scénario de départRevenir aux finalités de l’Éducation pour comprendre le métier d’enseignant  

Partout en Europe le métier change[1] ; la diffusion d'un nouveau modèle professionnel répond à la fois à des politiques éducatives et à des changements sociaux et culturels. " Grâce à des établissements plus autonomes, développant des projets éducatifs portés par des enseignants engagés dans une dynamique collective, grâce à des enseignants pédagogues, réflexifs et centrés sur l’apprentissage de l’élève, grâce aussi à un cadrage institutionnel où l’Etat régule et évalue les unités d’enseignement décentralisées, l’école devrait pouvoir affronter les défis auxquels elle est confrontée. Elle devrait devenir simultanément plus juste et plus efficace".[2] D’accord ou pas d’accord, c’est le cadre qui change.


[1] Voir le site Eurydice.org sur la comparaison des systèmes éducatifs et les conditions du métier.

[2] Cahiers du GIRSEF, Etude de Cl. MAROY, http://www.girsef.ucl.ac.be/Cahiers_CREF/042cahier.pdf

 

André de Peretti[1], dans son ouvrage, Pour l’honneur de l’Ecole, éd. Hachette, 2000, s’est risqué à définir les finalités et les fonctions de l’Ecole dans un pentagramme que je peux réorganiser de la façon suivante :

 

 

 

Le message n’est pas clair : à quel monde devons-nous former les élèves?

Encore aujourd’hui, la formation actuelle en IUFM porte plutôt sur les compétences techniques ou des approfondissements dans la discipline, il n’existe pas de module permettant de débattre et d’envisager ce type de questions et de changement d’échelle.

Ainsi, on laisse aux seuls individus le choix de se construire une identité professionnelle, et finalement de se représenter les termes d’un contrat passé avec l’État, ce qui leur permettra d’affirmer en toute bonne  foi : « Je n’ai pas été recruté pour ça! » Ne nous étonnons pas d’une certaine « anomie des corps enseignants » et de liens distendus dans ce qui faisait l’identité forte du métier il y a encore quelques dizaines d’années.

Ces quelques remarques ne participent pas d’une déploration d’un paradis perdu, ni d’une charge contre les IUFM, qui sont une étape importante dans le progrès de la formation des enseignants. Elles signalent juste que le message est loin d’être clair – qu’il soit émis par les politiques ou la société civile – quant aux finalités, fonctions et rôles de l’École aujourd’hui.

On observe même un brouillage certain, à défaut d’actes forts (ou fondateurs) de l’institution, entre cliques partisanes et antagonistes de telle ou telle « vision » de l’École, ce qui produit du non-sens pour les familles et des rivalités inextinguibles dans les établissements à la simple invitation à travailler ensemble.

Enfin, il manque une dimension qui ferait sens pour tous : c’est quoi, l’École, dans notre société française, européenne, mondiale ? À quel monde formons-nous les élèves?

(voir le schéma en étoile)

Assignés à ces fonctions essentielles par la société, « comme tous les autres acteurs sociaux, les enseignants sont pris dans la tenaille de la complexité croissante ». André de Peretti propose alors une visualisation graphique du métier d’enseignant en rôles qui nous servira ici de trame. Ce sont les trente compétences de l’enseignant moderne.  

J’en avais proposé une première expression, que je reprendrai ici avec des aménagements correspondant aux évolutions très récentes de notre métier. Chaque chapitre de ce manuel est une déclinaison que ce peut être l’enseignant « dans tous ses états ». (cf. sommaire)

 

Un seul avertissement d’André de Peretti : que toutes ces compétences s’exercent en s’appuyant sur une équipe, par, avec et pour les autres :

Oublier le travail en équipe, c'est faire face à trois dangers : 
D'abord, vous ne vous donnez pas le maximum de chances face aux problèmes de violence. La réponse est collective. 
Ensuite, vous êtes isolé, confronté à la masse de la classe 
Enfin, vous trahissez l'expression et la représentation de la laïcité : compatibilité, travailler avec les autres. Ce serait démentir les valeurs de citoyenneté. C'est le mythe des Horaces et des Curiaces. De quel côté se trouve l'enseignant ? 

En fait, montrer des adultes qui se maîtrisent vaut la peine face à des adolescents en pleine déconstruction-reconstruction, plongés dans un monde fait de violences externes. Ils se sentent impliqués dans la confiance manifestée par l'échange de l'équipe des enseignants. 

Il n'existe pas de pédagogie sans confiance, sans humour, sans indulgence. 

C’est pourquoi à l’occasion de l’étude de chacune des compétences requises est toujours présente l’articulation entre classe et école/établissement.


[1] L’architecture de ce présent « manuel » de survie, nombre de traitements et de pratiques recensées sont directement inspirés des travaux d’André de Peretti. Polytechnicien de formation, humaniste et écrivain par passion, conseiller de nombres de ministres de l’éducation jusqu’à très récemment, il avait présidé à la naissance des Mafpen en 1986, puis des IUFM en 1992 comme de la création d’un réseau « innovation et valorisation des réussites » au ministère et dans les académies en 1995 ; consultant international en éducation et en formation, André de Peretti a contribué à ma propre formation d’enseignant et de formateur d’enseignants. J’ai fait le pari depuis plusieurs années de réactiver une œuvre à bien des égards encyclopédique et pratique en l’inscrivant dans le réseau de l’hypertexte sur l’internet. Ainsi est né le site DIVERSIFIER (http://francois.muller.free.fr/diversifier/index.htm) très référencé dans le monde francophone.

Le référentiel des compétences professionnelles des enseignants

Extrait du rapport du Haut Conseil de l’Education, octobre 2006.

 

Ce texte a permis de donner le cadre et les références du « Cahier des charges de la formation initiale », paru au Bulletin officiel le1er janvier 2007. Vous pouvez le retrouver dans son intégralité sur la page  www.education.gouv.fr/bo/2007/1/MENS0603181A.htm

 

 

Selon le Rapport annexé à la loi pour l’avenir de l’Ecole, il faut distinguer trois « grands ensembles de formation » : « l'approfondissement de la culture disciplinaire », « la formation pédagogique visant la prise en charge de l'hétérogénéité des élèves » et « la formation du fonctionnaire du service public de l'éducation ». Ces ensembles de formation dessinent le cadre général à l’intérieur duquel doivent être définies les différentes compétences aujourd’hui attendues des enseignants, notamment dans la perspective du socle commun.

 

Le Haut Conseil de l’Education propose de reprendre la définition du terme « compétence » qu'il a utilisée à propos du socle commun : une compétence est toujours une combinaison de connaissances, de capacités à mettre en oeuvre ces connaissances, et d’attitudes, c’est-à-dire de dispositions d’esprit nécessaires à cette mise en oeuvre. Ainsi, par exemple, la compétence « Prendre en compte la diversité des élèves » requiert, parmi les connaissances, des notions sur les diverses formes d’intelligence et sur le fonctionnement des mécanismes cérébraux ; parmi les capacités, celle de savoir travailler et faire travailler à partir des erreurs des élèves ; parmi les attitudes, celle d’être convaincu que tous les élèves peuvent apprendre.

 

Les professeurs exercent le même métier, qu’ils soient débutants ou chevronnés : c’est pourquoi le Haut Conseil de l’Education recommande de construire un référentiel unique de compétences professionnelles. Mais, parallèlement, il conviendra de définir le niveau de maîtrise attendu en fin de formation initiale pour chacune des compétences.

Les professeurs des écoles et les professeurs des collèges et lycées sont tous des « professeurs ». Cette unité du métier au-delà des particularités fortes propres à chaque niveau d’enseignement justifie un seul référentiel pour tout type d’enseignant, les précisions liées au niveau d’enseignement devant être données item par item.

 

Dans le travail de déclinaison des compétences en connaissances, capacités et attitudes correspondantes, il faudra veiller à bien tenir compte des conditions effectives du travail de l’enseignant comme des objectifs fixés par la Nation, pour construire un référentiel complet et en lien étroit avec ce que la pratique du métier exige au quotidien. La recension précise des ressources indispensables aux compétences nécessitera sans doute des ajustements réguliers par rapport à ce qui sera proposé dans les formations.

 

Pour établir sa proposition de référentiel, le Haut Conseil de l’Education s’est appuyé notamment sur la réflexion menée dans d’autres pays où cette approche est déjà en vigueur. Tout en étant adapté aux particularités françaises, ce référentiel tend vers un modèle commun aux pays qui, comme le nôtre, ont pour ambition d’élever le niveau de formation

 


 

Référentiel proposé :

1 - Compétence disciplinaire et culturelle

L’enseignant a une connaissance approfondie et élargie de sa ou de ses disciplines et une maîtrise des questions inscrites au programme de sa ou de ses matières d’enseignement. Il possède aussi une solide culture générale. Il peut ainsi aider les élèves à acquérir les compétences exigées en s’appuyant sur la cohérence des différents enseignements.

 

2 - Compétence en langue française

Les exigences envers les enseignants sont cohérentes avec celles du socle commun. Dans son usage de la langue, tant à l’écrit qu’à l’oral, l’enseignant doit être exemplaire. Il est attentif à la qualité de la langue chez ses élèves. Qu’il présente des connaissances, fournisse des explications ou donne du travail, il s’exprime avec clarté et précision, en tenant compte du niveau de ses élèves. Il sait décrire et expliquer son enseignement à la diversité de ses interlocuteurs, en particulier les parents.

 

3 - Compétence à concevoir son enseignement

L’enseignant est un spécialiste de sa ou de ses disciplines et il sait l’enseigner, c’est-à-dire qu’il est capable d’assurer, sur la durée d’une année scolaire, l’apprentissage effectif de ses élèves dans le cadre d’un enseignement collectif. Pour cela, il maîtrise la didactique de sa ou de ses disciplines, et il est capable de mettre en oeuvre des approches pluridisciplinaires ; il connaît les processus d’apprentissage et les obstacles que peuvent rencontrer les élèves et la manière d’y remédier.

 

4 - Compétence à prendre en compte la diversité des élèves

L’enseignant sait différencier son enseignement en fonction des besoins et des facultés des élèves, pour tirer chacun vers le haut. Il prend en compte les différents rythmes d’apprentissage, accompagne chaque élève, y compris les élèves à besoins particuliers, et sait notamment faire appel aux partenaires de l’Ecole. Il amène chaque élève à porter un regard positif sur l’autre et sur les différences.

 

5 - Compétence à gérer la classe

L’enseignant sait faire progresser une classe aussi bien dans la maîtrise des connaissances, des capacités et des attitudes que dans le respect des règles de la vie en société ; il établit un fonctionnement efficace pour les activités quotidiennes de la classe, il est exigeant sur les comportements et il fait en sorte que les élèves attachent de la valeur au travail tant individuel que collectif.

 

6 - Compétence à évaluer les élèves

 

L’enseignant sait évaluer la progression des apprentissages et le degré d’acquisition des compétences atteint par les élèves. Il utilise le résultat des évaluations pour adapter son enseignement aux progrès des élèves. Il fait comprendre aux élèves les principes d’évaluation et développe leurs capacités d’autoévaluation. Il communique aux parents les résultats attendus et les résultats obtenus. Il prend sa part dans l’orientation de l’élève.

 

7 - Compétence en technologies de l’information et de la communication

L’enseignant maîtrise les technologies de l’information et de la communication. Il s’en sert pour sa formation personnelle et dans son enseignement, comme outil didactique et comme moyen d’accès à la culture et d’ouverture sur le monde.

 

8 - Compétence à travailler en équipe et à coopérer avec tous les partenaires de l’Ecole

L’enseignant participe à la vie de l’établissement, notamment dans le cadre du projet d’établissement. Il travaille avec les équipes éducatives de ses classes et avec des enseignants de sa ou de ses disciplines, afin que la cohérence dans les choix didactiques et pédagogiques favorise la maîtrise des compétences par les élèves. Il coopère avec les parents et les partenaires de l’Ecole.

 

 

9 - Compétence à réfléchir sur sa pratique, à innover, à se former

L’enseignant est capable de faire une analyse critique de son travail et de modifier le cas échéant ses pratiques d’enseignement. Il met à jour ses connaissances disciplinaires, didactiques et pédagogiques, il sait faire appel à ceux qui sont susceptibles de lui apporter aide ou conseil dans l’exercice de son métier, il se forme en fonction de ses besoins professionnels.

 

10 - Compétence à agir de façon éthique et responsable dans le cadre du service public de l’éducation

L’enseignant fait preuve de conscience professionnelle et suit des principes déontologiques : il respecte et fait respecter la personne de chaque élève, il est attentif au projet de chacun, il respecte et fait respecter la liberté d’opinion, il connaît et fait respecter les principes de la laïcité, il veille à la confidentialité de certaines informations concernant les élèves et leurs familles, etc. L’Education nationale détermine les finalités de l’enseignement, définit les programmes et les horaires : l’enseignant exerce donc sa liberté pédagogique dans le cadre des textes officiels ; il sensibilise les élèves aux grandes causes nationales; il connaît les droits et devoirs des fonctionnaires.

 

 

 

Reprises en grande partie dans le texte du BO du 1er janvier 2007,  les orientations et le référentiel sont précédés d’une introduction qui donne sens au métier :

 

Tous les regards se tournent aujourd’hui vers l’école tant le partage de la connaissance est essentiel dans la construction d’une société fondée sur le principe de l’égalité républicaine, notamment l’égalité des chances, sur la reconnaissance des mérites individuels et sur la volonté de faire réussir tous les élèves. L’école est aussi le lieu de la formation du citoyen où se construit une culture commune pour vivre ensemble.

 

Un enseignant doit bien maîtriser des connaissances correspondant aux disciplines qu’il aura à enseigner. Cela suppose une formation disciplinaire solide qu’il reçoit pour l’essentiel à l’université. Il doit aussi se familiariser progressivement avec la façon dont ces connaissances peuvent être transmises aux élèves dans le cadre du socle commun de connaissances et de compétences et des programmes d’enseignement : quels en sont les points essentiels ? Comment les articuler entre eux ? Il doit s’initier à la pratique de son futur métier : comment organiser sa classe ? Comment adapter sa pédagogie à la diversité des élèves ? Comment évaluer le travail de chacun des élèves ? Il doit découvrir le cadre de l’école ou de l’établissement : comment travailler en équipe ? Comment inscrire son action dans un projet collectif ? Il doit enfin connaître le monde qui l’entoure, le monde du travail et la société : comment appréhender la diversité des contextes sociaux et économiques et des réalités scolaires qui en découlent ? Comment ouvrir son enseignement et son action pédagogique sur l’extérieur ? Comment répondre aux attentes des parents qui confient leurs enfants au service public d’éducation nationale ?
La France s’est engagée dans la construction de l’espace européen de l’enseignement supérieur[1]. La formation des professeurs prend en compte cet objectif national en dispensant les enseignements destinés à permettre la mobilité des enseignants au sein de l’Europe.

 

L’ensemble de ces nécessités ne peut prendre corps que dans un système de formation des maîtres en alternance, permettant une interaction entre approches théoriques et pratiques, qui associe l’université, désormais chargée de la formation des maîtres, et les établissements d’enseignement. C’est tout le sens de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005 qui intègre les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) dans les universités : le législateur a voulu que les compétences professionnelles des professeurs se construisent dans la durée -de la formation disciplinaire de base à l’adaptation au premier emploi- et que la formation professionnelle soit conçue sur le principe de l’alternance.

(…) La mise en oeuvre du cahier des charges de la formation des maîtres s’appuie sur le décret du 11 juillet 2006 définissant le socle commun de connaissances et de compétences, les arrêtés définissant les programmes d’enseignement ainsi que les circulaires, les notes de service et les autres textes officiels précisant les engagements éducatifs de l’institution scolaire, notamment l’éducation à la santé et l’éducation à l’environnement pour un développement durable avec les obligations résultant de la mise en œuvre de l’article 8 de la Charte de l’environnement.


Article 5 - La formation professionnelle initiale, dispensée en institut universitaire de formation des maîtres, doit permettre d’assurer une maîtrise suffisante de chacune des dix compétences suivantes, dont le contenu est précisé dans l’annexe du présent arrêté :

- agir en fonctionnaire de l’État et de façon éthique et responsable ;
- maîtriser la langue française pour enseigner et communiquer ;
- maîtriser les disciplines et avoir une bonne culture générale ;
- concevoir et mettre en oeuvre son enseignement ;
- organiser le travail de la classe ;
- prendre en compte la diversité des élèves ;
- évaluer les élèves ;
- maîtriser les technologies de l’information et de la communication ;
- travailler en équipe et coopérer avec les parents et les partenaires de l’école ;
- se former et innover.


 

[1] Dans le cadre de la “stratégie de Lisbonne” et du “processus de Bologne”.