Philippe PERRENOUD ,
Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Université de Genève
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1999/1999_15.html
Quelles compétences mettre
en œuvre pour enseigner ?
Fort est de constater que
celles-ci restent floues, informelles et plus implicites qu’explicites.
Dans cet article Philippe
Perrenoud nous révèle que les compétences des formateurs sont de deux types
distincts :
1.
Celles qui lui permettent de participer à la
construction du plan de formation :
« Le formateur au sein d’un acteur collectif »
2.
Celles qui l’aident à fonctionner avec les
apprenants :
« Les compétences individuelles des formateurs »
LE FORMATEUR AU SEIN D’UN
ACTEUR COLLECTIF
A propos de cette première
catégorie de compétences, l’auteur nous fait remarquer qu’en règle générale
le formateur est largement dépendant de décisions institutionnelles qui lui
échappent et que ce contexte limite son action.
En tant que formateur et
dans la mesure de ses compétences, il ne pourra être efficace que si il
adhère, comprend et participe au plan de formation.
En d’autres termes, les
formateurs ne doivent pas être limités au rôle d’acteurs, ils doivent être
appréhendés en tant que concepteurs, créateurs ou réalisateurs.
En tout état de cause, le
dispositif de formation doit faire l’objet de négociations.
Ces orientations quant au
rôle du formateur impliquent des compétences requises notamment :
-
savoir
construire des accords collectifs
-
savoir analyser
les phénomènes organisationnels
-
savoir jouer
avec les règles et les contraintes
-
savoir négocier
son mandat et ses conditions de travail
Ainsi ces compétences
doivent lui permettre de participer à l’orientation du plan de formation et
à la négociation des rôles et places de chacun.
Toutefois, les institutions
de formation ont-elles intérêt à favoriser de telles compétences ?
De même des interrogations
restent encore en suspend quant à l’identification des compétences
collectives permettant à un corps de formateurs de participer à la
conception du plan de formation et à la gestion de leur propre institution.
Les compétences
individuelles des formateurs
Ce chapitre dresse les
compétences que le formateur doit maîtriser dans le but de « Former ».
Par formateur, l’auteur
entend tout ceux qui sont au cœur de l’articulation entre théorie et
pratique.
Dans cette perspective, ils
doivent maîtriser certaines compétences spécifiques de formateur dans la
mesure où formateur s’oppose à enseignant.
Ces derniers dispensent des
savoirs, transmettent des connaissances sans référence à leur intégration à
des compétences professionnelles.
Ainsi le formateur se doit
de posséder à la fois les compétences classiques et nouvelles d’un
enseignant (puisqu’il transmet aussi des connaissances) mais encore d’autres
plus spécifiques que Ph Perrenoud regroupe en trois ensembles.
1.
la maîtrise des dispositifs d’alternance.
2.
la maîtrise des modes d’intervention sur
l’action.
3.
la maîtrise des dilemmes.
1) Savoir construire et
faire fonctionner des dispositifs d’alternance :
L’auteur entend par là des
compétences d’ingénierie.
Celles-ci vont s’exercer dès
l’élaboration du plan de formation où sera planifié le rapport entre le
temps de terrain et d’apports théoriques.
Cette démarche s’inscrit
dans une politique théorie-pratique où sera explicitée la conception de
l’alternance et de la division du travail.
Ainsi c’est au niveau du
plan de formation que se définit le rôle des formateurs praticiens.
Ph Perrenoud le définit
comme suit :
-
Pousser le
stagiaire à expliciter ses attentes, projets et représentations
préalables.
-
Verbaliser ses
propres modes de pensée et de décision.
-
Ne pas jouer la
comédie de la maîtrise.
-
Exprimer ses
doutes, ses peurs, ses ambivalences, ses lassitudes.
-
Se mettre en jeu
comme personne, ne pas se cacher derrière le rôle.
-
Accepter les
différences
-
Prendre les
erreurs comme occasions de progresser.
-
Renoncer à
incarner une norme, un modèle.
Lorsque l’on vise de telles
attentes, cette ingénierie portera sur des dispositifs spécifiques et
variés.
Ils se différencieront selon
la facette de compétence que l’on veut travailler.
Aussi le formateur aura
intérêt à maîtriser tout ou partie des dispositifs suivants :
§
La pratique
réflexive.
§
L’analyse des
pratiques en groupe.
§
L’observation
mutuelle.
§
Le
questionnement et l’écoute des usagers.
§
L’écriture
clinique.
§
La
vidéoformation
§
L’entretien
d’explicitation.
§
L’histoire de
vie.
§
La simulation
et les jeux de rôle.
§
L’expérimentation et l’expérience
Cette liste n’est pas
exhaustive et n’épuise pas toutes les compétences à maîtriser pour faire
fonctionner des formations en alternance. D’autres dispositifs sont à
inventer pour développer toutes les dimensions de ces formations.
2) Maîtriser divers modes
d’intervention sur l’action :
Le formateur doit autant que
possible savoir ce qu’il fait et comment il infléchit la construction des
compétences.
Ainsi les compétences et les
savoirs ne sauraient se construire entièrement de façon intuitive au fil de
l’expérience.
Aussi Tardif (1998)
distingue 6 modalités d’intervention qui nous indiquent un ensemble de
compétences et de connaissances requises du formateur qui opère sur l’action
de l’étudiant.
-
Le recours au
modèle.
-
L’entraînement.
-
L’échafaudage.
-
L’articulation.
-
La réflexion.
-
L’exploration.
3) Relever les défis et
affronter des dilemmes :
Une autre façon de
conceptualiser les compétences des formateurs est d’analyser les dilemmes et
les défis auxquels ils sont confrontés. Cette action de formation vise à
relever et manipuler des paradoxes et des contradictions.
Ph. Perrenoud relève une
dizaine de ces défis :
-
Savoir aider les
étudiants à se situer par rapport aux valeurs et aux finalités du métier
sans pour autant faire œuvre de mission.
-
Savoir aider les
étudiants à construire leur identité professionnelle sans incarner un
modèle d’excellence.
-
Savoir faire
expliciter et analyser les dimensions non réfléchies de l’action et les
routines sans les disqualifier.
-
Savoir faire
travailler les étudiants sur eux-mêmes comme personne et sur leur relation
à autrui, sans devenir thérapeute.
-
Savoir faire
travailler sur les non-dits et les contradictions du métier être réaliste
sans désenchanter le monde.
-
Savoir partir
des pratiques et de l’expérience, sans s’y enfermer, pour formaliser,
comparer, expliquer, théoriser.
-
Savoir aider à
construire des compétences, à exercer la mobilisation des savoirs sans
renoncer à la distance réflexive.
-
Savoir
identifier et combattre les résistances à la formation, à la prise de
risque, au changement, sans les mépriser.
-
Savoir
travailler sur les dynamiques collectives, la coopération, l’organisation
et le rapport au pouvoir et aux institutions.
-
Savoir
travailler sur le rapport au savoir, à la théorie, à l’action, à la
formation.
EN TERME DE
CONCLUSION :
Favoriser une posture
réflexive en l’adoptant et en la modélisant.
Le principal défi du
formateur est d’inculquer la pratique réflexive comme posture, rapport à la
réalité, à la théorie, à la réflexion sur et dans l’action.
Incarner cette posture
c’est :
-
La mettre en
pratique
-
L’expliciter
-
La modéliser
Un formateur crédible doit
être en mesure de faire partager ses hésitations, incertitudes, ses doutes
car la compétence n’est pas synonyme de perfection mais de réflexivité et de
régulation !
|