Chapitre 1- Où il s’avère possible de commencer un cours
Où l’enseignant quotidiennement enchaîne rituellement,
machinalement, routinièrement, quatre, cinq, six cours.
Monotonie ? Et si nous imaginions une variété de commencement,
d’autres commencements ? Comment on « entame »
un cours, ou le commencement d’un cours comme ressource ?
Nous avons à commencer un cours, comme avec vous ce chapitre :
il nous faut prévoir une préparation spatiale et temporelle que
connaît tout enseignant. Préparation, déroulement, clôture ;
tous ces moments d’enseignement ou de lecture, nous allons les
analyser en commun, sous réserve de le faire avec quelques
agréments, sans compter quelques arguments, pour mieux attirer
votre attention, chers lecteurs, en bonne disposition
professionnelle !
Il importe en effet que notre activité professionnelle, établie
dans un temps et un espace institutionnel, ou penchée sur ces
pages, puisse être guidée par une réflexion et se disposer à
concevoir déjà : l’utilisation potentielle de ressources,
de points d’appui, d’instruments destinés à
pallier la surprise bloquante, le vide ou l’imprévu de certaines
situations dans les classes, si habituelles dans notre
civilisation en pleine mutation comme dans nos mœurs ou celles
des chers adolescents.
Nous n’hésiterons pas à utiliser l’humour dont nous
pensons que nos collègues nous sauront gré, ne serait-ce qu’en
ayant recours, pour commencer, à une métaphore
cinématographique.
Smoking or no smoking ?
Intéressons-nous à la réalisation de ces deux films proposés il
y a quelques années par Alain Resnais
À la fois exercice de style rigoureux dans sa construction et
fantaisie, ces deux films réunis sont un exemple typique de
« film multiple » de Resnais proposant dans chacun six fins
différentes à un début commun. N’est-ce pas ce qui pourrait
arriver à un enseignant ? L'origine du titre réside dans le
choix que fait un personnage au début de l'histoire : fumer une
cigarette (dans Smoking) ou non (dans No Smoking).
Tout le cycle est construit en fonction de l’alternative de
l’histoire en train de se faire entre deux options, Du
choix fait découlent des conséquences qui peu à peu transforment
radicalement les suites et fins d’une histoire dont les
ingrédients sont identiques au départ.
Alors, si nous visionnions ensemble le film de nos pratiques
enseignantes ? Mais, pas n’importe comment, en appuyant sur la
touche « lecture ». Non, nous déroulerons la bande au ralenti,
comme si le ralenti était l’histoire.
Nous nous attarderons ensemble, si vous le voulez bien, sur les
gestes : ceux esquissés, ceux non-choisis, ceux impossibles
(jetés dans les « rush », mais disponibles dans les « bonus »
du film). Nous essaierons de prévoir les options et les
micro-décisions qui construisent mais aussi conditionnent
l’action, son succès ou son échec. Observer ce ralenti suppose
pour l’enseignant une pédagogie de la patience… pour aller vite.
C’est le signe professionnel, par excellence, pour d’autres
professions de responsabilité en économie, en droit ou en
voltige ? Il nous convient aussi dans nos pratiques
enseignantes.
Commençons !
La manière de commencer un cours, délibérée ou routinière, porte
en effet un sens : elle signale dans le premier cas une
intention et dénote dans le deuxième cas chez le professeur une
manière d’être et de se sentir (face à l’institution, face à la
classe présente) générale ou au contraire très momentanée. Ce
début donnera le « ton » à l’ensemble du cours ou de
l’enseignement. Il importe donc d’y prendre attention et
d’éviter les risques d’automatisme (trop souvent, les cours
commencent par des phrases toutes faites, ou par un rite
répétitif et inopérant).
Mais une manière de commencer ne renferme pas un sens en
elle-même ; son sens est conditionné par le contexte, constitué
par le professeur, les élèves et la situation dans laquelle ils
se trouvent : par exemple, le professeur jette son cartable sur
le bureau ; ce geste peut être selon le cas signe d’une épreuve
de force ou un signe de désinvolture voire d’ennui. Le début
doit être ajusté pour prendre un sens autant que possible
pédagogique (et sensé !).
Ce sens peut être perçu plus ou moins clairement par les
élèves ; il peut avoir des incidences sur la suite de la séance.
Il peut éveiller leur attention intellectuelle ou affective. Il
est donc important que ces débuts de cours ne soient pas
totalement aléatoires et qu’ils aient été, dans chaque cas,
préparés, médités, ou prémédités afin d’assurer leur variété et
leur pertinence. Qu’en pensez-vous ?
Au fait, ne peut-on pas constater la multiplicité des
possibilités de choix parmi les débuts de cours différents
types ? Examinons.
Dans la plupart des cas, les débuts procèdent de la volonté
du professeur de mettre en place, on dirait aussi mettre en
« scène », son cours (contenu et/ou organisation des activités
de la séance). Les débuts procédant d’une attitude de
disponibilité par rapport à la classe, semblent moins
fréquents. Ils pourraient être davantage utilisés.
Dans la quasi-totalité des cas, le professeur prend la parole
devant la classe qui l’écoute comme un auditoire dans une salle
de spectacle. Il a confisqué la parole, quitte à la lui rendre
rapidement. Serait-ce la seule façon de faire ?
Disons qu’en préparant son cours, puis en le commençant, le
professeur doit viser à se rendre présent aux élèves, avec les
aspects multiples et variés de sa personnalité ; il doit aussi
chercher à rendre chacun des élèves présent à lui-même comme à
chaque autre. Cela vous-irait-il ?
Un cours, certes, ne se réduit pas à la transmission, monotone
ou rituelle de connaissances : c’est aussi, revenons-y, une « mise
en scène » : c’est encore l’organisation d’un lieu de
communication entre des personnes (ou des rôles) de statuts
différents. Il faut donc une bonne « régie », et qui marque le
début, le ton, le style et le sens d’un cours (ce que d’aucuns
appellent sa « théâtralité ».).Mais reprenons le cours dans son
« ralenti » même.
N’hésitez pas à marquer en marge de droite votre souci
d’approfondir certaines formes ou dispositifs. Bonne chance,
amis !
Avant même d’entrer
L’enseignant, vous peut-être, sortant de la salle des
professeurs, se remémore naturellement les décisions
d’organisation qu’il a pu élaborer au cours de la préparation de
son enseignement. Il peut ensuite adopter trois comportements :
soit d’entrer dans la salle de classe avant ses élèves ; soit
d’entrer avec eux, ou encore après eux. Elémentaire tiercé de
choses possibles !
Smoking / No Smoking
est une série combinatoire de huit pièces de théâtre du
dramaturge anglais Alan Ayckbourn, écrite en 1982 (titre
original anglais : Intimate Exchanges). En 1993,
Alain Resnais en a tiré un film français en deux parties,
exploitées séparément en salles, intitulé également
Smoking / No Smoking. Il obtient le prix Louis-Delluc en
1993 et le César du meilleur film en 1994
7 voir
planche page suivante ou , sur
http://francois.muller.free.fr/diversifier/index.htm
Vous pouvez aussi consulter une proposition de rôles
multiples à attribuer aux élèves, répartis en catégories de
communication, de production, de services, etc…, temporaires
ou durables : A. de PERETTI, Pour l’honneur de l’Ecole,
éd. Hachette, Paris, 2000, pp. 293-307. Egalement, A. de
PERETTI et alli, Encyclopédie de l’évaluation en
formation et en éducation, éd. ESF, Paris, 1998 et 2005,
pp.299-300 et p. 340 ; une partie en est reprise en ligne
sur
http://francois.muller.free.fr/diversifier/index.htm
A titre
d’exemple, André de Peretti, pour l’honneur de l’école,
p. 305, cite Micheline FLAK, enseignante d’anglais, et la
distribution des rôles qu’elle effectue, ainsi que des
exercices pour faire se détendre et se concentrer les
élèves, comme cela est connu et pratiqué dans les milieux
des sportifs de haut niveau.
Voir à ce
sujet les messages sur la liste H-Français des Clionautes.
Notamment les expériences
Nouvelle organisation de l’enseignement
d’histoire et géographie mise en place en 1998-1999 et
reconduite en 1999-2000, Lycée Europe Robert Schuman, 49
CHOLET. Professeurs : Fabienne Chevalier, Alain Joyeux,
Classes concernées : 4 Terminales ( 2 TL et 2 TES). Et
aussi : "Comment rendre plus facile le passage du lycée à
l'enseignement supérieur ? Bilan de l'expérience sur deux
ans LYCEE JEAN PERRIN, REZE, PHILIPPE COCHERIL ET
JEAN-PIERRE POISSON, L’HISTOIRE-GEOGRAPHIE EN TERMINALES ES
ET S Elles sont présentées sur le site « diversifier ».
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