Une
chouette,
érudite près d’Athéna depuis les Grecs, a bien voulu me faire bénéficier
de ses conseils.
Elle les jugeait, clignant les yeux, opportuns pour la gouverne
d’enseignants débutants, c'est-à-dire de tout enseignant au long de sa
carrière, chaque année à nouveau débutant ingénument ; et elle
recommandait, en conséquence :
1-
« Primo, sachez vous faire ingénieusement confiance pour pouvoir
accorder une confiance avertie à vos élèves. Par suite, maîtrisez les
soupçons ou les incertitudes à l’égard de vous ou de la classe. Vos
élèves peuvent vous aider puissamment, si vous prenez tranquillement
appui sur leurs potentialités internes de complémentarité et de
régulation. Il faut vous redire souvent : « ma classe va m’aider ;
inutile de me raidir à l’avance sur des mécanismes de
défensivité-agressivité. ». Et n’oubliez pas : « Patience dans
l’azur », à quoi nous y invitent Paul Valéry puis Hubert Reeves !
Il faut laisser l’impatience et l’anxiété aux centres de formation…ou
aux chercheurs universitaires. Et n’oubliez pas l’injonction paradoxale
d’André Gide : « Nathanael, jette mon livre. »
2-
Secundo, il vous convient de vous assurer des représentations que
vous entretenez dans votre tête : à l’égard de votre discipline et de la
didactique, de la pédagogie et de l’institution, des élèves et de leurs
parents, enfin de l’établissement. Il vous faut savoir comprendre les
difficultés des élèves, vous acclimater à leurs différences. Croyez-moi,
sachez user de l’évaluation pour une positivité des itinéraires
individuels et collectifs de vos élèves. Il vous importe de les élever
progressivement, engendrant d’incessantes et faciles exigences selon des
progressions souples. Gardez-vous de loucher sur les contenus des
programmes, mais sachez les situer et les condenser à leur distance
d’objectifs accessibles, accommodables. »
Sur ce, la noble chouette plissa ses yeux, murmurant « Piaget » », puis
elle reprit.
3-
« Tertio, vous avez besoin de vous sécuriser par la vue synoptique
d’un outillage pratique, de nature à expliciter votre projet
d’enseignement et votre volonté d’accompagner l’apprentissage personnel
de chaque élève : des listes de quelques objectifs initiaux pour votre
discipline et même d’autres disciplines assimilables, des citations
marquantes, des extraits d’ouvrages, quelques plans de cours, des
anecdotes et métaphores pouvant illustrer l’enseignement, des
instruments variés d’évaluation formative, des procédures multiples
d’organisation de la classe (en sous-groupes, en rôles coopératifs…) etc…
suivant vos goûts personnels, accroissant les chances de choisir qui
vous sont laissées, pour mieux en élaborer à l’égard de chacun de vos
élèves.
4-
« Quarto, il vous convient de disposer d’un plan indicatif des trois
premières semaines suivant toute rentrée ou a fortiori la prise
de fonction : comment vous présenter et aider les élèves à coopérer :
quels contenus intéressants proposer et dans quelles formes ; quels
exercices et quels contrôles stimulants et non déroutants avoir en
disponibilité : quels supports (audiovisuels ou métaphoriques) vous
disposer à utiliser etc… »
A ce moment, chuinta-t-elle, hulula-t-elle, en secouant ses plumes, je
ne saurai le dire. Mais elle reprit.
5-
« Quinto, jurez-vous de considérer toute difficulté (ou crise) qui
se présente dans la vie de la classe ou de l’établissement comme une
chance de progrès, comme une crise de croissance,. Considérez d’avance
toute erreur ou inexactitude comme un matériau utile pour une
amélioration, une explication, une alerte positive, une mise en train de
motivations, sans peur ni sans reproche ! Non impedias musicam :
n’empêche pas la musique, rappelait Paul Claudel.
Et sachez vous reposer dans la satisfaction des justes approximations
(en vous gardant du perfectionnisme ou de l’impatience, cette
perversion du projet éducatif), mais aussi sachant vous assurer dans le
recours à l’humour, cette lucidité qui tourne en tendresse et vivifie
les logiques, humanisant les abstractions. »
Avant de me
tourner le dos, la chouette, me regardant dans les yeux, ajouta :
« N’oubliez point que c’est un métier difficile et superbe, mais non le
plus ancien. Confiance ! et amitié ! et ingénierie méthodologique avec
des cartes de parcours et des provisions de bonne humeur. Consultez
aussi les bons sites. Et hybridez en dispositions fécondes des
procédures ou idées pédagogiques plurielles. »
Je me
sentis invité à la sagesse. Tous ces conseils me paraissaient
« chouette ».
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