Chapitre 8 – Où l’on part à la
découverte d’alternatives à l’évaluation scolaire traditionnelle
Si vous n’êtes pas, d’avance ou après un plus ou moins long
pèlerinage professionnel, lassé de ponctuer sans cesse, par des
« notes » qui n’ont rien de musical ou de mélodique, des
activités et des parcours ou des acquisitions imposés à des
esprits (et cependant incorporés) qui vous sont
institutionnellement confiés, alors ne vous risquez pas à lire
ce chapitre. Passez dignement votre chemin de « bien-notants ».
Mais si le désir vif vous prend de sortir de tout ce qui devient
machinal, et trivial sinon perverti, dans les gestes de
repérage, d’orientation, d’acquiescement ou de refus,
d’encouragement ou de regret (sinon de gronderie), voire (au
pire, imprudemment) de stigmatisation, dévoluée selon des
chiffres aux productions ou prestations requises de vos élèves
zélés ou à leurs êtres mêmes (respirez ici !), alors, prenez le
risque de vous aventurer, avec un air futé, dans les lacis
autour des massifs d’essences multiples, qui conduisent au
délicat chevet de la « Belle (évaluation) au Bois Dormant »
Coter et compter
Au moins, si vous croyez que les Contes nous mènent aux bons
comptes : Et qu’ils peuvent élargir la générosité de nos
accompagnements des jeunes pousses dans leurs apprentissages en
agrandissant les bons côtés (et bas côtés) du « Noter » par ceux
du grand « Coter » (et pas seulement en « Bourse »).
Car évaluer serait-ce seulement possible par des façons et modes
de notes, en donnant des chiffres étalonnant des actes et des
prestations ? Nous le croyons souvent (sinon
systématiquement ?) : par habitude ; par remise à quelque sens
commun pressant et obsédant, tétanisant ; par l’inertie des
routines tranquillisantes ; par absence de perspectives, autres,
qui ne sont pas traditionnellement ouvertes. Mais jamais par
simplisme !
Mais contrairement à ces pesanteurs bien françaises, eh bien,
osons d’abord situer clairement l’opération de noter parmi ses
cousines de cotes : il serait avisé de tirer quelques jour des
applications consenties dans le vécu scolaire et cognitif, mais
que chacun ou certains utilisent déjà parfois (ne serait-ce que
dans la finesse motivante d’appréciations annotées
extérieurement au petit monde du chiffre !).
Sans nous perdre dans une revue approfondie, exhaustive, de la
pluralité des modalités de cotation,
mise à l’écart ou à part de l’usage de notes qui en fait partie,
esquissons quelques ramifications benoîtes qui tiennent la cote.
Variété des formes de cotes
Allons, en premier lieu, du côté des localisations brèves, ou
marquages nets, de potentiels décelés ou de résultats constatés.
On peut coter : entre des lettres (A, B, C, D, E, formes
appréciées outre-France) ; parmi des « très bien », « bien »,
« moyen », « passable », « faible » sur des listes de
reconnaissance (ou « d’admission ») ; par des comptage de vote à
main levée : dans des tableaux (à double entrée ou non) ; sur
des « cibles » indicatives (ou des « marguerites » de
spécification !) ; sur des graduations lisibles (en des
« thermomètres » d’intérêt marqué ou de difficultés
rencontrées) ; sur des « bilans » condensés en « points forts »
et de « points faibles » : entre autres. N’avez-vous jamais eu
la fantaisie de recourir à l’une ou l’autre de ces formes ?
Si on se place du côté des mensurations plus détaillées, la
cotation peut assurément s’effectuer en « encerclant », en
« cochant » (cochon qui s’en dédie !), en « cliquant » ou en
biffant (sans rebiffer), des cases ou des lignes sur des
référentiels ou des profils cadrés, modélisant géographiquement,
de la sorte : des caractères ; des contours professionnels ou
culturels : des cartes de compétences ou de savoirs ; des choix
et/ou des objectifs ; des savoir-faire ; des types de qualités
et d’expériences. etc… N’y avez-vous pensé ?
Dans le cas de cotation en acte, en vue de vérifier, illico,
mais non pas presto, des possibilités latentes en des individus,
on peut tabler sur un pourcentage défini de « bonnes réponses »
à une série d’interrogations ou interpellations réparties dans
des questionnaires ou des tests doctement validés : par exemple,
le bien connu « questionnaire à choix multiple » (QCM) ; le non
ignoré « QI » et son conjoint « QE » (intelligence et émotivité
en « quotients ») ; sans oublier des répartitions statistiques
de mesures selon des « « écarts-types » ; des « quartiles » et
autres affinements probabilistes. En avez-vous l’usage, à petite
ou académique ou nationale échelle ? Est-ce profitable alors ?
Mais oui !
Il reste que la cotation peut encore être marquée par
l’utilisation symbolique de formes ou objets, en signification
de distinction, de mérite (« émérite »), de satisfaction, de
réussite, aussi bien en normalité qu’en exception éventuelle :
« bons points », « belles images » ; « étoiles » ; badges ;
félicitations officialisées ; ouvrages offerts ; décorations ou
titres décernés… En aurez-vous été bénéficiaires ou initiateurs
voire décideurs ?
Mais laissons ce rappel, ou cet égarement ?!, perpétré sur la
pluralité des cotations disponibles pour les bons goûts ou les
bonnes volontés novatrices. Et revenons à notre incoercible
solution « notatoire » (Y aurait-il eu, en notre hexagone, la
greffe d’une « vessie notatoire » ?!!). Nous aurions tort de
croire, indépendamment des facilités et des apparences
d’objectivité qu’elle procure, qu’elle ne se permet pas
elle-même de se ramifier en juste complexité : en sorte de nous
permettre, si l’on veut bien !, conjurer les risques de
monotonie et de banalisation et surtout d’imperfection et
d’injustice qu’un usage restrictif des formes de notation peut
comporter. Sachons oser une variété, enrayant les routines
éculées, et les trompeuses précisions non suffisamment
relativisées. Courage !
Sortir de la note sur 20
Car enfin, sera-t-il, un jour,
possible de sortir de l’impasse d’une note de 9,23/20, fixée
tout de go impérialement à visée d’impasse pour l’élève mais
aussi pour l’enseignant ? Car, quel sens peut-on donner à cette
hyper-précision, si ce n’est qu’elle ne se dévalue d’elle-même ;
sa détermination quasi-scientifique n’est que formelle et rien
ne peut, en doutez-vous ? la différencier dans les faits d’un 8,
85 ou d’un 10.01, tant que nous y sommes. Son seul effet est
d’inviter à la comparaison publique, qui peut être ambiguë ou
dissuasive pour certains inutilement. Il en est de même d
classement au mérite sur des bases beaucoup trop fragiles et
difficilement justifiables, et fondé sur la compétition
individuelle, souvent délétère dans une classe.
La note « parle » : elle donne ainsi
des renseignement précieux…. sur l’enseignant lui-même : car il
croit pouvoir y exprimer, en toute bonne foi, la rigueur de sa
méthode, la justesse chirurgicale de son expertise, le pouvoir
discrétionnaire et imprescriptible, mais responsable : tout en
cachant ou oblitérant sa subjectivité et ses choix inconscients
d’humeur, à défaut de barème (national ?) de référence.
Nous doutons cependant que ce type de métrologie puisse aide
efficacement l’élève dans son travail.
Et néanmoins, la pratique de la
notation sur 20 semble à présent arriver, avec la technologie
des tableurs et des progiciels d’aide à la décision des conseils
de classe, à des excès qu’il importe de dénoncer. Car la même
production du même élève recevra une valeur assez différente par
tout autre professeur. Nous avons un habillage de type
scientifique pour une démarche qui relève bien plus d’une
pratique sociale toute relative, la docimologie, discipline
d’origine française, prévenant sur des risques de fausses
précisions et de dissuasion injuste, sera—t-elle connue,
reconnue, enseignée, consultée en France ? Oseriez-vous
l’espérer ?
La notation sur 20 rend compte
finalement de l’impossibilité pour l’enseignant qui la pratique
universellement, en tout lieu et en toute circonstances, de
penser autrement, sinon en cachant routines et mouvements
d’humeur, le compte-rendu de son évaluation. C’est donc par
défaut que la notation s’exprime et renforce son habillage
techniciste, afin d’éviter toute contestation potentielle. Comme
un fait qui voudrait s’imposer, irréductible, réalité intangible
puisque chiffrée, entraînée dans une inertie à une monotonie
redoutable.
Mais puisqu’on y tient en France,
alors nous vous proposons, dans la continuité de l’étude sur la
variété requise des points d’appui et des ressources
pour l’enseignant, quelques autres pratiques possibles de
restitution de la valeur d’un travail écrit ou oral, qui nous
semble plus performantes que la pratique scolaire
traditionnelle.
Il s'agit d’élaborer en une vue
panoramique les multiples possibilités de construction d'une
note sur 20 ou sur 100, en vue de qualifier ou estimer un
travail, un projet, une copie, une réponse, une prestation orale
ou écrite, un dossier etc... (en compétition ou hors
compétition). Regardez avec quelque dessein ou au moins avec
une curiosité affable.
Vue panoramique des notations
Nous allons avoir à nous déplacer en
une première façon de faire et une 22ème ou 23ème
manière distincte ou autre. Nous le ferons souvent en la forme
interrogative si habituelle à notre culture du questionnement
incessant, sinon immodéré, alors que toute question devrait être
mûrement élaborée. Commençons par une première question :




En
final, vous est-il possible, et cela vous tenterait-il,
d’utiliser plutôt que la notation, des formes variées de
cotation, souvent plus réalistes et davantage motivantes pour
les élèves ?
Et, en final de final, la motivation des élèves au travail
est-elle un objectif pertinent pour la mise en œuvre de
l’évaluation, princesse encore endormie, oui ou non ?
D’après de André de Peretti, Encyclopédie de
l'évaluation et de la formation, Paris, ESF, p.33 sq.,
1998, disponible sur le site DIVERISIFIER
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