scénario de départ En guise et gré d’avant-propos, Préface par André de Peretti
Polytechnicien de formation, humaniste et écrivain par passion, conseiller de nombres de ministres de l’éducation jusqu’à très récemment, il avait présidé à la naissance des Mafpen en 1986, puis des IUFM en 1992 comme de la création d’un réseau « innovation et valorisation des réussites » au ministère et dans les académies en 1995 ; consultant international en éducation et en formation, André de Peretti a contribué à ma propre formation d’enseignant et de formateur d’enseignants. J’ai fait le pari depuis plusieurs années de réactiver une œuvre à bien des égards encyclopédique et pratique en l’inscrivant dans le réseau de l’hypertexte sur l’internet. Ainsi est né le site DIVERSIFIER (http://francois.muller.free.fr/diversifier) très référencé dans le monde (pédagogique)

 

« Voici donc ourlé à l’aube de tes détours,

Compagnon formateur en quête de cueillettes,

Le cours de ce recueil construit pour tes recours :

Qu’en bon recueillement, sage, tu le feuillettes ! »

 

Nous vivons - ou survivons ? - dans une époque éprouvante, ardente. En douterions-nous ? Et nous sommes, aussi bien adultes qu’enfants, bousculés hors de nos tranquilités. Car il nous faut supporter, vaille que vaille, l’accélération inouïe des changements, de grandeur, d’intensité et surtout de complexité, qui emballent tous les phénomènes qui nous malaxent : sociaux, économiques, écologiques, technologiques, scientifiques et culturels ; tous en proie, sous nos sens et sur nos esprits, à la furie de la mondialisation.

 

Au plus trivial, hypermarchés et violences urbaines, « portables » et micro-ordinateurs en expansion, déplacements surmultipliés, rivalités des marques et  musique techno, instabilités familiales et troubles d’identités,  n’en font-ils foi ? ! Et que dire de la vitesse actuelle des découvertes scientifiques, exhumant le passé le plus lointain  et diversifiant les probabilités du Devenir ? Ou que faire avec la miniaturisation ou le gigantisme des objets et instruments technologiques qui nous empoignent autant que nous les manipulons ! Turbulences !

 

Ces turbulences, il est vrai, préparent et annoncent l’émergence d’une nouvelle civilisation. Soit ! Et celle-ci appelle la rénovation, la « Renaissance », des cultures. Il faut s’y attendre. Mais en attendant que celles-ci apportent quelque équilibre – ou rééquilibrage – il nous faut bien nous ajuster aux soubresauts du quotidien : non plus seuls mais solidaires ! Tant il nous revient et convient, nous serrant les coudes, de survivre professionnellement et personnellement aux ondes de choc qui nous défient, comme aux contrariétés effervescentes et aux déplorables violences… Par fierté !

 

 

Survivre ? Alors, bienvenue à ce Manuel de survie ingénieux et stimulant,  offert à des de possibles compagnonnages ! Dans la variété des dispositions et dispositifs qu’il expose, il peut se trouver, pour quiconque, de quoi assouvir sa générosité enseignante autant que répondre aux attentes hétérogènes des élèves : de quoi former, s’auto-former, et se co-former sans conformité inerte !

 

On peut se réjouir, en effet, du foisonnement et de la fraîcheur des conceptions et des méthodes que ce manuel met entre nos mains : car ils et elles assurent, en respect de chaque enseignant, une large liberté de choix et d’inspirations. Dans la nécessaire formation continue, pour toute ancienneté et pour tout début, chacun est mis à l’aise pour effeuiller les feuilles de cette « somme » . Il peut y trouver de quoi s’encourager à l’originalité responsable de ses prestations professionnelles. Il peut y trouver appui pour s’exercer à un compagnonnage créateur avec des collègues de cursus et de disciplines multiples.

 

Alors, cohérence et cohésion soutenues, isomorphisme de situations d’apprentissage assuré, entre formation et enseignement, il devient possible de dévisager et d’envisager collègues et apprenants avec humour : c’est à dire avec lucidité et bienveillance, rigueur et révérence, fidélité et innovation !…

 

Car la « survie » promise, permise, ou plutôt le surcroît de vie professionnelle et personnelle « autorisée » (de augeo : augmenter, accroître), peuvent aider à agencer de façon toujours neuve la pluralité des « fonctions » et des « états » dévolus au métier d’enseignant : en sorte de conjurer les risques d’ennui et la pesanteur de routines moroses, au sein des classes et des scolarités (ou des salles de professeurs !). La maîtrise des rancoeurs ou des violences potentielles en dépend : comme se constate, à l’usage !…

 

Mais la « survie » recommandée, toute ordonnée qu’elle soit aux renouvellements souples, est aussi fondée à nous dégager de querelles éculées : séparent et opposant péremptoirement éducation et instruction, pédagogies et didactiques, sciences humanistes (« molles » ?) et sciences « dures », pratiques et théories, savoirs et savoir-faire, connaissances et compétences, promotion collective (démocratique) et élitisme « républicain », matières dites « secondaires » et disciplines « nobles »… Diantre !  Pourquoi pas têtes et jambes, sensibilités et logiques ? !

 

Il y a mieux à faire. L’heure est, sous la poussée de la complexification en crue, de réussir, de relier, d’aborder, de conjoindre, d’harmoniser ensemble, en interactions fécondantes. La haute science donne l’exemple : il n’est pas question de casser en deux astrophysique, biochimie, espace-temps ou neuro-sciences. Et ce n’est qu’un début des « cross-fertilizations » qui guettent nos savoirs !)

 

Ne séparons plus ! Ne nous distancions pas les unes des autres. Et pourtant, ensemble, différencions-nous en nous respectant et en soutenant, en « pilotant » une variété de formes d’enseignement et d’évaluation différenciées.

 

« Sois toi-même, nous conseillait-il, cherche ta propre voie…

J’aimerai situer les réflexions et échanges que va permettre la consultation de ce manuel élaboré avec tant de prestance et d’imagination par François Muller, entre deux invitations que nous a adressées, droit aux difficultés de notre temps, Janusz Korczak, avec de plus en plus d’actualité :

« Sois toi-même, nous conseillait-il, cherche ta propre voie… Parmi tous ceux que tu pourrais avoir à comprendre, élever, instruire, tu viens en premier : c’est par toi qu’il faut commencer . »

 

Mais en même temps, au pluriel : « Vous dites : c’est fatiguant de fréquenter les enfants. Vous avez raison. Vous ajoutez : parce qu’il faut se mettre à leur niveau, se baisser, s’incliner, se courber, se faire petit. Là, vous avez tort. Ce n’est pas cela qui fatigue le plus. C’est plutôt le fait d’être obligé de s’élever jusqu’à la hauteur de leurs sentiments. De s’étirer, de s’allonger, se de hisser sur la pointe des pieds. Pour ne pas les blesser. »

 

Se hausser. Rehausser. Ne point blesser : ni enfant, ni jeune, ni adulte, ni soi. Ne serait-ce un commun projet, s’il nous est possible, sur ce « manuel de survie », de nous engager à un réciproque pari et pilotage de bonne humeur et d’ingénierie : pour un enseignement créatif et formatif.

 

André de Peretti, juin 2004