Chapitre 10 – Où il devient
utile de retrouver le temps dans l’Education
Où le lecteur est invité à un Hommage aux travaux d’Aniko
Husti pour s’attacher à l’étude du temps scolaire et à sa
nécessaire diversification dans l’espoir d’un nouveau lycée plus
convenable pour nos jeunes élèves dans le cadre européen
"Le temps est ce qui se fait, et même ce qui fait que tout se
fait"
Henri Bergson
L’institution, en ses « missi dominici » modernes que
sont les inspecteurs généraux, Dominique BORNE, François PERRET,
ouvre le rapport de novembre 2001, sur l’organisation du temps
mobile dans les lycées :
« A la différence de la question des rythmes scolaires, celle de
l’organisation du temps de l’enseignement ne paraît pas avoir
retenu l’attention des historiens de l’éducation. Tout se passe
comme si le temps scolaire, organisé autour d’unités fixes
(l’heure de cours) et de la répétition hebdomadaire d’un même
schéma, apparaissait comme une donnée immuable, quasi naturelle,
qu’il convient d’accepter comme telle et qui ne serait pas
justiciable d’une réflexion particulière. Il est vrai que ce
modèle a montré une remarquable permanence en dépit des
innombrables réformes qui ont touché le système éducatif
français. Une des dimensions les plus périmées de
l’enseignement secondaire, écrit Aniko HUSTI, est
certainement son utilisation du temps, puisque
l’institution éducative a adopté et imposé tout au long de notre
siècle le même concept de temps, tout en fixant
continuellement des objectifs nouveaux. ».
Eux-mêmes rendent hommage aux travaux solides et encore trop
méconnus de notre collègue et amie Aniko Husti.
Les choses seraient donc en train de changer ? Et de confirmer
que dans notre grande Maison, il faudrait vingt ans pour acter
une évolution, si ce n’est une réflexion ?
Car c’est à l’examen d’un problème primordial que nous a convié,
avec ténacité et pertinence, Aniko HUSTI : celui du temps,
regardé en face et sous toutes ses faces, en ce qu’il
conditionne nos vies et nos chances d’apprentissage.
C’est un paradoxe, pourtant, que sa prise en considération soit
souvent reléguée en arrière-plan, sinon escamotée, dans notre
système d’enseignement et d’éducation : par le jeu d’unités
fixes (« l’heure de cours ») et d’ « emploi » hebdomadaire
répétitif, quels que soient les contextes et les individus ou
les groupes concernés.
Aussi bien, la redécouverte de son importance et de sa
spécificité qualitative, comme de son dynamisme, vient à son
heure. Car, assurent Ilya Prigogine et Serge Pahaut, « il semble
que l’on puisse affirmer que la redécouverte du temps soit
l’événement majeur de notre époque ».
Le « Temps retrouvé »
Il était « temps » ! Nous sortons d’une époque où le dit
« temps » avait été historiquement localisé en seconde zone,
comme variable terne et monotone, asservie depuis Descartes à
l’étendue », c'est-à-dire à l’espace plus ou moins absolutisé
par Newton. La rotation prétendue régulière de la Terre et des
Planètes autour du Soleil, le comptage mécanique des durées par
des horloges (dont la fabrication connaît un développement
spectaculaire au début du XIXème siècle), le triomphe corrélatif
du machinisme dans la révolution industrielle, ont conduit à
exercer obstinément une logique « coupante » : il a pu s’agir de
réduire la fragmentation d’instants identiques, selon un
déterminisme crispé. L’évolution mouvante, « créatrice », des
réalités cosmiques, sociales ou personnelle, séparées et
cloisonnées.
Sans doute, jadis, ou naguère, la relation des hommes au temps
avait été plus étale, détendue, accordée aux rythmes de la
Nature ; Il pouvait y avoir comme un rapport fondamental des
hommes au sacré, révéré dans la fidélité aux Anciens ou aux
« Pères fondateurs » : on ne peut oublier le cultre si général
qui fut rendu aux Ancêtres, gardiens des Temps, sinon aux Dieux
(même si en Grèce, Zeus avait évincé Chronos).
Mais avec le développement, dès le XVIIIème siècle, de la
civilisation « paléotechnique », comme l’a dénommée l’historien
Louis Mumford, l’accélération, découverte par Galilée dans le
jeu des forces mécaniques, s’est imposée à la vie concrète des
gens. L’impulsivité, la précipitation, l’impatience ont marqué
les actions et les relations humaines. Un « harcèlement »
temporel s’est répandu dans toutes les couches des populations.
Le temps était devenu de l’argent, interchangeable : il devait
être compté, instant par instant, goutte à goutte, dollar par
dollar, sans prise en compte des moments ni des circonstances
qualitatives.
A l’acmé de cet emportement mécaniste et déterministe, la pensée
scientifique, depuis le XIXème siècle, se mettait cependant à
découvrir les variations qualitatives du Temps. Darwin nous
révélait « l’origine des espèces » ; Boucher de Perthes
agrandissait l’ancienneté de l’Homme en exhumant sa
« préhistoire » ; Einstein remettait, de façon indissociable, le
temps à parité avec l’espace, dans l’espace-temps. Plus tard,
Hubble et l’abbé Lemaître rehaussaient et dataient l’ancienneté
de notre univers en « expansion », avec la fuite réciproque, les
unes des autres, des galaxies.
La considération des temps était ainsi immensément amplifiée :
mais aussi miniaturisée et probabilisée avec la physique
quantique (et la technologie informatique). Prigogine et Pahaut
peuvent donc nous rappeler que « le temps est revenu en force
dans l’univers à quatre dimensions ». L’univers a une histoire.
Et, dans cette histoire, les milliardièmes de seconde ou les
milliards d’années successifs n’ont pas la même valeur, ne sont
pas équivalents, dans la cosmogénèse dévoilée.
Simultanément, ou corrélativement, le « temps perdu » pour
l’homme, pouvait être « retrouvé ». Marcel Proust préfaçait
notre époque. En celle-ci, le temps était remis en mouvement
dans l’Art : le cinéma en fait foi mais aussi la
« postmodernité » en architecture ou en peinture. Le
chevauchement des temps était exploré dans l’inconscient
individuel, par Freud, ou dans l’inconscient collectif par Jung,
en psychologie. La biologie s’intéressait à la chronobiologie
pour les individus. Bergson redonnait vie à la durée et à
l’esprit, en « élan vital » comme en mémoire. Malraux inventait
le « musée imaginaire », confrontant tous les ordres et toutes
les échelles de création originale. L’urgence de la qualité est
en passe d’être rétablie, même les domaines de la vie sociale ou
des activités industrielles, jusque là réservés à l’empire de la
quantité.
Ainsi le temps comme « changement de qualité » est ramené à
l’homme de façon convergente : par la Science, par l’Art, par la
Philosophie, mais aussi par les conséquences de la technologie
libérant des moments d’activités humaines jusque là absorbés par
des tâches machinales. On ne sait que trop qu’il en résulte, sur
la répartition de l’emploi, des turbulences croissantes. Et on
peut pressentir que ce nouveau millénaire devra être abordée en
traitant sans délai les problèmes de l’organisation du Temps, au
plan le plus individuel comme au plan le plus collectif, agités
par la « mondialisation ».
Il y a mondialement urgence. Cela n’aurait-il aucune conséquence
sur nos conceptions éducatives, ni sur le fonctionnement de nos
institutions et établissements scolaires ? Il faut bien mettre à
plat et « à jour » ce que nous proposons et imposons à nos
élèves et à leurs maîtres en matière d’organisation du temps
scolaire.
C’est à quoi nous invita fermement,, dans la persévérance de ses
travaux de recherches en éducation, opératoirement, Aniko Husti.
Hommage à une collègue prévoyante
Pendant plus de vingt ans, à l’INRP, notre amie auteur a, en
effet, fixé son attention et attiré celle de nombreux collègues,
sur les modalités de répartition, en cours, des activités
d’enseignement et d’apprentissage dans les classes et dans les
établissements scolaires.
Elle a pu, à juste titre, observer avec nous la fixité des
découpages du temps scolaire, avec rupture, impérativement à
chaque heure de la journée du travail des élèves : quasiment du
Cours préparatoire à la Terminale et au-delà ; de l’automne au
printemps ; quoi qu’il en soit des changements de matière
imposés aux élèves.
Elle a eu la curiosité de chercher s’il était pratiquement
possible, ou préjudiciable, de faire autrement. Elle a donc
réussi à faire expérimenter avec succès, dans toutes les
disciplines et dans la diversité de nos établissements
scolaires, des durées plus longues, plus variées, autorisant
une pédagogie différenciée, plus détendue : de nature à
soutenir, chez les élèves, une motivation moins heurtée, plus
continue.
Elle a gardé, dans la suite de ses idées, et par des pratiques
multiples qui étaient évaluées, le souci de voir s’il était
possible de relativiser (et de réfuter) le principe convenu,
apparemment intangible : selon lequel l’émiettement de
l’enseignement en heures serait justifié par la fatigue
intervenant immanquablement avant quarante minutes, au plus
tard, chez les élèves ; quels que soient les âges, les moments
de la journée, les disciplines enseignées, les activités
pratiquées, l’avancement des travaux ou les incidents
rencontrés ; et a fortiori, quels que soient l’intérêt et
l’attention manifestée par les élèves !
Mais justement l’évaluation, par diverses procédures, de
l’intérêt même manifesté par les élèves dans des durées
suffisamment longues, en évitant des ruptures répétées et leur
effet dévastateur de l’attention, a mis en défaut la
justification du morcellement horaire. : ainsi que l’attachement
au cloisonnement rigide des disciplines, et à l’isolement des
enseignants.
Car, en juste conséquence, Aniko Husti a montré l’intérêt
d’introduire une variété souple, « mobile », dans l’organisation
des enseignements : en cohérence avec l’esprit de notre temps.
Celui-ci est effectivement ,tourné vers les décloisonnements et
la multiréférentialité croissante des activités de recherche et
de formation ; en souci des besoins différenciés de rythme des
élèves, par une alternance judicieuse de durées brèves ou
longues.
Et il est vrai que tout rythme, biologique ou musical, requiert
le jeu alternatif de temps faibles et de temps forts, de brèves
et de longues : « l’iambe fondamental » de la poésie antique, et
non pas le martèlement inerte d’instants et de modalités
identiques. Aussi bien, l’Inspection générale appelait déjà,
dans une note du 18 juin 1979, à combiner, de façon pertinente,
une pédagogie de préparation ou de consolidation d’une part, et
une « pédagogie d’attaque », « exigeant plus de temps »,
« développés » en en seule séquence, sans rupture, d’autre part.
La variété des temps expérimentée
Dans un monde en changement accéléré, où il faut néanmoins
assurer des continuités, la variété et la mobilité s’imposent
vitalement. Leibniz nous avait déjà prévenus qu’il fallait « la
plus grande variété dans l’unité » pour accéder à quelque
« meilleur des mondes possibles. » C’est bien à quoi peut
s’employer, harmoniquement, un système d’éducation et
d’enseignement, selon une « combinatoire » de pratiques,
complémentaires en qualité pédagogique et en durée.
Notre chercheuse s’est donc appliquée à trouver créativement
avec nombre de collègues, des solutions, des modulations
pratiques, administrativement stables, au problème des temps. Il
s’agissait de donner à leur gestion, dans les établissements ou
les classes, des marges de souplesse et de diversité : pour
répondre aux soucis des chefs d’établissement et des
professeurs. Il convenait, parallèlement, de satisfaire aux
besoins d’équilibre et de sens exprimés par les élèves : et
réitérés en 2001 à l’occasion de la consultation nationale des
lycéens.
Ainsi, comme nous l’inspirent les témoignages et les avis
autorisés des chefs d’établissement et les professeurs (entre
autre d’anglais, d’économie, de français, de mathématiques), qui
ont pu être consultés et cités, il est possible de placer les
élèves en position d’approfondir sans précipitation (et donc en
réduisant les stress) les connaissances répertoriées dans les
programmes ; en donnant du « temps » aux « temps » ; si on le
veut bien ; sans halètement…
A ce compte, il devient praticable d’introduire des pratiques
interdisciplinaires ou transversales. Et il est possible de
réduire la lourdeur des rappels répétés de notions ou de
développements antérieurement interrompus avant terme et sûre
mémorisation. Plus encore, il est permis de traiter, dans
l’économie du temps réalisée, les problèmes de surcharge et
d’angoisse posés aux élèves. Une communication sereine entre
professeurs et élèves s’instaure naturellement.
Devenu « souple » et « mobile », l’emploi du temps n’est plus un
« carcan », une tunique de Nessus
qui étouffe les innovations et les personnalités. Il apparaît
comme un support d’une organisation raisonnée, managériale, des
enseignements et des apprentissages, en classe, et dans
l’établissement scolaire. Et il met en évidence, en valeur, pour
les chefs d’établissement et pour les enseignants, des rôles et
des fonctions qui ne sont plus en risque permanent de
bureaucratie ou de répétition, mais qui reviennent à des cadres
supérieurs, oeuvrant au cœur du devenir créatif de nos sociétés
complexes.
Il nous faut, en conséquence, rendre hommage à la qualité de
l’intuition vive qu’Aniko Husti a mise courageusement à
l’épreuve des faits scolaires : abordant sans relâche les
problèmes du temps dans les apprentissages de connaissances et
dans le développement des personnes. Elle a cherché à les
traiter, avec de nombreux collègues, par tous les bouts, par
toutes les « entrées », possibles, selon toutes les
préoccupations ou perspectives professorales et administratives.
Il est résulté, de ses efforts persévérants et ingénieux (à
juste point de leur mûrissement), la consistance des
propositions auxquelles nous faisons référence. Des pistes ont
été défrichées, facilitant de nouveaux parcours et de nouvelles
explorations. Des moyens ont été élaborés, toujours disponibles.
Des incitations vigoureuses peuvent venir conforter les désirs
de mieux enseigner. Qu’il en soit fait profit
Car, il ne peut plus être possible de concevoir la mise à jour
de notre système éducatif et scolaire sans la prise en
considération effective de la question primordiale, et si
actuelle, du Temps. Encore une fois, il est temps !
Et avant de regarder avec attention ce qui a été fait, à titre
exemplaire dans certains établissements, examinons la synthèse
des recherches proposées par Aniko Husti.
LE TEMPS, UNE VARIABLE DE LA DEMARCHE PEDAGOGIQUE
L'institution scolaire utilise aujourd'hui encore dans le
secondaire la formule d'emploi du temps du 19e siècle. Les
principes fondamentaux, comme le découpage de toutes les
disciplines en "heures de cours", de la sixième à la terminale,
l'organisation des enseignements figes d'avance pour toute
l'année, n'ont jamais été remis en cause depuis.
Ce modèle a été intériorisé jusqu'à l'inconscient collectif de
la société. Ainsi, faute d'évolution, ce type d'emploi du temps
uniforme, rigide et administratif est devenu forcément inadéquat
étant donné la transformation continuelle de la société, donc de
la population scolaire, celle des objectifs de l'enseignement,
celle des programmes, celle des principes et des pratiques
pédagogiques.
De nombreuses raisons expliquant le maintien de cette
organisation périmée : la profondeur d'une habitude séculaire
qui concerne, inchangée, la même formule d'emploi du temps,
l'interdépendance entre la pratique du " cours " et la durée de
" l'heure ", l'inquiétude des enseignants à propos de toue
modification de leur temps spécifique de travail, la technique
devenue mythique, de la construction de l'emploi du temps, etc.
Ainsi la carapace de la structure temporelle cache des
contradictions, empêche d'atteindre les objectifs fixés et sert
d'alibi contre le renouvellement de l'enseignement. L'emploi du
temps scolaire "classique" finit par cristalliser les
mentalités. Il bloque la réflexion. Il freine les pratiques
novatrices.
L'expérimentation de "L'emploi du temps mobile"
Il s’est agi de changer une seule variable, le temps, en
s'ouvrant sur la problématique du sens du temps dans
l'enseignement. La recherche a été conduite par l'Institut
National de Recherche Pédagogique, au collège et au lycée, dans
toutes les disciplines, en respectant rigoureusement les
conditions réglementaires programme, horaire des disciplines,
des professeurs et des élèves. Elle s'est déroulée de 1980 à
1985 dans quinze collèges et cinq lycées et de 1985 à 1988 dans
dix collèges et cinq lycées. Les professeurs ont disposé d'une
heure supplémentaire hebdomadaire.
Les objectifs majeurs visés étaient les suivants: repenser le
sens du temps dans l'enseignement, créer Inadéquation entre les
buts et l'utilisation du temps, moderniser l'organisation,
améliorer l'efficacité de l'enseignement par une meilleure
utilisation du temps. L'emploi du temps devient variable par le
travail en équipe de professeurs appartenant à des disciplines
différentes, qui fonctionnent en "binôme"ou en "trinôme"et
peuvent ainsi permuter eux-mêmes leurs horaires, les adapter à
la spécificité de leur enseignement ainsi qu'aux élèves. Les
réunions de préparation ont confirmé l'intégration profonde du
modèle de l'emploi du temps, et parallèlement, l'existence d'un
vide conceptuel à propos de l'utilisation du temps de
l'enseignement. La grille de l'emploi du temps s'est installée
dans les têtes et le temps scolaire n'est considéré qu'à travers
cette grille.
L'évaluation
Le choix des instruments et des démarches d'évaluation s'est
avéré particulièrement complexe pour un objet tel que le temps
puisque la représentation de ce qui se passe dans le laps de
temps d'enseignement en question devait tenir compte du
chevauchement du temps subjectif et du temps objectif. Ont été
utilises: l'observation des classes, l'évaluation au cours et à
la fin de l'année au moyen d'un questionnaire, le bilan établi
par les professeurs, etc. Les résultats ont été analysés sur
différents plans: changement de pratique pédagogique lié à la
variabilité de l'emploi du temps, ,travail en équipe des
enseignants, des élèves et des chefs d'établissement, rythme
individuel de l'élève, changement du rapport au temps des
enseignants, des élèves, du chef d'établissement, etc.
Différentes formes d'emploi du temps ont été expérimentées:
-
la séquence
d'enseignement à durée variée, à la place de la durée unique
de "l'heure de cours", pour toutes les disciplines. en
alternant le travail en classe, en petits groupes et
individuel,
-
l'alternance dans
l'année des périodes à temps fort/temps faible de
l'enseignement d'une discipline, par exemple le renforcement
du français en 6e au début de l'année, en équilibrant les
horaires de deux disciplines.
-
le travail au
rythme individuel de l'élève à certains moments, par exemple:
par quinzaine, l'élève peut consacrer plus ou moins de temps,
selon les disciplines pour faire son travail, s'il en est
besoin
Résultats
La mise en oeuvre des démarches pédagogiques plus actives pour
l'élève, qui se déroulent dans les durées et rythmes non plus
uniformes mais variés, ont eu les effets suivants sur la manière
d'apprendre et d'enseigner:
En ce qui concerne les professeurs :
-
une réflexion sur
l'utilisation de l'enseignement et de l'apprentissage;
-
une adaptation du
temps à sa démarche pédagogique;
-
la pratique du
travail en équipe;
-
une disponibilité
du professeur, pendant les séquences longues, pour une aide à
l'élève immédiate et personnalisée.
-
Des contacts plus
directs avec chaque élève;
-
Une cohérence de
l'apprentissage d'une discipline et entre les disciplines.
-
La facilitation de
la formation aux méthodes de travail.
En ce qui concerne les élèves :
-
L’intégration du
travail personnel dans l'apprentissage scolaire;
-
La pratique du
travail en petits groupes;
-
Une disponibilité
de temps pour réfléchir, approfondir, s'impliquer;
-
Une dispersion
réduite, concentration plus poussée;
-
La possibilité
d'achever la tâche;
-
L’adaptation de la
durée d'apprentissage selon le rythme individuel;
-
Une capacité
d'autonomie, d'utilisation et d'organisation du temps.
En ce qui concerne le chef d'établissement :
-
Un renouvellement
de la conception et de l'organisation du temps scolaire;
-
L’acquisition de la
technique et du fonctionnement de l'emploi du temps mobile.
-
La création
d'équipes de professeurs;
-
Le soutien de
l'innovation.
Résistances, difficultés
La possibilité, ouverte par la recherche, de considérer le
"temps" comme une variable intrinsèque de la démarche
pédagogique, de concevoir une utilisation de durées variées et
de rythmes; multiformes pour l'enseignement a, montré quels
étaient les effets de la pratique ininterrompue, depuis le 19ème
siècle, de l'emploi du temps scolaire uniformise. C'est parce
qu'on se le représente comme une grille infranchissable que
toute réflexion, toute invention sur une utilisation nouvelle
semble bloquée et que l'on procède de manière administrative,
Que l'on dresse un emploi du temps figé et immuable pour l'année
entière.
Dans le monde de l'enseignement et dans la société existe une
intériorisation inconsciente très forte du modèle de la
structure temporelle scolaire. On peut noter comme autant
d'obstacles au changement :
-
le poids de
l'habitude séculaire;
-
l'inquiétude pour
les avantages acquis du temps d'enseignement;
-
la crainte d'un
abandon de la méthode du "cours" et de l'application d'une
Pratique pédagogique temporellement diversifiée;
-
la non révision de
la notion d'attention;
-
la difficulté de
concevoir des durées et des rythmes variés;
-
l'organisation d'un
travail en équipe;
-
la formation
insuffisante des professeurs pour former les élèves au travail
en groupe, pour les préparer à des situations d'apprentissage
plus autonomes et plus personnalisées, à pratiquer
l'évaluation formative.
-
la gêne des chefs
d'établissement s'il s'agit d'intégrer les professeurs dans
l'organisation du temps et de faire fonctionner l'emploi du
temps "en mouvement";
-
la méconnaissance
de la sociologie de l'organisation;
-
le manque de
soutien de l'innovation dans l'établissement.
Pour l'enseignement de notre époque, il devient nécessaire
d'utiliser des temps, des durées et des rythmes multiformes, des
structures temporelles souples et mobiles. L'expérimentation de
montre qu'on peut rompre avec le modèle basé sur la durée
horaire et le rythme unique de l'enseignement, et ainsi, de
parvenir à une autre pédagogie.
Mais il n’en est pas de même si l’enseignant et sa classe
disposent d’une durée de 2 ou de 3 heures, sinon plus,
comme cela a été expérimenté, notamment dans les recherches
réalisées par l’INRP sous la responsabilité d’Aniko Husti.
Une large durée permet d’organiser des activités diverses
(apports théoriques, exercices en équipe, compte-rendu d’une
correction, travaux de recherche en CDI, expressions orales en
langues etc…). Et elle permet de finir sans précipitation, en
« beauté ».
Ces longues durées permettent d’éviter de pratiquer une
pédagogie de l’impatience comme cela été fait remarquer
plusieurs fois à l’Inspection générale.. Elles permettent de
gagner du temps, à l’expérience, sur le parcours du programme :
donnant du temps pour le finir ! Elles dégagent d’un stress
répété, aussi bien les enseignants que les élèves, comme cela a
été constaté expérimentalement.
La possibilité d’allonger des séances peut résulter d’une
entente entre plusieurs professeurs par rapport à leurs emploi
du temps. Ainsi, le rappelle Aniko HUSTI : trois professeurs
avec trois classes peuvent se répartir selon un dispositif de
base un jour par semaine
« un jour » |
5ème |
4ème |
4ème |
Séance 1 |
Mathématiques |
Histoire-Géo. |
Français |
Séance 2 |
Français |
Mathématiques |
Histoire-Géo |
Séance3 |
Histoire-Géo |
Français |
Mathématiques |
Il faut aussi voir plus loin. Il y a des fois où des
apprentissages nécessitent un vrai temps fort, de plusieurs
jours : nous le comprenons quand il s’agit d’un voyage scolaire,
une sortie de terrain en géologie par exemple ou un séjour
linguistique ; pourquoi ne pas en organiser plus souvent, et
plus intelligemment dans le cadre plus ordinaire ? A quand des
vraies semaines de formation scientifique ? de formation
linguistique ? Il y en eut des démonstrations convaincantes dans
de multiples établissements ou dans le cadre des PAC (projet
d’action culturel).
Et maintenant, nous, que pouvons-nous faire ?
Sur le site
http://francois.muller.free.fr/diversifier/index.htm, on
peut accéder directement à quatre videos produites alors par
l’INRP sur le « Temps mobile », A compléter avec
ORGANISATION DE L’ENSEIGNEMENT ET GESTION DIFFERENCIEE DES
GROUPEMENTS D’ELEVES DANS LES ETABLISSEMENTS SCOLAIRES
d’après André de PERETTI,
Encyclopédie de l’évaluation en formation et en
éducation, Guide pratique, Paris, ESF, pp.296 sq.,
extrait des Cahiers pédagogiques, n°239
Convoquons à notre cause André Giordan, : « A terme, il s’agit (…) de
sortir du sempiternel cadre organisateur de l’école: «une
discipline – un cours – une heure – un enseignant». (…) Ce
saupoudrage horaire donne peu de temps pour s’investir dans
une tâche ou un projet. La pratique de l’heure de cours
conduit l’élève à «zapper». Il ne peut être créatif. Il doit
commencer et recommencer sans cesse des apprentissages et
les interrompre aussitôt, six à sept fois dans la même
journée. Les temps de réflexion individuelle, le travail en
groupe ou le contact personnalisé avec l’enseignant sont
réduits à la portion congrue. Ce saucissonnage conduit
l’élève à se disperser. Sa motivation et son attention se
diluent. L’enseignant doit reprendre tout à zéro ou presque
chaque fois. Comment peut-il remotiver sans cesse? »,
extrait d’ Apprendre! Belin: 1998
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