PARCOURS DE VIE D'ANDRE DE PERETTI
extrait de Itinéraires de lecture, Perspectives
documentaires en sciences de l'Education, n°17, 1989
Les années d'X
Pendant ma "taupe", j'entrais en relation avec des écrivains et
des poètes (je me souviens d'un ami de Gide, Henri Ghéon). Et je découvrais
Giono: surtout Que ma joie demeure qui me marquerait. Entré à
Polytechnique, je posais une question à notre prof de lettres, médiéviste,
Tuffrau: "Qu'est-ce que se cultiver ?" à laquelle il répondit:
"Si vous aimez un auteur, alors lisez le tout entier." Ce fut donc
Paul Claudel dont un professeur de français, en taupe (c'était Maurice
Bardèche) m'avait fait lire le Soulier de satin. Je me suis mis à le
lire puis je le rencontrais (il a noté notre première rencontre dans son
journal). Je fis aussi la connaissance d'autres grands écrivains. Toutes
les trois semaines, en effet, G. Marcel, à ma demande, réunissait des
camarades de l'X et de Normale Sup pour des rencontres avec des romanciers ou
des auteurs en vue: F. Mauriac, A Gide, Georges Duhamel, D. Rops, etc...
L'influence de Mauriac a été d'autant plus grande sur moi par toutes ses
oeuvres que je suivais également ses écrits dans Temps présent et
d'autre part j'adhérais à ses prises de position sur Guernica. Je fis enfin la
connaissance de Teillard de Chardin en 1939: je le reverrai ensuite en 1945,
puis en 1948 et en 1950. Et je lirai ses oeuvres sous forme ronéotypée en
attendant leur parution au Seuil après sa mort. Le mouvement des jeunes
Chrétiens (JEC) que je dirigeais était alors en rupture complet avec la droite
catholique et cléricale. Nous voulions une autre structure du pouvoir, de l'Etat,
nous voulions la décolonisation et le développement de la démocratie. La
rencontre avec des membres de la revue Esprit se fit dès 1936. Mais
c'est après la guerre que Mounier fit paraître en avril 1947 mon article sur
le Maroc "Prévenons la guerre d'Afrique du Nord: l'indépendance marocaine
et la France". Cet article fit beaucoup de bruit (nous y reviendrons): il
aurait pu avec mes engagements de l'époque me coûtait la vie si mon père
n'avait pas été un des leaders des Français du Maroc qu'il avait représenté
à l'Assemblée consultative d'Alger auprès du Général de Gaulle. |