout individu dans un groupe à se situer par rapport à ses pairs. Une tendance amplifiée lorsque vous soulignez la réussite d'un élève, signalant ainsi par défaut l’échec ou l’absence de réussites des autres. L’École est saturée de ce type de situations… (Sur la comparaison sociale, ses pratiques et ses effets, voir « diriger une séance »,).
Impossible de faire passer Mounir au tableau sans qu’il fasse le pitre. | Spontanément, dans un groupe, l’élève a tendance se comparer à un pair légèrement meilleur, à un leader, dans un processus d’identification positive, cela permet dans le même temps de se construire. La motivation intrinsèque peut naître de cette rencontre. Cependant, la comparaison peut être contre-productive dans le cas d’un élève en échec scolaire plongé dans un espace scolaire qui lui rappelle à tout moment son état. |
Changer de rôle ou de statut pour Mounir ne pourra se faire en totale visibilité sous peine de « perdre la face », ce sera soit lui, soit vous. Le problème doit se traiter dans un premier temps hors le champ de comparaison sociale, en entretien privé, peut-être en organisant un suivi de type « tutorat ». On peut compter sur une évolution de son attitude de travail dans les deux à trois mois.
Sur le tutorat et ses pratiques, voir « guider le travail personnel »
En aide individualisée, j’ai beau encourager les quatre élèves, ils ne se voient pas en situation de réussite. | Toute situation scolaire rappelle en mémoire des comparaisons antérieures, à soi (des expériences par rapport à une performance antérieure). Des élèves au parcours scolaire déjà heurtés se voient encore relégués dans un dispositif (un de plus) de remédiation-réparation comme l’Education nationale sait en inventer. Non seulement, ils n’en perçoivent plus le sens, mais ils ne donnent pas l’autorisation d’atteindre les objectifs que vous leur assignez. Faites en sorte d’une part que ce dispositif soit temporaire de sorte à permettre un roulement ouvert à tous ; ouvrez le travail en jouant sur les interactions dans le groupe, ce n’est pas un préceptorat. D’autre part partez de points acquis, positifs pour aller vers plus de complexité. |
La présentation des exercices
"Dès que j’annonce « géométrie », les têtes se courbent." | Les élèves n’arrivent pas « neufs » dans un cours ; ils portent parfois lourdement des expériences de ratage ou des représentations véhiculées par l’imaginaire scolaire. Il existe bel et bien des potentiels de sympathie a priori pour telle ou telle discipline. La géométrie, c’est pas le cas ! |
Habiller la tâche. Une expérience a été menée avec des élèves de 5ème ; une même tâche a été présentée à deux groupes : mémorisez une figure complexe (figure de Rey) en une minute, puis la retracez de mémoire.
A un groupe, c’était présenté comme un exercice de géométrie mathématique, à l’autre, comme un exercice d’arts plastiques. Les scores les plus élevés sont produits par le second groupe, particulièrement par les élèves dits faibles. L’habillage de la tâche a donc un effet certain sur les performances des élèves. Elle permet de réduire les résistances ou les blocages de vécus difficiles et de mobiliser les ressources intellectuelles. |
"A quoi ça sert ?"
« Cette année, c’est la veuve sicilienne, icône énigmatique de je ne sais quel deuil qui m’a demandé : « à quoi ça sert de… ? » j’ai répondu simplement en regardant mon seul allié, le lecteur : « à quoi ça sert de ne pas avoir lu Nigel Barley ? » La question retournée, même sous cette forme improbable, a rempli son office, reçue dans un silence perplexe. » C’est peut-être ça la bonne réponse, définitivement. A quoi ça sert de ne pas savoir ? »
De Marivaux et du loft, petites leçons de littérature au lycée, Catherine Henri, éd. POL, 2003, p.47. |
La motivation, c’est la mobilisation de ses propres ressources
La motivation scolaire est rare en soi : elle est un processus qui se construit à partir de ses propres ressources, en interaction avec la situation de la classe. C’est une dynamique qui puise dans les perceptions qu'un élève a de lui-même et de son environnement et qui l'incite à choisir une activité, à s'y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d'atteindre un but."[2] Pour qu'un élève soit motivé, il faut qu'il valorise l'apprentissage et ait envie de progresser, qu'il évalue sa propre compétence, qu'il soit convaincu que ses méthodes sont efficaces. Trois points sur lesquels vous pouvez intervenir et l'aider.
Il faut que l’élève sache à « quoi çà sert »
Les buts sociaux (envie d'être intégré dans le groupe-classe) ne suffisent pas. Il faut aussi que l'élève ait des buts scolaires : envie de progresser (buts d'apprentissage) ou envie d'être reconnu, félicité (buts de performance).
L'apprentissage doit être valorisé par l'élève pour acquérir des connaissances.
Renoncez à tout évaluer. Travailler sous le joug d’une observation de type couperet est intenable ; personne n’y résiste. Par comparaison, pensez à votre dernière inspection.
Valorisez le droit à l'erreur en reprenant le concept sportif de l’entraînement : un athlète s’entraîne, régulièrement, fait parfois des contre-performances, mais fait la performance une fois aux Jeux.
Acceptez les performances collectives, "on n’apprend pas tout seul", disait une équipe de recherche de l’INRP (CRESAS). (voir « négocier des contrats d’étude »).
Inscrivez, manifestez, communiquez aux élèves sur leurs progrès en fonction d’une finalité proche ou plus lointaine (fin de trimestre, projet d’orientation, exposition…). Vous êtes le "supporter" de vos élèves.
L'évaluation de sa propre compétence
« Certains se surévaluent, d’autres se sous-évaluent systématiquement. Ca ne fonctionne pas". | La perception de l’élève de ses compétences à accomplir ses différents travaux puise à plusieurs sources : ses propres performances antérieures, l'observation et l'exécution d'une activité par d'autres personnes, ses capacités mêmes physiologiques et émotives, mais aussi la persuasion extérieure. Et c'est là que vous pouvez intervenir. |
Montrez et analysez avec les élèves le plus souvent possible des cahiers et copies pour que chacun prenne la mesure de sa propre capacité à atteindre l’objectif, ce dont il doute toujours.
Toute parole ou acte de votre part influe fortement l'opinion de l'enfant, qu’il le reconnaisse ou non, que vous en soyez conscient ou non. Travaillez alors vos interventions en positivant systématiquement, en ouvrant le plus possible le dialogue. Ce sera peut être difficile au début, mais ce sera aussi plus performant qu’un rappel aux seules difficultés qui enferment l’élève irrémédiablement. Vous jouez avec un effet « Pygmalion ».
Pygmalion en pédagogie
Pygmalion trouvait son image reflétée dans l’eau tellement belle qu’il s’y noya. En pédagogie, on parle d’effet Pygmalion quand l’élève arrive à se conformer à l’image que le maître lui renvoie, de manière explicite ou le plus souvent implicite. D’où l’importance d’exprimer une attente positive, l’élève se comporte en véritable « réacteur ». |
Compte tenu de la difficulté de percevoir sa propre compétence, élaborez avec vos élèves des outils d'auto-évaluation appropriés. En la matière, il n'est pas évident que vos critères soient d’emblée les leurs, d’où des distorsions constatées. Il faut s’attarder plus longuement sur l’étape des expériences déjà vécues et des représentations sur tel exercice, avant de proposer une fiche toute faite (voir plus loin). C’est bien là la différence entre une évaluation formaTRICE et une évaluation formaTIVE. Cela leur permettra d'apprendre à devenir compétents, ce qui est plus efficace que de tenter de les persuader qu'ils le sont. (Sur les pratiques de l’auto-évaluation, voir « négocier des contrats d’étude »,).
L’élève doit percevoir qu’il a prise sur l’événement
"Je leur ai proposé des exercices qu’ils avaient déjà faits, et c’est encore une catastrophe." | L'élève doit être convaincu que les outils et les méthodes qu'il utilise sont efficaces. Si l'élève estime que les causes d'un échec sont internes, modifiables et contrôlables, il se jugera capable de remédier au problème. Il s’agit donc d’adapter tout à la fois contenus, objectifs et même vocabulaire au niveau de vos élèves. On parle souvent de « transposition didactique ». En l’occurrence, proposer toujours la même chose parce qu’ils peuvent réussir peut s’avérer contre-productif. |
Proposez une activité exigeante : l'activité doit le mettre à l'épreuve et l'obliger à utiliser différentes stratégies : résolution, enquête, questionnement à autrui ; qu’il ait le sentiment « d’un pas de plus ». [Sur l’approche par situation-problème, voir « créer des situations d’apprentissage » ].
Proposez une activité interdisciplinaire et productive, permettant aux élèves d'interagir, représentant un défi, avec un temps suffisant, accompagnée de consignes claires. [Sur le croisement des disciplines, voir « coordonner une équipe », « Diriger des projets », ].
Quel est votre système de récompenses et de punitions ?
Votre propre dispositif de valorisation peut avoir des effets sur la « mémoire de soi » et le sentiment de pouvoir progresser :
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Partir des représentations des élèves
"J’ai répété cent fois que le losange n’est pas un carré ; ils n’impriment pas." | Avec la motivation, la dernière ressource de l’élève que l’enseignant doit solliciter, ce sont ses représentations mentales. La représentation est une combinaison complexe faite de connaissances sur les procédures, sur l’environnement, sur sa capacité à réaliser l’acte lui-même. Elle est un héritage, préexistant à votre enseignement .Les représentations (ou conceptions) jouent un rôle essentiel dans la structuration de la mémoire, dans sa propre capacité à s’autoriser de s’engager dans l’activité, dans la comparaison sociale. Elles sont un des moteurs de la réussite scolaire. |
"Les professeurs ne comprennent pas qu'on ne comprenne pas"
"Dans l'éducation, la notion d'obstacle pédagogique est également méconnue. J'ai souvent été frappé du fait que les professeurs de sciences, plus encore que les autres si c'est possible, ne comprennent pas qu'on ne comprenne pas. Peu nombreux sont ceux qui ont creusé la psychologie de l'erreur, de l'ignorance et de l'irréflexion (...) Ils n'ont pas réfléchi au fait que l'adolescent arrive dans la classe de physique avec des connaissances empiriques déjà constituées. Quand il se présente à la culture scientifique, l'esprit n'est pas jeune, il est même très vieux car il a l'âge de ses préjugés. (...) Au gré de l'épistémologue, un obstacle, c'est une contre-pensée."
Gaston BACHELARD, la formation de l'esprit scientifique, contribution à une psychanalyse de la connaissance objective, Paris, éd. Vrin, 1938, 8ème éd. 1972, p. 14-18 |
De manière générique, on pourrait proposer la méthode suivante, par exemple, pour construire la définition d’un carré à partir de ses caractéristiques essentielles :
proposer des possibles à partir d’un corpus d’exemples
rechercher les attributs du concept (taille, nombre de coins, degrés des angles, couleurs, volume…)
rechercher la cohérence
approfondir le concept de carré
procéder à la vérification
Comment faire émerger les conceptions des élèves
Nous vous proposons 12 techniques que vous pouvez utiliser pour faire émerger les conceptions des élèves.[3]
Demandez la définition de certains mots à vos élèves.
Faites-leur réaliser un dessin, un schéma représentant un élément ou un phénomène (particulièrement adapté pour les jeunes enfants)
Posez-leur des questions sur des faits ponctuels.
Partez d'un schéma ou d'une photo... et demandez-leur d'en faire un commentaire.
Placez les élèves en situation de raisonner par la négative ("Et si tel élément n'existait pas ?")
Réalisez vous-même une expérience qui étonne les élèves (dont l'aboutissement n'était pas celui attendu)... et demandez-leur d'émettre des hypothèses pour expliquer ces résultats.
Mettez-les en situation de choisir, parmi différents modèles analogiques celui qui aide le mieux à comprendre le phénomène étudié ou proposez(leur de construire eux-mêmes un modèle explicatif ("c'est comme...")
Placez-les devait des faits, des affirmations d'apparence contradictoire et laissez une discussion se développer.
Faites-les s'exprimer à travers des jeux de rôles (surtout pour les jeunes enfants).
Mettez-les en situation de se confronter avec une conception fausse provenant d'un autre élève (ou même recueillie dans une autre classe).
Confrontez-les avec une conception en relation avec des croyances anciennes ou actuelles.
Mais surtout soyez toujours à l'écoute des élèves et observez-les : les conceptions apparaissent à n'importe quel moment de la démarche... et ce sont souvent celles qui sont les plus intéressantes.
Les facteurs humains dans l'enseignement
Le site de Jacques Nimier réserve une rubrique sur les représentations des mathématiques, mais tout aussi valable pour les autres disciplines. |
Pour que l'exercice fonctionne, prenez cependant deux précautions.
1- Pour permettre une expression riche des représentations, il est essentiel que les élèves sachent qu'ils sont en train de se construire un outil de travail, donc que leur production ne sera pas jugée; cela est particulièrement important dans le cas où l'enseignant a par exemple l'habitude de noter l'ensemble des réalisations écrites qu'on lui rend.
2- Enfin, gardez-vous d'une tendance à extirper les conceptions fausses dès le départ. Elles peuvent constituer une étape dans la construction d'un concept, par dégagements progressifs
Analyser vos propres ressources….professionnelles
Si l'ensemble de l’ouvrage est orienté « analyse de ses ressources », vous pouvez cependant vous reporter plus particulièrement à quelques chapitres :
Les ressources de son environnement scolaire
Les ressources professionnelles
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Capitalisez les ressources de vos élèves
Listez trois contenus qui vous pouvez automatiser facilement de sorte à gagner du temps et de l’efficacité pour vos élèves.
Utilisez dans les deux prochains mois deux techniques destinées à faire émerger les représentations de vos élèves sur un concept. |
[1] Contextes et performances scolaires, compte-rendu du séminaire DPATE, d’après Jean-Marc Monteil, Poitiers, 2002, www.ac-poitiers.fr/eps/peda/monteil/monteil.pdf
[2] d'après Rolland VIAU, la motivation en contexte scolaire, Renouveau pédagogique Inc., Saint-Laurent (Canada), 1994, repris dans le dossier Résonances n°5 (cf. ci-dessous
[3] d'après Gérard de Vecchi, des représentations oui, mais pour en faire quoi ?, Cahiers pédagogiques, n°312, mars 1993, p.50