un détour sur l'histoire
du COLLEGE, ses mutations profondes et ses questions toujours en suspens: une
contribution de Jacques GEORGES dans les cahiers pédagogiques, numéro spécial
n°5, Retour sur le collège.
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Le guide
pratique des actions pour la réforme (janvier 2000)
L’atelier lecture pour tous
L’apprentissage de l’oral
L’éducation à l’image
La liaison CM2-6e
Les heures de remise à niveau
L’heure de vie de classe
Le tutorat
Les groupes nouvelles technologies appliquées
Les travaux croisés
Les nouveaux bulletins trimestriels
téléchargement au format .pdt
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- Le B.O. (29 juin 2000)
recentre les priorités pour la rentrée 2000 autour de 5 orientations:
- l'aide individualisée,
- la maîtrise des langages, ( ...pratique de la lecture et apprentissage de
l'oral , évaluation de l'oral dans toutes les disciplines)
- les dispositifs fondés sur l'interdisciplinarité, (...mais les travaux
croisés ne seront pas obligatoires pour toutes les classes de quatrième et
leur prise en compte pour le brevet est reporté. chaque collège devra
organiser au moins une expérimentation de "travaux croisés" en quatrième pour l'année scolaire à venir. Il pourra
s'agir soit d'une classe entière soit du regroupement temporaire d'élèves
issus de plusieurs classes.)
- l'enseignement de la technologie (... Dans le domaine des technologies de
l'information et de la communication, il conviendra de promouvoir une utilisation contrôlée de l'Internet, en réfléchissant à un accompagnement
pédagogique qui puisse aider les élèves à s'organiser dans la recherche et
l'exploitation de documents.)
- l'apprentissage de la citoyenneté.
- François Dubet et Marie Duru-Bellat, sociologues : « Les mécanismes de fabrication des
inégalités sont renforcés par les pratiques scolaires » (Le Monde daté du samedi 15 juillet 2000)
« Faut-il enterrer le collège unique ainsi que la demande sociale le suggère
de plus en plus fortement ?
F. D. - Non. Il ne faut pas renoncer au collège pour tous. Il faut instaurer une formation
commune et obligatoire jusqu'à seize ans, en dépit de la demande sociale qui est
ségrégative et sélective. Sinon, soit on revient en arrière en imposant la sélection et
l'orientation dès la classe de 5e soit on laisse s'installer un système libéral où la
demande commande l'offre, c'est-à-dire qu'on laisse se poursuivre la dérégulation en
cours aujourd'hui. Une autre position, souvent défendue par les enseignants, consiste
à dire : on peut tenir cet idéal du collège unique, à condition d'obtenir des moyens
supplémentaires. Or, les collèges ont des moyens et certains enseignants savent bien
que s'ils n'y arrivent pas avec des classes de 24 élèves, ils n'y arriveraient pas non
plus face à 18.
- Quels sont les éléments qui illustrent la faillite du collège unique ?
M. D.-B. - Tout d'abord, en terme de niveau, face à l'arrivée de la totalité d'une classe
d'âge, le collège ne s'en est pas trop mal tiré. Mais, aujourd'hui, il est dans une
situation ambiguë, tiraillé entre une mosaïque d'intérêts contradictoires. Formellement,
on dit que l'offre scolaire est identique partout, or on laisse faire le contraire. Le thème
de l'hétérogénéité des collèges est en passe de devenir aussi prégnant que celui de
l'hétérogénéité des élèves ; ce phénomène est le signe d'une perversion du système.
Car les mécanismes extérieurs de fabrication des inégalités sont renforcés par les
pratiques scolaires. Alors que les classes de niveau sont officiellement prohibées
depuis la réforme Haby de 1975, seulement un quart des établissements constituent
des classes relativement hétérogènes. La couverture des programmes est très inégale
selon les collèges. La structure du corps enseignant constitue une autre source
d'inégalités : dans certains collèges, 80 % des profs changent tous les ans.
F. D. - L'ouverture à tous du secondaire était un projet politique mais le collège est
devenu une école de masse sans affirmer de nouvelles règles et une autre vocation
scolaire. La logique du » petit lycée« l'a emporté sur celle de »l'école moyenne«,
débouchant sur une orientation par l'échec.
- Quelle alternative proposez-vous ?
M. D.-B. - Les établissements doivent obtenir davantage d'autonomie à condition qu'ils
soient plus contrôlés. Par ailleurs, les enseignants doivent passer plus de temps dans
les établissements, quitte à assurer moins d'heures d'enseignement. Surtout, il faut
définir la culture commune, ce que tout collégien doit savoir en quittant la scolarité
obligatoire. Il n'y a aucune raison pour que les programmes soient conçus en fonction
de la filière d'excellence du lycée général. Il faudrait les repenser, en y incluant des
objectifs de socialisation, des disciplines nouvelles, une culture technologique...
F. D. - Le renoncement n'est pas dans la définition d'un SMIC culturel mais dans la
tranquillité avec laquelle on accepte que tant d'élèves soient dépassés par les
programmes actuels. Ce n'est pas parce que 50 % des collégiens seront ouvriers ou
employés qu'ils doivent passer quatre ans au collège à ne rien apprendre et à être
humiliés. Définir le minimum que chacun devrait atteindre ne freinera pas les bons
élèves. Certains pays, tels que la Finlande, parviennent à donner une culture
commune, sans sélection, à tous leurs jeunes jusqu'à seize ans. Pourquoi pas la
France ?
- La culture commune n'est-elle pas contradictoire avec l'idée en vogue qui
défend »la reconnaissance des intelligences«et »l'individualisation«des
parcours ?
F. D. - Sur le plan pédagogique, nous avons une approche très libérale. Nous estimons
que ce n'est pas à l'Etat d'imposer une pédagogie ; en revanche c'est à
l'Etat de s'assurer que la pédagogie employée produit de bons résultats, en fonction d'un
objectif commun défini. Aussi, nous ne sommes pas contre des méthodes pédagogiques et des rythmes d'apprentissage diversifiés. L'institution ne pouvant pas
reconnaître la diversité des différences individuelles, celles-ci seront fatalement
agrégées dans des différences collectives qui ne peuvent être que des différences
sociales, aboutissant à la construction d'une école à plusieurs vitesses.
- En quoi le choix du collège unique demeure-t-il un choix politique ?
F. D. - Si les politiques ne s'en saisissent pas, les intérêts sociaux dominants
prendront le dessus et, tout en maintenant un décor d'universalisme, on ira vers la
dérégulation. Une volonté politique forte s'impose, d'autant que l'école reste un des
rares domaines où l'Etat a des marges de manoeuvre. Par ailleurs, il faut sortir des
discussions internes à l'institution, faire entendre aux syndicats que l'école appartient
à la nation. En ce sens, un débat au Parlement aurait une fonction symbolique forte. »
L'Hypocrisie scolaire. Pour un collège enfin démocratique,
François Dubet et Marie Duru-Bellat. Editions du Seuil. A paraître le 1er septembre. Propos recueillis par
Stéphanie Le Bars
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