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(extraits de l'intervention de Maryline COQUIDE, univ. Rouen, à Paris, novembre 2001)

  • Faire des sciences

Les contenus scientifiques des ateliers, pouvant être très variés et sans programme préétabli, importent moins que l'occasion qui est donnée aux jeunes, à travers les manipulations, les expérimentations, les réalisations et les symbolisations, de réussir. Cependant, il semble important que les démarches soient aussi fidèles que possible aux caractéristiques d'une formation scientifique et technique authentique. Faire des sciences, c'est s'interroger sur les objets et les phénomènes, c'est se méfier des explications premières et spontanées, c'est apprendre à regarder au-delà des apparences, c'est rechercher plusieurs solutions possibles à un problème, et confronter ces solutions au réel et à autrui.

  • Des démarches d'investigation

L'effectif restreint des ateliers représente une facilité pour impulser les "recherches" ou les "investigations" des jeunes, avec leur mise en activité effective (pratiques de manipulation, de construction, d'expérimentation et d'enquête). Le temps prolongé consacré aux ateliers autorise, par ailleurs, la mise en œuvre d'une véritable démarche scientifique (problématisation, élaboration d'hypothèses, conception et réalisation de protocoles, communication, discussion), incluant des moments d'exploration, de tâtonnement, des moments de mise à l'épreuve des idées et de validation.

La construction de problèmes scientifiques est rarement envisagée en tant que telle en classe. Déjà au début du siècle pourtant, Dewey (1938) puis les militants de l'Education nouvelle argumentaient de l'importance de construire des problèmes qui aient du sens pour les élèves. Le fonctionnement des ateliers peut représenter une occasion de développer un réel questionnement, de susciter des échanges avec les jeunes. Sans doute serait-il utile de réfléchir à des contextes, à des activités et à des mises en situations qui sollicitent un questionnement scientifique. En outre, les approches techniques sollicitant des démarches de conception et de réalisation peuvent être valorisées.

 

  • Différentes formes et différents moments de l'expérience

Toute science expérimentale nécessite l'articulation d'un système matériel et d'un système intellectuel. Dans les enjeux de pratiques de laboratoire, soulignons l'importance de l'instrumentation et des écrits, comme moments dans le rapport expérimental. La rationalité expérimentale ne peut jamais se réduire à la seule logique, avec :

l'importance qui doit être donnée à la matérialité ;

l'importance des dynamismes entre divers moments : tout processus de recherche, en effet, nécessite l'articulation de différentes postures, depuis l'expérience "vécue", en passant par les pratiques empiriques plus ou moins contrôlées et systématiques (exploration et enquête), jusqu'aux pratiques expérimentales, et l'articulation, dans les investigations, de recherche documentaire et de recherche expérimentale ;

ce qui conduit à une vision élargie de l'expérience scientifique, avancée par Legay (1997), et qui inclut de façon très interactive, la démarche d'enquête, l'observation active, l'application de techniques, l'expérimentation et la modélisation.

 

  • Affronter un réel moins aménagé

Il semble possible de développer, dans le cadre de ces ateliers :

des situations de familiarisation pratique des jeunes à des objets et à des phénomènes scientifiques et techniques,

des situations, qui laissent le temps d'une réelle expérimentation, avec des contraintes de résistance du réel à surmonter.

Dans les travaux pratiques en classe, en effet, le réel est le plus souvent aménagé et structuré pour que "ça marche" et pour que soit occulté tout ce qui pourrait conduire à douter du modèle enseigné. Les incidents critiques, les pannes, les résultats non attendus et tout ce qui fait que le réel résiste à l'investigation constituent cependant un élément important dans le déroulement d'un TP (Coquidé, Bourgeois, Salviat, 1999).  Leurs modes de gestion, par les élèves ou par les enseignants, sont en relation avec l'image de sciences expérimentales, et l'histoire des sciences nous apprend que le réel ne se laisse pas facilement conceptualiser, ni modéliser ; elle rend compte de la nécessité de construction en synergie d'une problématique, d'une théorie, de tâches et d'outils (Clarke et Fujimura, 1996).

 

  • Affronter la complexité

Par ailleurs, les activités scolaires expérimentales mettent en avant le plus souvent une causalité linéaire stricte, inspirée du paradigme bernardien fondé sur la relation "une cause égale un effet", une conception de protocole du type présence ou absence, et la nécessité d'un témoin. Ce paradigme ne permet cependant pas d'envisager des causalités pluri-factorielles, pour lesquelles des protocoles de type covariations sont nécessaires, comme dans l'approche expéri­mentale des interactions écologiques ou dans celle de l'absorption de l'eau par les végétaux. Plutôt qu'un paradigme bernardien d'expérimentation, nous sommes conduits à retenir la vision élargie de l'expérience. C'est, par exemple, le cas dans la démarche de modélisation du fonctionnement d'un membre ou dans l'élaboration et l'utilisation d'un terrarium. La compréhension de l'environnement ou bien encore les essais de reconstitution de milieu (terrarium, aquarium) peuvent aussi favoriser une investigation expérimentale et modélisante du vivant dans sa complexité.

 

  • Trois modes didactiques

Pour permettre d'articuler les fonctions et les formes scolaires des activités expérimentales, j'ai proposé de distinguer trois modes didactiques (Coquidé, 1998).

Mode d'expérience-action ou d'expérienciation

Le mode d'expérience-action, ou d'expérienciation, permet aux élèves d'explorer et d'agir, à travers des situations variées et diversifiées, avec des finalités de familiarisation pratique à des objets, à des phénomènes, et à des instruments scientifiques et techniques. Les rôles de l'enseignant sont donc de penser les aménagements, les situations ou les interventions qui permettront une fécondité. Mais aussi de favoriser les comparaisons, de relancer le questionnement, d'introduire le doute, d'aider à reformuler et de favoriser les apprentissages d'ordre pratique.

Mode d'expérience-objet ou d'expérimentation

Le mode d'expérience-objet, ou d'expérimentation, facilite la compréhension des pratiques effectives de la science, avec des articulations indispensables entre moments empiriques et moments expérimentaux dans l'investigation, et une importance particulière donnée au raisonnement, à la méthodologie, et à la validité des conclusions. Il s'agit de confronter les élèves à un réel peu aménagé, de les aider à problématiser ou à émettre un projet, de favoriser la mise en œuvre effective des investigations, de favoriser les dynamismes et les confrontations, de distinguer un guidage pédagogique d'exploration et un guidage pédagogique de validation, et d'inciter les élèves à réfléchir sur les démarches et sur les raisonnements.

Le dispositif des parcours sciences expérimentales et technologiques offre un cadre privilégié pour mettre en œuvre une telle investigation empirique, en donnant la possibilité de réaliser de longues expériences, de s'affronter à la résistance du réel et de faciliter une meilleure compréhension de certains aspects du travail scientifique.

Mode d'expérience-outil ou d'expérience-validation

L'expérience, dans ce mode, peut être considérée comme un outil mis au service de l'élaboration théorique, pour la construction de concepts ou de modèles. Les expériences sont envisagées dans un cadre d'apprentissage conceptuel systématique, et ce mode est plus développé dans les travaux pratiques. Il s'agit de mettre à l'épreuve les constructions intellectuelles, pour en éprouver la pertinence et le domaine de validité. Remarquons qu'ici la résistance du réel est souvent estompée, par aménagement ou par aide directe de l'enseignant.

 

 

 

concept :François Muller @ 1998-2009