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Une lecture transversale des programmes du cycle central

Lettre d'Equipes & Projets 12

 

1. Penser l'enseignement sans viser la formation de futurs spécialistes en cherchant à faire acquérir des savoirs et des compétences indispensables quelle que soit l'orientation future.

2. Penser les apprentissages sur deux ans dans un projet de cycle

3. Travailler dans le décloisonnement au sein même de la discipline en prenant en compte la complexité et en travaillant sur des stratégies globales, voire en s'appuyant sur des concepts fédérateurs.

4. Rechercher et promouvoir les " convergences disciplinaires "

5. Faire faire de véritables démarches intellectuelles aux élèves à partir de questions fondamentales favorisant la recherche, le questionnement et la compréhension.

6. Référer les apprentissages à des pratiques sociales porteuses de sens pour les adolescents.

7. Revaloriser l'expression personnelle orale et écrite

8. Intégrer, dans chaque discipline, les objectifs de découverte et de connaissance de soi

9. Faire de la classe un lieu d'exercice de la citoyenneté

   

 

Au moment de présenter l'ensemble des programmes du cycle central, nous voudrions tout d'abord exprimer notre inquiétude quant à l'accueil qui leur sera réservé par les enseignants. Nous constatons, en effet, un réel essoufflement dans les équipes. Celles-ci ont été successivement invitées à étudier le projet de programmes de 6e, les programmes définitifs de 6e, l'avant-projet de ceux du cycle central et enfin leur version définitive. Même si l'écart entre le projet et la version finale est, sans doute, moins marqué que pour ceux de 6e, il est à craindre que ces nouveaux programmes soient regardés trop hâtivement, alors qu'ils méritent une lecture attentive et transversale. Enfin la parution récente de très copieux commentaires de ces programmes nous a semblé ne rencontrer qu'un écho trop faible, et en tout cas, en fort décalage avec les enjeux pédagogiques du cycle central.

Le premier point qui nous a arrêtés est le bilan de la consultation, présenté en avant-propos par Dominique Raulin, chef du bureau des programmes et de l'animation pédagogique au Ministère. Même si l'on aurait souhaité que ces quelques remarques liminaires soient plus développées, elles dressent quelques constats qui devraient être objet de méditation tant pour les formateurs que pour tous les responsables, corps d'inspection, chefs d'établissement et responsables d'équipes. En effet, sont évoqués là les principaux éléments de résistance de la part des enseignants à entrer dans la perspective de ce fameux socle de compétences reconnu aujourd'hui comme une nécessaire évidence.

Reprenons quelques éléments de ces constats :

" Les textes généraux qui apparaissent en tête des programmes font rarement l'objet de commentaires " ; " la lecture est généralement éclatée par discipline. La plupart des professeurs réagissent en tant qu'experts d'une discipline et ne souhaitent pas intervenir sur une vision globale de la formation " ; " Si certains jugent parfois les programmes trop lourds ou trop difficiles, a contrario, d'autres refusent les allégements. "

À l'heure où de nombreuses équipes sont polarisées par la mise en place de nouveaux dispositifs autour des trop fameux " parcours pédagogiques diversifiés ", nous souhaitons insister sur l'importance stratégique qu'il convient d'apporter à ces nouveaux programmes pour aider les enseignants à des changements de pratiques. À cet égard, il paraît indispensable de prendre le temps de lire en équipe les programmes pour dégager le projet global de formation et repérer dans chaque discipline les éléments novateurs (portant le plus souvent davantage sur les objectifs et les démarches que sur les contenus eux-mêmes).

Dans un second temps, un travail de hiérarchisation des contenus à enseigner s'avère indispensable si l'on veut entrer " dans l'esprit " de ces nouveaux programmes qui conduirait d'abord à recentrer les apprentissages autour de " fondamentaux ". Dans chaque discipline, la visée d'un socle de connaissances et de compétences pour tous les élèves est exprimée à maintes reprises. Nous n'en prendrons que deux exemples :

- en français : " le collège est le niveau le plus élevé commun à tous les élèves ; lorsqu'ils le quittent, leurs itinéraires se diversifient mais ils ont tous besoin des mêmes connaissances fondamentales dans les domaines linguistiques et culturels Ils doivent être en mesure de s'exprimer et de structurer leur jugement " ;

- en physique chimie : " Centrer l'enseignement sur l'essentiel et dégager un socle minimal de connaissances et de compétences ".

Même si l'ensemble des disciplines est encore loin de procéder de façon systématique à une approche par compétences, et même si la comparaison avec d'autres démarches programmatiques étrangères pourrait indiquer la marge d'évolution qui attend encore certains groupes techniques disciplinaires français en la matière, - et nous pensons évidemment à la remarquable démarche engagée par l'enseignement belge autour des compétences socle - ces programmes marquent une avancée en proposant aux enseignants une centration sur des démarches intellectuelles articulées avec une prise en compte de l'environnement proche des élèves. Seule la prise en compte de ces visées qui sont à la fois nouvelles - dans les pratiques - et bien connues - dans l'histoire de la pédagogie - pourrait permettre d'empêcher que l'on mette, une nouvelle fois en place, des dispositifs autour de la pédagogie de projet, des méthodes actives qui se trouveront rapidement vidés de leur substance et, en tout cas, de toute efficacité.

Malgré cette évocation du socle quasi-permanente pratiquement dans l'ensemble des disciplines, on peut avoir le sentiment que celle-ci relève surtout de l'injonction et que l'on est encore loin du processus d'élaboration qui permettrait aux enseignants de repérer clairement les éléments constitutifs de ce socle. Le travail reste à faire pour dégager les " incontournables " à viser en fin de cycle.

" L'aspect le plus novateur, ce sont les tentatives pour parvenir à une véritable prise en charge conjointe et collective, par les enseignants eux-mêmes, de différents contenus et connaissances à transmettre, tentatives matérialisées par des " fléchages " explicites et des renvois d'une discipline à l'autre. " D. Raulin

Ces considérations liminaires étant posées, nous nous proposons de définir un certain nombre de principes directeurs de la lecture des programmes.

 

1. Penser l'enseignement sans viser la formation de futurs spécialistes en cherchant à faire acquérir des savoirs et des compétences indispensables quelle que soit l'orientation future.

Pour aller dans ce sens, il nous semblerait nécessaire d'aider les enseignants à hiérarchiser les éléments de programme non pas en fonction de l'intérêt intrinsèque du savoir lui-même, mais dans une recherche systématique des clés de compréhension indispensables pour n'importe quel élève même, et surtout s'il ne poursuit pas des études dans cette discipline. Pour illustrer notre propos, nous pourrions évoquer un échange entre deux enseignants d'histoire-géographie, qui se disaient en désaccord avec les nouveaux programmes sur le nombre d'heures à accorder à l'étude de l'empire byzantin en 5e. Ce désaccord, vécu sur un mode très conflictuel, ne pouvait trouver de solution autre que dans la non coopération voire l'affrontement permanent empêchant toute collaboration réelle de ces mêmes enseignants sur bien d'autres objets. Pris à témoin, voire comme arbitre appelé à donner notre " sentiment " sur le bien-fondé de leurs choix respectifs, nous leur avons posé la question suivante :

En dehors même des injonctions claires du programme d'histoire, qui fixent à deux à trois heures le temps à consacrer à ce sujet, penser cet enseignement , dans la perspective du socle fondamental devant être atteint par tous les élèves à la fin du cycle, devrait amener à se demander : quelles sont les connaissances indispensables à faire acquérir à tous si l'on veut former un citoyen du XXIe siècle ? Ou encore, qu'est-il indispensable de savoir et de comprendre de l'empire byzantin pour situer des événements, des évolutions du monde d'aujourd'hui ? Ou encore, quels sont les éléments concernant l'empire byzantin qui peuvent faire système pour éclairer tel ou tel autre point du programme ? etc.

Il faut, pour aller dans ce sens, apprendre aux enseignants à renoncer à tout dire et à insister systématiquement sur ce qui doit être acquis pour un élève qui ne deviendra pas un spécialiste de la discipline. Nous ne saurions trop insister sur ce point. Ces nouveaux programmes nous semblent être un pas sensible pour faire, enfin, du collège le dernier maillon de la scolarité obligatoire et, dans sa conception et ses objectifs, tenter de le sortir du principe régulateur du lycée : la spécialisation progressive.

L'enseignement des mathématiques, par exemple, pourrait ainsi évoluer assez nettement dans ses objectifs et dans le rapport que les élèves entretiennent avec cette discipline.

 

2. Penser les apprentissages sur deux ans dans un projet de cycle

Nous avions déjà eu l'occasion de dire (cf. Lettre E & P n° 11 Programmes de 6e) à quel point les choix pédagogiques fondamentaux du nouveau collège viennent prendre appui sur la réforme des cycles de l'école primaire. Le cycle central, cycle de découverte, d'exploration des différentes voies d'accès au savoir avant toute orientation, est bien une période de deux ans qui doit permettre à l'élève d'asseoir les apprentissages fondamentaux avant de se déterminer. Les programmes sont pensés pour deux ans et dans de nombreuses disciplines, il est recommandé de piloter avec souplesse les progressions en fonction des élèves. Citons, par exemple, les instructions données en sciences de la vie et de la terre : " L'enseignement programmé sur deux années autorise une souplesse, l'ordre de présentation n'impose ni une progression, ni un plan de cours. " À ce titre, nous voyons se dessiner dans plusieurs disciplines des injonctions de plus en plus explicites poussant les enseignants d'une même discipline, voire d'un même champ disciplinaire, à penser collectivement une articulation et des progressions communes formalisées dans un projet de cycle. Réalité depuis plusieurs années pour l'ensemble du cursus au collège en Education physique et sportive, ces nouveaux programmes en font une obligation aux enseignants de Technologie et de Sciences de la Vie et de la Terre.

Nous sommes, pour notre part, étonnés que le Ministère ne mette pas plus en avant ces considérations. S'il est une réelle nouveauté dans ce collège en trois cycles, c'est bien ce cycle central, en tant que cycle. On peut dire que dans la réalité des pratiques, le collège n'a jamais fonctionné en cycles. Bien sûr, il était, jusqu'à maintenant, organisé en deux cycles : l'un d'observation et l'autre d'orientation, mais ceux-ci n'étaient rien d'autre - et dans le meilleur des cas - que la juxtaposition successive de progressions annuelles. Cela limitait considérablement la possibilité pour les enseignants de prendre en compte la diversité des cheminements d'apprentissage des élèves. Ce premier vrai cycle de deux ans devrait être l'occasion, autour des objectifs proposés par les nouveaux programmes, d'engager une réflexion de fond en équipe. Celle-ci devrait s'articuler autour de quelques axes :

- repérer quand cela est possible dans les programmes des compétences ou des familles de compétences à viser en priorité ;

- mettre en uvre des démarches desserrant la pression évaluative pour les élèves sur le mode : " nous avons deux ans pour parvenir à la maîtrise de telle ou telle compétence ", en en faisant tirer les conséquences aux élèves, et en les mettant davantage dans des situations d'essai, d'expérimentation, et en revalorisant de ce point de vue le droit à l'erreur et au tâtonnement dont la nécessité est encore soulignée par Jean-Pierre Astolfi dans son dernier livre, L'erreur, un outil pour enseigner, ESF.

- se mettre au travail, comme ont pu le faire certains collègues de l'école primaire, pour élaborer d'autres modes et d'autres outils d'apprentissage. Nous savons, à cet égard, à quel point " les livrets d'évaluation " de fin de cycle au primaire ont interrogé et interrogent encore les professeurs des écoles. Il va falloir affronter les mêmes questions au collège et se doter d'outils méthodologiques pour être capable d'évaluer des apprentissages effectués dans des situations visant la mise en uvre de compétences. Un vaste chantier est à ouvrir pour imaginer des situations qui permettraient à l'élève de manifester qu'il est capable d'utiliser ses connaissances dans des contextes variés et lui apprendre à repérer ses acquis et pas seulement sa moyenne !

 

3. Travailler dans le décloisonnement au sein même de la discipline en prenant en compte la complexité et en travaillant sur des stratégies globales, voire en s'appuyant sur des concepts fédérateurs.

Un réel effort a souvent été fait par les groupes techniques disciplinaires pour recentrer les apprentissages autour de principes fédérateurs qui viennent leur donner du sens en luttant contre la parcellisation des savoirs peu propice à l'implication des élèves.

En français, par exemple : " l'objectif central est la maîtrise des formes de discours progressivement plus complexes ".

En mathématiques : " la proportionnalité apparaît comme fil conducteur : afin de favoriser sa maîtrise, le programme propose de nombreuses situations géométriques, numériques ou graphiques. "

En histoire-géographie : " le programme est organisé autour de trois temps forts envisagés de manière souple comme des observatoires privilégiés qui permettent de caractériser les différentes périodes. "

En éducation civique : " les valeurs et les principes de la démocratie sont fondés sur les droits de l'homme. Ce sont eux qui ordonnent les contenus des programmes et qui constituent la philosophie d'ensemble. "

" La mission prioritaire de l'enseignement des langues vivantes est le développement de la compétence de communication Les objectifs sont tous au service de la compétence de communication. "

S'il est vrai qu'au plan de la didactique, ces programmes semblent marquer, selon les disciplines, à la fois des avancées et quelques reculs, on peut dire que, globalement, ils marquent une avancée, modeste mais réelle vers ce que Jean-Pierre Astolfi a appelé " un réseau limité de concepts apprenables et qui permettent de donner du sens " et que l'on devrait trouver au coeur de chaque discipline.

C'est autour de ces éléments fédérateurs que l'élève doit acquérir les outils méthodologiques et conceptuels. Il s'agit alors pour l'enseignant d'opérer des décloisonnements internes à la discipline et surtout de ne pas penser les acquisitions méthodologiques ou l'appropriation des outils en dehors de situations globales, qui, elles, ont du sens pour l'élève. Si l'on ne veut pas que les élèves réduisent les mathématiques au calcul ou ne fassent attention à l'orthographe qu'à l'occasion d'exercices d'application spécifiquement repérés comme tels, alors il faut, comme le préconisent les textes, travailler conjointement à l'acquisition des outils de la langue ou du calcul dans des situations problèmes ou des situations de communication.

" Une démarche utilisant les formes de discours et l'approche des textes implique une logique de décloisonnement : elle fédère les pratiques de lecture, d'écriture et les pratiques orales. "

" Le groupe technique disciplinaire a tenu à réaffirmer très clairement le lien essentiel entre la grammaire et les pratiques d'expression C'est une logique de décloisonnement qui commande ainsi à l'étude des contenus grammaticaux " ; " malgré une rédaction forcément linéaire, le programme n'est pas constitué d'une succession de rubriques étanches et fermées sur elles-mêmes. (Mathématiques).

" L'histoire et la géographie n'ont pas seulement des démarches intellectuelles communes, les contenus des programmes permettent de multiples rencontres qu'il est indispensable de favoriser. "

 

4. Rechercher et promouvoir les " convergences disciplinaires "

Quelle que soit la discipline, les rédacteurs ont tous tenu à mettre en exergue les points sur lesquels des liens sont à établir entre les disciplines. Dans son introduction, Dominique Raulin parle du " fléchage " indiquant ces fameuses convergences disciplinaires.

" La physique chimie n'apparaît en tant que telle qu'à partir du cycle central. Elle doit rester, à ce stade, fortement corrélée aux autres disciplines scientifiques " ; " un enseignement de physique chimie se met en place au cycle central, celui de technologie se poursuit, chacune des trois disciplines ayant sa spécificité, il importe de souligner et d'expliciter leurs relations en vue d'améliorer la cohérence de la formation des élèves et la compréhension du monde qui les entoure. " (Sciences de la vie et de la terre).

" Les contenus des programmes croisent les contenus de presque toutes les disciplines " (Histoire-géographie).

" Le professeur d'arts plastiques met en évidence, chaque fois que cela est possible les relations avec les autres disciplines. "

Une fois le principe intégré, il reste un réel travail à entreprendre pour que les enseignants repèrent comment coordonner leurs efforts.

Se pose alors la question des progressions entre les disciplines : effectuer un apprentissage dans une discipline pour qu'une autre puisse s'appuyer sur des prérequis. C'est en général de cette façon que les enseignants envisagent leur complémentarité. Le professeur de LV1 " demande " au professeur de français d'assurer les apprentissages concernant les déterminants et les pronoms parce qu'il en a besoin pour faire son cours. Le professeur de géographie interpelle le professeur de mathématiques en réclamant de lui un travail sur la proportionnalité pour qu'il puisse travailler avec les élèves la notion d'échelle. Cette posture professionnelle, très répandue, nous semble à interroger car elle repose sur le principe implicite qu'il est nécessaire d'entrer dans la compréhension par la théorie générale et décontextualisée pour ensuite l'appliquer dans des contextes particuliers. Ceci peut effectivement se révéler nécessaire pour certains apprentissages mais nous semble tout à fait contestable si l'on en fait un principe régulateur unique des liens entre les disciplines. Pour reprendre les exemples, l'on peut tout à fait imaginer que la question des pronoms soit posée en LV1 et vienne ensuite, et seulement ensuite, nourrir une réflexion en cours de français. Il est tout aussi pertinent de faire " manipuler " la notion d'échelle dans le cours de géographie dans des pratiques et des situations fortement contextualisées sans poser comme préalable le travail et l'acquisition de ces concepts mathématiques dans le strict cadre de leur discipline d'origine. Ces articulations entre les disciplines apparaissent souvent comme l'histoire de rendez-vous manqués, différés, pour des raisons de préséances " théoriques ", de non repérage des objets communs, d'absence de préoccupation des enseignants quant aux opportunités qu'offrent des champs disciplinaires, plus ou moins voisins du leur, de réinvestir dans d'autres contextes et dans des situations différentes, des notions, des savoir faire développés dans leurs cours. Les enseignants seraient ainsi amenés à repérer des entrées différentes dans l'approche de la conceptualisation. Il n'en faudrait pas beaucoup, alors, pour envisager de construire des progressions à partir de " concepts clefs " liés à plusieurs disciplines dans des regards complémentaires. La notion d'environnement par exemple peut être étudiée conjointement et dans des regards croisés en géographie, sciences de la vie et de la terre, physique et technologie.

Une oeuvre littéraire, comme le suggèrent les programmes, peut être étudiée en lien avec le programme d'histoire et celui d'histoire de l'art en arts plastiques.

L'on peut, enfin, imaginer d'utiliser des démarches et des concepts complémentaires pour éclairer une question ou résoudre un problème, comme les enseignants de lycée professionnel en ont l'habitude, proposer aux élèves des " études de cas " qui ne peuvent être analysés que de différents points de vue ce serait un exercice très riche permettant à la fois de faire des transferts d'un contexte à un autre dans une même discipline et faisant appel à plusieurs disciplines.

Sur l'ensemble de ces logiques didactiques, même s'ils restent encore parfois timides en se centrant sur le repérage systématique d'objets communs entre les disciplines, ces programmes marquent une avancée. Ils rendent explicites, aux yeux de tous, des points importants de recoupement entre les disciplines que les enseignants ne devraient pouvoir ignorer.

 

5. Faire faire de véritables démarches intellectuelles aux élèves à partir de questions fondamentales favorisant la recherche, le questionnement et la compréhension.

Il s'agit de faire réfléchir, de faire construire un jugement personnel plutôt que de faire mémoriser des mécanismes répétitifs et applicationnistes ; d'intégrer la dimension historique et épistémologique dans l'enseignement. "

" Permettre aux élèves d'entrer dans l'intelligibilité du monde, l'évolution des idées, l'histoire des découvertes scientifiques. " (Physique-chimie).

" Faire découvrir que la représentation cohérente du monde est enracinée dans l'expérience " ; (Sciences de la vie et de la terre).

" Choisir des textes courts mais démonstratifs hiérarchisant et mettant en relation les phénomènes ". (Histoire-géographie).

" Passer de l'utilisation consciente d'une propriété mathématique à l'élaboration complète d'une démarche déductive dans ces cas simples " (mathématiques).

" L'on approchera la complexité en se défiant des visions déterministes de l'évolution. " (Sciences de la vie et de la terre).

" Au travers de la démarche expérimentale, former à la rigueur, à la critique, à l'honnêteté intellectuelle. " (Physique-chimie).

" Mobiliser chez l'élève perception et action dans une relation étroite à la réflexion. " (Arts plastiques).

" Proposer des activités pratiques toujours reliées à la recherche d'explication. " (Sciences de la vie et de la terre).

Partir d'une expérience pour tenter une explication et construire une analyse personnelle, nous retrouvons là un des principes déjà repérés dans les programmes de 6e et qui prend ici toute son ampleur à l'âge où il est déterminant de construire ces habitudes mentales et affectives.

Il faut bien le dire, dans un nombre grandissant de cas, les premières années du collège sont devenues pour certains élèves des classes sans véritables enjeux intellectuels, durant lesquelles leur sont proposées d'abord, et avant tout, des activités d'application, d'entraînement et de réinvestissement étroites. Dans la perte de sens qui marque pour beaucoup d'élèves la progression des apprentissages au collège, ils apprennent rapidement que les questions qui étaient encore les leurs, à l'entrée au collège ne trouveront que peu, ou pas, de réponses dans le travail qui leur est proposé. Les nouveaux programmes de 6e comme du cycle central convergent pour pousser les enseignants à un double mouvement :

- repérer au sein de chaque discipline des apprentissages fondamentaux qui constituent de véritables clés de lecture et de compréhension pour les jeunes ;

- articuler ceux-ci avec le questionnement qui est encore ceux des jeunes à ce moment de leur développement.

 

6. Référer les apprentissages à des pratiques sociales porteuses de sens pour les adolescents.

L'expérience du cycle technologique au collège a bien montré l'intérêt de donner du sens aux apprentissages en partant de réalisations liées à des pratiques sociales, c'est-à-dire qui ont de véritables destinataires et ne servent pas uniquement à évaluer des acquis et à contrôler le travail des élèves. Il s'agit d'intégrer cette perspective pour le cycle central dans son ensemble (et pas seulement lors des " parcours pédagogiques diversifiés "). Comprendre l'environnement, être acteur, réaliser collectivement quelque chose qui serve réellement à d'autres est bien un moteur pour apprendre à l'adolescence.

Encore faut-il proposer dans les démarches des occasions d'avoir prise sur le réel pour le comprendre et se situer par rapport à lui. Les situations scolaires apparaissent trop souvent comme totalement artificielles aux élèves, les nouveaux programmes insistent de façon très appuyée sur la nécessité de partir de situations plus authentiques pour apprendre : " la communication en langue étrangère ne se réduit pas à l'échange de quelques formules stéréotypées imposées par les usages sociaux on communique parce qu'on a quelque chose à dire ou à entendre dans une situation donnée ".

" Utiliser au mieux les moyens contemporains pour ancrer l'enseignement dans l'environnement quotidien ". (Sciences de la vie et de la terre)

" Chaque scénario regroupe un ensemble organisé et limité d'activités auxquelles est donné un sens en référence à une réalité précise correspondant à des pratiques et usages contemporains et transposables dans la classe. " (Technologie).

Dès les premières réflexions sur le cycle central, et notamment dans une conférence de Thierry Bossard il y a quelques années, les responsables du Ministère avaient dit leur souci de faire de la démarche de projet - expérimentée notamment en cycle technologique - un principe organisateur du cycle central. C'est dans cette dimension qu'elle pourrait être développée ici.

7. Revaloriser l'expression personnelle orale et écrite

Eduquer c'est permettre à un jeune de dire " je ", d'exprimer ce qu'il sent et ce qu'il pense. Cette visée éducative fondamentale avait été repérée comme un des éléments novateurs importants des programmes de 6e. Elle est clairement réaffirmée ici. Alain Bentolila, dans son dernier ouvrage " De l'illettrisme en général, de l'école en particulier " chez Plon, a magistralement démontré que l'exclusion scolaire et sociale a toujours quelque chose à voir avec la difficulté d'expression. Les jeunes ont le plus grand mal à exprimer une pensée nuancée, précise et accessible à d'autres. Ils parlent le plus souvent de façon confuse, approximative dans un désir plus ou moins conscient d'être compris à demi-mot, sans faire l'effort de rentrer dans le cadre de référence de l'autre. Les situations didactiques, au cycle central, devraient systématiquement intégrer cette dimension dans toutes les disciplines.

Nous savons que dans des classes surchargées, même si les enseignants tentent de donner au maximum la parole aux élèves, ceux-ci n'expriment trop souvent que des bribes de pensée pour répondre rapidement à une question et pour permettre aux professeurs de poursuivre leurs démonstrations

L'organisation des situations d'apprentissage en une alternance de dialogues en petits groupes avant de faire risquer des prises de parole en grand groupe devrait être une pratique permanente au collège. Un réel effort de formation est à faire pour outiller les enseignants afin qu'ils puissent intégrer cette dimension dans leur enseignement.

Soulignons enfin l'articulation à concevoir et à mettre en oeuvre entre l'expression orale et l'expression écrite. Si les enseignants ont bien conscience des progrès à faire dans l'apprentissage de l'expression écrite, ils minimisent souvent l'apprentissage systématique de l'expression orale. C'est d'abord dans la communication avec d'autres que l'élève peut construire sa pensée et être amené à rédiger, lorsqu'il a appris à parler. Il va falloir consacrer du temps à des activités variées de communication, ce qui nous ramène à la nécessité absolue de recentrer les apprentissages sur des fondamentaux hiérarchisés.

 

8. Intégrer, dans chaque discipline, les objectifs de découverte et de connaissance de soi

 

Nous sommes frappés que ces objectifs repérés explicitement dans plusieurs champs disciplinaires, notamment, évidemment en éducation physique et sportive et en sciences de la vie et de la terre ne soient pas plus mis en avant dans la présentation globale des visées du cycle central dans les textes officiels. En effet, si ce nouveau cycle peut prendre son sens, c'est bien dans le projet salvateur de marquer un arrêt au mouvement d'anticipation en matière de détermination et d'orientation auquel le collège soumet les élèves. Il apparaît aujourd'hui de moins en moins raisonnable de demander à des enfants qui rentrent dans l'adolescence en 5e et en 4e de se déterminer prématurément. La philosophie du cycle central, bien développée dans les textes sur l'éducation à l'orientation, qui en fait s'appuie surtout, et fort heureusement, sur l'éducation des choix, telle qu'elle a pu être élaborée au Québec, propose de penser le projet de formation du cycle, d'abord et avant tout, comme un temps de découverte tant de l'environnement que de soi. Rappelons l'image du sablier qui représente, dans cette approche, les trois temps d'élaboration d'un choix. Le haut du sablier - qui serait ce cycle central - est constitué par ce mouvement de découverte et d'exploration - durant lequel avant de vouloir se déterminer et a fortiori arrêter des choix, il s'agit de s'inscrire dans un mouvement d'expansion et de recherche au plan affectif, intellectuel et social. Le temps du choix et des déterminations ne venant que dans un second temps, symbolisé bien sûr par l'étranglement du sablier. Nos amis canadiens l'appellent " cristallisation ", temps prolongé par une troisième étape, représentée par l'élargissement progressif du sablier, et appelé dans ce contexte " spécification ". Au cycle central, les objectifs de découverte et d'exploration, au cycle d'orientation et à la première année du lycée, le temps des premiers choix et des déterminations, voilà ce que semblent nous dire les textes officiels. En quoi cela peut-il donner forme aux différentes approches disciplinaires ? Comment une équipe pédagogique peut-elle, à ce moment souvent délicat de la formation des adolescents, marqué par l'incertitude, le repli, le doute identitaire, le poids des standards de groupe, proposer à ces jeunes, à la fois au plan individuel et au plan collectif, des démarches impliquantes au sein de chaque discipline pour situer les connaissances et les compétences visées dans ce questionnement ? Voilà un véritable travail de réflexion à mener tant au plan disciplinaire que transversal.

 

9. Faire de la classe un lieu d'exercice de la citoyenneté

On retrouve, peut-être quelque peu atténuée, dans l'ensemble de ces textes, la préoccupation permanente pour chaque discipline de participer à ce que l'on appelle aujourd'hui une " éducation à la citoyenneté ". Par-delà les vrais et les faux-débats qui en font le sujet à la mode, il nous semble, qu'en dehors des développements assez remarquables que l'on pourra trouver dans le programme d'éducation civique et surtout dans les commentaires de celui-ci, une lecture transversale de l'ensemble des textes pourrait permettre de dégager quelques repères essentiels pour sortir des malentendus permanents en la matière.

Dans presque toutes les disciplines, et dans le prolongement des remarques que nous avons faites sur la revalorisation des activités d'expression tant écrites qu'orales, il est fortement souligné l'importance de multiplier les situations de confrontation. Celles-ci doivent être fondées sur un travail préalable permettant l'élaboration de points de vue construits et argumentés. Les classes du cycle central doivent être d'abord des lieux de débat et de confrontation où, autour des apprentissages fondamentaux, les élèves vont faire l'expérience de l'hétérogénéité et de la différence, et faire de celle-ci un processus d'apprentissage.

Au terme de cette rapide traversée des programmes du cycle central, comme l'année dernière, lors de l'étude de ceux de la classe de 6e, malgré le caractère inégal des avancées proposées d'une discipline à l'autre, on ne peut qu'être frappé par l'extrême ambition de ces programmes. Disant cela nous voulons souligner qu'ils sont bien moins loin qu'on ne veut bien le dire parfois, de la définition d'un projet global de formation en cohérence avec les objectifs du cycle central. Il n'est pas rare qu'ils s'appuient sur le meilleur de la réflexion pédagogique actuelle. Ils nous semblent marquer une étape de transition, reprenant à leur compte, une partie des idées ayant fait peu à peu consensus dans les différents textes d'orientation qu'a connus le collège, notamment depuis 1991 avec le rapport du CNP, dont Philippe Meirieu était le rapporteur, en passant par le rapport Bouchez et bien d'autres. Si l'on savait les lire, il pourrait, à l'évidence, conduire à des avancées significatives pour les élèves. Ils essaient à leur façon de répondre aux enjeux qui sont ceux du collège et de la scolarité obligatoire d'aujourd'hui. Enjeux que résume une phrase du dernier livre de Philippe Meirieu et Marc Guiraud : " à quoi sert la culture sinon à construire sa personnalité et à exercer son intelligence, à se comprendre soi-même et à découvrir le monde, à créer des passerelles entre les hommes. " Comme le rappelle Edgar Morin dans le numéro 252 du Monde de l'éducation, il s'agirait de " former des citoyens capables d'affronter les problèmes de leur temps ".

Nous n'avons pas la naïveté de croire que ces programmes à eux seuls, vont permettre la levée des blocages considérables qui font que ces années du cycle central sont, a contrario de ces nobles perspectives, le moment du repli et du désintérêt. Années où se calcifie un " métier d'élève " fait d'apparences, de faux-fuyants et d'ennui. Nous évoquons par ailleurs les principaux points de résistance à ces nouvelles perspectives qui font que ces programmes

 

concept :François Muller @ 1998-2009