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étude de cas autour d'un parcours "sciences expérimentales et de la nature"

dans le cadre de l'expérimentation académique (1999-2001)

Collège MARX DORMOY (Paris XVIIIème)

Questionnaire posé à Hervé Willaime , chercheur au CNRS (délégation Paris B) turbulences  et chaos

 

 

A/ A propos de votre cahier de manip

 

1/ Vous a t'on montré, dans votre formation, comment  utiliser le cahier de manip ( si oui, comment?) ou avez vous copié ce qui se faisait chez d'autres chercheurs?( Dans ce cas, comment s'est faite la transmission)

On ne peut pas dire que j’ai eu une formation à l’utilisation du cahier de manip. Ce que l’on faisait au lycée, c’était des comptes rendus de travaux pratiques sur lesquels on consignait les schémas expérimentaux, les calculs ‘théoriques’, les résultats expérimentaux. Ces mêmes rapports expérimentaux étaient fait (mais seulement après le TP) à plus haut niveau (après le bac). Le vrai premier cahier de manip que j’ai tenu, c’est lors de mes premiers mois au laboratoire. Là, peu de conseil, on me dit simplement de tout consigner dans ce cahier concernant l’expérience : protocole expérimental, paramètre de l’expérience, résultats sous forme de courbe… Il fallait à ce moment essayer de s’inspirer des méthodes des autres, mais en gardant une certaine originalité.

2/ Votre cahier, comme on a pu le voir, évolue avec votre travail qu'est ce qui en revanche demeure identique?

Dans un cahier de manip, ce qui reste identique est le fait de devoir consigner tout un tas de détails qui nous semblent peut-être superflus mais qui sont nécessaires pour se rappeler ce qu’on fait. (lorsqu’on fait un montage, on en fait le schéma, lorsqu’on le modifie, on dit ce qu’on a fait).

 

3/ Comment votre cahier intervient-il dans votre pensée ? Est ce un support ? Un détonateur ? Ou un outil d'élaboration de la pensée?

Sur ce cahier, on met parfois des commentaires, des remarques que l’on a fait en cours de manip et qui pourront resservir plus tard. Lorsqu’on entreprend une nouvelle série de manip ou qu’on envisage de faire évoluer le système, on s’y réfère systématiquement pour savoir ce qu’on a déjà fait, ce qu’on doit faire, refaire…

4/ Relisez vous vos cahiers, et pour reprendre la question précédente, comment les réutilisez-vous ?

On relit les cahiers de manip dans plusieurs circonstances : en cours d’expériences, comme je l’ai dit précédemment (modification, exploitation des résultats), mais aussi, lorsque l’on passe à la période de publication des résultats. Les chercheurs ont le devoir de ‘publier’ leur résultats afin d’en faire partager le contenu aux autres chercheurs.

 

5/ Pourquoi ne rédigez vous pas votre cahier sur un support informatique ?

Certains chercheurs rédigent leur cahier de manip sur informatique. Je pourrais le faire certes, mais je n’en ai pas pris l’habitude. Une des raisons est que généralement l’ordinateur sert en cours de manip à faire des acquisitions de signal, des traitements du signal et est donc déjà utilisé pendant l’expérience. Or justement, on doit écrire ‘en temps réel’ ce que l’on fait. Il faudrait donc avoir en permanence plusieurs ordinateurs devant soi (avant ce n’était pas possible, maintenant oui, mais ce n’est pas trop pratique). Par contre, de nombreuses choses en rapport avec le cahier de manip sont reprises informatiquement (tableaux de valeurs, tableaux récapitulatifs, courbes).

 

Par ailleurs, un fichier informatique se détruit, se corrompt beaucoup plus facilement qu’un cahier. On peut faire des annotations plus facilement, ainsi que des commentaires. On peut bien évidemment faire des annotations sur un fichier informatique (ce qui demande une grande maîtrise des logiciels de traitement de textes) mais il y a le danger de pouvoir effacer, modifier des textes sans en garder une chronologie verticale (on n’écrit jamais avec le même crayon…). On perd le cheminement de la pensée ou du protocole que l’on a fait ou eu lors de l’écriture de ce manuscrit.

 Un autre intérêt de l’écriture sur papier du cahier de manip, lorsque l’on travaille en groupe, c’est de savoir qui a écrit quoi. On sait à qui poser les questions, ou en connaissant les méthodes de travail de l’autre avoir une lecture différente du manuscrit. On ne pourrait pas faire cela sur un support informatique : comment reconnaître l’auteur d’une partie écrite par l’un ou l’autre.

Pour l’instant je suis encore partisan de l’écriture manuelle du cahier de manip. Mais peut-être, je changerais de mode. Un outil informatique de ce cahier permettrait une consultation à distance de celui-ci. En effet, un cahier de manip en tant que tel ne quitte que rarement la salle de laboratoire. Par contre, chacun peut avoir des cahiers annexes pour pouvoir développer sa pensée.

 

6/ Pouvez-vous travailler à partir du cahier d'un autre chercheur ?

En principe, un cahier de manip doit être suffisamment clair pour être lisible de tout autre chercheur et je dois pouvoir exploiter ou comprendre le cheminement expérimental, les résultats des autres chercheurs, et réciproquement. Il faut considérer que n’importe qui doit pouvoir relire mon cahier de manip et doit pouvoir reprendre mon travail là où je l’ai laissé.

 

7/ Lorsque vous travaillez en équipe, mettez vous vos écrits en perspective pour faire avancer les choses, est-ce un catalyseur ? Devient-il un outil de communication ? 

J’ai toujours travaillé en équipe, bien sur, chacun à un travail qui lui est propre. Mais il est essentiel (voir 5 et 6), que le cahier soit bien tenu, détaillé pour que lorsque le partenaire décide de travailler sur l’expérience en cours, il sache ce qui a été fait. De ce fait, il est un outil de communication indispensable. Pour certain instrument particulier, il y a parfois un cahier de ‘bord’ qui y est attaché pour savoir si quelqu’un se sert de cet appareil, si tout marche bien, si il y a des défauts…

Parfois, il nous arrive d’écrire pour nous-même ou pour les autres des remarques pour se remémorer ou signaler des choses à faire, à réfléchir

B/Concernant vos méthodes de travail

 

1/ Quelles méthodes vous a-t-on apprises pour résoudre un "problème" scientifique?

Dans nos disciplines, on utilise la méthode : phénomène= observation

                                                  hypothèses

                                                 mises en place d'expériences

                                                     acquisition de résultats

                                                   traitement des résultats

                                                  conclusions

Généralement, lorsque l’on veut commencer un nouveau travail, c’est qu’on a une idée sur un problème que l’on sait non résolu, et pour lequel, il semble que l’on pourrait être capable de contribuer à sa compréhension. L’idée peut venir de nous-même, de conférences où l’on a vu des choses similaires (expérimentalement, théoriquement ou numériquement), de problèmes posés par des industriels ou encore de la lecture d’articles scientifiques. On se demande ce que l’on pourrait montrer, alors on cherche si le problème n’a pas déjà été étudié, si ce que l’on va faire sera utile, si c’est réaliste. A ce moment, on met en place la manip, on la met au point, on fait des acquisitions de résultats, on les traite. Généralement, il y a des modifications à apporter au système. On le fait évoluer et on recommence l’expérience. Ceci, jusqu’à épuisement du sujet ou du chercheur.

 

2/ Utilisez vous la méthode étape par étape ? Comment ? Utilisez-vous toujours la même démarche ? Prenez-vous toujours les problèmes dans le même sens ?

Généralement, chaque problème apporte un mode de travail différent, mais l’idée est celle décrite précédemment.

3/ Le "flair" c'est une méthode qui ne s'apprend pas et qui n'est pas très scientifique, mais l'utilisez vous et dans quelles circonstances ?

L’intuition est un élément essentiel dans la résolution d’un problème scientifique et il ne faut pas foncer tête baissée dans n’importe quelle direction qui serait en contradiction totale avec les lois de la physique. Mais il faut parfois braver ces lois et faire des tentatives qui de temps en temps s’avèrent intéressantes.

En plus du flair, il y a aussi le facteur « chance » mais cela est encore une autre histoire.

 

3/ Est ce qu'il vous arrive de partir dans une direction, qui mène à une impasse ? Qu'en retirez-vous ? 

Il arrive souvent que l’on parte dans une mauvaise direction ou que l’on interprète mal un résultat. Dans ce cas, il faut essayer de comprendre la cause de cette erreur, éventuellement voir si on ne peut pas corriger le tir ou alors laisser tomber et recommencer dans une nouvelle voie. Les impasses sont nombreuses lorsqu’on met au point une expérience, car le chemin que l’on doit suivre est parfois étroit, plein d’embûches et pas facile à trouver. Une fois la voie dégagée, on l’exploite au maximum de ses possibilités.

 

                                     Hervé Willaime

 

concept :François Muller @ 1998-2009