Le programme est un
compromis susceptible d’évoluer
"J'ai moins d'heures qu'il y a cinq ans, pour boucler mon programme ; cela devient impossible à gérer, pour moi et pour les élèves." | C’est une réalité et même une spécificité de l’Ecole française qui côtoie encore par certains aspects une approche encyclopédique : les programmes sont la résultante du poids historique de leur fondation et de leur filière « savante » (universités, associations disciplinaires, personnalités reconnues et inspections). Tout nouveau programme est le fruit d’un compromis jamais satisfaisant entre le trop (pour les élèves) et le pas assez (pour les autres). "De plus, l'école est soumise en permanence à de multiples pressions pour enseigner de nouvelles disciplines ou s'intéresser à de nombreux domaines. Tant que cela a été possible, on a pris sur l'instruction religieuse. C'est ainsi qu'on a pu développer l'éducation physique. Mais, lorsqu'il n'y a plus eu de discipline à bouter hors de l'école, on a empiété sur le français en disant qu'il était, de toutes façons, pratiqué dans toutes les matières. C'est parfaitement exact, mais pour que cela devienne opérationnel, il fallait un changement radical dans les pratiques pédagogiques qui n'a pas eu lieu.[1]" |
Dans un monde en complète réactualisation, le programme de collège fut celui du lycée d’il y a à peine vingt ans. Reprenez les manuels et comparez, on gagne à tous les coups. La tendance forte des enseignants de discipline, pour qui la partie est le tout, est de maximaliser les exigences, là où le programme est volontairement limité.
"Je suis obligé de faire des choix, mais sur quelles bases ?" | Quand un enseignant dit « programme », de quoi exactement parle-t-il ? Des textes prescrits ou de la représentation qu’il se fait de la formation disciplinaire pour ses élèves au regard de sa propre formation de spécialiste ? |
Le programme n’est pas une spécialité ni une expertise
La spécialisation dans un champ disciplinaire est relativement tardive dans le cursus de l’élève. Il ne s’agit pas en effet de former un spécialiste de la discipline, mais plutôt de questionner la discipline pour savoir dans quelle mesure elle est à même de servir l’appréhension globale du monde par l’élève. Les textes eux-mêmes, pour peu qu'on s'y attache, sont assez clairs sur ce point.
Par exemple, dans l’introduction au programme de physique-chimie en seconde : "Ceci interdit de laisser l'aval piloter l'amont : ce ne sont pas les connaissances dont on estimerait que les élèves doivent disposer en terminale ou à l'université qui doivent déterminer le contenu du programme de seconde. Il convient plutôt de se demander, de façon schématique, ce qu'il faut enseigner d'une discipline à quelqu'un qui ne la pratiquera plus. La réponse s'impose d'elle-même : elle découle de ce que l'on estime devoir être la culture scientifique commune. Les choix du présent programme ont pour arrière-plan une conception de cette culture commune dont les cinq points suivants constituent une partie importante :
· le monde observable s'étend vers l'infiniment petit et l'infiniment grand
· le monde naturel a une histoire
· le monde est constitué de particules en interaction
· la diversité du monde macroscopique résulte de la diversité des formes d'organisation et des comportements des constituants microscopiques
· il est à la fois utile et intéressant de s'intéresser à ces questions.[2]
[1] Philippe Meirieu, Libres propos sur l’Ecole, sept. 2003, un livre non paru, dont certains extraits sont parus dans le Monde, 14 sept. 2003
[2] les programmes de chimie et de physique de la classe de seconde, Groupe technique disciplinaire de chimie et physique, sfp.in2p3.fr/Debat/lycee/Seconde/prog28juin.html