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Récit d'une séquence de l'atelier MAQUETTE  

par Sylvie DROUCHEAU  (Technologie Parcours Gabriel FAURE ; Maquette)

C’est la fin de la récréation et la sonnerie retentit dans la salle des professeurs. Je suis occupée à discuter de choses et d’autres avec les collègues mais il faut y aller. Il faut aller chercher les élèves et, comme d’habitude, lorsque je dois aller en parcours diversifié, je ne suis pas vraiment enthousiaste. Cela me demande un investissement considérable, tant pour ce qui est de la préparation que pour ce qui est de la présence devant les élèves.

Je traverse la cour. Mes élèves, au nombre de dix-sept, sont déjà là. Ils m’attendent de pied ferme. Ils sont contents de me retrouver et semblent pressés d’aller «en parcours».
Ils m’entourent et me posent de multiples questions sur ce que nous allons faire pendant cette séance.
Certains ont déjà une petite idée et me donnent même quelques suggestions. Ils ont réfléchi à ce que nous allions faire.
Leur sourire, leurs questions, leurs suggestions suffisent à me remotiver et me donner du courage. Je vais peut-être faire du bon travail !

Les élèves s’installent et je commence à faire l’appel. Il n’y a pas d’absents.
Plusieurs élèves interviennent:
«Madame, j’ai apporté de la peinture pour la maquette. Vous avez les pinceaux ?»
«M’dam, où sont les développés que l’on puisse commencer ?»
«Madame, je sais de quelles couleurs je vais décorer ma maquette».
Je dois calmer tout ce petit monde en effervescence et je leur montre que leur appétit de travail ne peut bien se passer que si tout se déroule dans l’ordre. Je cours cependant dans la réserve, vais chercher les développés des bâtiments, les socles des maquettes et les pots de colle. Je distribue le tout à chacun des quatre groupes.

Pendant la distribution, les élèves ont sorti leurs affaires et sont prêts à commencer l’assemblage. En un temps record, ils sont au travail. Une dynamique de groupe s’est, depuis le début, mise en place et chaque groupe a réparti à chacun les tâches. Certains collent les développés d’un bâtiment, d’autres montent le développé du gymnase, d’autres construisent le réfectoire.
Aujourd’hui, il n’y a pas de disputes et le niveau sonore est raisonnable.

Une élève du troisième groupe vient me dire que son groupe a terminé. Elle peut aller chercher de l’eau pour préparer la peinture qui servira à décorer la maquette. Cela permettra à la colle de sécher, d’autant que certains travaillent plus vite que d’autres.

Afin de bien commencer la décoration, je donne des consignes. Je leur explique aussi qu’ils ont la possibilité de décorer leur maquette comme ils le souhaitent. Ainsi, ils peuvent laisser libre cours à leur imagination.
Les tenants des couleurs réelles s’opposent à ceux des couleurs par bâtiment; cette option suppose une légende. Certains pensent que la maquette est trop petite et que l’échelle choisie est trop grande. Comme certains n’ont rien compris, ils se font expliquer la notion d’échelle.

Pendant qu’ils peignent, je fais le tour des groupes pour voir si certains ont besoin d’aide. Finalement, ils se débrouillent, s’aident entre eux et beaucoup ont de bonnes idées.
Deux groupes sont nettement au niveau supérieur.
Le premier décide de représenter les bâtiments en couleur réelle. Ils font preuve d’originalité puisqu’ils décident aussi de représenter les fenêtres et les arbres de la cour. Je leur suggère de représenter l’avenue, les passages cloutés et les trottoirs.

Deux groupes sont en difficulté. Je leur donne quelques conseils afin de les remotiver, car ils perdent un peu confiance en eux. Je reste un moment avec eux pour les conseiller.

Un groupe a une idée. Les élèves ont peint les bâtiments de couleurs différentes et Malika est en train de peindre les couleurs de la légende sur le socle.
Ce groupe est composé de cinq élèves d’origine ethnique différente. Mohamed est Ivoirien, Malika, Marocaine, Marie-Laurence est Vietnamienne et Muy Pheng Cambodgienne. Quant à Leila, elle est Tunisienne...

Alors que je m’approche de ce groupe, j’entends les élèves parler des fêtes traditionnelles auxquelles ils vont participer prochainement. Tout en travaillant, Mohamed explique l’Aïd el Kébir; Marie-Laurence indique que, bientôt, ce sera le Nouvel An chinois et qu’elle défilera dans le treizième arrondissement. Cette discussion va bon train, chacun y va de son mot, écoute l’autre parler de ses coutumes et pose des questions sans pour autant gêner les autres. Me voyant, les élèves me demandent si j’assisterai aux fêtes du Nouvel An dans le quartier. Je m’assieds à leur table et je prends part à leur discussion. J’ai perdu mon statut de professeur et les élèves s’adressent à moi sans aucune difficulté, naturellement.
Je quitte ce groupe pour voir ce que font les autres.

L’heure tourne et il est temps de conclure la séance. En autonomie, ces élèves ont avancé leurs travaux et ont fait preuve d’originalité. Je les félicite.
Je leur demande alors de m’écouter. Il faut maintenant leur donner les consignes de nettoyage et celles de rangement. C’est alors que mes élèves s’exclament : «Déjà Madame ! On peut pas rester pour terminer ?»
Je leur explique que cela est impossible et que cette interruption sera profitable car la maquette séchera.
Les élèves, comme d’habitude rangent le matériel, nettoient les tables et rendent leurs travaux.

La sonnerie retentit.
Pour moi aussi, la séance a été rapide. Je suis fière de ce que les élèves ont produit. De plus, j’ai passé un bon moment en leur compagnie. Je n’étais plus le professeur mais, pendant la séance, la référante, la confidente, l’animatrice de l’activité pratiquée en autonomie.

Je ferme la salle de cours. Je suis contente. Je retourne dans la salle des professeurs, pressée de raconter ma séance à mes collègues engagés, comme moi, dans l’aventure des parcours.

Sylvie DROUCHEAUT (technologie) -février 1999             retour au collège FAURE

Un récit d'une séquence de l'atelier "Apprenti chercheur" un texte composé dans le cadre d'une monographie (Valorisation des Innovations pédagogiques) par Sylvie JALABERT (S.V.T.)

Aujourd’hui, c’est la troisième séance du parcours «apprenti chercheur». Lors des deux premières séances, j’ai présenté aux élèves le thème de cette sortie: «la forêt tempérée et ses habitants».

Cela recouvre des notions déjà vues rapidement dans le programme de sixième en Géographie et de façon plus approfondie en SVT.

J’ai sensibilisé les élèves à un aspect particulier de la forêt tempérée: la vie du cerf, et ce grâce à la projection d’un film, puis ils ont effectué des recherches personnelles. Ainsi chaque élève a pris connaissance, bien sûr de façon encore incomplète, des autres animaux de la forêt.

Cette séance revêt un caractère particulier. Elle se déroule en effet à l’extérieur de la traditionnelle salle de classe, puisque, avec ma collègue, nous avons décidé d’emmener nos élèves des deux groupes «apprenti chercheur»dans l’espace naturel de la forêt de Rambouillet.

Là, ils vont pouvoir expérimenter et vérifier de visu les données recueillies lors des recherches dans les livres ou sur CDRom. Inutile de préciser que cette sortie annoncée lors de la présentation des parcours aux élèves, et qui précédait leur choix, est attendue avec impatience !

Bien qu’à nous deux nous connaissions tous les élèves de nos groupes, puisque nous les avons l’une ou l’autre en classes, nous étions au début du parcours un peu inquiètes à la perspective de les emmener en sortie et de les lâcher dans la forêt. Certains d’entre eux sont un peu turbulents et on ne sait jamais ce qui peut leur passer par la tête !

Certes, le risque d’un dérapage est limité, mais comme nous allons évoluer dans une forêt, à l’air libre, tout peut aller très vite. Cependant, aucune sortie de cet espace n’est possible sans passer devant le personnel de l’ONF.

Un fait nous rassure. Nous avons pu tester leur sérieux lors de la séance précédente. Cela, il est vrai, nous étonne toujours un peu. Alors qu’en classe, très souvent, on ne peut relâcher un instant notre attention, et que, malgré tout, il se trouve toujours un élève qui tente une bêtise, en parcours, le petit nombre leur donne un certain sens de la responsabilité. Ainsi, lors de cette séance précédente, ils avaient pu aller d’une salle de sciences à l’autre, et même dans la bibliothèque du laboratoire seuls, sans surveillance, puisque nous étions occupées avec les autres camarades.

Ils avaient accès, ce jour là, aux livres, aux magasines scientifiques et aux illustrations, et ils l’ont fait sans qu’il soit nécessaire d’intervenir. Dans le même temps, d’autres avaient dû se rendre au CDI qui est situé à l’étage inférieur. Le risque était grand. Certains ne connaissent pas le CDI et risquaient donc de perdre du temps en recherches, alors que les spécialistes de l’amusement risquaient, eux, de se perdre dans les couloirs. Nous avions prévu cette éventualité puisque nous avions limité le temps au CDI à un quart d’heure, et cela avait marché !
 

Finalement, la sortie s’annonçait bien !

Nous avons fait le choix de ne leur demander aucun travail sur place. Il n’y a pas de questionnaires. Cependant ils peuvent prendre des notes librement sur un carnet s’ils le désirent. L’important est qu’ils sont là pour voir, écouter, sentir. Il faut qu’ils ressentent avant tout et qu’ils découvrent un monde que certains ne connaissent qu’à travers la télévision.

Les groupes sont formés. Nous ne les imposons pas, mais nous avons fixé leur nombre : cinq.

Les élèves peuvent constituer leur groupe, quitte à en changer certains s’ils perturbent. De toute manière, un groupe de six élèves perturbateurs est plus facile à gérer dans la nature qu’un groupe de six élèves du même genre dans une classe de trente. Les changements seront inutiles.

Malgré un temps médiocre, - il bruine -, les élèves sont impatients de parcourir les sous-bois d’automne. Il fait frais, plus qu’à Paris et, en plus, il faut leur donner les consignes, ce qui se fait de façon un peu pénible car les inattentifs de service sont impatients. Nous mettons cette impatience sur le compte de leur volonté de découverte ! Ils doivent attendre car rien ne peut se faire de sérieux sans avoir écouté les consignes. Voilà une occasion de rappeler qu’en classe comme à l’extérieur, une des clés du succès est l’écoute.

Les consignes sont simples : marcher le plus silencieusement possible et essayer d’apercevoir les animaux.

Au départ, nous avions décidé avec ma collègue que tous les adultes présents marcheraient à la tête de chaque groupe. Il faut en effet guider les élèves. Mais très rapidement, nous sommes «avalés» par les jeunes et nous ne formons qu’un bloc à la recherche des cerfs, biches, daims ou autres sangliers !

Comme les premiers animaux tardent à se montrer, une discussion se met en place. Il faut les occuper ! Nous parlons de tout : travail en classe, problèmes particuliers et personnels, centres d’intérêt. Nous ne sommes plus qu’un membre du groupe, adulte certes, à qui l’on confie ses angoisses ou à qui l’on dit ce que l’on pense, sans crainte de se faire juger, sans peur d’une note. Certains se laissent un peu aller, au niveau vocabulaire, mais nous les reprenons et ils se corrigent. L’estrade est loin !

Ils nous proposent même des bonbons ou des chewing-gum, interdits en classe et c’est l’occasion pour nous de faire un cours d’écologie en expliquant l’interdiction de jeter les papiers et les chewing-gum dans la nature.

Ils sont très étonnés de voir que des «vieux» puissent connaître ou apprécier la musique ou les émissions télévisées qu’ils aiment. Nous nous sentons plus jeunes !

Ce moment de discussion, nous l’avons rarement en classe et pourtant il est précieux. En effet, comment consacrer un moment d’écoute un peu important quand, en fin de cours, il faut remplir le cahier de textes, préparer la salle pour le cours suivant et que des élèves attendent dans le couloir en faisant du bruit ! Là, on a le temps. Le parcours, c’est un peu ça: le temps de prendre son temps !

Mais il faut travailler ! Une des activités prévues est la prise d’empreintes de pas d’animaux. Il faudra plus tard les reconnaître, mais en attendant, il faut faire des moulages. On se salit, mais personne ne rechigne. Tous veulent repartir avec la plus belle empreinte. Il faut apprendre les gestes car ils manquent de dextérité et bien sûr, c’est pour nous l’occasion de nous moquer gentiment de ceux qui sont persuadés que les professeurs ne servent à rien ! Même cela se passe bien ! Ils réagissent en riant et sans agressivité, alors qu’en classe, quand ils se trompent, ils acceptent difficilement de se remettre en question. Encore une occasion de leur montrer que, en corrigeant leurs fautes, un professeur ne les embête pas mais au contraire les aide.

On travaille pour eux et non contre eux. Et puis, il y a ceux qui ne travaillent pas proprement ou ont des difficultés et qui, ici, s’efforcent de réaliser une belle empreinte; cela les valorise et nous insistons nous aussi en espérant que cela les remotive à la longue.

Enfin, les premières biches arrivent et, au milieu d’elles, le cerf dominant.

Les élèves ont pris connaissance, par le film, de l’organisation du groupe d’animaux  mais le nombre de femelles pour un seul mâle les laisse sans voix ! Celle-ci revient vite quand le cerf se met à bramer. L’hilarité est générale et  aussitôt se déclenche un mouvement vers les animaux : on veut voir de près sans se rendre compte que ces animaux sont des bêtes sauvages et peuvent être dérangés. Il faut retenir les enfants et les questions fusent de tous côtés. Cela nous fait plaisir et nous récompense de notre travail de préparation, mais il faut les rappeler à l’ordre pour qu’ils se calment et restent à l’écoute des autres animaux.

Ravis de leur première découverte, les enfants comprennent la nécessité de se taire et se remettent rapidement en marche.

Puis c’est au tour des laies et des marcassins de se faire admirer. Nous, nous avons plutôt la sensation de nous promener avec un troupeau d’Obélix à la recherche de sangliers. Aussi, devons-nous vite leur expliquer que les femelles risquent de charger et qu’ils doivent absolument se calmer s’ils veulent terminer la visite dans de bonnes conditions. Ils écoutent et la sortie se termine par un déjeuner dans la forêt.

La semaine suivante, la séance débute par un bref bilan de la sortie. Les élèves semblent tous avoir retenu quelques données. Il reste à les mettre sur le papier sous forme de panneaux. Ce passage à l’écriture et à la réalisation concrète pose des problèmes à certains, car ils éprouvent des difficultés en orthographe. Il faut alors se servir de leur attitude positive pour les inciter à plus de sérieux dans le passage à l’écrit. On leur montre que l’on a confiance en leurs capacités et que l’on sait qu’ils sont capables de faire ce qu’on leur demande et du mieux possible.

Il est également sympathique de constater qu’ils ne profitent pas, de retour en classe, des moments privilégiés que l’on a eus avec eux lors de la sortie pour se montrer trop familier.
Même si une relation différente émerge, dans le sens où même les plus timides osent venir demander conseil, et que certains réalisent que le professeur n’est pas là que pour sanctionner, ils ont conscience des limites à ne pas dépasser.

Sylvie JALABERT (collège Gabriel FAURE, février 1999) 

 

 

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