Chapitre 25

Donner des conseils de méthode

 

Un élève suit au collège 12 disciplines, 26 heures par semaine sur 36 semaines. En conséquence, 12 enseignants différents avec des méthodologies propres à la discipline mais aussi propres à chaque enseignant dans la discipline (sans compter d’éventuels remplacements). Un cours, c’est aussi 300 échanges à grande vitesse dans l’heure (niveau collège). Un professeur qui parle, ce sont 150 mots à la minute.

Un élève qui écrit, ce sont 30 mots à la minute. Les informations auditives ne couvrent que le quart des informations délivrées sur le contenu, le sens, le contexte, les intentions. La mémoire ne retient que 20 % des informations délivrées et traitées. Être interrogé diminue les capacités de l’élève des deux tiers.

 

L’élève est confronté à un flux d’informations de nature et d’importance très variées, dans lequel les savoirs sont mêlés à d’autres informations contextuelles voire parasites. Il doit faire le tri lui-même, à moins qu’on lui apprenne, qu’on le guide. Mais qui le fera, comment et sur quelle durée pour que cet apprentissage devienne une compétence effective et attendue en fin de scolarité ? Faut-il attendre qu’il se fabrique sa propre boite à méthodes ?

Comment faire le point avec les élèves sur leurs démarches ? Comment intégrer dans le cours l’aspect méthodologique, et notamment la compréhension des consignes et la prise de notes ? Comment affermir les compétences orales ? Peut-on évaluer les effets de ce type d’enseignement méthodologique ? Enseigner, on le voit, demande aussi des méthodes.

 

 

scénario de départ Faire le diagnostic des méthodes des élèves

 

Ils n’ont pas appris à travailler ; que fait le Primaire ? variante 2 : qu’a fait le collège ? Le constat est toujours global et rédhibitoire, la cascade de reproches attendue ; il confirme l’enseignant dans une impression de « tabula rasa » ; il faut tout reprendre et cette mission est déjà impossible à tenir. S’intéresser aux méthodes de travail incite cependant à fortement nuancer ce jugement à l’encan pour analyser des pratiques et prendre appui sur des acquis et mieux déterminer les besoins. Voir aussi « analyser les ressources », et analyser les pratiques »

 

La réalité est infiniment plus complexe, apprendre n’est jamais un long fleuve tranquille. On peut même remarquer en situation nouvelle (nouveau prof, nouvelle discipline, nouvel établissement, nouveaux savoirs) des phénomènes de désapprentissage. Apprendre à travailler n’est pas un acquis, c’est un exercice de tous les instants à l’école, au collège, au lycée, et d’aucuns diraient, à l’université. Quand un musicien change d’instrument, de salle, de répertoire, il a besoin d’un temps de re-découverte et d’entraînement pour retrouver son habilité et exprimer son « talent ».

 

 

Enquêter sur les méthodes de travail

 

En tant que professeur principal, j’ai souvent utilisé en début d’année une enquête adaptée selon le niveau correspondant. Elle est nominative et déclarative ; mais son analyse est collective;  les informations glanées sont précieuses pour envisager la suite des opérations ;

 

Enquête sur les méthodes de travail

Planning et timing (organisation du travail)

 

1

Le soir, avant de me mettre au travail, je décide des devoirs à faire et des leçons à apprendre.

c

2

J’éprouve des difficultés à établir avec précision le temps que je dois consacrer à l’étude de chaque matière.

c

3

Je garde pour le dernier moment le travail que je juge difficile ou ennuyeux.

c

4

Dans le courant de l’année, je travaille régulièrement afin de ne pas plus tard être obligé de rattraper le temps perdu.

c

5

A l’approche des contrôles, je fais l’inventaire de la matière à étudier et j’établis un plan de travail.

c

6

Il m’arrive plusieurs fois par semaine de ne pas m’occuper de mon travail scolaire.

c

7

Je passe une trop grande partie de mon temps dans les loisirs (télé, disques, sports, revues et livres non scolaires).

c

Techniques d’étude et méthodes de travail

 

8

Pendant les cours, je ne parviens pas à la fois à écouter le professeur et à prendre des notes claires et précises.

c

9

Le soir, je consacre la plus grande partie de mon temps à compléter les notes prises pendant les cours.

c

10

Lorsque je dois préparer un exposé ou un devoir rédigé, je commence à me documenter dès que le sujet est connu.

c

 

Lorsque je lis un texte, j’ai de la peine à en dégager les idées essentielles.

c

12

J’éprouve des difficultés à m’exprimer couramment oralement.

c

13

Lorsque je fais un devoir rédigé, j’éprouve des difficultés à ordonner mes idées et à la exprimer avec clarté et précision.

c

14

En préparant un contrôle, je consacre une partie de mon temps à approfondir la matière en faisant des exercices.

c

15

Lorsque je ne comprends pas la matière du premier coup, je l’étudie de mémoire.

c

16

Lorsque je révise un cours, je note les points essentiels afin d’obtenir une vue d’ensemble de la matière étudiée.

c

17

Lorsque j’étudie un cours, je le revoie mentalement en me posant des questions et je m’efforce de le récapituler comme si j’étais obligé de fournir des explications à autrui.

c

18

Lorsque j’apprends un cours, je m’efforce d’établir les rapports entre ce cours et les cours précédents.

c

19

Je revois soigneusement la théorie avant de passer aux applications.

c

20

Lorsque j’ai un problème difficile à résoudre, je commence à noter les données avant de passer à la solution.

c

21

Il m’est pénible de faire un plan clair et auquel je me tiens avant de rédiger un devoir.

c

Concentration

 

22

Je suis nerveux lors d’un contrôle

c

23

Le soir, je tarde longtemps à me mettre au travail.

c

24

Lorsque je suis en train d’étudier, je me laisse facilement distraire.

c

25

Lorsque j’ai un travail peu attrayant à faire, je persévère jusqu’à ce qu’il soit complètement terminé.

c

26

Le moment venu d’étudier, je me sens fatigué et découragé.

c

27

Lorsque je suis surchargé de travail, j’ai tendance à tout commencer en même temps de sorte qu’il m’est impossible d’apprendre un seul cours convenablement.

c

28

Quand je me vois forcé d’interrompre mon travail, il m’en coûte de m’y remettre.

c

Motivation

 

29

Les soirs où je n’ai pas beaucoup de travail, je prépare un travail imposé pour les jours suivants.

c

30

J’ai l’impression que nous devons assimiler trop de détails pour la plupart des matières figurant au programme.

c

31

Il y a certaines matières pour lesquelles je ne fais que l’effort strictement nécessaire.

c

32

En classe, j’ai tendance à me décourager rapidement.

c

33

Lorsque je n’ai pas envie d’étudier, je saisis la moindre occasion pour m’occuper à d’autres choses.

c

34

Je voudrais poursuivre mes études après le collège.

c

35

J’essaie d’obtenir les meilleurs résultats possibles.

c

36

Je fais un effort particulier lorsqu’il s’agit d’une matière pour laquelle je n’éprouve aucun intérêt.

c

 

 

 

c

 

L’exploitation des résultats communiqués et commentés en classe m’a permis de comprendre des situations parfois bizarres et de construire un dispositif méthodologique de soutien au travail personnel ; certains items se dégagent plus que d’autres, ce sera donc la priorité des premières semaines. Le bilan est communiqué aux autres enseignants de la classe, ainsi qu’à ceux qui encadrent études dirigées ou aide individualisée (selon les appellations et les contextes). Chaque item représente un point que l’on prend le temps d’aborder dans ces créneaux réservés à l’aide au travail personnel. [Voir « guider le travail personnel de l’élève »,].

 

La fiche personnelle des réponses est un bon support pour mener un entretien avec un élève, dans le cadre d’un tutorat, de sorte à mesurer avec lui les petits progrès, mois après mois. On peut fixer ainsi avec lui quelques micro-objectifs, tout à fait atteignables, portant sur deux ou trois points du questionnaire. La motivation se construit pas à pas avec une analyse partagée des potentialités, des progrès et un bon calendrier.

 

Ainsi, les élèves de la classe bénéficient d’un dispositif coordonné, entre traitement disciplinaire en cours, analyse de la tâche en ATP, et bilan personnalisé en tutorat, sur des bases plus objectives qu’un simple constat réducteur. Après, c’est une histoire de pratiques… d’enseignants. [Voir « coordonner une équipe »

 

 

Mobiliser les élèves dès le début : "la chasse au Toto"

 

Certains collègues ne manquent ni d'imagination, ni d'humour pour motiver leurs élèves. L'équipe du Collège Dolto, dans le 20è arrondissement de Paris, racontent ainsi les malheurs de Toto ou comment les idées de l’ARS tricotent leur chemin chez les élèves…

 

"L'Atelier Réussir en Sixième (ARS) fonctionne depuis cinq ans. Il a lieu une heure par semaine. Cette heure est partagée pour toutes les classes de façon à renforcer l’appartenance à un groupe tout en permettant aux professeurs de se concerter, deux fois par trimestre. Son objectif principal est d’aider les élèves à s'approprier les méthodes du travail intellectuel en les rendant acteurs de leur apprentissage.

 

Un premier document est distribué qui décrit quelques situations scolaires très familières, auxquelles un élève imaginaire, Toto, se trouve confronté et qu’il résout à sa manière… Chaque situation symbolise un de nos objectifs d’ARS. Exemples :

1/Le professeur explique quelque chose d’important à toute la classe . Toto n’est pas attentif. (Objectif : je sais être concentré et faire travailler ma mémoire).

 

2) Les élèves doivent rendre aujourd’hui un devoir, donné il y a une semaine. Toto n’a pas sa feuille. (Objectif : je sais me servir du cahier de textes.)

 

Une grille est ensuite distribuée demandant d’indiquer pour chaque situation,  ce que Toto n’a pas fait et ce que Toto aurait dû faire et de répondre à quelques questions formulées à la première personne qui permettent aux élèves de se mettre à leur tour en situation : t’arrive-t-il parfois d’être un Toto ? Alors, donne-toi quelques conseils.

 

La fiche débouche sur une correction orale particulièrement riche et rapide. Une main se lève  : « ce sont les sept objectifs de l’atelier ! ». Etonnement du professeur, il est en général difficile de se référer à ces objectifs donnés en tout début d’année. L’élève explique :  « pendant les vacances, mon grand frère m’a préparé à la sixième, il m’a fait apprendre l’ARS ». Une autre main se lève « son frère m’a expliqué à moi aussi. Il a dit que ça sert dans toutes les classes à Dolto ». Un troisième élève « moi, ma grande sœur m’a fait apprendre par cœur :  Attention, Concentration, Mémoire ». (C’est la devise de l’ARS, que nous utilisons encore parfois en « rappel de vaccination »  dans les classes supérieures).

 

Un élève demande ensuite la parole : « je peux parler directement à Fati ? Fati, tu es une Toto ! Tu n’apportes presque jamais tes affaires ! ». L’attaque directe est abrupte, mais l’élève visée n’est pas en grande difficulté, elle fait rebondir la discussion sur ses motivations et sur l’intérêt personnel qu’on peut parfois retirer à être une Toto. Explicitant la réaction de Fati, Aurélien donnera la motivation qui est celle de nombreux Toto : « je me fais remarquer, c’est pour être connu ! ».

 

Dialogue riche en découvertes pour les élèves et pour les professeurs puisque de manière inattendue ces élèves demanderont alors à rédiger un commentaire original à partir de leur propre bulletin scolaire en s’appropriant les rubriques de la fiche Toto.

 

Dans une autre classe, le professeur chargé de l’ARS a pris une séance de retard : « nous allons parler de Toto » - « mais on l’a déjà fait, madame… c’est une autre sixième qui nous l’a fait pendant une heure de perm’. »

Dans chacune des classes du collège, la ”chasse au Toto” a pris vie et a débordé de l’Atelier d’ARS, se transférant un peu partout. Le nouveau professeur de maths ne fait pas d’ARS, mais comme beaucoup, il a entendu parler de notre dernière activité en salle des professeurs. Après un contrôle raté, il déclare à ses élèves : « vous êtes vraiment tous des Totos ».

 

Large sourire de la classe ; les élèves sont ravis de cette connivence.

 

 

Les 7 objectifs de l'ARS

Pendant une heure par semaine, ils apprendront ces méthodes dans une séance de travail que nous avons appelé A.R.S. : Atelier Réussir en Sixième.

Pour les aider, nous avons choisi sept objectifs qui nous paraissent essentiels pour un travail efficace en sixième :

1 Je suis capable d'utiliser mon carnet de correspondance.
2 Je sais me servir de mon cahier de texte.
3  Je sais quel matériel je dois mettre chaque jour dans mon cartable.
4 Je sais organiser mon travail à la maison.
5 Je sais apprendre mes leçons.
6 Je sais être attentif, me concentrer et faire travailler ma mémoire.
7 Je sais comprendre un énoncé, une consigne.

 

Les parents à la rescousse au collège !

On ne peut naïvement renforcer l’approche méthodologique en 6ème sans s’interroger aussi sur la connaissance dont les parents des mêmes élèves disposent quant au fonctionnement, aux « mœurs » et aux implicites du fonctionnement secondaire.

C’est une dimension largement sous-traitée dans l’Education que se propose d’aborder Francine Saucier et Véronique Gaspard, avec richesse et efficacité.

Plus qu'un guide du collège, c'est un guide du parent d'ado  qui les aidera à accompagner leur enfant durant ces années où il devient un adolescent. Indispensable pour un professeur principal aussi !

On apprend beaucoup sur le collège, son fonctionnement, ses acteurs, ses structures, ses programmes. Les parents y découvrent les emplois du temps des classes, la gestion des retards, la sectorisation et ses détours, les classes à horaires aménagés, l'évaluation, les bases de l'orientation, etc. Mais. Ce guide apporte des conseils précieux pour mieux dialoguer avec les enseignants, apprendre à déchiffrer un bulletin trimestriel, utiliser le carnet de correspondance, bref décrypter les usages et les codes de communication du monde de l'Ecole.
Le dernier chapitre est consacré au capital santé des enfants : l'équilibre alimentaire, la puberté, le sommeil, le sport : autant de points qui peuvent faciliter et l'épanouissement et la réussite du collégien.  

Francine Saucier, Véronique Gaspard, Mon enfant au collège, Paris, Hachette Education, 2005,

 

 

 

scénario de départ Intégrer les conseils de méthode dans le cours

 

"Je suis embourbé dans mes contenus disciplinaires bien trop lourds, pas de place ni de temps à consacrer à la méthodologie." Le conseil méthodologique ne peut être valable que s’il intègre parfaitement au déroulement comme aux contenus de votre cours. Pas de méthodologie pour la méthodologie. Mais pas d’autonomie sans pédagogie de l’autonomie. Les élèves lui attribueront la valeur, la place et l’espace que vous voulez bien lui donner. [Voir aussi « conduire une recherche documentaire »].

 

Lier la méthodologie au contenu

 

Dans mes cours, j’avais pris l’habitude de faire organiser les cahiers des élèves selon la modalité suivante : toute la partie droite était réservée au cours, la trace écrite, les définitions, les contenus. Toute la partie gauche était consacrée à la méthodologie : ainsi, l’étude d’un document, son analyse, son décryptage et les éléments extraits y trouvaient leur place ; c’était le cas aussi pour quelques automatismes qu’on retrouvait alors facilement : une carte en 5 points, un schéma explicatif, une définition, par exemple.

 

Cette partie était un espace beaucoup plus personnel que la partie droite ; l’élève pouvait aisément la compléter, la colorier en code-couleurs. L’expérience a montré sur plusieurs années que les deux parties se répondaient à égale densité, voire certaines fois, souvent dans les premiers mois, la partie méthode se dilatait. Le cours permettait de passer d’un registre à l’autre sans problème, avec beaucoup de liberté. Quand on constatait ensemble qu’un problème se présentait ; on passe à gauche, puis on reprenait le déroulement, à droite.

 

C’est un peu comme apprendre à faire la cuisine : on peut rester derrière le chef à le regarder faire et piquer quelques recettes ; c’est encore mieux de tout mettre sur le plan de travail et d’élaborer ensemble la recette que l’on mangera ensemble.

 

Le lien entre contenus et méthodes est consubstantiel. L’un ne peut aller sans l’autre.

 

 

Le conseil donné à un élève profite à tous

 

"Comment donner des conseils de méthode personnalisés quand j’ai trente élèves en face de moi ?" Nous ne sommes pas en situation de préceptorat ; le conseil méthodologique est un conseil généralement donné à un élève en situation de travail, mais vous escomptez que les effets porteront sur l’ensemble du groupe. Pour que ces conseils profitent à tous, voici quelques techniques faciles à appliquer.

 

 

 

 

 

Améliorer la compréhension des consignes

 

"Ils zappent la lecture de la consigne, pour me demander « Monsieur, qu’est-ce qu’il faut faire ? »" Ce serait peut-être la première compétence du métier d’élève : comprendre la consigne. Et on pourra vite sombrer dans la lamentation en notant qu’ils ne savent pas lire les consignes, tous niveaux confondus. Manifestement, la confrontation à un énoncé produit un effet chez les élèves qui aboutit à des contre-performances. Certes, notre travail pédagogique est d’abord un travail de clarté et de simplicité dans les consignes, mea culpa. Mais il faut bien constater que l’attention à la lecture de consignes n’est jamais maximale, étant souvent requise par d’autres éléments du contexte (phase d’évaluation sommative, début difficile de mise au travail, problèmes de matériels, et autres…). [Voir « définir des objectifs »].

 

Comment aider les élèves

 

 

 

J’utilise par exemple le document suivant, amusant au demeurant ; l’humour est un bon dérivatif pour des situations importantes.Vous le présentez avec sérieux aux élèves retourné comme un exercice noté en temps limité. Au top, tout le monde s’y met. Vous serez surpris de voir certains s’écrier tout haut « çà va ! ». Rapide retour sur l’action : que retenons-nous de cet exercice ?

 

 

 

Enseigner la prise de notes aux élèves

 

"La prise de notes n’est pas assurée ; la trace écrite devient un calvaire qui prend tout le temps du cours." La prise de notes est, typiquement, l’apprentissage non assuré en cours. On peut sans doute passer une heure à en parler et après, exécution. Il n’y a rien de plus complexe pour l’élève et pourtant, c’est une des clefs de la réussite dans les études secondaires en France. On pourrait le résumer par mener une activité multi-tâches à la manière de l’ordinateur : écouter, observer, mémoriser, résumer mentalement, sélectionner des mots-clefs, organiser l’espace de sa page blanche, réinventer un système d’encodage efficace, mettre par écrit. Il requiert un haut niveau d’abstraction et une technicité élevée pour être efficace. Son apprentissage ne peut se suffire d’une seule heure. C’est une affaire de plusieurs années. On est toujours à la merci de dérives : laisser passer une articulation logique dans le discours de l’enseignant, tout noter, écrire illisible, prendre l’anecdote et pas l’essentiel….

 

Commencer l'apprentissage dès la sixième

 

Il ne faut pas hésiter à aborder cet apprentissage relativement tôt, dès la 6ème par exemple, comme un jeu d’écriture ; au cours de votre exposé oral, vous transcrivez sur tableau ou transparent sa traduction en prise de notes avec les symboles adéquats : différent de ; par opposé à, conséquence, en même temps, hiérarchiser plusieurs points etc., mais aussi quelques abréviations simples. Ce sont des rudiments d’un nouveau langage.

 

A partir de la 4ème, proposez de travailler la trace écrite comme une prise de notes : faites passer un élève au tableau, mieux sur transparent (il pourra ensuite l’intégrer dans son cahier) ; et suivez pas à pas sa prise de notes, en proposant avec les autres élèves périodiquement des améliorations de type :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

scénario de départ Développer les compétences à l'oral

 

"Mes élèves ne sont pas capables d’avoir une parole soutenue plus d’une minute." Notre culture scolaire, et plus particulièrement dans le secondaire, est fondé sur la sur-valorisation de l’écrit. La pratique orale est renvoyée au quotidien de la classe, quasiment comme une pratique annexe, même pas évaluée lors de l’établissement des moyennes trimestrielles. Elle est pourtant essentielle dans tout apprentissage en participant à la construction identitaire et à l’image de soi. Vouloir améliorer les performances des élèves (à l’écrit) passe donc obligatoirement par un travail d’oralisation.

 

Comment utiliser l'oral en cours

 

Lors d’une formation d’enseignants, un rapide tour de table a permis de faire le point sur le recours à l’oral[1] en cours. Le groupe a pu dégager quatre objectifs pour lesquels les enseignants utilisaient l'oral :

 

 

 

 

 

Mais toutes ces occasions d’oral sont-elles des moments où l’oral est utilisé ou alors enseigné ?

 

 

Travailler l'oral dès la sixième

 

Dominique Natanson, est professeur au collège Maurice-Wajsfelner, Cuffies (Aisne) et formateur en IUFM ; il s’est particulièrement intéressé à cette problématique[2] : "comment faire en sixième pour que les élèves s'approprient les critères d'une intervention orale réussie ?"

Créer des "occasions d'oral". « L'oral fait apparaître une nouvelle dimension de l'hétérogénéité : la timidité des uns, les difficultés d'expression des autres, l'aisance enfin d'élèves qui ne sont pas pour autant brillants. L'équipe de mon établissement a mis en place, régulièrement, des "occasions d'oral". Il s'agit de faire préparer à la maison une intervention de trois minutes sur un sujet délimité, par exemple :

-  Comment vivaient les paysans égyptiens ?

-  Ce que faisaient / ce que croyaient les Égyptiens à propos de la mort

-  Comment se pratique la religion juive ?

-  Comment les hommes du Népal adaptent-ils leurs activités aujourd'hui ?

-  Présenter un héros de la mythologie grecque

 

Ces petits sujets sont présentés dans une fiche-contrat distribuée au début de chaque chapitre. Le plus souvent, les sujets peuvent être préparés à partir d'une double page dossier du manuel d'histoire-géographie.

 

Evaluer. Le jour venu, on n'interrogera que quelques élèves, mais on fera participer l'ensemble de la classe à l'évaluation, et donc à l'appropriation des critères de réussites. La classe est divisée en trois groupes et chacun reçoit une mission :

 

 

 

 

 

Le principe de l'évaluation par ceintures

 

Fernand Oury, qui faisait du judo, eut ainsi l'idée de définir les compétences des élèves en leur faisant passer des ceintures : de la ceinture blanche pour les plus faibles à la ceinture noire, comme objectif final de la formation. Ses élèves étaient " jaune " en lecture, " bleu " en calcul, " orange " en écriture...

 

Ainsi, "Je suis parti du constat, explique Dominique Natanson, qu'il y a de grandes inégalités de départ pour une réalisation orale. J'évaluais précédemment sur la base de l'atteinte ou non des objectifs fixés. Mais, deux jours de suite, cette évaluation - objectif pas du tout atteint / pas encore atteint / atteint / parfaitement atteint - m'a posé problème.

 

La première fois, ce fut quand une excellente élève, après avoir parlé brillamment durant 4 minutes, termina en disant "Ben, voilà, j'ai fini !". Je ne pouvais que lui dire "Objectif parfaitement atteint" et je regrettais de ne pas pouvoir lui faire comprendre, dans l'évaluation même, qu'elle avait encore un pas à franchir, celui de la conclusion. La deuxième fois, ce fut lorsqu'une élève extrêmement timide arriva devant la classe en tremblant et parla d'une voix forte, durant toute une minute. Les élèves applaudirent sa prestation, mais moi, je n'avais à lui offrir qu'un " objectif pas encore atteint " : elle n'avait pas tenu 3 minutes !"

 

Pour obtenir une ceinture, il faut réussir à valider les trois éléments constitutifs simultanément. Prenons l'exemple de la validation de la compétence "Intervenir à l’oral, sur un sujet préparé à l’avance, devant un public, sans lire un papier".

 

Prénom :                                Nom :                                                Classe : 6ème

Ceintures

Tout ce qu’il faut être capable de faire

pour obtenir la ceinture

 

Ceinture blanche

Venir devant la classe et parler pendant quelques secondes du sujet prévu.

1. Temps : plus de 5 secondes et moins de 20 secondes

2. Expression : les élèves du premier rang entendent.

3. Contenu : 1 ou 2 informations vraies.

Ceinture jaune

 

Venir devant la classe et parler pendant moins d’une minute du sujet prévu.

1. Temps : moins de 50 secondes

2. Expression : les élèves entendent une partie. L’élève ne lit pas toujours son papier. Pas plus d’une expression familière.

3. Contenu : 2 ou 3 informations. Pas d’erreur de sujet.

Ceinture orange

Venir devant la classe et parler pendant une minute du sujet prévu.

1. Temps : autour d’une minute

2. Expression : les élèves entendent et comprennent la plus grande partie. Pas d’expression familière. L’élève lit rarement son papier. Par moments, c’est intéressant.

3. Contenu : 4 ou 5 informations utiles, pas d’erreurs graves, pas d’oublis graves.

Ceinture verte

Venir devant la classe, très peu regarder son papier et parler pendant plus d’une minute du sujet prévu.

Temps : 1 minute à 1’ 30”

Expression : les élèves entendent et comprennent la plus grande partie. A aucun moment l’élève ne lit son papier, même s’il le regarde de temps en temps. Pas d’expression familière. Le ton n’est pas monotone, on ne s’ennuie pas.

Contenu : beaucoup d’informations utiles, pas d’erreurs graves, pas d’oublis graves.

Ceinture bleue

Venir devant la classe, très peu regarder son papier et parler pendant plus d’une minute 30 du sujet prévu.

1. Temps : plus d’1 minute 30”

2. Expression : les élèves entendent tout. A aucun moment l’élève ne lit son papier, même s’il le regarde de temps en temps. Pas d’expression familière. Le ton n’est pas monotone et même, c’est parfois vivant.

3. Contenu : beaucoup d’informations utiles, pas d’erreurs graves. Les mots principaux ont presque tous été prononcés.

Ceinture marron

Venir devant la classe, très peu regarder son papier et parler pendant plus de 2 minutes du sujet prévu. Il y a une phrase d’introduction.

1. Temps : 2 à 3 minutes

2. Expression : les élèves entendent et comprennent tout. A aucun moment l’élève ne lit son papier, même s’il le regarde de temps en temps. Pas d’expression familière, et même une certaine élégance d’expression. Le ton est vivant, c’est passionnant. On sent que l’élève a envie d’être écouté par les élèves de la classe.

3. Contenu : toutes les informations sont utiles, et sont nombreuses. Il y a au moins une information qui vient de recherches personnelles en dehors du livre [d’histoire-géographie]. Tous les mots difficiles sont expliqués. Pas d’erreurs graves

Ceinture noire

Venir devant la classe, très peu regarder son papier et parler pendant plus de 3 minutes du sujet prévu. Il y a une phrase d’introduction et une phrase de conclusion.

1. Temps : 3 minutes au moins. Moins de 5 minutes.

2. Expression : les élèves entendent et comprennent tout. A aucun moment l’élève ne lit son papier, même s’il le regarde de temps en temps. Pas d’expression familière, et même une certaine élégance d’expression. Le ton est vivant, c’est passionnant.

3. Contenu : toutes les informations sont utiles, et sont nombreuses. Il y a des informations qui viennent de recherches personnelles en dehors du livre [d’histoire-géographie].Tous les mots difficiles sont expliqués clairement. Aucune erreur.

 

"Le stress a un peu diminué, constate Dominique. Les performances sont jugées en fonction du point de départ de chacun. Les élèves qui atteignent des ceintures élevées (pas beaucoup au delà de la ceinture bleue, cette année dans une classe assez difficile) ont un fort sentiment de réussite. Ceux qui progressent d'une fois sur l'autre en changeant de ceinture ont aussi l'idée d'un progrès possible.

 

L'essentiel de la démarche me semble cependant être dans l'appropriation des critères de réussite et le débat autour des critères de réalisation : quel conseil donneriez-vous à cet élève pour qu'il puisse atteindre la ceinture suivante, la prochaine fois ?"

 

 

La méthodologie accroît les performances des élèves.

 

"J’ai beau multiplier les contrôles, ils ne parviennent pas à progresser." Les contrôles sanctionnent un apprentissage. Les élèves ne peuvent progresser dans l’acquisition des savoirs et dans les modes opératoires dans la discipline que si vous leur avez donné le temps et les moyens suffisants et nécessaires pour apprendre. Sinon, vous vous bornez à évaluer ce que vous n’avez pas enseigné, et malheureusement, c’est souvent le cas. Réaliser une performance en contrôle est une affaire qui se prépare en amont, non seulement grâce au travail effectif de l’élève mais aussi en l’étayant sur les dispositifs et les repères que vous saurez donner aux élèves pour qu’ils prennent la mesure de leur propre réussite.

 

Renforcer les continuités entre les approches disciplinaires

 

Toute faille est susceptible d’être exploitée : « Oh, avec Madame Michu, l’an dernier, c’était pas pareil ! ». En terme d’image donnée aux élèves, il y a plus d’intérêt « méthodologique » à insister sur certaines continuités et une cohérence a priori que sur des différences irréductibles et un affichage de la discordance dans une classe, dans un niveau ; elles peuvent exister, mais c’est alors un problème de professeurs et d’inscription institutionnelle (programmes nationaux, textes officiels, politique d’établissement).

 

 

Favoriser les passerelles méthodologiques entre cours

 

Ce que vous partagez cependant, c’est bien le développement des compétences scolaires chez l’élève X. Pour mesurer ce point précis, à savoir les capacités de transfert d’une situation à une autre, une expérience a été menée avec deux classes de seconde de lycée général tout au long d’une année scolaire.[3] De composition égale par ailleurs, la classe A a reçu toute l’année une pédagogie dite classique, avec des évaluations classiques. On n'a rien changé à l’ordinaire. La classe B a été prise en charge par une équipe qui a choisi de développer une approche formative : fiches d’auto-évaluation, critères de réussite, bilans de savoirs, confrontation des représentations.

 

A l'issue de l'année, une évaluation, la même, a été distribuée aux élèves des deux classes alors mixées. A un groupe 1, le support d’évaluation se suffisait à lui-même, sans plus. Au groupe 2, un document avec critères de réussite et procédures d'auto-évaluation accompagnait le support d’évaluation.

 

 

Classe

A

Pédagogie et évaluation classique

Classe

B

Pédagogie différenciée et évaluation formative

Test  1 

d'évaluation classique

A1

B1

Test 2 

d'évaluation avec critères de réussite et dispositif d'auto-évaluation

A2

B2

 

scénario de départ Auto-test : mesurez les performances des groupes

Classez les sous-groupes par résultats moyens croissants:

. . . .  < . . . . .  <  . . . . . < . . . . . .

 

 

Solution de l’expérience de Lyon

A1 < A2 < B1 < B2

Pas de surprise sur la place de A1 ni sur celle de B2. Les résultats sont conformes aux hypothèses de travail. Les élèves du groupe A1 se comportent comme tous les élèves en situation classique. Les élèves de B2 sont eux aussi en situation habituelle, sauf qu’ils ont une connaissance beaucoup plus fine des clefs de la réussite et qu’ils disposent de repères connus pour réussir l’exercice proposé.

 

En revanche, la formule A2 < B1 montre bien :


[1] d’après J. M. Zakhartchouk, Croisements de disciplines au collège, CRDP Amiens, 2000.

[2]http://cm1.ac-amiens.fr/forums/spiphg/Hortillonn@ges/article.php3?id_article=45

[3] d'après un article de Michèle GENTHON, Cahiers pédagogiques, n°304, p.82